2.
Le soleil inonda la chambre dont les rideaux n'avaient pas été tirés. Harry s'éveilla en sursaut, regarda l'heure au réveil posé sur sa table de nuit, puis descendit en trombe les escaliers. Arrivé au rez-de-chaussée, il ne trouva Remus nulle part.
Il doit encore être en bas… je vais aller voir ! Après tout, j'ai promis de ne pas descendre pendant la nuit, mais là, il fait jour !
Harry ouvrit la porte qui menait à la cave, puis descendit doucement. Il faisait sombre, mais il y voyait suffisamment pour avancer sans lumière supplémentaire. Lorsqu'il arriva en bas des escaliers, il se figea. Dans une grande cage qui faisait presque toute la surface de la cave, Remus gisait sur le sol, inconscient, recroquevillé en position fœtale, entièrement nu. Ses vêtements étaient pliés sur la dernière marche, posés à côté d'une trousse de secours. Harry fut surpris de constater l'extrême maigreur du lycanthrope. Il semblait n'avoir que la peau sur les os. De multiples griffures, morsures et ecchymoses parsemaient son corps. Du sang, qui avait coulé d'une blessure à la tempe, s'était coagulé, collant une mèche de cheveux couleur d'or sur son front. Harry descendit sans bruit les deux dernières marches et s'avança vers la porte de la cage. Il constata avec surprise qu'elle n'était pas fermée à clé. Il entra et s'avança vers son ami qui n'avait toujours pas repris conscience. Harry hésita un instant, puis se décida. Il souleva Remus dans ses bras, il n'était pas lourd, et le remonta au rez-de-chaussée. Là, il le déposa avec précautions sur le sofa, le couvrit d'un plaid, puis alla chercher les vêtements et la trousse de secours. Alors qu'il commençait à nettoyer la blessure à la tempe, Remus ouvrit les yeux.
— Harry ?
— Bonjour, Professeur. Comment vous sentez-vous ?
— Fatigué… c'est toi qui m'as remonté ?
— Oui, répondit Harry en rougissant légèrement. Vous n'êtes pas bien lourd…
— Tu m'avais promis…
— De ne pas descendre pendant la nuit. Mais il fait jour !
Remus sourit.
— Aussi futé que ton père… Aïe !
— Désolé ! s'excusa Harry en retirant sa main de l'épaule de son ami où il était en train de nettoyer une griffure.
— Continue, ça va… Merci…
— De rien ! Je peux bien faire ça pour vous, Professeur !
— Tu peux faire autre chose pour moi ?
— Oui ?
— Arrête de m'appeler Professeur ! Je ne le suis plus, je te rappelle. Appelle-moi Remus, ce sera plus simple.
— D'accord.
Ils se turent tandis que Harry continuait à soigner les blessures de son ami. Le jeune homme rabattit un peu le plaid pour nettoyer une morsure sur le ventre de Remus. La blessure n'était pas profonde, mais descendait jusque dans le pli de l'aine. Harry se sentit subitement gêné lorsque le plaid glissa un peu, découvrant le bas-ventre du lycanthrope. Celui-ci s'en rendit compte et sourit en lui prenant le coton des mains.
— Je finirai tout seul. Tu veux bien aller préparer le petit déjeuner ? Je meurs de faim.
— D'accord, répliqua Harry, soulagé.
Il se précipita à la cuisine où il resta quelques instants immobile, le temps que les battements désordonnés de son cœur se calment.
Mais qu'est-ce qui m'arrive ? Pourquoi est-ce que j'étais aussi gêné ? C'était comme si je… Non, ça ne peut pas être ça ! Je me fais un film, là ! Mon pauvre Harry, tu perds les pédales !
Il secoua la tête, puis s'attela à préparer le repas.
Quelques minutes plus tard, après s'être habillé, Remus le rejoignit. Il semblait toujours aussi fatigué et ses blessures détonnaient sur sa peau très pâle. Il s'assit à table, regardant Harry qui s'affairait à faire cuire des œufs et du bacon.
Il ressemble tellement à James… mais à Lily aussi… Il a sa gentillesse… Sa timidité est touchante… Mais, il ne faut pas… je ne dois pas y penser… j'ai promis à Sirius… il avait deviné… il a toujours su lire en moi comme dans un livre ouvert… il a tout de suite su pour James et moi… heureusement qu'il était là lorsque j'ai compris que James et Lily étaient faits l'un pour l'autre… que je n'aurais jamais droit à ce bonheur…
Remus sursauta lorsque Harry demanda :
— Plats ou brouillés ?
— Quoi ?
— Vos œufs.
— Ah… brouillés.
