Alors je suis totalement confuse pour le retard, mais il se trouve que je suis partie 4 semaines en vacances loin d'internet ( T..T ) et que en plus ce chapitre était une horreur à écrire…

Et donc voilà, bah j'espère qu'il vous plaira paske personnellement, c pas le chapitre que je préfère ( en fait je le déteste )…

Bizoux à toutes et bonne lecture !

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Chapitre 12

Learn to Fly

Father, tell me somethin'

Where do bad men go when they die ?

And mother says you'll go there but

Wings for her and I

And I don't mind

Cause I have always wanted to learn to...

Fly

Learn to fly...

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"Fly",

Nickelback

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Severus ne désirait rien tant que de voir sa journée finir afin de pouvoir s'échapper un instant du château, pour étancher la soif qui lui creusait le ventre depuis la veille. Manque qui était aggravé par l'idée d'une éventuelle nuit cauchemardesque de plus. On aurait pu penser qu'après avoir fait autant de mauvais rêves dans sa vie, il ne les redoutait plus, mais à chaque fois, c'était la crainte persistante de ne pas se réveiller, sans compter la profonde angoisse qui pesait sur sa poitrine, et d'anciennes peurs réveillées toujours plus vivement. Maintenant qu'il avait enfin trouvé de quoi apaiser ses tourments nocturnes, il se demandait comment il avait pu rester sain d'esprit après cinq mois de nuits toutes plus effrayantes les unes que les autres, et il n'avait pas l'intention d'en passer une de plus. Il avait pu supporter les cauchemars assez réguliers qu'il avait fait pendant toute sa vie durant, en particulier depuis une quinzaine d'années, mais depuis le mois de juillet c'était insoutenable. Ils n'avaient jamais été aussi intenses. Un vague instant, la pensée que la malédiction du Seigneur des Ténèbres pesait toujours sur lui avait traversé son esprit. Son ancien maître n'avait peut-être pas eu l'intention de le tuer aussi vite qu'il l'avait cru. Peut-être voulait-il le rendre complètement dément en transcendant ces visions, que ses cauchemars dus à ses propres actes passés aliènent son esprit au point de l'en faire mourir. Et c'était sans doute la raison pour laquelle il n'avait plus cherché depuis à attenter à sa vie. C'était une mort lente, mais pas tellement douloureuse. Sournoise... Non... Tout le monde savait que le malheureux qui avait été maudit mourait dans les jours qui venaient, au pire en deux ou trois semaines. Et il mourait dans des souffrances bien plus affreuses que de simples rêves. Le Seigneur des Ténèbres n'avait que faire de la vie d'un misérable traître, et qui se rendait à présent aussi utile qu'un certain Sirius Black terré dans son trou depuis le mois de juin précédent. C'était ce vide qui le tiraillait qui le faisait divaguer... Même s'ils étaient plus sombres, ces songes avaient la même origine qu'auparavant. C'était toujours les mêmes souvenirs qu'il avait refoulés au plus profond de sa conscience. Et ils s'estomperaient avec le temps, leur harcèlement incessants n'était dû qu'à sa rencontre récente avec l'auteur de son supplice. Bien que son premier bourreau fut avant tout lui-même... Il devait arrêter de se tourmenter de la sorte, c'en était presque aussi épuisant. Ces pensées qui revenaient sans cesse. Il ne s'endormirait ce soir là que dans la fumée bienfaisante du narguilé, ou bien il veillerait jusqu'au petit matin, dut-il pour cela passer la nuit sous une douche glacée.

Lorsque, à son grand soulagement tout autant qu'à celui de ses élèves, ses cours prirent fin, le jour commençait à décliner en teintes rosâtres. Sitôt qu'il put quitter ses collègues, il monta son escalier de pierre blanche, sa chatte sur les talons, afin de se changer et de partir sur-le-champ.

Dès que la féline créature le vit revêtir sa lourde cape d'hiver, elle se frotta à ses jambes.

- Non, je ne t'emmène pas. Ce n'est pas un endroit pour les petits chats là où je vais, dit-il gentiment en la déposant sur son lit avec une caresse, ça n'est déjà pas un endroit très fréquentable pour les humains...

