Chapitre 3 : Chasse à l'homme – Partie 2

Le 17 mai, l'avion de Clarice décollait de Washington direction l'aéroport Charles de Gaules à Paris. Elle arrivait une semaine avant la vente chez Christie's et elle allait en profiter pour découvrir la ville et se familiariser avec les lieux.

Dans l'avion, elle relisait une dernière fois les éléments de son dossier et resta un long moment à fixer le nom d'Henri Bacellant. Plus elle le regardait, plus il lui semblait qu'il cachait quelque chose. Elle pris un crayon et commença à réfléchir :

''Un H, un B, deux L, deux N... Est-ce que ça pourrait marcher ? Si je change l'ordre des lettres... Voilà j'en été sûre... Encore une anagramme docteur ? Vous n'avez pas changé à ce que je vois...''

Sur la feuille que tenait Clarice était maintenant inscrit un nouveau nom : celui d'Hannibal Lecter...

Le temps semblait long à l'agent du FBI qui attendait avec impatience le jour où elle pourrait peut-être à nouveau revoir le docteur. Elle ressentait à la fois l'envie de savoir si ses déductions étaient correctes mais aussi de l'appréhension car elle ne savait pas comment elle allait réagir face à lui. Clarice essayait de se détendre en visitant les grands monuments parisiens mais rien que de penser qu'ils pourraient être à nouveau réunis lui serrait l'estomac.

Depuis qu'elle était arrivée à Paris, ces nuits étaient agitées et les souvenirs de cette soirée sur Chesapeake venaient hanter ces rêves. Il lui avait dit tant de choses ce soir-là, tant de vérités. Puis il l'avait embrassée dans la cuisine et ensuite, il s'était... À ce moment-là, Clarice se réveillait en sursaut, elle devait oublier la suite, ne pas y penser.

Le 24 mai arriva enfin et la jeune femme était prête à intervenir. Elle avait pu avoir accès à la salle de surveillance chez Christie's d'où elle pouvait observer toutes les pièces sans se faire remarquer. Le docteur serait discret, il s'approcherait sûrement du manuscrit pour l'examiner de plus près mais il ne prendrait pas part aux enchères. Il suivrait toutefois tout cela avec grande attention.

14 h 45, la vente allait bientôt commencer et toujours pas de traces du docteur Lecter. Tous les objets qui seraient vendus aujourd'hui étaient exposés dans une grande salle voisine de celle où se dérouleraient les enchères. Les acheteurs potentiels pouvaient ainsi admirer les œuvres avant le début des 'hostilités'.

Dix minutes avant le lancement de la vente, un homme s'approcha du vieux manuscrit. Il n'était pas très grand et avait de longs cheveux foncés. Clarice le reconnut aussitôt. Même avec ses cheveux longs, elle savait qu'il s'agissait du docteur Lecter. Sa façon de marcher ou de pencher la tête de côté quand il examinait l'œuvre de Dante lui étaient trop familières.

Après avoir passé un moment devant le manuscrit, le docteur rejoignit le reste des convives qui se dirigeaient dans la pièce voisine. Il prit un siège dans le fond de la salle et attendit patiemment que le commissaire-priseur arrive enfin au lot qui l'intéressait.

Clarice le fixait sur l'écran. Il était assis les jambes croisées, une grande élégance et une grande sérénité se dégageaient de sa personne. La jeune femme essayait de se souvenir si elle avait déjà rencontré un homme comme lui mais la réponse fut négative. Il était unique et pas seulement pour les meurtres qu'il avait commis. Jamais elle n'avait vu quelqu'un qui pouvait être à la fois si raffiné, intelligent et séduisant mais aussi le mal incarné. Les différentes facettes de la personnalité d'Hannibal Lecter avaient toujours fasciné l'agent spécial. Clarice devait bien le reconnaître les discussions qu'ils avaient eu ensemble lui manquaient parfois.

