In Stellis Memoriam
Disclaimer – voir chapitre 1.
Petits messages :
Bon alors, finalement, ce n'est pas le même titre, mais c'est bien ce que je supposais. Ca ne m'amusait pas les Weasley...
Merci pour leur soutien inconditionnel à Mystick, Alinem, Miya…et j'en oublie sûrement
Et Louloute et Titou, les perspicaces, devront attendre le prochain chapitre pour en savoir plus !
Et Csame… Non pas vexée, non… je serais bien bête… Dis comme ça, je comprends mieux... Tu vas voir, c'est pas mieux dans celui-là…Disons que je profite lâchement du fait que tout le monde connaît l'histoire…
Bravo à Alana et Alixe qui relisent, commentent, critiques et influent…
Dédicace à Sandrine qui voulait savoir « comment elle le vit »…. Je vous préviens qu'en même, Alana a dit que ça changeait d'ambiance…
6- Le détail des cicatrices
Quelque chose bougea à sa droite. Au plus profond de la forêt. Un vol de perroquets criards confirma son intuition : un prédateur venait d'exercer sa fonction naturelle. Et le loup en lui se réveilla, presque à son insu. Tous ses sens furent en alerte et il l'entendit bien avant qu'elle n'entre sur le porche de paille de la maison.
« Aesthelia ? »
« Tu ne dors pas ? »
Sa voix était incroyablement grave et chaude.
« Comme tu le vois. »
La Brésilienne s'assit, pas très loin de lui, sur la rambarde du porche.
« Il fait si chaud cette nuit » dit-elle.
Il ne trouva rien à lui répondre. Il ne pouvait distinguer dans la pénombre que son profil étrangement éclairé par sa simple robe de coton blanc.
« Elle arrive quand ? », demanda-t-elle soudain.
« Elle est déjà arrivée… »
« Tu n'es pas allé à sa rencontre ? »
« Elle souhaitait faire la fin du voyage seule », expliqua Remus avec quelques difficultés.
« Hum… Elle a toujours des choses à te prouver », constata Aesthelia.
« Sans doute… » - souffla-t-il, pas certain qu'il avait envie de parler de cela maintenant avec cette femme-là. Une des plus grandes ethnomages du Brésil, une des plus belles femmes qu'il connaissait, une vieille amie, une femme que Sirius avait aimée… la vraie 'Laelia'… Il n'avait pas envie qu'elle aussi se mette à juger sa relation avec Tonks.
Elle sentit sans doute sa réticence.
« Remus… j'aime beaucoup Tonks… Elle m'a impressionnée, il y a deux ans, quand elle est débarquée ici… Sa capacité à apprendre, à comprendre, à réagir… Ce n'était pas un rôle facile celui que vous lui aviez demandé… et elle n'a pas failli. »
Lupin ne répondit rien. Il savait que très peu de choses des détails de l'exécution du plan de Dumbledore. Pour de simples raisons de sécurité… C'est Albus qui avait pensé à Tonks pour jouer le rôle de Laelia et implanter des souvenirs crédibles dans la tête de Cyrus… Pas lui. Lui n'avait fait que fournir des éléments : le lieu : l'Amazonie, le modèle : Aesthelia Sylva da Marin.
« C'est si difficile ? », demanda l'ethnomage avec beaucoup de sympathie.
Il soupira. « Non, c'est… c'est merveilleux… être amoureux, c'est merveilleux…Mais il y a le regard des autres… »
« Je croyais que tu avais appris à t'en moquer, Remus ? »
« Pour moi, oui… mais pour elle… » Il se leva et vint à côté d'elle. « Ecoute, quand je suis allé chercher les garçons avant de venir ici chez des amis proches… les Weasley… des sorciers purs mais très ouverts… Et bien, la mère, Molly, n'a pas pu s'en empêcher… 'Je me rappelle de Nymphadora, Remus, elle n'était pas dans la classe de Charlie ?' – Charlie, c'est son fils aîné. »
« Et le fils aîné, il habite toujours chez elle et il lui demande la permission d'aimer ? », répondit immédiatement Aesthelia avec cette emportement latin que Remus lui enviait.
