Chapitre 12 : épilogue

Paré de ses plus beaux habits, George Dickinson accourut en souriant vers un Stevens anxieux qui ne tenait visiblement pas en place, en lui montrant l'alliance.

"Ca y est, je l'ai retrouvée !"

"Bon sang, George, ne me refais plus jamais un coup pareil ou je t'étrangle…"

"D'accord, excuses-moi…"

"On peut y aller maintenant ?"

Dickinson hocha la tête. Stevens inspira profondément et passa devant son ami pour s'engouffrer dans le véhicule. George prit le volant en souriant. Lui aussi se souvenait du jour de son mariage et comprenait parfaitement l'angoisse du majordome.

"Ne t'inquiètes pas, tout va très bien se passer."

"C'est ce que tout le monde me répète depuis une semaine."

Dickinson se mit à rire.

"Allons, allons… Fais un peu confiance aux personnes qui t'entourent. Elles connaissent leur métier, non?"

"Je veux que tout soit parfait."

"Jimmy…"

"Oui ?"

"Tout va être parfait."

Depuis le matin, tout allait de travers. Il voulait s'occuper de tout et comme il agaçait tout le monde avec ses craintes et sa nervosité, il s'était fait gentiment houspillé. Emmené par Mrs. Mortimer, tout le monde s'était ligué contre lui et l'avait prié d'aller prendre l'air et de s'occuper de ses affaires. Un comble! Il avait alors fait les cent pas pendant plus de deux heures en consultant sa montre toutes les cinq minutes.

Quand Dickinson était arrivé, Stevens était à cran. Il n'avait pas vu Sarah depuis trois jours et elle lui manquait déjà cruellement. Combien il aurait aimé la tenir dans ses bras, mais la tradition l'empêchait de voir sa future femme la veille de son mariage. Revenant dans le présent, il soupira en regardant la campagne anglaise qui défilait autour de lui;

"Vivement que cela soit terminé. J'ai horreur de toute cette agitation."

"Cela ne te dérange pas quand c'est toi qui agite la baguette, avoue-le ?"

"C'est mon mariage, j'aurai dû m'en occuper."

"Jimmy, c'est la manière que tes subalternes ont trouvé pour te montrer à quel point ils t'apprécient et te respectent."

"Sans doute."

"Et puis, c'est aussi une façon de te rendre la pareille pour toutes les fois où c'est toi qui as servi."

Stevens soupira une nouvelle fois.

"Tout cela me met mal à l'aise, George…"

"Je sais, mais tu verras les choses autrement dans quelques temps et ça deviendra un souvenir inoubliable."

Un silence. Dickinson jeta un regard vers son ami.

"Allons, ne fais pas cette tête là, on dirait que tu vas à un enterrement !"

"Sarah me manque."

"Tu vas la retrouver!… Bon sang, Jimmy, détends-toi !"

"Pourquoi lui ai-je dit oui ?"

"Ah non, ça ne va pas recommencer, hein ?…"

Irrité, Dickinson arrêta brutalement la voiture sur la route et se tourna vers le majordome.

"… Ecoutes-moi bien, Stevens… Tu vas me faire le plaisir d'arrêter de réfléchir et tu vas laisser parler ton cœur pour une fois! Sinon je te jure que c'est moi qui vas te traîner jusqu'à l'autel par la peau des fesses ! Tu aimes cette femme, oui ?

"Oui…"

"Alors prouves-le lui !! Epouses la, fais lui des enfants, soyez enfin heureux !

"Je suis mort de peur…"

"Jimmy, on en est tous passé par là. Tu n'es pas le premier et tu ne seras certainement pas le dernier… L'admettre est un acte de courage."

Stevens eut un pauvre sourire.

"Tu as fait le bon choix… Sarah Kenton est ce qu'il y a de mieux qui te soit arrivé dans ta vie."

"C'est vrai. Je ne sais pas comment je pourrais vivre sans elle."

"Tu vois… Bon, on y va ?"

"Oui, on est déjà en retard."

Les deux amis reprirent la route et pénétrèrent dans le petit village. Ils s'arrêtèrent devant l'église où tous les invités s'étaient rassemblés. Stevens salua tout le monde et pénétra dans l'église, accompagné par George, son témoin.

Le majordome salua le prêtre et discuta avec lui, en jetant de fréquents regards vers l'entrée. Les invités s'installaient en riant et en s'interpellant. La musique de l'orgue s'éleva lentement.

Stevens redevint très nerveux lorsqu'il y eut de l'agitation à l'entrée. La marche nuptiale retentit alors et un cortège apparut. Stevens sentit son cœur battre la chamade. Derrière les demoiselles d'honneur apparut sa future épouse au bras de Lord Darlington lui-même. Ils avancèrent dans l'allée sous les regards admiratifs de l'assistance.

Sarah était resplendissante. Stevens se sentit soudain très fier d'aimer une telle femme et d'en être aimé. Il ne la quittait pas des yeux, absorbé par la vision angélique qui s'approchait de lui. Avec un sourire, Lord Darlington lui confia la jeune femme et se retira. Le prêtre prit la parole et la cérémonie de mariage commença…

Pour le meilleur et pour le pire, James et Sarah se jurèrent fidélité et amour. Ils échangèrent ensuite leurs anneaux et furent déclarés mari et femme.

Stevens souleva le voile de la mariée et la contempla sans obstacle pour la première fois. Une larme de bonheur glissa sur la joue de sa femme. Il se pencha et cueillit un baiser sur ses lèvres.

Sans contestation possible, il était le plus heureux des hommes.

FIN