6.
Lorsqu'il s'éveilla, Remus voulut se redresser, mais un poids sur sa poitrine l'en empêchait. Surpris, il ouvrit les yeux et sourit en voyant la tignasse en bataille de Harry, posée sur lui. Il passa doucement les doigts dans la chevelure de jais, puis descendit caresser tendrement la nuque du jeune homme. Harry frissonna et se redressa sur un coude, se tournant vers Remus avec un sourire.
— Bonjour.
— Bonjour. Bien dormi ?
— Oui. Merci d'être resté.
— De rien… je ne pouvais pas te laisser faire des cauchemars…
Le jeune homme s'inquiéta.
— J'ai parlé dans mon sommeil ?
— Tu as appelé Sirius… et tu as dit… qu'il te manquait…
Remus ne voulait pas lui mentir, mais il n'osait pas lui répéter ce qu'il avait dit. Il avait envie de l'entendre le lui redire et ne voulait pas le forcer à le faire à cause d'un cauchemar. Devant l'air ennuyé de son ami, Harry demanda :
— Il te manque aussi, n'est-ce pas ?
— Bien sûr. Sirius était mon meilleur ami. Je regrette d'avoir perdu toutes ces années lorsqu'il était à Azkaban… je regrette surtout d'avoir douté de lui pendant tout ce temps… j'aurais du savoir qu'il n'avait pas pu trahir tes parents…
Des larmes embuèrent les yeux mordorés de Remus qui les essuya d'un revers de la main.
— Si tu veux pleurer, n'hésite pas ! sourit Harry. Je suis là pour toi comme tu l'es pour moi.
— Merci… mais ça va…
Un léger sourire se dessina sur les lèvres du lycanthrope et son ami ne put y résister. Il se rapprocha pour l'embrasser tendrement. Alors que leurs langues se cherchaient, leurs corps se collèrent encore plus. Remus pouvait sentir le désir de Harry, aussi intense que le sien, mais il le repoussa doucement.
— N'allons pas trop vite… nous avons tout notre temps…
— Je ne te comprends pas ! S'exclama l'adolescent en s'asseyant en tailleur sur le lit. Je croyais que c'était ce que tu voulais ?
— Je le veux… mais pas comme ça… je veux d'abord que tu sois sûr de toi… je ne veux pas que tu regrettes quoi que ce soit… Tu es jeune et impatient. Je dois avouer que dans ce domaine, je n'ai pas beaucoup d'expérience, mais je sais que précipitation ne rime pas avec passion.
— Si tu le dis, soupira Harry, frustré encore une fois. Je vais m'habiller !
Il disparut dans la salle de bains sous les yeux de Remus qui se mordit la lèvre.
Je suis désolé… C'est trop dangereux pour toi… Si jamais je te contamine, je m'en voudrais toute ma vie… Même si elle risque de ne plus être très longue… Pourquoi a t'il fallu que tu m'aimes ? Si tu n'avais pas éprouvé ces sentiments, tout aurait été plus simple… Je ne suis qu'un égoïste… je devrais te repousser, te sortir définitivement de ma vie, mais je ne le peux pas… je t'aime trop…
Remus se leva et retourna dans sa propre chambre pour s'habiller.
Pendant le petit-déjeuner, Harry demanda :
— Qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui ?
— Je n'ai rien de prévu. Qu'aimerais-tu faire ?
— Eh bien… j'en sais rien…
— Que faisais-tu de tes vacances lorsque tu étais chez ton oncle et ta tante ?
— Pas grand chose, répondit le jeune homme avec une grimace. A chaque fois qu'ils partaient, ils m'enfermaient dans ma chambre. Je n'avais jamais le droit d'aller jouer dehors ou de partir en excursion avec Dudley. Ils avaient honte de moi…
— Mon pauvre Harry… ça a du être difficile… dire que je te croyais heureux… si j'avais su ce qui se passait, je t'assure que je t'aurais sorti de là bien plus tôt !
— Non, c'est bien que tu ne l'aies pas fait ! Si je t'avais rencontré plus jeune, je t'aurais considéré comme un père adoptif… et je ne veux pas que tu sois mon père…
Le sourire de Remus s'effaça. Il était troublé par ce que venait de lui dire Harry. Au fond de lui, il se sentait déjà coupable de cet amour quasi-incestueux et là, celui qu'il aimait lui faisait innocemment ressentir cet interdit.
— Qu'y a t'il ? S'inquiéta l'adolescent en voyant son air ennuyé.
— Rien…
Il soupira.
— Qu'est-ce que tu dirais d'aller au musée ? Je suppose que tu n'as jamais visité les musées de Londres ?
— Non. Les Dursley n'ont jamais voulu m'y emmener.
— Alors, il va falloir que je remédie à ça ! Lança Remus avec un grand sourire.
Remus avait passé la semaine à faire visiter les différents musées et sites touristiques de Londres à Harry, agrémentant les commentaires des guides d'anecdotes sur des sorciers célèbres ou des évènements magiques s'y étaient déroulés. Le samedi, Harry avait décidé qu'ils resteraient tranquilles chez Remus car il voulait lui apprendre à cuisiner l'un de ses desserts favoris, le gâteau au chocolat. Le jeune homme avait acheté la veille un livre de cuisine et était bien décidé à enseigner le peu qu'il savait à son ami. Ils sortirent tous les ingrédients sur la table, puis Remus consulta la recette en soupirant.