« Le problème est que Tonks est plus jeune que Charlie », répondit très doucement Remus.
« Et alors ? Tu ne l'as pas violée, n'est-ce pas ? »
« Non », répondit Remus, en riant. Aesthelia avait toujours été comme cela – directe et logique. Comme Sirius en quelque sorte, une sorte de jumelle féminine, juste plus prudente…
« Tu ne couchais pas avec elle quand elle était ton élève ? », continua-t-elle.
« Non, bien sûr que non ! »
« La regardais-tu même comme un être sexué à cette époque ? »
« Non », reconnut encore Lupin. « Non… elle m'amusait beaucoup… comme beaucoup d'autres élèves… Enfin, un peu plus que d'autres mais… mais je n'avais plus pensé à elle avant qu'elle ne réapparaisse dans l'entourage d'Albus… »
« Tu vois ? », dit Aesthelia triomphante.
Il sourit dans la pénombre.
« Et toi ? »
« Moi ? »
« Hum, hum… »
« Moi… moi, Remus… Moi, je n'ai pas ta chance… Moi, personne ne me rajeunit… au contraire… » L'émotion faisait remonter son accent brésilien dans l'anglais très pur qu'elle parlait. Lupin n'eut pas trop de difficulté à décrypter le message.
« Sirius ? », souffla-t-il.
« Qui ? », demanda-t-elle avec des larmes dans la voix.
Il ne sut que répondre et elle explosa d'un coup : « Te rends-tu compte que je l'ai attendu tant d'années… que j'ai refusé de croire qu'il pouvait être coupable… ?! »
« Et tu avais raison », coupa Remus - sans effet sur le chagrin de sa compagne.
« J'ai attendu… et un jour j'ai cru que j'avais eu raison… Tu m'as écrit et il est arrivé… Mais ce n'était pas Sirius, c'était... c'était un cauchemar… Un cauchemar d'un mètre quarante… Et je n'étais rien… plus rien pour lui… »
Remus la prit dans ses bras – que pouvait-il faire d'autres ?
« Je suis désolé… je ne savais pas que ça c'était passé comme ça ! Je n'aurais jamais dû revenir avec eux aujourd'hui… »
« Non… non Remus… Je suis contente de vous voir… de LE voir enfin sauvé… de connaître enfin Harry… de te voir, toi… si…si…si heureux…Bravo, Remus, tu peux être fier de toi… J'aurais sans doute aimé avoir une si grande tâche à accomplir… »
« Aesthelia… » - soupira-t-il, désolé. « Aesthelia… Tu es encore si jeune… Ne dis pas non ! Tu es une des ethnomages les plus réputées au monde… Tu sauves des savoirs magiques inestimables de la pression moldue et de l'indifférence du monde magique… Tu ne peux pas dire que tu ne fais rien de ta vie ! »
La jeune femme ne répondit rien à tout cela et continua à pleurer sur son épaule. Sans doute retenait-elle ces larmes depuis si longtemps. Il attendit qu'elle se fut un peu calmée pour reprendre.
« Cyrus t'a reconnu, lui », lâcha-t-il, très doucement.
Elle le repoussa pour scruter ses yeux dans la faible lumière renvoyée par le fleuve.
« Que veux-tu dire ? »
« L'autre jour, il m'a demandé si tu étais bien l'Aesthelia des souvenirs de Sirius… », expliqua-t-il. « J'ai dit oui… »
Elle encaissa l'informatin mieux qu'il ne l'avait espéré.
« Qu'est-ce qui se passe vraiment dans sa tête, Remus ? »
Lupin avait attendu cette question depuis dix jours, depuis qu'ils étaient arrivés chez elle, avec armes et bagages. Elle n'était curieusement pas venue, et il s'en était étonné sans oser faire le premier pas pour autant. Il avait pressenti une muraille de protection, une division acharnée entre le passé et le présent. Il n'avait pas voulu l'ébranler.
