In Stellis Memoriam

Disclaimer : In JKR honorem.

Merci à tous ceux qui lisent et le disent... Juliette, je crois que tu seras surprise par ce chapitre... si tu trouves le temps de le lire... Antarès, non, ce n'est pas exactement la fin...

Merci à Alixe, l'enthousiaste, Alana, qui n'aime pas trop les violons et Vert, qui veille sur la concordance des temps... Evidemment.

18 - Compte de Loup

Ce fut Tonks qui prévint Harry du réveil de Cyrus. A la fin d'un cours plutôt animé, où il s'était agi de maîtriser des lutins malicieux, elle lâcha presque négligemment au moment où les élèves se levaient :

« M. Potter-Lupin... j'aimerais vous parler.. »

Harry, qui allait déjà atteindre la porte, s'arrêta net et la regarda pour évaluer ce qui lui valait cette convocation. Mais Tonks semblait absorbée par les rouleaux qu'elle empilait soigneusement sur un coin de son bureau. Harry répondit donc par un haussement d'épaules au regard interrogatif de Ron et Hermione.

« On t'attend ? » demanda le premier.

Mais avant que Harry ait pu répondre, une voix traînante s'insinua dans leur conversation :

« Alors le chouchou ? Tu vas pas voir ta maîtresse favorite ? » Drago Malefoy le toisait avec une certaine hauteur. « Au fait...C'est elle qui t'a sauvée dans la Chambre des secrets ? »

Mais Harry avait en réserve suffisamment de mépris pour le Serpentard pour ne pas s'échauffer inutilement. Il se contenta de demander le plus poliment possible :

« Me sauver de quoi, Drago ? »

Le garçon blond cilla, perdant un instant un peu de sa superbe en se rendant compte qu'il venait de faire allusion à des évènements qui ne figuraient pas dans la version officielle. Harry lui lança un regard entendu. Tant pis si Remus ne voulait pas que les Malefoy se doute de quoi que ce soit ! Il n'allait tout de même pas se laisser ainsi bousculer par le dernier rejeton d'une famille de Mangemorts ! Drago aurait sans doute trouvé une réponse appropriée mais Tonks venait de remarquer leur discussion et elle s'avançait vers eux.

« Tu ne perds rien pour attendre Potter... un jour, il n'y aura personne pour te sauver la mise... » - siffla Malefoy.

« Quand tu veux Malefoy », répondit Harry à haute et intelligible voix.

« Nous en reparlerons », ajouta encore Drago mettant un point d'honneur à avoir le dernier mot avant de sortir un peu précipitamment de la salle. Hermione et Ron hésitèrent à le suivre mais Tonks arrivait jusqu'à eux.

« Un problème Harry ? » demanda-t-elle légèrement.

« Rien dont je ne puisse me sortir seul »

Elle hocha la tête avec un sourire qui semblait dire qu'elle en était convaincue.

« Tu n'as pas cours après, n'est-ce pas ? Si nous allions voir ton frère ? » - enchaîna-t-elle, visiblement incapable de cacher plus longtemps ce qu'elle avait à lui dire.

« Il... il est réveillé ? » - demanda Harry le coeur battant.

Ron et Hermione écoutaient avec attention.

« Cette nuit oui... Rem... hum, ton père nous attend auprès de lui », ajouta-t-elle avec un regard un peu gêné pour les amis de Harry. Mais ceux-ci eurent plutôt l'air de se réjouir de la nouvelle et hochèrent la tête avec compréhension quand Harry leur annonça qu'il les rejoindrait à la Bibliothèque. « Dis-lui qu'on a hâte de le revoir », avait juste ajouté Hermione.

Harry suivit Tonks dans les couloirs puis dans un passage secret qui conduisait presque directement à l'infirmerie. Elle ne demanda pas s'il le connaissait. Il ne lui rappela pas que les professeurs n'étaient pas censés utiliser ce genre de raccourcis avec leurs élèves. Ni elle, ni lui avaient besoin de ça.

« Je n'ai pas eu l'occasion de discuter avec toi depuis... » - commença Tonks, une fois engagée dans le passage. Elle semblait chercher ses mots mais Harry savait ce qu'elle voulait dire.

« Non », reconnut-il.