Le manuscrit de Dante fut enfin mis à la vente. Les enchères allaient bon train et Clarice pouvait desceller un léger sourire sur les lèvres du docteur qui semblait amuser par la situation. Quand le marteau du commissaire-priseur retentit dans la salle indiquant la fin des enchères, Hannibal Lecter se leva et se dirigea vers la sortie.

Clarice ne devait pas le perdre. Elle sortit comme une fusée par une porte de service et alla se poster de l'autre côté de la rue sur laquelle donnait l'entrée principale. Dix secondes plus tard, le docteur apparut, il jeta un regard aux alentours puis commença à marcher. Starling espérait qu'il ne l'avait pas remarqué, elle se tenait à une bonne distance derrière un kiosque à journaux.

Le plus dur restait à faire. Elle devait le suivre mais sans attirer son attention. Difficile à faire quand vous connaissez la méfiance du docteur Lecter. Elle attendit qu'il ait une bonne distance d'avance pour s'élancer à son tour. Clarice restait loin derrière lui, assez loin pour le perdre de vue parfois. Son taux d'adrénaline augmentait avec chaque pas qu'elle faisait. Ils marchèrent pendant près de cinq minutes avant qu'elle n'aperçoive au loin qu'il montait dans une voiture.

Un vent de panique la saisit. Elle ne pouvait pas l'interpeller maintenant, pas en pleine rue, il pourrait y avoir des blessés. Mais elle ne pouvait pas le laisser partir non plus. ''Bon sang, quelle merde !'' maugréa-t-elle.

Le docteur allait quitter sa place de parking quand elle aperçut un taxi qui se dirigeait dans sa direction. Clarice traversa la route pour l'arrêter. Elle monta à l'arrière et ordonna au chauffeur de suivre la voiture de Lecter. Après avoir donné quelques consignes au conducteur, elle décompressa un peu. ''J'espère que je n'aurais pas fait tout ça pour rien.''

Assise à l'arrière du taxi, Clarice suivait du regard la voiture qu'ils avaient prise en filature. C'était une Jaguar XKR noire. Elle n'aurait jamais pensé voir le docteur au volant d'un tel modèle. Elle aurait plutôt opté pour quelque chose de plus 'commun' comme une Jaguar XJR ''supercharge''. La XKR était plus sportive et plus nerveuse. Clarice entendait le ronronnement du moteur V8 quand ils se trouvaient assez prés. Elle s'imaginait la sensation que l'on devait ressentir en conduisant ce genre de voiture...

Ils avaient quitté le centre de Paris et roulaient maintenant sur une nationale en direction de l'Ouest. Après une dizaine de kilomètres, la Jaguar obliqua à droite sur une voie privée. Il devenait de plus en plus difficile de ne pas se faire remarquer. Clarice espérait que la vue d'un taxi attirerait moins l'attention du docteur.

La route était bordée de grands platanes et les entrées des villas, parfois surveillées par des caméras vidéos, semblaient indiquées qu'ils se trouvaient dans un quartier aisé de la banlieue parisienne. Clarice avait demandé au chauffeur de laisser une distance importante avec la voiture du docteur et, après un virage sur la gauche, la Jaguar avait disparu.

La gorge de la jeune femme se noua. Elle ne pouvait pas le perdre maintenant, si prés du but. Le taxi continuait sa route quand Clarice aperçut un portail ouvert sur sa droite et elle eut juste le temps de distinguer l'arrière de la Jaguar avant qu'elle ne disparaisse une seconde plus tard au bout de l'allée.

Starling demanda au chauffeur de faire un deuxième passage devant l'entrée. Les grilles s'étaient refermées et elle ne pouvait rien distinguer de la maison qui était cachée par la végétation. Elle savait maintenant où vivait Hannibal Lecter.

De retour à sa chambre d'hôtel, Clarice alla prendre une douche. Cette journée avait été épuisante physiquement et émotionnellement. Ce soir-là, elle se coucha de bonne heure après avoir mangé. Le plus dur restait à faire...