3.
La troisième nuit de la pleine lune se déroula comme les deux précédentes. Harry descendit chercher Remus à l'aube et le ramena dans le salon pour le soigner. Cependant, ce matin là, le lycanthrope ne s'éveilla pas pendant que le jeune homme pansait ses blessures. Inquiet, Harry prit le pouls de son ami. Il était faible, mais régulier.
Que puis-je faire ? Si seulement j'avais un moyen rapide de contacter Dumbledore !
Ses yeux verts se posèrent sur le visage tranquille de Remus. Il laissa son regard errer sur la mâchoire, les lèvres fines, les joues un peu creuses, le nez fin et droit, les paupières closes et le front où des mèches dorées retombaient cachant partiellement les sourcils. Harry ne put empêcher sa main d'aller remonter doucement une mèche, caressant du bout des doigts la tempe de son ami. Sans même comprendre ce qu'il faisait, il laissa ses doigts suivre le contour du visage de Remus, descendant doucement vers les lèvres qu'ils effleurèrent. Soudain, il se pencha et posa ses lèvres sur celles de son aîné. Un frisson le traversa et il s'éloigna brusquement, le feu aux joues. Il devint écarlate lorsqu'il se rendit compte que Remus était éveillé et le regardait, un air indéfinissable emplissant ses yeux mordorés.
— Harry ?
— Je suis désolé… je ne sais pas ce qui m'a pris…
Ne pouvant supporter le regard de Remus, Harry partit s'enfermer dans sa chambre. Là, il se laissa tomber assis sur le lit.
Mais qu'est-ce que j'ai fait ? Je deviens fou ! J'ai embrassé Remus Lupin… Ma parole, j'ai perdu l'esprit… Maintenant, il va me jeter dehors ! Il ne voudra plus que je reste sous le même toit que lui après ce que j'ai fait ! Pourquoi j'ai fait ça ? Il a les lèvres si douces… bien plus que celles de Cho… mais qu'est-ce que je raconte ! C'est un homme ! Et c'est Remus Lupin ! Pourtant, il faut que j'admette que ce n'est pas nouveau… pourquoi j'ai toujours une irrésistible envie qu'il me prenne dans ses bras ? Je dois le dégoûter…
Harry sursauta lorsqu'on frappa à la porte. Il répondit, le cœur battant à tout rompre.
— Entrez !
Remus pénétra dans la pièce, l'air hésitant.
— Harry, il faut qu'on parle de ce qui vient de se passer.
— Je suis désolé, soupira le jeune homme en évitant le regard du lycanthrope. Je vais partir…
— Non ! s'exclama Remus, un peu trop rapidement.
Harry leva vers lui un regard surpris. Lupin se détourna, gêné.
— Je ne t'en veux pas de ton geste, Harry, même si j'en suis très surpris… Je ne voulais pas t'en parler, mais il y a une chose que tu dois savoir sur moi… J'espère que ce que je vais te dire ne te choquera pas… mais je te demanderai de ne pas m'interrompre…
— D'accord…
Remus se dirigea vers la fenêtre et plongea son regard dans la rue. Il suivit des yeux un passant qui tenait un petit chien blanc en laisse jusqu'à ce qu'il disparaisse au coin de la rue, puis commença son histoire.
