Chapitre 5 : Tara Milten
Dans un appartement prenant tout un étage au-dessus d'une boutique d'apothicaire, à la sortie d'un village et en bordure de forêt, une femme était tranquillement assise à la table d'une cuisine propre, en train de lire son courrier.
Une explosion retentissante se fit brusquement entendre dans une pièce voisine, manquant lui faire avoir une crise cardiaque. Avant même qu'elle ait eu le temps de se lever pour aller voir ce qui se passait, une silhouette bleue et rouge passa en coup de vent dans son champ de vision. Une fois, deux fois, trois fois… A la quatrième, elle fronça les sourcils.
- Hem… Tara ?
Dans un dérapage impressionnant, sa fille – vêtue d'une robe bleue – s'arrêta juste avant la sortie.
- Oui maman ? demanda-t-elle avec un immense sourire d'innocence.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ma chérie ?
- Hein ? Oh, tu veux parler du petit incident ? Rien de grave, j'ai tenté une expérience en potion mais ça a un peu raté, expliqua-t-elle en riant.
- Pourquoi es-tu aussi excitée ? s'étonna sa mère.
- Bah ! Je m'entraîne en fait, pour quand je serai à Poudlard, répondit-elle en haussant les épaules avec indifférence.
Ces simples paroles eurent pour effet de voiler les yeux d'Elroa Lawill. Elle baissa la tête et regarda dans le vague avec tristesse. Aussitôt, le visage de sa fille devint grave, très différent du masque de gaieté candide qu'elle portait une minute auparavant. Elle s'approcha de sa mère et la serra contre elle.
- Ne sois pas triste, je t'en prie, murmura-t-elle. Après tout, jouer une gamine insupportable d'enthousiasme n'est pas si terrible que ça… Je ne pense pas que j'aurai beaucoup d'efforts à fournir, ajouta-t-elle en souriant.
- Je ne sais pas… Je n'ai pas envie que tu vives dans un mensonge.
- Ça ne durera pas. Un jour certains sauront qui je suis vraiment, et ces personnes seront celles qui compteront réellement.
- Je le sais bien mais…
Tara regarda sa mère en plissant des yeux.
- Il y a autre chose, n'est-ce pas ?
- Pourquoi a-t-il fallu que tu hérites la perspicacité de ton grand-père ? plaisanta Mme Lawill.
Elle poussa un soupir et alla prendre sur une commode l'enveloppe parcheminée contenant la lettre d'admission à Poudlard.
- J'ai encore en mémoire le combat que nous avons dû mener pour que je te garde avec moi, dit-elle dans un murmure. Ton père n'avait jamais été si virulent et même si nous avons gagné… J'ai peur qu'il revienne avec de nouveaux arguments.
- Maman, qu'il soit venu t'aider pour expliquer la situation à Albus Dumbledore prouve bien qu'il a fini par accepter que je reste avec toi.
- Oui, mais justement… Il semblait tellement plus mature, tellement plus responsable…
Cette fois, sa fille fronça les sourcils et se planta devant elle.
- Écoute, tu es une mère merveilleuse, qui mérite cent fois plus que l'affection que je te donne déjà, loup-garou ou pas. Papa ne pourrait jamais te remplacer, c'est à peine si je le connais. Ce n'est pas parce que tu es devenue lycanthrope que tu as changé. Tu es toujours la même, sauf pendant les pleines lunes, et je t'aime. On s'est déjà sorties de tout un tas de situations, alors nous surmonterons cette épreuve aussi. Toutes les deux.
Sa mère la serra à son tour contre elle.
- Si tu savais comme je suis fière de toi. Depuis que tu es née, j'ai l'impression que plus rien n'est impossible.
- Mais parce que c'est le cas, remarqua-t-elle en lui adressant un clin d'œil. Bon, je vais finir de nettoyer tout mon bazar et chercher comment rendre sa couleur d'origine à Gédéon.
En disant cela, elle regarda un chat aux couleurs rouge, bleu, jaune et vert vifs pénétrer dans la cuisine, l'air de très mauvaise humeur. Elroa Lawill éclata de rire tandis que Tara tentait d'amadouer le félin, qui ne semblait pas prêt à lui accorder de nouveau sa confiance.