Ils se sourirent presque instantanément. Harry se demanda si c'était la première fois qu'il se sentait si complice avec elle. Tonks s'éclaircit la gorge pour ajouter :

« Je... je voulais te dire que... tu m'as énormément impressionnée... Tant de sang-froid... Tu aurais pu avoir peur... »

« J'avais peur... », répondit très honnêtement Harry. « Mais, mais... j'avais pas vraiment le choix... et puis... et puis tu étais là... Tu avais promis... ».

La jeune femme s'arrêta net, le dévisagea, avant d'ajouter :

« Je suis très honorée de ta... confiance, Harry »

Ce fut le tour de Harry d'avoir l'air embarrassé.

« Tonks... j'ai pas toujours été très... »

« Tu avais raison de prendre ton temps, Harry... Tu ne me connaissais pas... »

« J'aurais pu parfois être plus gentil », insista Harry.

Elle sourit moqueuse. « Bon, alors que ça ne se reproduise plus ! »

« D'acc... Je veux dire... Promis.... »

Ils arrivèrent dans un silence complice à l'infirmerie. Remus et Cyrus y discutaient doucement. Ce dernier picorait dans un plateau posé sur ses genoux qu'il repoussa un peu violemment en les voyant arriver.

« Tonks ! Harry ! »

« Bonjour Cyrus... heureuse de te voir réveillé ! » sourit l'une.

« Salut p'tit frère », répondit l'autre essayant de cacher son émotion sous un masque condescendant.

Ces deux-là s'observèrent un moment et finalement Cyrus murmura. « Pardon Harry, pardon pour tout ce que tu as souffert pendant des mois... Pardon pour les risques que je t'ai fait prendre...»

« Ca va...» - dit Harry avec un geste de refus. « Je te devais bien ça... Un partout...»

« Espérons que nous resterons longtemps à cet heureux point d'équilibre » - commenta Remus et les deux garçons eurent le même rire un peu gêné. « Pauvre papa ! » commença Harry en passant ses bras autour de son cou et Cyrus ajouta du fond de son lit : « C'est ça d'élever des Maraudeurs... »

Le regard d'agacement paternel ne fut pas aussi lourd qu'il aurait pu l'être : « Un jour... » - commença-t-il. Puis il haussa les épaules avec fatalisme : « Admettons que je n'ai ce que je mérite mais... Tonks, hein ? Vous pourriez faire un peu attention à elle ! ».

Cyrus se tourna instantanément vers la jeune femme qui avait un peu rougi.

« Je te demande pardon... » - dit-il ses yeux noirs brillants et graves. « Ne nous laisse pas », ajouta-t-il en prenant résolument sa main. Harry, dans une impulsion qu'il n'avait encore jamais eu pour elle, prit son autre main et murmura : « Non, jamais »

Remus leva à son tour ses yeux calmes vers la jeune femme qui était devenue livide : « Ils disent ça encore mieux que moi, non ? »

Tonks les observa tous les trois. Elle savait combien elle s'était attachée aux deux garçons, comme à leur père. Plus qu'elle n'avait jamais imaginé s'attacher à des personnes avec qui elle n'avait pas de liens de sang. Elle n'avait plus aussi peur qu'avant de certaines batailles que ses choix pourraient impliquer. Non, ni la lycanthropie deRemus, ni les responsabilités, ni la cohabitation avec deux adolescents hors du commun, non, rien de tout cela ne lui faisait plus vraiment peur. Elle savait qu'ils étaient maintenant sa famille. Et eux venaient de l'adopter. Que pouvait-elle répondre d'autre que : « Faudrait que vous me mettiez dehors... »

Cyrus lui tendit les bras et elle ouvrit les siens, enlaçant Harry au passage. Elle sentit Remus poser sa tête sur son épaule. Elle sourit malgré les larmes qui lui coulaient le long des joues.

oO

« Alors ? Comment va-t-il ? »

« Pas trop mal... faible encore... »

« Ginny m'a écrit qu'elle doit encore faire la sieste chaque jour », dit Ron. « C'est fou quand même l'effet de ce... truc... »

« Une résonance psychique... Ron ! Pas 'un truc' ! » - soupira Hermione agacée.

