5.

Le matin du 31 juillet, Harry descendit tard. Depuis "l'incident" avec Remus, deux semaines plus tôt, ils ne se voyaient presque plus, son ami passant ses journées à l'extérieur. Le jeune homme en souffrait, même s'il ne voulait pas l'admettre. Ce matin-là, lorsqu'il arriva dans la cuisine, Remus était en train de lire la "Gazette du Sorcier".
— Bonjour.
— Ah, bonjour, Harry !
Alors qu'il allait s'asseoir, le jeune homme remarqua qu'Hedwige attendait, perchée sur le rebord de la fenêtre. Il la rejoignit et prit la lettre qu'elle tenait dans son bec. Il la lut et se tourna vers Remus.
— C'est une invitation de Ron. Il me propose de venir passer la journée chez lui, pour mon anniversaire. Et vous êtes invité aussi.
— Je sais, sourit son ami. Arthur Weasley m'en a parlé hier. Ca te dit d'y aller ?
— Bien sûr !
— Alors, viens déjeuner et après, on y va.

Remus et Harry utilisèrent la poudre de cheminette pour se rendre au Terrier. Lorsqu'ils arrivèrent, ils furent accueillis par de grandes exclamations enthousiastes de la famille Weasley qui les attendait de pied ferme.
— Harry ! lança avec joie Mrs Weasley en le serrant dans ses bras.
A moitié étouffé, le jeune homme sourit à Ron et Hermione qui attendaient en retrait que Molly veuille bien le laisser respirer. Toute la famille Weasley était présente, même Charlie et Bill qui passaient quelques jours de vacances chez leurs parents. Percy, qui était en train de remplir un tas de parchemins, leva à peine les yeux de son travail pour saluer les nouveaux venus. Remus salua tout le monde tandis que les jumeaux montraient avec enthousiasme les derniers produits qu'ils avaient conçus pour leur boutique.
— Les enfants ! lança Molly. Vous n'avez pas des cadeaux pour Harry ?
A ces mots, un monceau de paquets apparurent devant le jeune homme qui les regardait d'un air stupéfait.
— Mais, c'est trop ! Vous n'auriez pas du !
— Ouvre-les d'abord ! sourit Ron.
Harry s'assit et se mit à défaire ses paquets. Outre un pull-over couleur émeraude tricoté par Molly, il reçut un livre sur les animagi par Hermione, un ensemble de farces et attrapes conçus par les jumeaux et un livre sur le Quiddich par Ron, auxquels s'ajoutèrent des bibelots et livres divers offerts par les autres membres de la famille. Lorsqu'il eut fini d'ouvrir ses cadeaux, Harry en reçu un dernier, celui de Remus. En l'ouvrant, le jeune homme sentit son cœur se serrer.
— J'ai pensé que ça te plairait…
— C'est… merci !
Il tourna doucement les pages de l'album photo, contemplant les visages souriants de ses parents, de Sirius et de Remus. Il possédait déjà quelques-uns de ces clichés, mais certains lui étaient inconnus. Notamment un où Remus tenait James par l'épaule. Il reconnut dans le regard du lycanthrope la même lueur qu'il avait vue lorsqu'il lui avait avoué sa relation avec son père. Quelque peu troublé, Harry referma l'album et lança un regard à son ami, dont le regard mordoré reflétait tout l'amour qu'il lui portait. Gêné, l'adolescent se détourna. Hermione lui lança un regard interrogateur, mais il se reprit et dit :
— C'est vraiment gentil à vous ! Mais ça a du vous coûter une fortune ?
— Non, non, ne t'inquiètes pas pour ça, sourit Arthur.
Molly fit disparaître les papiers cadeaux d'un mouvement de sa baguette, puis d'un autre, elle fit s'empiler les paquets dans un coin de la pièce.
— Vous voulez bien aller mettre la table dans le jardin ? Demanda t'elle à ses fils avant de se tourner vers Harry et Remus. Arthur et Percy doivent retourner au Ministère de bonne heure.
— Au fait, demanda Harry, vous avez des nouvelles de Vol… de Vous-savez-qui ?
— Non, rien. Je trouve ça plutôt inquiétant d'ailleurs… souffla Arthur. Vous êtes au courant pour Bellatrix Lestrange ?
— Oui, répondit vivement Remus. On l'a lu dans le journal.
— On pensait qu'il voudrait la venger ou que ça l'énerverait, mais rien…
— Tant mieux ! lança Percy sans lever les yeux de son travail. Moins on le voit, mieux on se porte !
— Percy a raison, sourit Molly. Nous aurons bien le temps de voir venir…
Harry ne partageait pas l'optimisme de Mrs Weasley, mais ne dit rien. Il ne voulait pas gâcher cette journée qui s'annonçait splendide.

