Chapitre3 : Un Cri Dans La Nuit
La fillette suivait sagement ses parents dans le vaste réseau de tunnels du métro parisien. Cet endroit l'avait toujours intriguée. Comment pouvait-on creuser sous la terre sans risquer de causer un éboulement ?
Elle n'avait qu'environ six ans, mais sa vivacité d'esprit frappait toujours les gens lorsqu'il la rencontrait. On disait souvent d'elle qu'elle était une surdouée et cela l'amusait copieusement.
En passant devant une vitre, elle prit le temps de se recoiffer en vitesse. Sa beauté n'avait pas d'égal. Ses cheveux blonds tombaient sur ses épaules et balayaient son doux visage pâle, parsemé de petites taches de rousseur, aux joues bien roses et aux yeux d'un bleu d'azur. Sa mère, exaspérée par sa coquetterie, la traîna par le bras jusqu'au métro.
Il était plus de onze heures du soir et l'enfant aurait du depuis longtemps se trouver au lit mais la famille s'était rendu au cinéma et rentrait à peine de la séance.
A cette heure-là, la ligne 14 était, la plupart du temps, déserte, mais un groupe de touristes japonais éméché par quelques cannettes de bière s'engouffra dans les couloirs en même temps qu'eux, bousculant les parents sur leur passage.
Alors que la foule montait dans la rame, la fillette lâcha malencontreusement la main de sa mère qui ne le réalisa pas immédiatement. Les portes automatiques se fermaient lorsque la femme aperçu sa fille restée sur le quai.
Elle tenta de se frayer un passage mais il était trop tard et elle ne pu que regarder s'éloigner son enfant dont le visage décelait une certaine appréhension.
La fillette, perdue, décida de demeurer là et d'attendre que ses parents puissent venir la reprendre, mais les minutes défilaient sur sa montre et sa famille ne réapparaissait toujours pas.
Le couloir s'était totalement vidé. Les touristes avaient rejoint leurs hôtels et tout était redevenu très calme dans le souterrain.
L'attente commençait à paraître longue à la petite fille, assise sur une banquette, balançant ses jambes en signe d'impatience.
Soudain, elle entendit un étrange grincement. On aurait dit le son d'une craie que l'on fait crisser sur un tableau noir à l'exception que l'on n'était pas dans une salle de classe et qu'il n'y avait aucun tableau dans le métro parisien.
Comprenant que quelque chose d'anormal se produisait, la fillette se leva rapidement et regarda autour d'elle. Personne. Pourtant, elle avait l'impression de sentir sur elle le souffle d'un individu.
La peur envahissait son esprit. Que se passait-il ? Où étaient-ils tous ces gens qui l'avaient empêchée de rester auprès de sa mère maintenant qu'elle avait besoin d'eux ?
Le bruit se rapprochait de plus en plus. Effrayée, elle décida de remonter à la surface et de retrouver toute seule le chemin de l'appartement de ses parents, plutôt que de rester dans cet endroit.
Elle se mit alors à marcher en direction de la sortie. C'est là qu'elle commença à les percevoir. Des bruits de pas lourds dans son dos semblaient suivre le même chemin qu'elle. Cette fois, elle ne trouvait plus ça drôle du tout.
La fillette se mit à courir du plus vite qu'elle pouvait, mais les pas derrière elle firent de même. Bien qu'elle ait eu beaucoup d'endurance, elle les distinguait de plus en plus proches.
Soudain, elle se sentit happée par quelque chose. Ne lui laissant même pas le temps de se retourner, la chose l'agrippa violement et lui affligea de nombreux coups de couteau accompagnés de hurlements frénétiques.
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Le commissaire Christophe Dubois fut appelé de très tôt ce matin là.
-On a retrouvé un cadavre dans le métro, il faut que tu viennes voir ça ! Lui avait ordonné l'un de ses collègues de travail.
A son arrivé à l'arrêt Châtelet de la ligne 14, Dubois aperçut tout de suite les nombreux policiers déjà sur les lieux du crime ainsi que plusieurs pompiers déroutés par la sauvagerie de l'agression. Son collègue, Luis Royo, s'entretenait avec un jeune couple en pleure.
-Qu'est ce qui se passe ? demanda Dubois en regardant autour de lui.
