Chapitre 6 : Vérité ou cauchemar ?
Doren ne voulut pas répondre tout de suite à mes innombrables questions ; il insista pour que je m'habitue d'abord à mon nouvel univers.
Lorsque l'heure du déjeuner arriva, nous nous regroupâmes tous autour de la table de la petite cuisine, et Gail posa devant chacun un bol rempli d'une mixture très étrange, et très peu appétissante ; elle avait en fait plutôt tendance à le couper. Pourtant, tous les autres se jetèrent sur le repas et mangèrent de bon appétit. Peu convaincue, je ne pouvais me résoudre à plonger ma cuillère dans mon bol.
- Mange, Ilaya ! fit Plif.
- Euh ... Qu'est-ce que c'est ?
- Des céréales mélangées à des minéraux, des protéines et des vitamines ; tout ce dont notre corps a besoin, répondit Leash.
- Ah ...
Je me décidais à goûter ; c'était infect, mais je n'avais pas trop le choix.
Une fois le repas terminé, Doren se tourna vers moi.
- Très bien ; il est maintenant temps que tu saches où tu es.
Il m'emmena dans la salle de commandes, m'installa dans un fauteuil et s'assit dans un autre. Les autres nous attachèrent les poignets et les chevilles. Hanorah se mit à ses moniteurs avec un sourire quelque peu crispé.
- Prête ? fit Doren.
Avant que je puisse répondre, je sentis qu'on m'enfonçait quelque chose dans la base de la nuque. La douleur fut un instant insoutenable, et puis ... plus rien. Je rouvris les yeux ... Suffoquée, je regardais le monde tout blanc dans lequel je me tenais. Doren se tenait à côté de moi, mais il avait changé : son pull élimé avait fait place à un beau manteau de cuir noir, ses cheveux étaient soigneusement coiffés, et son regard sombre était caché par des lunettes de soleil noires. Il avait vraiment du style.
- Où sommes-nous ?
- Au cœur de la matrice.
Je fis un tour sur moi-même, et quand je refis face à Doren, un ordinateur portable posé sur une table était placé entre nous. J'étais certaine qu'il n'était pas là avant ... Mon compagnon lui ne sourcilla pas, et s'approcha de l'ordinateur.
- La matrice est un programme, créé par les machines afin de pouvoir nous exploiter. Tu te crois en 1999, Ilaya, mais nous sommes en fait aux alentours de 2199. Les hommes et les machines vivaient auparavant en harmonie ; mais la vanité naturelle de l'homme a détruit cette harmonie. Les machines nous ont prouvés que contrairement à ce que nous pensions, nous n'étions pas les plus forts.
- Mais ... commençais-je.
Doren tapa un code sur l'ordinateur, et des images apparurent sur l'écran.
- Voici le monde tel que tu le connais ... tel qu'il fut créé par les machines.
Je vis des immeubles, des voitures et toute une foule.
Doren tapa un autre code.
- Et maintenant ... voici le monde tel qu'il est réellement.
La métropole moderne se transforma en un champ de ruines. Ce n'était que désolation à perte de vue. Le ciel lui-même était assombri par les nuages sombres d'une immense tempête électrique. Il n'y avait pas un seul être vivant. La scène me fit frissonner malgré moi.
- Mais pourquoi ... demandais-je, pourquoi les machines nous gardent-elles en vie dans ce cas ?
- Parce qu'elles ont découvert que nous étions des sources d'énergie infinies. Certains de nous les ont vues Ilaya, elles nous cultivent dans d'immenses champs, de manière presque industrielle ; elles liquéfient les morts pour nourrir les vivants ; elles nous transforment ... en ça.
Il me montra la pile électrique qu'il tenait dans la main.
Mon cœur s'emballa soudain, j'eus du mal à respirer.
- Mon Dieu non ... ce n'est pas possible...
- Mais tu le savais !! N'est-ce pas ?
Je me sentis soudain emportée, et rouvris les yeux dans le vaisseau. Je tentais de me dégager, et me levais précipitamment quand Déna m'eut enfin déconnectée.
- Ce n'est pas possible ... répétais-je.
- Mais tu te doutais bien de quelque chose !! cria Doren.
- Oui mais ... mais pas tout ça, murmurais-je.
Le sol tanguait sous mes pieds ; je m'adossais à la paroi de l'Ascarus, et me laissais doucement glisser par terre. Doren s'agenouilla à mes côtés.
- Comment ... est-ce ... possible ...
Et je me mis à sangloter tandis qu'il me serrait dans ses bras.