Harry, après un regard circulaire à la bibliothèque, posa un doigt sur ses lèvres.

« Tenons-nous en au serpent, hein ? Mais oui, visiblement... »

Ses deux camarades pesèrent ses paroles en silence.

« Il va rester longtemps à l'infirmerie ? » demanda soudain Hermione.

« Non... Il va aller chez nous...Il devrait revenir en même temps que Ginny... dans une semaine je pense »

« Oh... Il va s'embêter tout seul tout ce temps, non ? On devrait aller le voir », proposa Ron.

Harry se mordilla les lèvres.

« Hum... en fait... Papa souhaite qu'il... qu'il mette ce temps à profit pour faire une retraite en lui-même », dit-il avec certaine dérision.

« Quoi ?! »

« Il dit que... Ginny est seule au Terrier... et que ça lui fera pas de mal de réfléchir à ce qui s'est passé et à ce qu'il aurait pu faire pour que ça se passe autrement », expliqua Harry, gardant une prudente neutralité par rapport aux décisions de son père.

« C'est quand même le minimum qu'on puisse lui demander, non ? » - estima Hermione.

« C'est facile pour toi ! » rétorqua Ron. « Et bien... Une semaine sans voir personne ! Il doit être en colère ton père ! »

Harry prit une nouvelle fois le temps de répondre :

« Je ne crois pas que Cyrus soit la personne à qui il en veuille le plus... »

oOO

Ils se matérialisèrent devant le Manoir Malefoy en début d'après-midi. Severus avait été catégorique. Tous les vendredis après-midi, Lucius plaidait au Grand tribunal magique et il ne rentrait que très tard. C'était aussi l'après-midi que Narcissa gardait pour se reposer et s'occuper d'elle avant les sorties du week-end. Elle serait là.

Cyrus n'avait pas à proprement parler manifester un réel enthousiasme par rapport au plan mais il n'avait pas osé refuser d'accompagner Remus. En fait, il était même à peu près sûr que son père ne lui aurait pas laissé le choix. Malgré tout, son manque d'entrain était visible. Il se laissa distancer sur l'allée du parc qui remontait du grand portail à l'entrée du Manoir Malefoy.

« Allons, allons, Cyrus, rien de comparable au vilain Basilic ou aux mauvais souvenirs de Tu-sais-qui » - se moqua Remus en se retournant vers lui pour l'attendre.

Cyrus haussa les épaules et finit de le rejoindre.

« Et puis ce n'est pas comme si je te demandais autre chose que de faire de la figuration », ajouta Remus, posant une main rassurante sur son épaule.

« Oui, je sais, un petit garçon bien élevé... Pour une fois... » - grommela Cyrus.

« Exactement », répondit Lupin avec le plus grand calme.

Cyrus sut que rien ne le ferait revenir en arrière. Se roulerait-il par terre en le suppliant qu'il ne changerait pas d'avis. Il soupira et décida d'accepter ce qui pourrait se produire comme une manifestation de son destin.

Ils montèrent en silence le haut perron qui menait aux doubles portes ouvragées du Manoir Malefoy. Lupin prit le heurtoir en forme de dragon et le laissa retomber lourdement. Le bruit de gong qui suivit attira des pas vers la porte. Un déclic s'ensuivit et un elfe de maison âgé et méfiant apparut.

« Kreaturr », le salua Remus, à peine surpris, « ça faisait longtemps que je ne t'avais pas vu ! »

Cyrus se tendit sous le regard inquisiteur du vieil elfe de maison qui avait été le serviteur favori de la mère de Sirius. Des images floues traversèrent une fois de plus son esprit. Kreaturr se plaignant à une femme imposante et sévère des blagues de Sirius... le même Kreaturr fermant avec un air de mépris absolu la porte de Place Grimmault derrière Sirius qui venait de jurer qu'il ne se soumettrait jamais à « cette immonde ordure de Jedusor » et qu'il ne remettrait jamais les pieds dans la « maison de ses nobles ancêtres »... Il inspira profondément pour repousser ces souvenirs. Ils ne lui étaient d'aucune utilité maintenant.... Ils constituaient même sans doute une faiblesse plus qu'autre chose...