Il avait l'intention de transplaner. En principe, ce genre de déplacement était impossible au château, mais certaines places échappaient à la règle, comme le bureau du directeur, bien sûr, et les appartements de Severus, puisqu'il avait eu à faire des déplacements réguliers, de par sa condition d'espion. Aussi pouvait-il avoir recours aux Portoloins et à la poudre de Cheminette à volonté, bien qu'il eût horreur de voyager par cheminée. Et bien sûr, il pouvait également transplaner. Il ajustait sa capuche sur sa tête lorsque la chatte revint à la charge. Il soupira.

- Je t'ai dit non... Ils seraient bien capables de te couper en petits morceaux pour te transformer en amulettes et talismans en tout genres, je les connais là-bas... Non... Oh, bon ça va, je t'emmène, céda-t-il alors qu'elle insistait. Mais je te défends de bouger ne serait-ce qu'une oreille, c'est compris ?

La chatte assise sur le plancher le regarda d'un air aussi sage que le permettait sa frimousse de lutin. Il la mit dans une des poches de sa tunique - sa taille de chaton lui permettait sans problème – et transplana instantanément. Il pleuvait sur Londres. Il atterrit dans un des recoins les plus sombres de l'Allée des Embrumes, entre deux boutiques, et mis ses mains dans ses poches, piquées par le froid. Il ressortit cependant rapidement sa main droite, soudainement attaquée par une paire de mâchoires qui n'avait apparemment pas apprécié le voyage.

- Ah, navré, j'ai oublié de te prévenir de ce petit désagrément...

Il se mit en marche dans l'obscurité. La nuit, qui tombait tôt en cette saison, avait depuis peu recouvert l'Allée des Embrumes, habituellement sombre, d'un épais manteau noir et sans les lumières troubles et fantomatiques émanant des vitrines glauques, il eut été pratiquement impossible de se diriger. Severus cependant, connaissait bien cette partie du Chemin de Traverse, et trouvait son chemin sans peine. A dire vrai, la nuit l'arrangeait un peu, car il n'était pas tellement emballé par une éventuelle rencontre avec d'anciens « camarades » et les ténèbres le dissimulaient aisément aux regards. Il repoussa de la main un museau trop curieux sorti de sa poche et remonta l'Allée à pas rapides, passant devant des têtes réduites, des yeux magiques flottant dans des bocaux comme celui de Maugrey Fol-Oeil, des viscères de grenouille montées en collier et autres trouvailles appétissantes sans les voir. Il finit par s'arrêter devant une boutique qui ne possédait qu'une minuscule vitrine. Une enseigne représentant une araignée dans un bocal se balançait sinistrement au-dessus de la porte, que Severus poussa d'un geste résolu. C'était l'une des rares boutiques à être soignées. Elle était tout aussi lugubre que les autres, mais à peu près propre, ce qui faisait que les ingrédients présentés semblaient un peu plus sains que dans certaines échoppes. Un homme était courbé sur un registre posé sur le comptoir, au fond de l'étroit magasin. Il portait une veste élimée qui avait dû être élégante dans un autre temps, et une paire de gants de mauvais cuir. Il releva la tête en entendant la clochette qui avait tinté à l'entrée de Severus. Celui-ci abaissa sa capuche et s'approcha de l'homme.

- Severus Snape, grinça le vendeur de sa voix éraillée. Cela fait bien longtemps, ajouta-t-il avec une courbette.

Il avait ce ton mielleux insupportable caractéristique de quatre-vingt dix pour cent des commerçants de l'Allée des Embrumes.

- Professeur Snape, si ça ne vous ennuie pas, corrigea Severus d'un air impatient.

- Bien sûr, pardonnez-moi, Professeur, reprit l'homme avec empressement. Que puis-je pour vous ?

- Je travaille actuellement sur des potions d'Euphorie et j'aurai besoin d'une quantité assez conséquente d'opium.

- D'opium ? Est-ce bien légal d'utiliser cela avec d'innocents élèves ? ricana le sinistre sorcier en se dirigeant dans son arrière-boutique.

Severus se demanda intérieurement depuis quand cet affreux bonhomme se souciait de la légalité.

- C'est tout à fait légal et ça ne vous regarde pas, rétorqua-t-il.

- Oh, bien sûr, je en mettais pas en doute votre parole, Professeur, s'excusa-t-il en ramenant un pot poussiéreux qu'il posa sur le comptoir. Voilà tout ce qui me reste, ce sera suffisant ?