« Tu as sûrement raison mon enfant, songea-t-elle, je ne devrais pas autant m'inquiéter pour toi, tu as toujours su te débrouiller mieux que n'importe qui. Et puis là-bas, tu les rencontreras, ceux dont tu me parles tant sans les connaître… »
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Premiers achats pour Poudlard, Tara en était aussi excitée qu'une puce, même si elle aurait préféré attendre quelques jours, la pleine lune ayant eu lieu seulement deux nuits avant, mais sa mère lui avait assuré qu'elle allait bien.
En passant devant la boutique de baguettes magiques, la fillette marqua une pause, l'air songeur. Elle avait trouvé la sienne alors qu'elle avait huit ans, à la grande surprise de son grand-père qui, à l'époque, ignorait tout de son pouvoir de voyance. Un sourire apparut sur son visage en songeant au jeu qu'elle préférait par-dessus tout jouer avec son grand-père. Elle était la seule, selon sa mère, à être capable de déstabiliser M Ollivander en paraissant plus mystérieuse que lui.
Après être passé à Gringotts et avoir fait la majorité de leurs achats, Mme Lawill proposa à sa fille d'aller chercher ses livres pendant qu'elle-même se chargerait des accessoires pour l'astronomie.
Il n'y avait personne chez Fleury et Boot lorsqu'elle y entra et, tandis que la libraire se chargeait de réunir ses différents bouquins, elle attrapa un livre et le feuilleta en fredonnant un air à la mode. Lorsque la clochette de l'entrée retentit, elle ne redressa pas la tête, mais elle eut soudain un étrange pressentiment et leva les yeux vers la fille qui venait d'arriver avec un homme qui devait être son père, un sourire aux lèvres.
- Salut ! Tu vas à Poudlard toi aussi ?
- Oui, j'ai reçu ma lettre il y a une semaine.
Elle semblait embarrassée et Tara en devina vite la raison, lui adressant un clin d'œil amusé.
- Toi, je parie que tes parents sont tous les deux des moldus. T'as pas l'air à l'aise.
Les joues de l'autre fille s'empourprèrent, confirmant ses dires. Au fond d'elle, Tara savait. Comment ? Elle n'aurait pu le dire. Mais elle savait que cette fille était l'une d'entre eux, elle en aurait mis sa main au feu sans hésitation. Il était trop tôt cependant, trop tôt pour les explications, aussi décida-t-elle de commencer son rôle.
- Ça ira mieux plus tard, tu vas vite t'habituer, assura-t-elle en virevoltant. Tu verras, tout le monde arrive au même point, à Poudlard.
A ce moment, sa mère fit son entrée dans la librairie, l'air encore un peu hagard de la pleine lune précédente.
- Tu t'es fait une amie, Tara ? C'est bien… très bien… Tu as pris tes livres ? Nous devons y aller.
- T'inquiète maman, je les ai. Je regardais juste quelques bouquins.
Mme Lawill hocha la tête et sortit.
- Bon, ben j'y vais. On se reverra à Poudlard !
Et elle prit la suite de sa mère, moitié courante, moitié dansante, consciente du regard stupéfait de l'autre fille et se retenant d'en rire. Une fois certaine que personne ne pouvait les entendre, elle se pencha vers sa mère, animée d'une joie nouvelle.
- Elle en fait partie maman, je sais qu'elle en fait partie !
Sa mère lui lança un regard sceptique.
- Comment pourrais-tu le savoir ? A-t-elle seulement acheté sa baguette ?
- C'est une bonne question, reconnut Tara en réfléchissant. Je vais voir grand-père, attends-moi !
Elle courut aussi vite que le permettaient ses jambes de onze ans jusqu'à la boutique Ollivander et ouvrit sans ménagement la porte d'entrée. Les deux personnes présentes la fixèrent d'un regard mêlant la surprise et le dédain, ce à quoi elle répondit par un immense sourire.
- Bonjour tout le monde ! s'exclama-t-elle joyeusement sans tenir compte du regard foudroyant de l'homme.
Un père et son fils, songea-t-elle immédiatement, vu la similitude qui existait entre leurs deux visages. Le même nez crochu, les mêmes cheveux noirs et gras et… Tara laissa une seconde tomber son masque, l'air perplexe. Cet homme lui rappelait vaguement quelqu'un sans qu'elle parvienne à déterminer qui.
- Je ne pensais pas que tu me ferais l'honneur d'une visite, Taranatès.