« Kreaturr n'a pas regretté de ne plus voir le Loup », répondit le vieil elfe fidèle à sa célèbre sincérité hargneuse.

« Tu ne m'as pas manqué non plus », reconnut Remus de sa voix la plus calme. Même l'elfe irascible n'était pas assez fou pour provoquer plus avant l'homme qu'il avait en face de lui. « Et je dois préciser que nous ne venons pas te voir, Kreaturr, mais rendre une visite à ta nouvelle maîtresse... »

Lupin n'avait pas jugé bon de s'opposer à la fuite du vieil elfe qui, quand il avait appris les dispositions testamentaires de Sirius en faveur du loup-garou, était parti avec une part non négligeable de la bibliothèque et des objets de magie noire des Black chez les Malefoy. Il supposait avec raison qu'il n'aurait jamais voulu des livres à Poudlard, même dans la Réserve. Quand aux objets, il les aurait sans doute donnés sans un regard au Département des Mystères. Enfin, ça lui avait épargné la tâche ingrate de se débarrasser du vieil elfe qu'il n'imaginait pas du tout rester dans l'orphelinat pour enfants sorciers d'origine moldue qu'il avait installé dans l'ancienne et noble maison des Black – après des mois de travail acharnés pour en faire disparaître toute trace de magie noire. La maison était gérée par une fondation qu'il présidait et qui portait le nom de Sirius Black. Il pensait que son ami aurait apprécié ses efforts. L'année prochaine, les premiers pupilles de la fondation entreraient à Poudlard, leurs études étant payées par l'institution. Il aimait assez l'idée que Sirius passerait ainsi à la postérité comme un philanthrope opposé aux préjugés les plus anciens de la communauté magique... Il espérait aussi que ce serait un bon exemple pour Harry et Cyrus plus tard de ce qu'on peut faire de ses pouvoirs et de son argent.

« Kreaturr ne sait pas si maîtresse Narcissa peut recevoir le Loup », grommela l'Elfe dans un dernier sursaut d'animosité.

« Oh mais le Loup SAIT que Maîtresse Narcissa recevra le directeur de Poudlard et son plus jeune fils », répondit Lupin avec fermeté. Il avança résolument dans le Hall et ajouta. « Dis-lui que nous l'attendons dans le Petit Salon... Ne t'inquiète pas, je connais le chemin »

Cyrus n'eut pas besoin de se forcer pour jouer les petits garçons intimidés qui se fondent dans l'ombre de leur père. Il se demanda d'où celui-ci connaissait si bien la disposition des lieux. Il se demanda également où il avait appris à pratiquer partout et en toute circonstance cette autorité tranquille. Il était très impressionné, tant pas les lieux que par Remus, et tout ceci le rendait étonnamment muet.

Le petit salon n'avait pas vraiment changé depuis la dernière fois que Sirius y avait mis les pieds, lui apprit sa bien trop grande mémoire. Une même fascination pour le morbide, l'argent et les tentures sombres y régnait en maître. Il s'assit d'une seule fesse sur un vieux fauteuil en tapisserie, dont les bras lui proposèrent immédiatement des massages qu'il refusa avec raideur. Remus, seul spectateur de la scène, sourit.

« Tu remarqueras que je suis resté debout... ».

« Je ne me rappelais pas... »

« Ne compliquons pas inutilement les choses ! » l'interrompit abruptement son père. Tout sourire avait disparu.

« Non papa », répondit Cyrus et son air soumis fit comprendre à Remus à quel point il brûlait de s'enfuir de ces lieux. C'est décidément une bonne leçon, se répéta-t-il. S'il voulait que Cyrus grandisse, il fallait sans doute moins le protéger et plus lui faire partager ses façons de faire. Il déciderait plus tard si elles lui convenaient. En attendant, ça lui montrerait qu'il est bon de mâtiner l'impulsivité des Gryffondors avec un peu plus de rouerie et de précaution. Enfin, s'il réussissait ce qu'il avait en tête. Et son coeur lui rappela à grands coups combien ce qui l'amenait ici était important. Il ne pouvait pas échouer, c'était aussi simple que cela.