Le professeur de Potions hocha sèchement la tête.

- Il vous fallait autre chose peut-être ? J'ai ici d'excellents...

- Ce sera tout, coupa Severus.

Il n'avait qu'une envie, c'était de rentrer et de soulager ce manque qui le torturait depuis la veille. Il tendit une poignée de Gallions au marchand qui eut un sourire et il tourna les talons.

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Une vingtaine de minutes plus tard, il était étendu sur son lit, les yeux clos, un sourire de ravissement aux lèvres, tandis que la chatte, allongée en position du sphinx devant la cheminée, le toisait d'un air réprobateur. Il était dans un état d'abandon total et délicieux. Il finit par s'étirer avec volupté et se cala sur ses oreillers. Ses cheveux formaient une auréole sombre autour de sa tête. Ses deux ailes dépassaient de chaque côté du lit - déployées de la sorte, elles ne le gênaient pas. Il se sentait extrêmement bien. Il avait chaud, il ne ressentait plus cet horrible vide qui lui avait tordu le ventre deux jours durant, pas un bruit ne venait troubler sa quiétude, aucun fourmillement ne venait méchamment chatouiller son dos : il était calme et détendu. Rien à voir avec son état d'énervement proche de la folie furieuse de la veille, ou son anxiété croissante de la journée. Il ne connaissait rien de plus plaisant. Il aurait pu rester étendu ainsi, entre le rêve et la réalité, pendant une éternité. Puis, peu à peu, son esprit reposé se laissa envahir par de paisibles songes.

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Une lumière voilée éclairait sa chambre. Elle venait du reflet du disque d'argent de la lune sur les murs blancs. Les rideaux n'étaient pas fermés, et la fenêtre était entrouverte. Il ne se souvenait pourtant pas l'avoir ouverte. Il se vit sortir sur le balcon. Le cercle blanc de l'astre nocturne était presque parfait. La lune serait pleine la nuit suivante. Le parc était tellement beau. Il ne lui apparaissait jamais aussi beau lorsqu'il était éveillé. Cela faisait sans doute partie de la magie des rêves et de leurs mystères. Et peut-être aussi parce qu'aucun élève ne s'y promenait. Les étoiles luisaient dans le firmament parsemé de nuages, et quelques flocons volaient ça et là, paillettes de lune. Le parc et les environs, couverts de neige, brillaient sous la lueur laiteuse. Une soudaine envie s'insinua dans sa conscience altérée par le sommeil, et il battit un peu des ailes pour les aérer. C'était agréable de sentir le vent glisser dans les plumes. Même si cela n'était qu'une impression. Il recommença. C'était vraiment très agréable. Il faisait frais, mais il ne sentait pas la morsure du froid, malgré qu'il n'ait que sa tunique sur le dos. Il s'assit sur la rambarde de pierre du balcon. La chatte bondit à ses côtés. Son pelage comme ses yeux jetait des éclats d'or. Il entendit sa voix résonner doucement dans le silence, murmure porté par le vent.

- Tu n'aimerais pas te rapprocher un peu des étoiles là-haut ? Ca doit être beau...

Un léger rire s'échappa de sa gorge.

- Ca serait facile avec ça...

Il agita un peu ses ailes.

- Je suis sûr que ça serait possible. Peut-être pas aussi loin, mais s'en rapprocher juste un peu...

Il monta sur la balustrade. Il était tout léger. Il regarda le sol, qui étalait son tapis blanc quinze mètres plus bas.

- Tu vois, dit-il à la chatte, ce qui est bien avec les rêves, c'est que tu peux faire n'importe quoi, tu es sûr de te réveiller le lendemain matin. Pas comme les cauchemars...

Et joignant le geste à la parole, il fit quelques pas de funambule sur la balustrade. La hauteur ne l'effrayait pas.

- Regarde, je suis déjà un peu plus près, lança-t-il en regardant le ciel.

Une brise légère envoyait se perdre dans ses cheveux une fine poudre blanche. Ses ailes s'agitèrent un peu plus.

- Je suis certain que ça peut marcher. Tu sais que depuis Icare, tous les hommes rêvent de voler ? Je ne sais plus qui a dit ça... En attendant, je suis probablement le seul capable de le faire sans avoir recours à la magie – ou un balai.