— Ca marche !
Remus se sentit prit en faute et se morigéna.
Il ne faut plus que j'y pense !
Harry posa une assiette devant lui.
— Merci. C'est très appétissant.
— L'un des rares avantages d'avoir vécu chez les Dursley, c'est qu'il fallait que je me débrouille pour me faire à manger !
— Tu pourras peut-être m'apprendre quelques petits trucs alors ?
— Pas de problème ! sourit l'adolescent en prenant place en face de lui.
Ils mangèrent en silence, puis décidèrent d'aller se promener un peu, Remus sentant qu'il avait besoin de prendre l'air. Ils se rendirent à Covent Garden où Harry trouva un superbe livre sur les chats.
— J'aurais bien aimé l'offrir à Hermione, mais je n'ai pas assez d'argent, soupira t'il en contemplant l'ouvrage dans la vitrine du libraire. Tout ce que je possède se trouve à Gringotts… et je ne pense pas que notre monnaie ait cours ici…
— Si tu veux, je peux t'avancer un peu d'argent moldu. Tu n'auras qu'à me rembourser plus tard.
— Ca me gêne…
— J'ai une autre idée. Gringotts a une succursale dans le quartier qui accepte de changer notre monnaie contre des livres sterlings.
— Ah ! Ce serait parfait !
— Alors, allons-y !
Lorsqu'ils furent passés à la banque et qu'ils eurent échangé les Noises et les Mornilles de Harry contre de la monnaie moldue, ils retournèrent à la librairie. Ils passèrent leur journée à faire les boutiques et déjeunèrent dans un petit restaurant calme. Harry se sentait bien, même s'il appréhendait la fin de la journée. Lorsqu'ils rentrèrent, Remus soupira.
— Il va bientôt faire nuit. Je vais descendre.
— Je viendrais vous chercher demain matin.
— Non, ce n'est pas…
— J'insiste !
— D'accord, sourit Remus.
— Au fait, j'ai une petite question : comment se fait-il que la porte de la cage ne soit pas verrouillée ?
— Je l'ai ensorcelée. Seuls les humains peuvent la franchir, dans un sens ou dans l'autre. Les animaux restent bloqués à l'intérieur.
— D'accord.
— Bonne nuit, Harry !
— Bon courage, Remus…
Harry n'arrivait pas à s'endormir. Il n'arrêtait pas d'imaginer son ami en train de se faire du mal. Il se redressa dans son lit, décidé à descendre, puis soupira.
Je ne peux rien faire pour l'aider… au contraire, s'il me voit, il risque de s'énerver encore plus… Quelle malédiction… Si seulement j'étais un animagus, comme mon père ou Sirius, je pourrais aller lui tenir compagnie ! Allez, il faut que je dorme ! Il faut que je sois en forme pour aller le soigner demain matin…
Il se rallongea et ferma les yeux. L'image de Sirius apparut sur ses paupières closes. Il la chassa, ne voulant pas penser à son parrain et s'efforça de faire le vide dans son esprit. Quelques minutes plus tard, il dormait.
Remus s'éveilla à nouveau sur le sofa, Harry penché au-dessus de lui, en train de le soigner.
— Bonjour.
— Bonjour. Ca va ?
— Ca peut aller.
Pendant que le jeune homme nettoyait une vilaine coupure sur son avant-bras, assis contre lui sur le sofa, Remus sentit une chaleur intense envahir son corps.
Non ! Ce n'est pas le moment ! Il faut absolument que je chasse ces pensées de moi ! Je n'ai pas le droit…
Un frisson le traversa tout entier. Harry lui lança un regard surpris et, pour la première fois, ce fut Remus qui détourna le regard. Surpris, le jeune homme ne put s'empêcher de lui demander :
— Ca ne va pas ?
— Si, si… ne t'en fais pas… C'est bon, je vais finir…
— Mais…
— Laisse-moi faire.
— D'accord. Je vais préparer le petit déjeuner.
— Ne fais rien pour moi, je n'ai pas faim.
— Mais il faut que vous mangiez !
— Je vais aller me reposer. Je verrai après.
— Bon, comme vous voulez…
Lorsque Harry eut disparu dans la cuisine, Remus monta dans sa chambre. Il se laissa tomber sur le lit, puis se tourna, ses yeux mordorés se posant sur une photo de James, Sirius et lui. Il sentit une vague de chagrin emplir son cœur et ferma les yeux, retenant ses larmes.
Je dois être fort… pour Harry… il a besoin de moi…
Remus rouvrit les yeux, sourit, puis se tourna de l'autre côté. Il s'endormit rapidement, épuisé.