Narcissa fit alors son entrée. Elle portait une robe d'intérieur vert pâle au revers argentés. Ses cheveux blond pâle brillaient des soins attentionnés d'une Elfe experte. De fins anneaux d'argents luisaient à ses oreilles. Une chaîne retenait à la naissance de ses seins un pendentif en forme de serpent dont les yeux étaient d'émeraude. La lune seule a un éclat plus froid, songea Remus avec une certaine tristesse.

« Professeur Lupin... quelle surprise.. » - dit-elle d'une voix hautaine et traînante. A-t-elle jamais souri, songea Remus pas pour la première fois. Est-ce un voeu, tant que sa petite soeur ne sera pas sortie d'Azkaban, tant que sa soeur aînée n'aura pas quitté son Moldu de mari... tant que Lucius ne sera pas devenu le nouveau Lord de la communauté britannique...tant que les loups-garous seront en liberté ?

« Merci de votre accueil, Narcissa », répondit Remus.

« J'espère que cette visite intempestive ne concerne pas Drago », demanda Narcissa de la même voix lasse.

« Non, je ne saurais inquiéter ainsi votre instinct maternel... La dernière fois que je l'ai entrevu, il semblait toujours défendre avec toute la hauteur et la morgue nécessaire les couleurs de la maison Malefoy... » - répondit très courtoisement Remus. Cyrus retint son souffle mais nul ne pouvait douter que Narcissa ait une certaine disposition pour les joutes oratoires.

« Nous sommes assez satisfaits de Drago », répondit-elle comme s'il venait lui faire des compliments sur son fils. Cyrus lutta pour ne pas montrer sa nervosité. Narcissa planta vers eux son regard pâle et languissant. Remus eut un petit signe de tête et accepta sa défaite. Il fallait choisir ses batailles.

« Nous venons aujourd'hui, Cyrus et moi, vous rendre, en quelque sorte, une visite de courtoisie... »

Narcissa eut l'extrême politesse de lever un sourcil dans un accès d'intérêt mondain.

« Vous vous souvenez de Cyrus, n'est-ce pas Narcissa ? »

Cyrus eut l'impression que la mère de Drago, découvrait alors seulement sa présence. Elle hocha la tête après un instant d'observation comme pour inviter Remus à poursuivre. Il fallait tous les souvenirs de Sirius pour savoir à quel point un tel détachement pouvait être feint et appris. Comme Lupin se taisait cette fois. Elle condescendit à répondre.

« Oui... je l'ai déjà vu... il y a longtemps... dans le chemin des Embrumes ... et au Nouvel An... A propos, savez-vous que le Ministère n'a toujours pas trouvé qui a saboté ainsi le discours de Fudge ? » demanda-t-elle sur le ton de la conversation.

Cyrus ne put s'empêcher de penser, bien qu'il se soucie comme d'une guigne de l'opinion de Narcissa, que dans les deux cas, il n'avait pas fait la preuve de sa meilleure éducation. Une voix très ancienne et très sévère martela dans sa tête : « Un enfant bien élevé ne parle que si un adulte lui pose une question ! ». Supposant qu'en l'occurrence Remus partagerait cet avis, il décida de s'intéresser aux dessins du tapis.

« Vraiment ? » répondit Remus sur le même ton mondain. « Je suis sûre que vous savez par Drago que Cyrus a encore montré récemment son immense capacité à s'attirer des ennuis ... »

« Bon sang ne saurait mentir », lança un peu trop vite Narcissa.

« Je vous accorde que je ne suis pas personnellement un exemple de docilité », répondit Remus avec son meilleur sourire.

« Allons, professeur... »

« Mais ce n'est peut-être pas ce que vous vouliez dire.... »

Tu perds du terrain, Cissa, pensa méchamment Cyrus. Arrivant sans doute aux mêmes conclusions, elle se retrancha prudemment dans son silence hautain. Remus s'approcha d'elle.

« Je n'ignore pas, Narcissa, les ambitions que vous avez pour le dernier des Black... »

Elle ne réussit pas à cacher sa surprise - et une certaine excitation triomphante -, en l'entendant reconnaître ce qu'elle tenait pour la « véritable » identité de Cyrus.