« Hum… Sirius a cessé d'avoir une pensée séparée de lui… » - commença-t-il prudemment. Il la sentit se tendre. « Ça ne veut pas dire qu'il est… mort… ou qu'il a même disparu » - ajouta-t-il, un peu précipitamment sans doute. « C'est plus compliquée que cela… Il est présent… mais il est présent au travers de Cyrus… Il fait parti de ses souvenirs, de ses expériences, de ses connaissances. Il peut même a priori émettre des jugements et… comment dire… des désirs, des ambitions… Il a d'ailleurs de très grandes ambitions pour Cyrus… des désirs d'excellence…une sorte de revanche sur tout ce qu'il croit avoir mal fait -qui me fait un peu peur parfois… »
Il se tut. C'était la première fois qu'il livrait ses angoisses à quelqu'un. Ils en avaient bien discuté avec Severus mais en se limitant aux aspects « techniques » de cette évolution. Remus soupira et reprit : « Il est présent aussi par ses pouvoirs… encore que pour en être totalement munis, Cyrus doit être capable de les maîtriser… Comme tout jeune sorcier... finalement. »
Son amie s'assit à côté de lui sans rien dire. Il la sentait peser ses paroles avec sa rigueur toute scientifique.
« C'est pour cela que vous êtes venu voir Don Leandro ? » - demanda-t-elle enfin.
« On ne peut rien te cacher… » - sourit Remus. « Je pense en effet qu'il ne faut pas ignorer les pouvoirs potentiels de Cyrus… Il faut plutôt lui apprendre à les maîtriser… le plus tôt possible…et puis Harry aussi doit augmenter ses capacités de concentration… »
« Pourquoi ? »
« Il souhaite devenir un Animagus… et je pense que c'est en effet indispensable pour toute personne vivant près de moi…»
Un nouveau vol de perroquets indiqua que la chasse continuait dans l'obscurité de la forêt.
« Tu n'as pas changé, hein, Lunard ?», commenta Aesthelia dans le silence revenu. Sa voix était calme comme si la tempête de sentiments était passée. « Tu portes toujours autant d'attention aux détails, hein ? »
« Ai-je d'autre choix ? », demanda Remus dans un souffle.
oo
Nymphadora s'étira avec des gestes de chat avant de reposer ses deux bras sur la table métallique. Il faisait si chaud que, même à l'ombre, le contact du métal n'avait rien de rafraîchissant. Le serveur arriva alors, avec sa veste blanche tâchée, son pantalon noir déformé et ses chaussures poussiéreuses. Un indien déguisé en serveur chic de ce bar oublié de Manaus. Sur un petit plateau, il lui apportait sa deuxième cachassa de l'après-midi. Et elle devait reconnaître que l'alcool de canne à sucre servi sur des glaçons et des feuilles de menthe était sans doute adapté à la chaleur moite et lourde. Et à ses angoisses, lourdes et moites, elles aussi.
Le serveur dit quelque chose où elle crut comprendre que « son mari n'allait plus tarder ». Elle sourit. Tout le monde sur cette petite place, toute entière dans l'ombre de cette improbable église baroque mangée par la végétation et l'humidité amazonienne, la connaissait depuis ces dix jours qu'elle venait, tous les jours, attendre Remus et les garçons quand ils rendaient leur visite quotidienne à Don Leandro.
Elle y était allée avec eux la première fois seulement. Et le souvenir de cette étrange maison, à deux pas de cette petite place, avec sa façade elle aussi baroque et dévorée, avec ses volets tirés à toute heure du jour, son patio où une petite forêt vierge avec sa flore et sa faune les attendait, allait compter parmi les plus vibrants de son deuxième séjour au Brésil. Il y avait aussi ce vieil homme, assis dans un grand fauteuil en osier, parcheminé, presque squelettique, vêtu d'un costume indien blanc traditionnel. Cet homme silencieux, si vieux qu'il ne se déplaçait plus. Ce regard qui vivait pour lui. Ce regard noir qui l'accompagnerait partout désormais elle le savait. Don Leandro avait pris un temps incroyablement long pour prendre la parole. Elle avait été sidérée de la patience de Remus et des garçons. Elle s'était sentie désespérément incapable de la même attention et de la même humilité qu'eux. Finalement, une main incroyablement décharnée s'était tendue vers Harry.
« Alors te voilà…Harry Potter… Approche… »
Avec un regard pour Remus qui l'avait encouragé de la tête, Harry avait obéi. L'homme avait pris sa main très délicatement et avait fermé les yeux.