— Nous étions en 6e année… Nous avions ton âge, Harry. Ton père et Sirius étaient très proches et je dois dire que j'étais jaloux de leur amitié si forte. Parce que j'étais amoureux de James… Je l'aimais depuis le début, depuis le jour où je l'avais rencontré dans le Poudlard Express, mais je ne savais pas ce que c'était à l'époque. Et puis, nous avons eu 16 ans… Nous étions des jeunes hommes… Ton père était si beau… J'étais de plus en plus amoureux, mais j'avais peur qu'il me rejette. Il tournait déjà autour de Lily… Il faut dire que c'était la plus belle fille de Poudlard… Sirius était au courant de mes sentiments. Je pleurai souvent sur son épaule… Jusqu'à ce fameux soir… C'était les vacances de Noël. Sirius et Peter étaient rentrés dans leurs familles, mais, je ne sais plus pour quelle raison, James et moi étions restés à Poudlard. Le soir de Noël, il a sorti des bouteilles de Bièraubeurre qu'il avait ramenées d'une virée à Pré-au-Lard. Dans le dortoir, nous avons bu ensemble en se racontant des anecdotes sur nos vies. Et puis, une chose en entraînant une autre, nous nous sommes embrassés… Sur le coup, j'ai cru que ton père voulait me faire une de ses blagues douteuses et j'ai eu mal… mais il m'a détrompé. Il m'a dit qu'il éprouvait des sentiments pour moi… Nous sommes sortis ensemble pendant deux mois… en cachette bien évidemment… seul Sirius était au courant. Je n'avais pas pu le lui cacher, mais il ne semblait pas très enthousiasmé par notre relation… Et puis, un jour… un soir, après les cours, je me rendais au dortoir lorsque j'ai entendu un bruit dans un couloir… et j'ai trouvé James et Lily en train de s'embrasser… J'ai cru que j'allais mourir sur place… Sirius m'a trouvé en larmes dans le dortoir. Je lui ai tout raconté… Le pire, c'est que je ne leur en voulait même pas ! Passé le premier choc, je me suis rendu compte que j'étais heureux pour tes parents. Au fond de moi, je savais très bien que ma relation avec James ne mènerait nulle part. Enfin… voilà mon histoire…
Le silence se fit dans la pièce. Harry n'avait pas bougé. Il essayait de digérer ce que Lupin lui avait raconté.
Mon père et Remus…Ca alors ! J'ai encore du mal à y croire… mais…
— Quel rapport avec moi ? Demanda le jeune homme d'une toute petite voix, tout en pensant connaître une partie de la réponse.
— La première fois que je t'ai vu, dans le Poudlard Express… j'ai tout de suite remarqué ta ressemblance avec ton père… je me suis retrouvé plus de quinze ans en arrière… mais, en fait, ce n'est pas ça qui me plait le plus chez toi… tu as de la chance, tu as hérité des qualités de tes deux parents… et de quelques défauts de James ! Tu es gentil, généreux… bon, je ne vais pas tout t'énumérer ou tes chevilles vont enfler ! Tout ça pour te dire que… que j'éprouve pour toi des sentiments semblables à ceux que j'éprouvais pour ton père… que Sirius le savait et qu'il m'avait fait promettre de ne jamais t'en parler… et que je viens de rompre cette promesse…
Après cet aveu, Remus avait besoin de croiser le regard de son interlocuteur. Il se retourna alors et fixa Harry qui le regardait d'un air abasourdi.
— Je ne voulais pas te choquer… Si tu veux partir, je ne te retiendrais pas…
— Je ne veux pas partir… mais je ne sais pas où j'en suis… je veux dire… l'an dernier, je croyais aimer une fille de Poudlard et maintenant… je suis perdu… j'ai besoin de temps…
— Je comprends…
Remus se dirigea vers la porte, puis se retourna une dernière fois vers Harry.
— Si jamais tu décide de ne pas répondre à mes sentiments, sache que je ne t'en voudrais pas. Tu pourras rester ici si tu le souhaites… tu es ici chez toi !
Et il sortit en fermant la porte derrière lui.
Lorsqu'il se retrouva seul, Harry se mit à réfléchir à tout ce que Remus venait de lui avouer.
Remus a des sentiments pour moi… des sentiments amoureux… mais que dois-je faire ? Sirius le savait… mais il ne voulait pas que je le sache… il voulait me protéger… et protéger Remus aussi… Si seulement j'avais quelqu'un à qui en parler !