« ... malheureusement j'en ai moi même beaucoup aussi pour lui... »

Elle le toisa comme pour dire que les loups-garous devraient surtout remercier les sorciers qui les laissaient vivre, mais Remus avait depuis longtemps surmonté la peine qu'auraient pu provoquer chez lui de telles pensées.

« ...et aucune ne vous laisse un rôle », asséna-t-il avec fermeté.

« Il vous jugera un jour ! » - rétorqua-t-elle déjà sur la défensive.

« Sans doute », reconnut calmement Lupin. « Tous les enfants jugent un jour leur père mais je ne rougirai jamais de l'avoir soustrait à votre influence, Narcissa... Jamais... Comme je me réjouis chaque matin de m'être battu pour obtenir la garde de Harry... » Il lui tourna le dos et fit mine de s'intéresser aux dragons qui encadraient le grand miroir qui dédoublait la pièce au dessus de la cheminée. Il lui sourit dans ce reflet : « Je devrais même vous remercier Narcissa, je ne me serais sans doute pas autant démené il y a sept ans si d'autres que vous avaient souhaité élever Harry... Finalement, vous avez donné un sens à ma vie... »

Narcissa Malefoy se leva du fauteuil où elle avait pris place.

« Je ne me laisserai ni insulter, ni menacer dans ma propre maison... »

« Moi non plus », répliqua Remus tournant vers elle des yeux flamboyants. « Plus jamais un de mes fils ne sera en danger à cause de vous... Plus jamais je ne tolèrerais que vous essayiez de les détourner de moi... » A chaque phrase, il s'était rapproché d'elle. Il la toisait maintenant de toute sa taille.

« Je ne sais pas de quoi vous parlez ! » s'insurgea Narcissa Malefoy née Black.

Remus ne lui fit pas l'honneur de lui répondre et Cyrus frissonna en voyant la résolution qui animait ses yeux pâles. Narcissa ne ferait pas le poids, décida-t-il.

« De quoi m'accusez-vous ? » insista la maîtresse de maison qui semblait proche de perdre l'empire d'elle-même.

Lupin mit sa main sur son coeur et répondit très doucement.

« Moi ? Moi, je n'accuse personne... je préviens. Je suis LAS des miroirs déposés subrepticement au pied des arbres de Noël, je suis las des volumes de l'histoire des Black qui disparaissent Place Grimmault et qui réapparaissent à Poudlard... je suis las des journaux intimes de psychopathes qui sont offerts à mes enfants pour leur anniversaire... Je me passe de vos cadeaux Narcissa, votre haine et votre mépris me suffisent... »

Elle se tenait étonnamment pâle et raide à côté du fauteuil qu'elle avait occupé.

« Le pédagogue en moi s'étonne aussi qu'une mère envoie son fils unique porter de tels présents... »

« Vous n'avez aucune preuve » répondit-elle d'une voix blanche.

« Vous croyez ? »

Elle accueillit l'insinuation avec une expression de mépris qui ressemblait à de la crainte.

« Si vous croyez ça, je n'ai plus qu'à m'en aller, d'autres, ailleurs, seront plus intéressés... » - reprit calmement Remus.

Elle ne prit même pas la peine de réfléchir :

« Que voulez-vous ? » - cracha-t-elle.

« Voilà enfin une bonne question ! » répondit très doucement Remus et Cyrus vit s'allumer dans ses yeux cette étincelle qui avait déposé à jamais sept ans de maraudes. « Vous avez dû entendre parler du prochain décret que notre chère amie Dolores veut proposer au Ministère ? »

Les yeux de Narcissa se rétrécirent en comprenant sur quel terrain allait se placer la négociation.

« Un décret, important, novateur, réclamé s'il en est... » - commença Lupin, la voix dégoulinante de sarcasme. « Un décret qui met les demi-humains... je précise : tous les garous, quelque soit l'animal, les vampires, les harpies... J'en oublie certainement, la liste est si longue... sous la tutelle directe et perpétuelle du Ministère... »

Cyrus ne put s'empêcher de frissonner. La mesure était incroyable, médiévale, inique... les mots manquaient. Et son père voulait en faire sa vengeance contre la famille Malefoy et ses machinations. Remus continua de sa même voix calme :

« Certains disent qu'elle fait cela parce qu'elle veut ma place... D'autres disent qu'elle a failli être mordue enfant et qu'il faut la comprendre... Moi, je refuse de savoir ce qui peut générer tant de haine... comme je refuse d'être mis à plus de trente ans sous tutelle... Une chose qui ne sera pas... »

Narcissa eut un regain de vigueur :

« Vraiment ? »

« Non. »

Elle cilla et abandonna le jeu du chat et de la souris.