« Hum… Je le sens… oui, je le sens ce pouvoir… cet amour qui t'a déjà sauvé et qui t'accompagne… Prends en bien soin.»
Harry avait lentement acquiescé.
« Ton père… oui, ton père... m'a dit que tu voulais devenir un Animagus… » Ses yeux s'étaient ouverts et avaient plongé dans ceux du jeune garçon. « Tu t'en crois capable ? »
Harry répondit très doucement.
« Je… je ne sais pas… Je veux essayer… de tout mon cœur… »
« Le cœur », avait gravement approuvé le vieux sorcier. « Le cœur sera toujours le plus important pour toi… »
Il avait lâché la main d'Harry qui avait senti qu'il en avait pour l'instant fini avec lui. Il était revenu aux côtés de Remus qui lui avait souri. Tonks, elle, s'était sentie incurablement inutile. Le sorcier avait alors appelé Cyrus à ses côtés.
« Toi, c'est la deuxième fois que je te vois… La première fois, tu avais un corps…mais ton âme trouvait ce corps trop petit… T'es-tu réconcilié avec elle ? » Le garçon avait pâli. Mais le sorcier n'attendait pas vraiment de réponse. Il avait pris sa main et fermé les yeux : « Oui je la sens… ton âme… Elle est bien en toi… contente d'être là finalement… Elle est très ambitieuse cette âme… Malgré tout ce qu'elle sait, elle a encore beaucoup à apprendre… Elle doit apprendre quoi faire de cette ambition gigantesque…. La tête, Cyrus… siège de la mémoire et de l'âme… Il faudra que cette tête sache discipliner ce corps et cette âme… »
L'enfant avait hoché la tête avec une hésitation visible, comme s'il n'était pas vraiment sûr du sens de ces paroles.
« Je vous verrai tous les jours… Tu seras là, Remus… Ils auront besoin de toi »
Remus avait acquiescé, avait salué respectueusement le vieil homme qui l'avait remercié d'un geste. Ils étaient ensuite ressortis du sanctuaire, raccompagnés par une jeune sorcière qui avait précisé à Remus le rendez-vous du lendemain. Tonks s'était sentie particulièrement transparente pendant toute cette entrevue, mais au moment où ils allaient rejoindre la lumière crue de la rue, la jeune fille l'avait tirée en arrière et lui avait glissé subrepticement.
« Le maître m'a demandé de te dire que tu dois d'abord choisir quel rôle tu veux jouer dans leur destiné avant qu'il puisse te parler. »
Et là était bien la question, toute la question, dix jours plus tard. Quel rôle voulait-elle ? Quel rôle pouvait-elle jouer ?
Certaines choses étaient simples. Les nuits étaient simples. Les corps semblaient s'être apprivoisés bien plus vite que les âmes… Les nuits à elles seules justifiaient qu'elle soit venue au fond de la forêt amazonienne. Les journées, elles, hésitaient.
Construire des cabanes, nager dans le fleuves, dîner au restaurant, écouter Aesthelia leur expliquer le sens des sanctuaires et des rituels indiens étaient simple. C'étaient des moments où elle croyait avoir trouvé sa place… Les garçons aimaient bien qu'elle partage leurs jeux ou qu'elle autorise, par sa seule présence, des explorations un peu plus longues que d'habitude. Généralement, elle n'avait pas à insister beaucoup pour qu'ils l'écoutent. Et elle supposait, sans avoir osé demander, que Remus avait dû rendre clair le fait qu'il fallait l'écouter.
Mais il y avait d'autres moments où elle se sentait moins à sa place. Lors de la seule colère de Remus contre les garçons – pour une sombre histoire de hiboux utilisés sans son autorisation et qui risquait de donner leur localisation exacte – par exemple. Elle avait fini par aller rejoindre Aesthelia sous le porche… Que dire aussi lorsque l'ethnomage et Remus parlaient de leurs souvenirs de jeunesse ? Comment réagir avec justesse lorsque des marchands avaient demandé à Remus si elle était sa fille ? Surtout face aux garçons avaient explosé de rire et l'avaient appelée "soeurette" jusqu'à ce que Remus leur demande d'arrêter…
Devait-elle aussi apprendre à se méfier d'elle-même comme quand, ce matin, elle lui avait demandé comment avançait leur travail avec le vieux mage. Remus avait expliqué longuement qu'il était content des résultats, que Cyrus était plus conscient de ses pouvoirs et de ses limites et que Harry n'était pas loin d'un niveau de concentration qui rendrait possible le lancement d'une quête intérieure de son Animagus.
