Chapitre 10 : La mission
L'installation ne fut pas longue, l'intégralité de mes affaires tenant dans un simple sac. Je m'efforçai néanmoins de rendre l'endroit un peu plus chaleureux. Puis je sortis de l'appartement, remarquant au passage l'absence de serrures, et m'aventurai dans la coursive.
J'observais la cité du haut de mon perchoir lorsqu'une femme sortit de l'ascenseur et vint dans ma direction. Grande et svelte, mais néanmoins musclée, elle était noire, avait de longs cheveux tirés en arrière et d'étonnants yeux verts qui lui donnaient un regard dur. Lorsqu'elle arriva à ma hauteur, le sourire qu'elle m'adressa fut néanmoins chaleureux, malgré son air préoccupé. Elle s'arrêta et me tendit la main.
C'est toi la nouvelle ? demanda-t-elle. Moi c'est Niobé, je vis juste à côté.
Enchantée. Ca fait longtemps que vous êtes ici ?
Ca fait un moment en effet, et ne me vouvoie pas, tout le monde se tutoie ici. Je suis le capitaine du Logos, annonça-t-elle fièrement, le vaisseau que tu vois là-bas.
Je scrutai l'endroit qu'elle me désignait, mais je ne voyais pas la différence entre un vaisseau et un autre. J'acquiesçai néanmoins.
Que se passe-t-il en bas ? demandai-je, il semble y avoir du remue-ménage.
Oui, un vaisseau a disparu. Il paraît qu'il a laissé un message d'une haute importance dans la matrice. Le Conseil s'est réuni tout à l'heure avec tous les capitaines, et nous avons décidé d'envoyer quelqu'un le récupérer. Je vais m'en charger.
Nous échangeâmes encore quelques mots, puis Hanorah arriva, mettant fin à la conversation. Niobé nous salua et rentra dans son appartement, sous le regard mauvais de Hanorah.
Que te voulait-elle ? Cracha la jeune rousse.
Rien, répondis-je décontenancée, nous discutions c'est tout. Elle m'a dit qu'un vaisseau avait disparu.
C'est le cas, ils n'ont plus de nouvelles de l'Osiris depuis plusieurs jours. Ils vont envoyer quelqu'un le chercher.
Apparemment, c'est Niobé qui va y aller.
Quoi ?! S'exclama Hanorah. Hors de question !
Pourquoi t'inquiètes-tu pour elle, si tu ne l'aimes pas ?
Ce n'est pas pour elle, c'est ... Doren aurait du s'en charger, coupa-t-elle, il est plus expérimenté.
En effet, fit une voix grave, mais nous avons autre chose à faire.
Plus tard, une fois tout l'équipage réuni autour d'une table du mess, Doren nous expliqua notre mission.
Le Conseil a décidé de nous envoyer en reconnaissance. Une forte activité a été constatée dans le secteur 27-B nord, et nous sommes chargés d'en déterminer la cause.
Une forte activité ? répétai-je.
Les machines, répondit Véko.
Elles semblent se concentrer en grand nombre, confirma Doren, et il se peut que nous ayons quelque chose à craindre dans l'histoire. On va donc aller voir. Je veux tout le monde prêt à partir dans douze heures. Rendez-vous à 7h30 précises devant le vaisseau.
Nous nous quittâmes après le dîner. Je fis un bout de chemin avec Leash, qui habitait deux niveaux au-dessous de moi.
Où se trouve le secteur que nous devons inspecter ?
A environ cinquante kilomètres, juste au-dessus de Zion.
Et en quoi les machines pourraient-elles nous faire du mal, si loin de nous ?
On ne sait jamais avec elles, elles sont prêtes à tout.
Mais d'où vient cette guerre ? Demandais-je. Nous pourrions-nous pas vivre ensemble ?
C'est une histoire très compliquée, soupira Leash. Je te raconterai un jour. Je dirais juste que ... l'un et l'autre partis sont bien trop pétris de bonnes intentions pour même y songer.
Le lendemain matin, je remballai à nouveau mes maigres possessions, et me rendis sur le quai 19. Tous les autres étaient déjà là, et semblaient assez tendus.
Bien, fit Doren. Vous êtes prêts à partir ? Allons-y alors.
Nous embarquâmes, et le vaisseau décolla.
D'après ce que j'avais compris des discussions techniques de Doren et Véko, le seul moyen d'accéder au secteur 27-B nord était de remonter à la surface, puis de redescendre dans un autre tuyau. Je me demandais ce que j'allai voir là-haut ; serait-ce tel que me l'avait montré le capitaine lors de ma libération ?
Le voyage se passa sans encombre durant la première semaine. Hanorah avait recommencé à essayer de m'apprendre à déchiffrer les codes de la Matrice, mais elle n'avait pas plus de succès que la dernière fois, et ça la rendait furieuse.
Mais c'est pas vrai ! Hurlait-elle à travers l'Ascarus. Tu te prétends pirate informatique, et tu n'es même pas foutue de décrypter des codes simples !
Hé ! Répliquais-je. De un, je ne décryptais pas les codes d'accès des réseaux, je les contournais ! De deux, mes codes ne défilaient pas à 150 Km/h sur mon écran ! Et de trois ... je cherchais désespérément une troisième raison ... De trois, j'aime pas le vert !
A ces mots, la jeune femme se mettait invariablement à rire, et je me savais libérée pour quelques jours.
Mais plus nous approchions de la surface, plus les alertes de sentinelles se faisaient fréquentes, et Doren se montrait très inquiet.
C'est mauvais signe, répétait-il sans cesse. Je n'aime pas ça ...
Est-ce qu'elles protègent quelque chose ? Demandai-je un jour, alors que nous étions seuls dans la cuisine.
C'est ce que je crains en effet.
Mais protéger quoi ? Que feraient-elles de si important et si secret ?
Eh bien ... Ne le répète pas, je ne voudrais pas alarmer les autres ... Mais j'ai peur que les machines soient en train de préparer une offensive.
Je le fixai avec des yeux ronds. Mais au moment où il allait continuer, le haut-parleur résonna dans tout le vaisseau, appelant Doren. Nous nous précipitâmes dans la salle principale.
Doren ! S'exclama Leash en nous voyant arriver, un appel important du Logos.
Ok, répondit le principal intéressé, je prends dans l'infirmerie.
Il me fit signe de le suivre, et partit vers la salle de soins. Les autres nous regardèrent en échangeant des coups d'œil à la fois curieux et entendus, mais personne ne pipa mot.
Arrivé dans la salle, Doren ferma soigneusement la porte, et décrocha le combiné du téléphone en composant un code pour éviter d'être écouté. Je m'assis sur la table d'auscultation.
Niobé ? Que se passe-t-il ?
Salut Doren. Je viens de récupérer l'enregistrement que l'Osiris a laissé dans la Matrice avant de disparaître. Je crois que nous avons un problème.
à suivre ...