Il était totalement perdu. Jusque là, il n'avait jamais douté qu'il aimait les filles, mais là, il se rendait compte qu'il éprouvait des sentiments très forts pour un homme, qui avait été, de surcroît, le petit-ami de son père.
Je vais devenir fou si je continue à cogiter comme ça ! Il faut que je sorte d'ici !
Il sortit de la chambre, priant pour ne pas croiser Remus, puis descendit. Arrivé dans le vestibule, il prit son blouson et sortit.
Remus sursauta lorsque la porte d'entrée claqua. Il était dans sa chambre, allongé sur son lit, les yeux clos. Des larmes coulaient sur ses joues, mais il ne les essuyait pas.
Je suis désolé, Sirius… Je n'ai pas respecté ma promesse… Je ne pouvais pas rester là, sans rien dire, alors que Harry partage peut-être mes sentiments… Je sais qu'il est jeune, beaucoup plus jeune que moi, et que notre relation, si un jour relation il y a, sera illégale, que ce soit dans le monde des moldus ou celui des sorciers… mais je ne peux pas risquer de passer à côté du bonheur une deuxième fois… J'ai trop souffert… et je n'ai plus le temps d'hésiter… Sirius… Je suis certain que si tu avais su, tu ne m'aurais pas obligé à te faire cette promesse que je n'ai pas su tenir… Harry est parti… j'espère que ce n'est pas définitivement… remarque, finalement, s'il décidait de s'en aller, ce serait peut-être mieux pour nous deux… ça lui évitera des souffrances inutiles… mais je ne veux pas qu'il me laisse… je l'aime…
Il soupira, puis se leva. Malgré l'angoisse qui étreignait son cœur, il sentait la faim le tenailler. Il descendit à la cuisine, puis se prépara un sandwich. Tout en mangeant, il alla s'installer pour lire dans le salon, mais après avoir relu trois fois la même ligne, il abandonna. Alors qu'il se demandait ce qu'il pourrait bien faire pour passer le temps en attendant le retour de Harry, un hululement se fit entendre provenant du premier étage. Remus remonta, se rendant dans la volière qu'il avait installée sur la terrasse, derrière sa chambre. Un hibou grand-duc le regardait d'un air inquisiteur et lui tendit une patte lorsqu'il approcha. Il prit le parchemin et lut. Puis, il redescendit en trombe et quitta la maison à son tour.
Harry avait déambulé toute la journée dans la ville, sans but précis, cherchant seulement à s'aérer la tête. En rentrant, il n'était toujours pas fixé sur ses sentiments envers Remus, mais se sentait un peu plus serein que le matin-même. Il entra et eut la surprise de trouver la maison dans le noir.
La pleine lune est pourtant finie…
Il alluma, puis monta au premier, pensant que Remus devait être dans sa chambre. Il frappa doucement à la porte. N'obtenant pas de réponse, il s'apprêtait à faire demi-tour lorsqu'un morceau de parchemin sur le sol attira son attention. Il le ramassa et lut :
Bellatrix Lestrange a été vue à Riley ce matin. Elle habiterait dans cette ville au 125 Oaks Road.
S. Rogue
Harry relut deux fois le mot, surpris.
Rogue ? Mais pourquoi a t'il envoyé ça à Remus ? Je croyais qu'il le détestait ! Et là, il l'aide à retrouver la femme qui a tué Sirius ? Je ne comprends plus rien… En tous cas, il faut absolument que j'aille à Riley ! Remus doit encore y être.
Il alla chercher sa baguette et sa cape d'invisibilité dans sa chambre, puis hésita.
Comment j'y vais ? Un taxi moldu va me prendre trop cher… Je n'ai pas le choix, il faut que j'y aille en balai.
Harry sortit son Eclair de Feu de sa valise, puis s'équipa. Avec sa cape, il pourrait voler sans que les moldus ne le voient. Il sortit sur la terrasse, puis s'élança dans les airs avant de prendre la direction du nord.