« Vous me prêtez des pouvoirs que je suis loin d'avoir, Lupin... »

« Vous non, mais Lucius si... » - précisa-t-il

« Et vous croyez qu'il m'écoutera ? » Il y avait peut-être une trace d'amertume dans sa voix.

« Il m'écoutera peut-être mieux ? »

Remus vérifia dans les yeux de Narcissa que Severus et lui ne s'étaient pas trompés. Narcissa était allée dans cette histoire plus loin que Lucius n'était prêt à le faire ; Il n'était sans doute même pas au courant de tout ce que Narcissa avait entrepris. Le prudent Lucius, qui depuis onze ans consolidait jour après jour la place de la Maison Malefoy ne pourrait pas facilement faire face à de telles révélations. Il ne faudrait pas être Rita Skeeters pour les relier avec la réputation sulfureuse du jeune Lucius ou avec l'ombre que faisait porter sur Narcissa l'incarcération depuis plus de onze ans de sa jeune sœur Bellatrix. Tel était le pari : Lucius ne mettrait pas aussi facilement en cause la façade de respectabilité qu'il avait patiemment édifiée. Narcissa leva une main tremblante vers son front.

« Vous n'avez donc aucune pitié... »

« Venant de vous, je prends cela pour un compliment... »

Elle se redressa et murmura.

« Je vais voir ce que je peux faire... »

« C'est très simple Narcissa, ce décret ne passera pas parce que Malefoy s'abstiendra... C'est tout... Et mes griefs seront durablement oubliés tant que vous ne reviendrez pas menacer ma famille... »

« Un jour Lupin... », commença-t-elle, excédée.

« Jamais j'espère.... » - répondit calmement Lupin.

oOOO

Quand le père et le fils revinrent à Poudlard, les couloirs étaient pleins d'élèves qui commentaient les résultats du tirage au sort qui organisait les premiers matchs de Quidditch de la saison. Et cette foule intimida Cyrus qui était resté loin de ses camarades pendant près de dix jours. Harry avait pu lui rendre plusieurs fois visite mais, malgré ses comptes-rendus, il se sentait étrangement loin des histoires, des spéculations et des coteries qui devaient marquer la vie quotidienne de Poudlard. Ginny lui avait écrit tous les jours mais elle était aussi loin que lui de la vie scolaire. Ron et Hermione lui avaient écrit chacun deux fois mais plus pour l'assurer de leur amitié que pour lui raconter les potins du Collège. Les jumeaux Weasley lui avaient envoyé des bonbons de chez Honeydukes avec la courte phrase : « On aurait bien aimé être à ta place ». Il n'avait pas cherché à cacher ce message à Remus qui avait levé les yeux au ciel. « Ces deux-là apprendront pas trop tard j'espère que l'aventure n'est pas toujours drôle ». Cyrus avait gardé un silence prudent mais il leur avait répondu qu'il espérait bien un jour vivre une aventure avec eux. Il avait envoyé une lettre à Archibald qui n'avait rien répondu. Il avait demandé à Harry de mener l'enquête. Il en était sorti qu'Archi ne savait pas quoi lui écrire... Cyrus, à ses moments de désoeuvrement qui étaient assez nombreux finalement, s'angoissait un peu de l'accueil qu'il lui ferait.

Quand la famille Lupin sortit de la cheminée du Grand Hall, la plupart des élèves leur jetèrent de manière prévisible des regards curieux – ce n'était pas tous les jours que quelqu'un sortait vivant d'une confrontation avec un Basilic ! – curiosité à peine tempérée par leur respect pour leur directeur. Harry et la majeure partie des Gryffondors étaient en train de commenter le fait qu'ils allaient devoir affronter les Serpentards dès leur premier match. L'excitation était assez forte et chacun pressait les membres de l'équipe de leur faire honneur. Mais l'arrivée de Cyrus et Remus détourna les conversation et Parvati alla jusqu'à interrompre le discours enflammé de Dubois pour prévenir Harry - qui n'hésita pas une seconde et se lança à leur poursuite.