« Comment vas-tu continuer cela à Poudlard ? », avait-elle demandé un peu par politesse. Elle ne pouvait pas s'empêcher de trouver un peu dangereux et inutile le projet de faire d'un garçon d'à peine douze ans un Animagus…
« Je vais demander à Minerva de travailler avec lui », avait-il répondu avec un petit sourire en coin.
« Elle accepte un truc pareil ? », s'était étonnée plus franchement la jeune femme. Pour elle, Minerva restait une professeur exigeante et peu encline aux compromis.
« Pas encore », avait reconnu Remus. « En fait, je ne lui en ai pas encore parlé… mais je saurai la convaincre, j'y mettrai le temps qu'il faut… »
« Et bien ! », avait-elle commenté avec un petit sourire. « Et pour moi aussi, tu as comme ça des projets dont tu ne me parles pas ? »
« Hum », avait-il répondu avec le même sourire, «Cinq enfants ? »
Un peu à sa propre surprise, elle s'était sentie se raidir, et les mots étaient sortis de sa bouche avant qu'elle ne puisse peser leur pouvoir de destruction : « Cinq ? Une vraie meute ! »
Douze heures plus tard, son cœur battait encore la chamade en songeant à l'éclat glacial qu'avaient instantanément pris ses yeux et à la sécheresse de sa voix quand il avait sombrement répondu, avant se plonger pendant de longues heures dans son travail : « Exactement ».
Elle soupira, encore agacée contre elle-même. Et contre lui aussi… Ne pouvait-il pas voir que ce n'était pas sa lycanthropie le problème ? N'avait-elle pas été son élève ? Ne savait-il pas ce qu'il lui avait appris ? Elle savait qu'il n'y avait qu'un, et un seul, moyen de devenir loup-garou, c'était d'être mordu. Il n'y avait pas de «lignée» de loups-garou. Et pendant ses études d'Auror, le professeur de Londres qui venait leur parler des créatures du Mal l'avait encore répété. Tout le reste n'était que légendes, préjugés et sottises… Elle avait juste voulu dire qu'elle n'était pas prête… Ok, elle l'avait mal dit.
Ils arrivèrent à ce moment-là. Les trois silhouettes, avec leurs légers vêtements moldus. La haute silhouette châtain et les deux plus petites silhouettes brunes – les deux garçons avaient quasiment la même taille maintenant, malgré l'année qui officiellement les séparait. Cyrus serait sans doute très grand… Elle leur fit un léger signe de la main, un signe auquel seuls les garçons répondirent immédiatement. Son cœur se serra jusqu'au moment où elle croisa les yeux de Remus et qu'elle se sut pardonnée.
Ce soir-là, les garçons étaient visiblement épuisés de leur travail avec Don Leandro. Remus avait presque dû les soutenir pour arriver jusqu'à la petite place. Tonks n'avait pu s'empêcher, en voyant leurs traits tirés et leurs yeux vides, de penser à sa fatigue qu'elle ressentait après les longues journées de ses entraînements d'Auror.
« Je ne sais pas s'ils sont capables d'utiliser de la poudre de Cheminette pour rentrer », murmura-t-il. « Tu te sens d'en emmener un ? »
Elle s'empêcha de trouver la question désobligeante.
« Oui… Qui veut venir avec moi ? »
« Moi », annonça immédiatement Cyrus, avec qui les choses restaient plus simples.
« Moi aussi » finit par ajouter Harry, qui semblait le plus fatigué des deux.
« La prochaine fois », décida Remus pour couper court à toute surenchère.