La chatte le regardait d'un air presque navré, semblant penser « Mon dieu, mon dieu, mais pourquoi est-ce que c'est sur moi que ça tombe ? » Lorsqu'il se redressa de toute sa taille, les ailes déployées, elle rentra et alla s'allonger sur le lit où son vrai lui était en train de dormir profondément. Ses ailes battirent de plus en plus et ses talons se soulevèrent. Il ne savait pas par quel mécanisme étrange il était capable de les faire bouger, mais apparemment cela fonctionnait plutôt bien. Au bout de quelques instants, son corps entier s'élevait de plusieurs centimètres. Il se posa sur le balcon, ravi, et se pencha par-dessus la balustrade, un sourire aux lèvres. « On peut faire n'importe quoi, on est sûr de se réveiller... » Il remonta dessus d'un bond souple comme celui d'un félin. Il hésita un instant. Un instant de trop, assurément, car le vent s'engouffra brusquement dans ses ailes et le déséquilibra – du mauvais côté de la rambarde. Une vague angoisse submergea une fraction de seconde le plaisir, car il chutait un peu vite, mais brusquement, telles deux grandes mains se raccrochant au vent, ses ailes s'étendirent au maximum et freinèrent sa descente. Il finit par atterrir – un peu brutalement certes, mais entier, et toujours souriant. Il jeta alors un oeil vers le balcon, loin au-dessus de lui. La suite des évènements fut un peu floue. A plusieurs reprises, il s'élança sans pour autant atteindre le balcon. Il arriva cependant à remonter aux prix de maints efforts, alors qu'il commençait un peu à fatiguer, et que les brumes de son rêve se faisaient de plus en plus opaques. Puis, plus rien.

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La première chose dont il prit conscience en se réveillant fut la sourde douleur qui transperçait sa colonne vertébrale, puis le froid qui régnait. Deux grands yeux dorés se trouvaient juste au dessus des siens quand il les ouvrit, et il eut un mouvement de recul, rejetant la tête en arrière... et la fracassant par la même occasion sur ce qui n'était certainement pas son confortable oreiller. Lorsqu'il se redressa sur son séant et vit qu'il était allongé sur son balcon - " Mékessfoulamoi ? " -, il resta un moment interdit, réalisant que son double onirique accomplissant des acrobaties aériennes en pleine nuit était très probablement sa propre personne. Il massa son crâne douloureux et regarda plus attentivement autour de lui. Il n'y avait pas de doute, il était bien allongé sur la pierre, devant la fenêtre ouverte de sa chambre.

Il se releva et, chancelant un peu parce que tout juste sorti du sommeil, nota mentalement « Bien fermer la fenêtre avant de se coucher. » Il referma derrière lui et constata que sa chambre était glaciale, et que seulement quelques faibles braises reposaient dans l'âtre. Il capta son reflet dans le miroir de son armoire et s'aperçut qu'il était couvert de neige par endroits. La chatte passa devant lui, s'installa sur son bureau et, après lui avoir jeté un regard las, se mit à nettoyer sa fourrure qui avait viré au blanc durant la nuit. A en juger par la tunique pleine de poils de chat de Severus, la chatte avait dormi étendue sur la poitrine et la gorge de son maître, lui évitant une pneumonie carabinée. Il avait déjà remarqué, intrigué, que la neige ne la gênait pas le moins du monde, pas plus que la pluie d'ailleurs. C'était sans doute dû à l'épaisseur de sa fourrure. Il renifla. Il avait quand même attrapé un rhume. Il caressa la tête de l'animal.

- Merci, murmura-t-il distraitement en se dirigeant vers la salle de bains. Tu aurais pu me réveiller, ça aurait été plus simple...

Si elle avait été humaine, elle lui aurait sans doute répondu que s'il n'avait pas encore respiré sa substance à l'odeur épouvantable et qu'il n'était pas tombé épuisé après avoir fait mumuse avec ses grands trucs emplumés qu'il avait sur le dos, que même qu'avec il ressemblait à ce délicieux petit moineau de l'autre jour, elle aurait sans doute réussi à le réveiller, mais elle n'était que chat et se contenta d'un miaulement agacé auquel il ne prêta pas attention. Il poussa la porte de la salle de bains et se retrouva en face de lui-même. Contrairement à la plupart des miroirs du monde sorcier, celui de Severus ne parlait pas – il ne supportait pas les commentaires idiots qu'osait lui faire son propre reflet – et se comportait comme tout miroir parfaitement moldu.