« Cyrus ! »

Son frère et son père se retournèrent d'un même élan. Harry les rejoignit.

« Vous étiez... » - commença ce dernier soudain partagé entre l'excitation et l'inquiétude.

« Oui », répondit Cyrus les yeux brillants. « T'aurais dû le voir.... incroyable ! Elle a même pas compris ce qui lui arrivait ! »

« Tu crois que ça va marcher, Papa ? » demanda encore Harry. L'idée même du décret lui donnait la nausée. Sans Grand-père Albus, ils ne l'auraient jamais su. Et il était moins inquiet pour son père – ils avaient déjà tous décidé que si une telle mesure était prise, ils quitteraient l'Angleterre dans les plus brefs délais - que pour les autres, les centaines d'autres qui seraient pris au piège. Remus avait les moyens financiers et politiques de s'échapper mais les autres... Harry avait passé des nuits à y songer, rongé par cette nouvelle menace comme par l'interdiction formelle qui lui avait été faite de partager sa colère avec ses amis.

« Nous verrons Harry », répondit gravement Remus qui avait souri à l'enthousiasme de Cyrus. « Trois semaines et nous saurons... Alors ce tirage au sort ?» demanda-t-il encore comme pour dire qu'il ne servait à rien de s'inquiéter trop.

« Serpentard », répondit Harry et ses yeux verts étincelants en disaient assez. Cyrus ouvrit la bouche de surprise, avant de commenter avec excitation : « Put... pardon Papa... Mince alors ! Ca, c'est du début de tournoi ! »

La question plana, silencieuse, sur leur petit groupe. Harry se mordit les lèvres pour se retenir de la poser et Cyrus baissa la tête comme s'il y avait déjà répondue par la négative. Remus leva les yeux et vit le groupe conséquent d'amis et de copains de Cyrus qui attendaient, Archibald en tête, à une distance de moins en moins respectueuse, l'issue de cette conversation. Il sourit et déclara avec une légèreté affectée :

« Que tu rentres aujourd'hui ou demain ne changera pas grand-chose... effectivement... »

« Papa... » - commença Cyrus, se retenant à grand peine de lui sauter au cou devant toute l'école. S'il rentrait aujourd'hui, il verrait le match avec ses condisciples. Il participerait à l'angoisse nerveuse de la veillée d'armes qui se préparait sans doute déjà... Il serait de retour, pleinement de retour !

« Bien sûr, je n'ai pas besoin de vous rappeler à tous les deux à quel point votre discrétion est... », reprit Remus plus sérieux.

« Promis ! »

« Moi aussi », dit Harry le plus gravement qu'il put.

« Hum... Filez vite avant que je ne change d'avis », grommela le directeur de Poudlard faussement sévère.

Il n'attendit pas qu'ils lui répondent et s'éloigna à grands pas vers ses appartements. Il entendit sans avoir à se retourner les élèves qui entourèrent Cyrus, lui frappèrent sur l'épaule, le félicitèrent de ses aventures et demandèrent des nouvelles de sa santé. Il ne resta pas assez longtemps pour entendre que Cyrus y répondait avec une modestie assez inhabituelle. Il manqua aussi le sourire de son plus jeune fils quand Archibald lui lança de son air le plus détaché : « Ca y est ? On peut enfin te parler ? » Il n'entendit pas Cyrus s'excuser et conclure pour le plus grande joie de ses camarades : « Désolé Archi mais je te promets que NOUS aurons notre heure... »

Non, il ne vit pas tout cela. Et sans doute était-il encore trop préoccupé par ce qu'il venait de se passer pour y accorder tout l'intérêt que ces moments simples méritaient. Pourtant, quand la porte du passage se referma sur lui, il se surprit à sourire. Des enfants heureux, des amis, un match de Quidditch....Est-ce que la vie pouvait être aussi simple que cela ?

oOOOO

La suite pourrait s'appeler « Professions de foi»... le pluriel ayant, bien sûr, son importance... En ligne mardi prochain... Ecrivez-moi en attendant...