Ils rentrèrent dans le bar tenu par une vieille Indienne – presque aussi vieille que Don Leandro lui-même. Elle leur prêtait quotidiennement son feu pour leurs déplacements. Dans la salle poussiéreuse mais fraîche, ils prirent chacun l'un des garçons par la main fermèrent les yeux. Ils murmurèrent en même temps l'incantation qui les projeta dans l'espace. Tonks avait senti la main de Cyrus se crisper dans la sienne et elle aussi avait resserré son étreinte. Il n'était pas question qu'il lui arrive quoi que ce soit…
Les deux garçons s'effondrèrent plus qu'ils ne s'allongèrent, à peine arrivés, dans les hamacs qui se balançaient doucement sous le porche d'Aesthelia.
« Hum… » - commenta Remus en les regardant avec un air moqueur. « Vous allez dîner tout de suite et aller vous coucher…. »
« On devait aller au restaurant », protesta faiblement Cyrus.
« On ira demain », promit Remus en rentrant dans la maison, sans doute pour mettre sa décision en exécution.
« Pff… trop nul », murmura Cyrus. Et Tonks n'avait pu s'empêcher de sourire. « Dis-lui, toi », plaida immédiatement le jeune garçon.
Nymphadora secoua la tête pour toute réponse. Comme il fronçait les sourcils, elle avait ajouta :« Je ne crois pas que mon avis compterait beaucoup en la matière…» Juste après, comme pour la phrase avec la meute, elle réalisa tout ce que ça disait sur son manque de confiance en elle dans leur relation.
Elle sentit le regard d'Harry sur elle du fond du hamac – cet incroyable regard vert qui lui venait disait-on de sa mère - mais il ne dit rien dit. Elle se demanda, une fois de plus, ce que Harry pensait de sa relation avec son père, ce que cachait sa perpétuelle réserve polie. Quand il était enfant et elle, élève à Poudlard, ils s'entendaient pourtant plutôt bien et il avait été enthousiaste quand il l'avait revue aux côtés de Albus. Mais depuis qu'elle et Remus avaient commencé une relation... personnelle, le garçon s'était éloigné.
Remus, la seule fois où ils en avaient parlé, lui avait conseillé de laisser faire le temps… Elle s'était alors, une fois de plus, interrogée sur ce que serait sa réaction quand il la découvrirait parmi ses professeurs à la rentrée – Remus avait dit qu'ils n'avaient pas besoin de savoir cela pour l'instant. « Pour l'instant, ils doivent apprendre à te connaître en tant que personne, le professeur Tonks sera quelqu'un d'autre… » - avait-il expliqué. Sans doute, savait-il mieux qu'elle. Mais Harry passerait-il ses cours à la dévisager ainsi de ses yeux verts ? Elle en frissonnait presque.
Leur dîner avalé, les garçons allèrent effectivement se coucher tôt. Eux avaient attendu Aesthelia pour dîner. Tout semblait si parfait, ce soir-là. Le poisson grillé, le manioc, les cris des perroquets, le clapotis du fleuve, les étoiles... A la demande de l'ethnomage, Remus leur expliqua que Harry était aujourd'hui arrivé au terme d'un voyage intérieur qui lui avait donné accès à tous ses souvenirs, même aux images de ses parents biologiques et aux événements de ce sombre Halloween qui l'avait fait orphelin. Don Leandro avait dit qu'il n'aurait jamais cru obtenir un tel résultat en si peu de temps.
Aesthelia s'était interrogée à voix haute. Ne demandaient-ils pas trop de si jeunes garçons ? Remus avait pris son temps pour répondre : «Je me suis posé la même question… Je ne sais pas si nous ne sommes pas allés un peu trop loin, un peu trop vite mais… mais les résultats sont exceptionnels parce que… parce que les capacités d'Harry sont au-dessus de la moyenne… Je ne dis pas qu'il n'a pas bossé pour y arriver… mais bon, ça ouvre des possibilités incroyables… » Les deux femmes avaient souri de sa nervosité. Qui aurait osé prétendre que Remus n'avait pas tout fait pour faire du Survivant un garçon normal ? Ce n'était pas Harry qui était différent, c'étaient les circonstances.
Ils étaient ensuite partis marcher le long de fleuve à la lisière de la forêt, continuant leur conversation légère et amicale. Ils étaient revenus lentement vers la maison. Les cris de Cyrus leur étaient parvenus alors qu'ils montaient les escarpements rocheux qui séparaient la maison du village indien.