— C'est quand même plus facile quand on peut utiliser la magie…
— Oui, mais c'est beaucoup moins drôle ! Tiens, ordonna t'il en tendant une boîte à Remus, il faut tamiser 100 grammes de farine.
— D'accord.
Le lycanthrope mit toute sa bonne volonté dans l'opération, mais s'en sortit avec de la farine un peu partout, notamment sur son tablier –Harry l'avait obligé à en mettre un avant de commencer, pressentant la catastrophe – et sur le bout de son nez. Le jeune homme se mit à rire en voyant son aîné dans cet état. Pour se venger, Remus lui envoya un peu de farine à la figure. Les lunettes sales, Harry ne voyait plus rien, mais rit encore plus fort. Il enleva ses verres pour les essuyer, puis tenta de reprendre son sérieux.
— La farine, ça va dans le gâteau ! Pas sur la tête des cuisiniers !
— Ah ? Sourit Remus, jouant l'étonné. Je croyais… Bon, je fais quoi ensuite ?
— Il faut faire fondre le chocolat dans une casserole en le mélangeant sans arrêt.
— J'y vais !
Après maintes péripéties, ils réussirent à terminer le gâteau. Lorsqu'il fut mis au four, Harry contempla l'étendue du désastre, un grand sourire aux lèvres.
— Ce n'est plus une cuisine, c'est un champ de bataille ! constata t'il avec bonne humeur.
Comme Remus ne répondait pas, il se tourna vers lui et son sourire disparut. Son ami était encore plus pâle que d'habitude et tremblait de tous ses membres. Avant que Harry ait pu lui demander ce qu'il avait, il s'effondra sur le sol, évanoui.
— Remus !
Harry le souleva dans ses bras et l'amena sur le sofa, dans le salon. Puis il alla chercher un peu d'eau et humidifia le front de son ami qui n'avait toujours pas repris conscience.
Mais qu'est-ce qui lui arrive ?
Harry essayait de ne pas s'affoler, mais était terriblement inquiet. Il passa doucement sa main humide sur la joue de son ami, l'appelant :
— Remus, reviens… réveilles-toi… je t'en prie…
Au bout de quelques minutes, qui parurent une éternité au jeune homme, son compagnon ouvrit enfin les yeux. Son regard croisa celui, inquiet de Harry et il détourna la tête.
— Comment te sens-tu ?
— Je vais bien… ne t'inquiètes pas pour moi…
— Tu as un malaise et tu veux que je ne sois pas inquiet ! Qu'est-ce que tu as ?
— Rien… ce n'est rien…
— Ne me mens pas ! s'exclama Harry avec force. Je vois bien que tu as mauvaise mine. C'est à cause de ce qui s'est passé chez Bellatrix ?
Remus soupira. Il était dans une impasse. Il fallait qu'il raconte tout au jeune homme, mais avait peur de sa réaction. Finalement, il se lança :
— Il y a une bonne raison pour que je ne prenne plus la potion Tue-Loup… Lors de ta troisième année à Poudlard, lorsque Peter était encore Croûtard, il m'a empoisonné. Tous les mois, il allait verser une dose d'un poison fabriqué par Voldemort dans la potion que Rogue m'avait préparée. Je ne m'en suis pas rendu compte tout de suite… Ce n'est que lorsque j'ai commencé à avoir des vertiges et des malaises inexpliqués que je me suis douté que ça avait un rapport avec cette potion. Je suis allé voir Dumbledore qui a tout compris immédiatement. Harry… je suis mourant…
— Mais… ça fait deux ans ! Comment un poison peut encore t'affecter autant de temps après ?
— Il ne m'a pas vraiment empoisonné… en fait, il m'a inoculé une maladie très rare, que tout le monde croyait disparue et qui est en train de me ronger de l'intérieur. Peter a vraiment bien fait son travail…
Harry avait les larmes aux yeux. Il n'arrivait pas à croire ce que son compagnon venait de lui avouer.
— Non, ce n'est pas possible ! Tu ne peux pas être mourant !
Remus eut un faible sourire.
— Pourtant, je le suis. La plupart du temps, je vais bien… mais, depuis quelques temps, les symptômes sont de plus en plus fréquents. Et… cette maladie est l'une des raisons pour lesquelles je t'ai repoussé plusieurs fois… Dumbledore m'a dit qu'elle pouvait être contagieuse par ce biais-l
Harry rougit légèrement, mais fut soulagé de comprendre enfin pourquoi Remus et lui n'étaient pas allés plus loin dans la découverte de leur intimité. Changeant de sujet, le lycanthrope ajouta :
— Dumbledore et Rogue travaillent sur un antidote.
— Alors, ils vont te sauver ! s'exclama son ami, enthousiaste.
— Je l'espère de tout cœur. Je suis désolé, Harry. J'aurais préféré que tu ne saches rien…
— Et moi, je préfère savoir ! Je vais m'occuper de toi.
L'adolescent déposa un baiser sur les lèvres de son aîné, puis lui sourit.
— Tu vas te reposer et ensuite, on goûtera notre gâteau.
— D'accord.
Alors que le jeune homme se levait pour se rendre à la cuisine, Remus le rappela :
— Harry ?
— Oui ?
— Merci… pour tout !
Le sourire de Harry s'élargit, puis il alla voir si le gâteau n'avait pas brûlé.