- J'ai vraiment passé ma nuit à essayer de voler jusqu'à mon balcon ? s'interrogea-t-il en se lançant un regard à la fois navré et perplexe. Mon dieu, mon dieu, mon dieu...

Il n'arrivait vraiment pas à se rappeler de sa nuit autrement que comme un rêve.

- J'espère qu'il n' y avait personne dans le parc au moins... souffla-t-il en observant ses longues ailes noires.

Il étouffa un bâillement.

« Résultat des courses : il est bientôt dix heures du matin, je suis nase et en plus j'ai un rhume. Avec ça j'ai le dos en compote et je viens de me fendre le crâne. Bien, Severus... très bien. Bon début de journée. Ca va que je n'ai pas cours, je n'aurai pas supporté ces petits monstres après une nuit pareille. Ah oui, il paraît que je sais voler aussi... » Alors qu'il se glissait sous le jet brûlant de la douche, il tenta de se remémorer ses péripéties aériennes. Il se rappelait vaguement s'être aperçu qu'il devait orienter différemment ses ailes selon la direction qu'il voulait prendre et son altitude. « Non, mais n'importe quoi... Voler... songea-t-il en laissant son esprit rationnel reprendre le dessus. Et bientôt, je vais songer à migrer avant l'hiver, aussi... Ce n'était qu'un rêve idiot comme tant d'autres et je me suis levé en dormant, voilà tout... De toute façon, je n'ai absolument la constitution qui le permettrai, c'est tout à fait impossible, l'homme n'a pas été formé pour ça... »

Mais ce faisant, il était sorti de la douche, et après avoir pris un verre de Pimentine qui lui faisait fumer les oreilles, ce dont il avait horreur, il rouvrit la fenêtre comme pour découvrir à nouveau le théâtre des évènements nocturnes. En bas, à demi-couverte par la neige, une petite plume noire le narguait.

- Je vais me recoucher, décida-t-il brusquement en quittant le balcon.

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Au même moment, Arlanne Vector prenait place aux côtés de Myrane Dana O'Shee en salle des professeurs. Les deux jeunes femmes, sensiblement du même âge, s'étaient liées d'amitié. Elle sortit des copies d'Arithmancie de son sac et se pencha vers sa voisine.

- Vous ne travaillez pas avec Severus aujourd'hui ?

- Ah non alors ! Si je peux passer mon week-end sans le voir... Surtout que depuis jeudi, il est d'une humeur de chien.

- Pire que d'habitude, vous voulez dire, sourit le professeur d'Arithmancie.

- Et étant donné que je tiens à ma vie, je n'ai pas jugé nécessaire d'aller la mettre en péril en allant lui proposer d'avancer un peu les cours... Je suppose d'ailleurs qu'il doit être particulièrement en rogne après moi depuis qu'il m'a fait ses excuses, parce que ça m'étonnerait beaucoup qu'il soit venu de son plein gré et son orgueil a dû en prendre un coup.

- Severus vous a fait des excuses ? répéta Arlanne, incrédule.

- Oui, avant-hier matin. Vaguement, parce que ça a vite dérapé et qu'il est parti. Cependant, je soupçonne fortement le directeur d'en être à l'origine. Mais ça n'est pas bien grave, je suis contente qu'il ait pris la peine de les faire. J'ai à peu près compris comment il fonctionnait, ça devrait mieux se passer à présent. J'espère.

- Vous savez, il n'est pas foncièrement méchant. Il réagit agressivement quand on l'ennuie. Le malheur, c'est que tout l'ennuie. Et Minerva est persuadée qu'il est en pleine dépression nerveuse, ce qui n'arrangerait rien. Tiens, vous travaillez les Runes ?

- Pas exactement les Runes. La mythologie scandinave, et les modes de magie du Nord, ce qui implique une connaissance minimum des Runes, avec les cinquième année. J'ai prévu de travailler en binôme avec Asbjörn, mais j'aimerais attendre que William soit remis. Je dois dire qu'il est bien plus agréable que Severus... Il est tout à fait enthousiaste, lui...