Tara grimaça en entendant son grand-père l'appeler par son prénom entier.
- Pure curiosité, répondit-elle en lui souriant.
- Voilà votre baguette, M. Rogue, ajouta le vendeur en tendant une longue boîte au garçon. Elle vous sera sans doute très utile pour vous aider à Poudlard.
Le gamin lui lança un regard intrigué mais son père posa une main sur son épaule assez rudement.
- Merci beaucoup, M. Ollivander. Nous y allons Severus.
Tara resta un long moment bloqué sur la porte par laquelle étaient sortis les deux personnages, le regard dans le vague, et seule la voix de son grand-père la ramena à la réalité.
- Ce jeune garçon t'intéresserait-il ? Tu as d'étranges goûts, remarqua-t-il avec un sourire en coin.
La fillette haussa les épaules.
- Severus Rogue ? Va falloir que je retienne. Tu as eu la visite d'une fille qui va entrer à Poudlard, d'origine moldue et aux cheveux roux foncés ? demanda-t-elle sans plus de façon.
- Tu me rassures, un instant j'avais cru que tu étais venue me faire une visite de courtoisie, grimaça le vieil homme, que cette perspective semblait rebuter. Non, je n'ai pas reçu de telle visite… mais ça ne saurait tarder.
Tara se retourna aussitôt pour voir la fille accompagnée de trois adultes se diriger vers la boutique. Avec un « Oups ! » empressé, elle alla se cacher dans l'arrière-boutique au moment où ils pénétraient chez Ollivander. Le choix de la baguette dura un long moment mais lorsque son grand-père donna les caractéristiques de celle qui choisit finalement Lily – puisque c'était ainsi qu'elle s'appelait d'après ce que Tara avait entendu – elle se retint de pousser un cri de joie.
Elle revint dans le magasin dés leur sortie, un sourire victorieux aux lèvres, alors que M. Ollivander continuait de fixer le groupe.
- Je le savais, lança-t-elle.
- Et comment ?
- Je l'ai vue, quand elle faisait ses achats, je l'ai reconnue de suite.
- On ne peut pas reconnaître quelqu'un qu'on n'a jamais vu, fit remarquer le vieil homme.
- Pas dans ce cas. Elle a l'air gentille…
- C'est plutôt une mauvaise nouvelle pour elle, il me semble, dit Ollivander.
Pour la première fois, Tara sentit une pointe de tristesse dans sa voix.
- Ne t'inquiète pas pour ça, grand-père, on fera attention, le rassura-t-elle.
L'homme se retourna, l'air fâché.
- Combien de fois devrais-je te dire de ne pas m'appeler grand-père ?
- Tant que ça t'énervera, je continuerai, répondit la gamine en lui adressant un sourire angélique.
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Sur le quai de la voie 9 ¾, Tara observait avec amusement les multiples embrassades et ultimes recommandations des parents aux enfants. Elle-même était seule, elle avait préféré demander à sa mère de la laisser avant le passage magique car elle estimait préférable qu'elle la voit le moins possible jouer la comédie.
« Attention mesdames et messieurs ! Le rideau se lève ! Acteurs en place pour le premier acte ! »songea-t-elle avant de s'avancer d'une démarche à la fois légère et bondissante vers les wagons.
Son objectif premier était de se faire connaître par le maximum de personnes dés le départ, le second était de trouver les autres, car Ollivander lui avait dit que les quatre baguettes avaient été vendues – bien que le vieil homme n'ait pas voulu lui dire à qui. Maintenant, elle comptait sur l'intuition qui l'avait conduite à Lily.
Elle poussa la première porte qui se présenta à elle, déboulant dans le compartiment comme une tornade. Quatre jeunes qui devaient avoir quatorze ans étaient tranquillement installés et levèrent des yeux ronds sur elle.
- Tara Milten ! lança-t-elle sans autre préambule. C'est ma première année à Poudlard. Dans la logique, je vais aller à Gryffondor, mais bon, je pourrais aussi bien aller dans une des trois autres maisons, aussi. Vous vous appelez comment ?
- Euh… répondit très judicieusement un des trois garçons.
- Je suis Franck Londubat, de Poufsouffle, déclara enfin un de ses amis, se remettant de l'arrivée éclair de la fillette. Et voici Sturgis Podmore, de Poufsouffle également, Kyle Hightlaw, de Gryffondor, et Lucie Verina, de Serdaigle. Nous sommes en quatrième année.