Le repas fut délicieux, comme toujours. Après manger, ils débarrassèrent la table, puis les garçons décidèrent de lancer une partie de Quiddich, Harry, Ginnie et Charlie contre les jumeaux et Bill, tandis que Ron et Hermione s'installaient dans un coin pour les regarder. Remus proposa à Molly de lui donner un coup de main pour la vaisselle, ce qu'elle accepta avec joie. Elle babillait, racontant avec fierté que le magasin de George et Fred marchait très bien, tout en récurant les casseroles à l'aide de sa baguette. Remus rangeait la vaisselle propre dans le buffet, écoutant distraitement. Soudain, il sentit une violente douleur dans le bras, sa main s'ouvrit et l'assiette qu'il tenait alla s'écraser sur le sol, se brisant en mille morceaux. Molly s'empressa de la réparer, puis la rangea en proposant :
— Je peux finir seule, si tu veux.
— Non, ça va aller.
Remus sentait une sueur froide couler sur son front. Il l'essuya et s'assit, ses jambes n'arrivant plus à le soutenir.
— Tu as des nouvelles de Dumbledore ? Tu sais s'il a trouvé un remède ? Interrogea son amie d'une voix où perçait son inquiétude.
— Je l'ai vu la semaine dernière. Il n'a rien pour l'instant.
— Je suis certaine qu'il va trouver ! souffla t'elle avec enthousiasme.
— Je l'espère. Molly, ne dis rien à Harry, s'il te plait !
— Il ne sait pas ?
— Non… et je ne veux pas qu'il sache. Il se ferait du souci pour moi… et il n'a pas besoin de ça…
— Et que se passera t'il le jour où tu auras un malaise devant lui ? Il faudra bien que tu lui expliques ! lança son amie sur un ton de reproche.
— Je ne veux pas qu'il ait pitié de moi. S'il te plait…
Je ne veux pas voir dans ses yeux la même lueur que dans les tiens… ou dans ceux de Sirius quand il a su…
Molly soupira.
— D'accord ! Comme tu voudras !
— D'ailleurs, je me sens déjà mieux.
Il se leva et se dirigea vers la porte.
— Je vais voir qui gagne.
Et il sortit.

Il faisait nuit noire lorsque Remus et Harry rentrèrent. Molly avait insisté pour les garder à dîner et ils n'avaient pas pu faire autrement que d'accepter. Les bras chargés de cadeaux, Harry se rendit dans sa chambre. Remus le salua, puis partit se coucher dans la sienne. Il venait à peine de s'endormir lorsqu'un bruit lui parvint, provenant de l'autre côté du couloir. Il se releva, enfila un peignoir – il dormait nu – et s'approcha sans bruit de la chambre de Harry. En reconnaissant des sanglots, il sentit son cœur se serrer. Il leva la main pour frapper à la porte, mais hésita. Finalement, il entra sans s'annoncer. La pièce était plongée dans l'obscurité, mais Remus y voyait mieux que la plupart des gens, même en dehors des périodes de pleine lune. Il s'avança vers le lit où Harry était étendu et semblait faire un cauchemar. Remus le secoua doucement.
— Harry !
Le jeune homme ne l'entendait pas. Il parla dans son sommeil :
— Sirius… reviens… ne m'abandonne pas… je t'en supplie, reviens… Remus… ne me quitte pas toi aussi… ne me laisse pas seul… je t'aime…
Le cœur chamboulé, le lycanthrope secoua un peu plus fort son ami qui s'éveilla, posant sur lui un regard perdu.
— Je suis là, Harry, sourit Remus en s'asseyant au bord du lit.
Le jeune homme se jeta dans ses bras en pleurant.
— J'ai cru… tu étais mort…
— Ce n'était qu'un cauchemar… je ne te laisserai pas, je te le promets…
Harry enfouit son visage dans le cou de son ami, ses mains crispées sur le coton du peignoir, le corps secoué de sanglots. Remus lui caressa doucement le dos pour le calmer. Ils restèrent de longues minutes ainsi. Enfin, l'adolescent sécha ses larmes et s'écarta un peu, gêné.
— Je suis désolé… je ne sais pas ce qui m'a pris… c'est comme si une digue s'était rompue en moi… c'est comme si j'avais réalisé que Sirius ne reviendras pas…
— Je suis soulagé que tu aies enfin laissé sortir ta peine.
Remus embrassa doucement les lèvres de Harry, puis proposa :
— Tu veux que je reste cette nuit ?
— Oui…
Ils s'allongèrent, le plus jeune blotti dans les bras de son aîné. Alors que le sommeil commençait à l'emporter, Remus souffla :
— Joyeux Anniversaire, mon amour…

Le lendemain matin, lorsque Harry s'éveilla, il fut surpris de sentir la chaleur d'un corps contre le sien. Il ouvrit les yeux, tendit la main pour attraper ses lunettes, les chaussa, puis posa le regard sur Remus qui dormait toujours, un léger sourire étirant ses lèvres entrouvertes. Il contempla le visage de son compagnon, s'attardant sur chaque détail, comme s'il voulait en graver l'image dans son esprit.
Je ne sais pas si c'est à cause de notre nouveau lien, mais je trouve qu'il a l'air plus fatigué que d'habitude… Ses cernes sont plus profondes, plus sombres… ses joues se sont creusées et son teint est si pâle… Peut-être est-ce la mort de Sirius qui l'a affecté plus qu'il ne le pense… Il est si mystérieux… malgré tout ce qu'il m'a avoué sur lui et mon père, sur son amitié pour Sirius, sur sa lycanthropie, je suis certain qu'il me cache encore plein de détails sur lui, sur sa vie… J'aimerai qu'il me parle… Je vais essayer de le questionner ! D'ici la rentrée à Poudlard, j'aurais le temps d'en apprendre plus sur lui…
Sur cette bonne résolution, il posa sa tête sur le torse de Remus, se laissant bercer par ses battements de cœur réguliers. Dans cette position, il ne tarda pas à se rendormir.