Asbjörn Mannaz était le jeune professeur de Runes, enseignant à Poudlard depuis quelques années. Tout droit descendu de Norvège, il était grand et ses yeux avait la couleur des glaciers. Ses cheveux blonds qui lui tombaient sur les yeux étaient tellement clairs qu'ils paraissaient presque blancs et une longue natte courait le long de son crâne, atteignant son épaule droite. Si, comme un certain professeur de Potions, il avait un physique froid, lui le compensait néanmoins par un caractère ouvert et chaleureux.

- Je voudrais bien travailler en binôme avec Asbjörn... dit Arlanne avec un faux air envieux. Sa compagnie est très agréable. Et il faut avouer qu'il est plutôt plaisant à regarder, ce qui ne gâche rien... Mais si je me mets à faire de l'Arithmancie avec des chiffres runiques, il y a de fortes chances pour que j'envoie mes élèves à l'infirmerie pour cause de migraine au bout de dix minutes. Et moi aussi probablement. Je n'ai jamais rien compris aux Runes.

- Vous devriez demander à Asbjörn, je suis sûre qu'il se ferait un plaisir de vous expliquer... A propos, comment va William ? Vous êtes allée le voir, si je ne m'abuse ?

- Oui, et son état ne s'est pas arrangé... J'espère qu'il se remettra bientôt, le pauvre. ( et du synthol, il n'en a pas... le pôvre. )

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Contre toute attente, Severus se leva frais et dispos, et même à l'heure pour aller déjeuner. Lorsqu'il regagna ses appartements, il s'étendit sur son lit - comme il en avait pris la mauvaise habitude ces derniers temps - les pieds sur son oreiller, les ailes repliées, les coudes appuyés au bord du lit et la tête dans ses mains, regardant le feu à l'autre bout de la pièce tout en réfléchissant. Il découvrait beaucoup de choses incompréhensibles en ce moment, cela devenait pénible. En parlant de ça, où était donc son poignard ? Ah, sur la table de chevet, là-bas... Il fit un geste de la main, attirant la dague vers lui, et la saisit. Il la retira de son fourreau et se mit à caresser distraitement le fil de la lame comme il examinait les avantages et les inconvénients du fait de savoir voler, puisque apparemment, c'était le cas. En fait, cela ne lui procurait pas grand-chose. Pas plus que ça ne le gênait. Pour que ça devienne vraiment utile, il aurait fallu qu'il perfectionne sa technique, et il n'avait pas la moindre envie de se livrer à ce genre d'amusement pour bien peu de bénéfices. Car au fond, qu'est-ce que ça lui apportait vraiment ? Cela semblait certes plus rapide que la marche à pied, mais il n'avait absolument pas l'intention de déambuler de la sorte dans les couloirs du château. Ca pouvait à la limite lui éviter plusieurs détours dans la Forêt Interdite, lorsqu'il devait contourner le territoire de quelques créatures plutôt mal intentionnées. Pour accéder à certaines plantes hors de sa portée dans la Forêt ou la montagne ? Il avait aussi vite fait d'aller les chercher dans l'Allée des Embrumes. Tout cela n'avait guère d'utilité...

Il restait tout de même le simple fait de glisser sur le vent. Maintenant qu'il avait admis que cela n'avait pas été un rêve, il devait avouer qu'il y avait pris plaisir. Après tout, il ne pouvait pas nier qu'il aimait voler. Depuis longtemps. Même s'il n'en avait eu que rarement l'occasion, il se rappelait parfaitement l'irrésistible frisson qui parcourait la colonne vertébrale quand on prenait son essor, avant de s'élever tel un oiseau. Pourquoi pas, après tout ? C'était à voir... Un museau de velours venu se glisser entre ses bras le tira de ses pensées.

- Tiens, te voilà, toi. Oh, tu sens le poisson... marmonna-t-il après qu'elle lui eut léché les doigts qu'il avait passé sur sa tête. Tu étais encore dans les cuisines, il me semblait t'avoir dit non. Vilaine petite voleuse, va. En plus tu fais peur aux elfes. Un véritable Attila des cuisines... Mais oui, je t'aime quand même, assura-t-il alors qu'elle se frottait à lui d'un air câlin. Bon, tu m'excuses, mais j'ai des copies à corriger. Et puis un cours de Défense contre les forces du Mal à préparer pour lundi.

Il fit mine de se lever

- Ah oui, ça va déplaire à Miss Pénible. Et bien tant pis pour elle... termina-t-il en se levant pour de bon

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