Chapitre 8 : Alliés et ennemis
Le lendemain de cette épreuve assez douloureuse, Doren m'emmena à la dernière phase de l'entraînement. Nous nous connectâmes et arrivèrent dans une avenue bourrée de monde. Les gens autour de nous étaient tous habillés comme des cadres supérieurs. Nous marchions à contresens d'eux, et si Doren se frayait sans difficulté un chemin à travers la masse compacte d'employés de bureau tout en parlant, il n'en allait pas de même pour moi ; malgré mes efforts, je me faisais durement bousculer et les fautifs ne s'excusaient même pas.
Soudain, une superbe blonde dans une robe rouge très échancrée nous croisa tout en adressant un sourire aguicheur à Doren. Ce dernier ne lui adressa pas un regard, mais je ne pus m'empêcher de me retourner, suffoquée par le contraste avec les costumes noirs qui nous entouraient. Lorsque je regardais à nouveau devant moi, mon compagnon s'était arrêté et me fixait avec un sourire.
- Qu'est-ce que tu regardes ? demanda-t-il.
- Oh rien, c'est juste ...
Et je me retournais à nouveau pour lui montrer la femme, mais elle avait disparu, et à la place se tenait ... un homme en complet sombre et lunettes noires, une oreillette dans l'oreille droite, qui braquait un Smith & Wesson sur mon front.
Je reculais avec horreur ... Et Doren brandit une main.
- Pause !! Cria t-il.
Et le monde s'arrêta.
- Qu'est-ce que ... woah ! Murmurais-je en écarquillant les yeux.
- Ca vois-tu, continua mon compagnon, ce sont les Agents, des programmes chargés de nous traquer, et de nous éliminer. Ils sont forts, rapides, et toute personne qui n'est pas avec nous est potentiellement l'un d'entre eux.
- Euh ... ok.
Sur ces mots, nous retournâmes dans le monde réel. Leash se chargea de me détacher, et me gratifia d'un sourire entendu.
- Alors, que penses-tu de la pin-up ? demanda-t-il.
Je haussais les épaules sans répondre.
- Tu sais, continua-t-il, c'est un de mes potes, le Mulot, qui l'a créée, et qui m'a passé le programme. Il navigue sur le Nebuchadnezzar avec Morpheus.
- Morpheus ?
- Ah oui c'est vrai, tu ne le connais pas encore. Morpheus est un grand soldat ; c'est à lui que l'Oracle a fait la Prophétie.
- Quelle prophétie ?
- L'Oracle a prédit que Morpheus trouverait l'Elu. Celui qui nous sauvera tous, ajouta-t-il devant mon air interrogateur. Il est dit qu'il existe un homme dans la Matrice, qui a le pouvoir de la modifier à volonté, et cet homme nous libérera du joug des machines. Et tu sais quoi ? Il l'a trouvé !
- Ne dis pas de bêtises, Leash ! coupa Véko en s'approchant. On n'est pas encore sûrs que ce soit bien lui.
- Moi je te dis que c'est lui ! Il a libéré Neo, m'informa Leash. Il est persuadé qu'il est l'Elu, il paraît que cet homme a fait des choses inimaginables. Il paraît qu'il bouge aussi vite que les Agents. J'ai hâte de le rencontrer !
- Dis-moi Leash, insinua Hanorah, tu es sûr que c'est pas plutôt Trinity que tu veux revoir ?!
Leash rougit, mais avant qu'il puisse rétorquer, une alarme se déclencha dans le vaisseau, et une lumière rouge se mit à clignoter. Tous les autres cessèrent sur le champ toute activité et se précipitèrent vers la cabine de pilotage. Je suivis le mouvement, sans comprendre ce qu'il se passait.
Je me glissais dans l'embrasure de la porte, aux côtés de Gail. Devant moi, Véko et Doren étaient aux commandes. A travers la vitre, je voyais défiler les parois de l'immense tuyau dans lequel nous nous trouvions ; le sol était parsemé de débris de béton.
- Où sommes-nous ? Que se passe t il ? Murmurais-je à Gail.
- Nous sommes dans les systèmes d'égout des villes qui s'étendaient autrefois à la surface, me répondit-elle sur le même ton. Ces réseaux sont aujourd'hui totalement abandonnés, on n'y trouve plus que des vaisseaux résistants et des sentinelles.
- Des sentinelles ?
- Ca, dit-elle simplement en désignant l'écran holographique entre les deux pilotes.
Il montrait une machine, sorte de pieuvre noire dont les tentacules flottaient derrière elles.
- On peut se cacher dans un tunnel auxiliaire, proposa Véko.
- Ok, on y va, acquiesça Doren.
Les deux hommes ralentirent le vaisseau, et le glissèrent dans un tuyau juste assez large pour y tenir. Puis ils coupèrent le contact, et éteignirent toutes les lumières de l'Ascarus. Seul clignotait la faible lueur rouge d'un gros bouton, au-dessus duquel Doren gardait la main levée. Le silence dans le vaisseau était étouffant.
Soudain, deux sentinelles passèrent à toute vitesse dans le tunnel. Mais elles firent demi-tour et s'arrêtèrent devant nous ; elles attendirent, semblant jauger le conduit dans lequel nous nous cachions. Elles repartirent enfin, et je réalisais que j'avais retenu mon souffle, comme tous les autres. Je me décidais à briser le silence.
- Qu'est-ce qu'elles auraient fait si elles nous avaient trouvés ?
- Elles nous auraient éliminés.