- On dirait que tu es heureuse de te rendre à Poudlard, remarqua Lucie en souriant.
- Qui ne le serait pas ? Et puis, avec tout le monde qu'il y a, je suis sûre que ça va être très amusant. D'ailleurs, j'ai d'autres gens avec lesquels je dois faire connaissance, alors à plus tard !
Et ainsi, plusieurs wagons et expressions stupéfaites plus tard, Tara pouvait se vanter de connaître la quasi-totalité des élèves de Poudlard. Évidemment, elle ne les avait pas tous vus, et cela elle le savait car il manquait encore deux des quatre qu'elle devait trouver. Deux car elle en avait trouvé un autre. Un jeune garçon plutôt étrange qui se nommait Remus Lupin et avec lequel elle avait parlé en coup de vent, comme tous les autres.
D'ailleurs, elle songea que cela risquait d'être difficile de ne pas attirer l'attention sur elle, mine de rien, lorsque le train s'immobilisa. Mais les autres élèves étaient tellement absorbés par la nouveauté pour les premières années et la faim pour les autres qu'ils ne remarquèrent pas que la fillette restait en arrière, près de l'accueil.
- Mademoiselle, pourrais-je savoir pourquoi vous ne rejoignez pas vos camarades ? lança une voix sévère de femme. Suivez-moi, nous allons voir ça.
La femme à l'air strict, les cheveux rattachés en chignon serré, la mena à l'écart des autres et sortit discrètement sa baguette pour lancer un sort à voix basse.
- Miss Milten, je suis le professeur McGonagall, j'assure les cours de métamorphose à Poudlard. Est-ce que tout s'est bien passé durant votre trajet ?
- Mieux que je ne l'aurai imaginé, professeur, assura Tara en souriant.
- Bien, votre mère nous a assuré qu'il n'y aurait aucun soucis, mais si jamais vous rencontrez un quelconque problème ou que vous craignez que quelqu'un puisse tout découvrir, il faudra venir m'en faire part. J'ai été désignée comme intermédiaire entre vous et le professeur Dumbledore.
- Quels autres professeurs sont au courant de mon don ?
- Les professeurs Achear, maître des potions et directeur adjoint, et Carvi, qui enseigne la botanique. Vu leurs postes, n'hésitez pas à venir les voir si jamais vous avez besoin d'une potion ou d'un ingrédient pour calmer les maux de tête, car je crois savoir que vous avez quelques soucis avec cela.
- Mon pouvoir n'est pas de tout repos, admit Tara, mais j'ai toujours su faire avec.
- Parfait. Maintenant, dépêchez-vous de rejoindre les embarcations. Nous nous retrouverons à Poudlard.
Durant la traversée du lac, Tara observa les élèves qui l'entouraient dans l'espoir de trouver les deux derniers membres du "groupe", sans arriver à rien. Elle repéra néanmoins Remus Lupin, installé silencieusement dans une barque, un garçon rondouillard semblait scotché à lui. Il paraissait un peu inquiet et lançait de fréquents coups d'œil vers l'homme gigantesque qui les conduisait, comme s'il craignait qu'il se rende compte de quelque chose, mais de quoi ?
La réponse ne tarda pas à venir lorsque, quelques minutes plus tard, alors que le directeur adjoint entamait son discours. Deux jeunes garçons aux cheveux aussi noirs l'un que l'autre arrivèrent par derrière, mine de rien, comme s'il était naturel qu'ils soient là avant les autres.
Tara n'entendit rien de la courte discussion qui suivit entre les garçons et le professeur tellement son cœur s'était serré. Le doute n'était pas permis, il s'agissait bien d'eux. Les derniers de ceux qu'elle cherchait. Les cinq étaient au rendez-vous, liés depuis des temps immémoriaux elle était pourtant la seule à le savoir, et elle en ressentait à la fois une profonde solitude et un sentiment de puissance qui aurait pu les protéger de n'importe quoi.
Alors qu'elle avançait nonchalamment parmi les autres élèves, dansant à moitié sur une chanson qu'elle s'était mise en tête à l'aide d'un sortilège, Tara Milten songea que oui, décidément, les années à Poudlard promettaient de l'amusement et sans aucun doute une infinie série de rebondissements.
(A suivre…)