« PAPA ! PAPA ! TONKS ! PAPA ! »
Remus s'était mis à courir le premier. Quand les deux femmes étaient arrivées à la maison, ils avaient déjà disparus à l'intérieur. Elles s'étaient hâtées vers la chambre des garçons où Harry hurlait, hurlait des mots sans suite, les deux mains collées contre son front.
« Harry, Harry », répétait Remus en le secouant doucement pour le faire sortir de ce qui ressemblait à un cauchemar. «Harry, je suis là… Parle-moi, parle-moi !»
Il avait fallu de longues minutes au garçon pour ouvrir très lentement ses yeux verts, exorbités. Sa cicatrice parut étrangement visible à Tonks, quand ses mains se décollèrent de son front pour serrer son père contre lui. Elle eut l'impression fugace qu'elle rougeoyait comme une braise.
« Harry… Harry, ce n'est qu'un rêve… »
« Non… Il est là… il va venir… il va tuer !»
« Qui Harry ? », demandait Remus avec sérieux et patience.
« Le serpent », avait soufflé le garçon. Les deux femmes avaient échangé un regard surpris.
« Le serpent ? », avait répété Lupin toujours très sérieux.
Harry avait hoché la tête.
« Le serpent… le serpent… il est énorme… énorme… Il me parle… à moi… Il veut que je vienne… Il veut se venger »
« Ça, c'est la culpabilité… Fallait pas s'en prendre aux Serpentards ! » - lança Cyrus avec dérision. D'un simple regard, Remus le fit plus que taire. « J'ai dit ça pour rire », bougonna l'enfant en battant en retraite physiquement pour venir presque se cacher derrière Tonks. Instinctivement, elle posa la main sur son épaule et il lui sourit faiblement. Mais ce sourire lui rappela un Sirius oublié, ce jeune homme qui avait défié la famille Black du haut de ses seize ans – avec cette même incapacité à se taire quand il l'aurait fallu, se rappela la jeune femme.
« Harry », souffla Remus. « Il n'y a pas de serpent ici… »
« Il n'est pas ici… Il est… il est dans une cave… »
Cyrus leva les yeux au ciel. Tonks lui fit signe de se taire.
« Papa, c'est vrai ! » - cria alors Harry.
« C'est un rêve, Harry », répéta très doucement Remus.
« Non », répondit Harry avec obstination. « Il va se venger si je ne viens pas… Se venger contre ceux que j'aime… »
« Bien », dit Remus, avec le ton de quelqu'un qui ne va pas s'en laisser conter plus longtemps. « Ce rêve a l'air très impressionnant… mais, Harry, ceux que tu aimes sont presque tous dans cette pièce - qui n'a rien d'une cave - et, donc, il n'y a pas de danger immédiat… » Tonks vit le garçon lui lancer un regard lourd, mais ne pas oser répliquer à cela. « Donc, le mieux qu'il y ait à faire est de se recoucher et de prendre des forces pour demain… et tout ce qui pourrait réellement se passer», ajouta-t-il en raccompagnant Harry jusqu'à son lit et remontant ses draps sur lui. « Toi aussi, Cyrus ». Le garçon ouvrit la bouche, puis se ravisa, et obéit. Remus le borda lui aussi avant de se retourner vers les deux femmes.
« Je vais rester jusqu'à ce qu'ils se rendorment », expliqua-t-il très calmement. Tonks ne sut qu'hocher la tête devant ce nouveau moment où elle se sentait mise de côté.
« T'es pas obligé », marmonna Harry avec un peu de confusion – comme s'il venait de réaliser la présence des deux femmes et la scène à laquelle elles avaient assisté.
« Essaie un peu de me faire changer d'avis », répondit légèrement son père adoptif.
« Moi, je serais toi, Harry, je garderai mes forces pour autre chose », commenta Cyrus en se blottissant contre son oreiller.
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Bon là… je crois que tout y est… On va pouvoir attaquer l'année scolaire…
Ça va s'appeler « Secondes fois… » Et ça n'attend que vos reviews pour être mis en ligne…