Royo lui fit un signe et, laissant le couple seul, ils se dirigèrent vers la seconde sortie, celle qui avait été coupée par les services de police.
Bien qu'ayant assisté à de nombreuses horreurs durant sa carrière, Dubois eu du mal à supporter la vue de la scène. Le corps de la fillette était quasiment inidentifiable. On lui avait sauvagement crevé les yeux et poignardé le ventre de nombreux coups de couteau. De ses mains et de ses pieds nus ligotés s'écoulaient encore un peu de sang qui s'éparpillait sur le sol. Elle avait été affublée d'une robe ancienne bleue ensanglantée qui détonnait avec l'horreur du massacre. Une poupée de porcelaine au teint laiteux et aux cheveux bien coiffés baignait dans le liquide visqueux, aux côtés du cadavre.
-Ce sont ses propres parents qui l'ont trouvé. Ils disent que c'est bien leur fille. Ils ont été séparés d'elle hier soir à cause d'un groupe de touriste et manque de chance, peut-être, le métro qu'ils ont pris pour revenir la chercher est tombé en panne et qu'ils ont du attendre longtemps avant que ce soit réparé !
Dubois qui avait gardé les yeux rivés sur le corps lacéré tourna enfin la tête. Son front dégoulinait de sueur.
-Ils disent aussi que la poupée ne lui appartenait pas, rajouta Royo…Tu crois qu'on a affaire à un tueur en série ?
-Je n'espère pas, Luis, mais si c'est le cas, il y aura d'autres victimes…Y a-t-il des caméras de vidéos surveillance susceptibles d'avoir filmé le meurtre ?
En guise de réponse, Royo montra à son collègue un coin sombre au plafond où se dissimulait une petite caméra dont le voyant rouge clignotait, puis prit la parole.
-On va devoir visionner toute la bande. Il y en aura sans doute pour de nombreuse heures…Le labo cherche les empreintes aussi… et s'il y a eu sévices sexuels, on pourra peut-être identifier l'assassin !
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De retour au commissariat du 1er arrondissement, Dubois et Royo se servirent un café bien noir avant de s'installer dans leur bureau. Ils étaient encore sous le choc de ce qu'ils venaient de voir et se mettre au travail n'avait vraiment rien de très facile.
-Comment peut-on être assez fou pour tuer une gosse de sang froid ?
Dubois paraissait songeur. Jamais il n'aurait pensé être tant marqué par une scène de crime et désirait coûte que coûte arrêter le meurtrier avant qu'il ne fasse d'autres malheureuses victimes.
Il avait lui-même une petite fille de six ans et il ne tenait pas à ce qu'elle se retrouve, elle aussi, férocement mutilée.
-Je veux tout nos hommes libres sur cette affaire, déclara-t-il. Nous devons agir au plus vite et la faire passer en priorité. Luis, cherche dans la base de registre s'il n'y a jamais eu, même à l'étranger, d'autre cas de meurtre dans des conditions semblables.
Royo ne se fit pas prier, trop heureux de laisser de côté les affaires de vol à la tire dont il s'occupait habituellement pour se mettre sur un sujet plus délicat, et s'attabla devant un ordinateur bruyant, tapotant rapidement sur le clavier.
Dubois, posté derrière lui, attendait les réponses de la machine. C'était un policier fier et droit aux cheveux grisonnant et à l'allure rondouillarde. Sa grande patience l'avait mené à résoudre de nombreuses affaires d'homicides, à présent devenues sa spécialité au grand damne de sa femme et de leur petite fille Anna. Pour le besoin de ses enquêtes, il avait souvent fait appel à Europole et au FBI ce qui lui avait donné une réputation de policier international.
-Ça y est, j'ai quelque chose, s'exclama Royo.
Sur l'écran apparaissait une coupure de journal de Baltimore, États-unis, où deux meurtres aux mêmes similitudes avaient été commis.
-on a étrangement retrouvé près des petites filles, une poupée de porcelaine, lu Dubois. C'est notre homme !
-Sauf qu'il n'a jamais été appréhendé. Regarde. Il s'agit d'une affaire non classée et elle date des années 70 !… Tu vas devoir une fois de plus demander l'appui du FBI, je crois !
Dubois ne se le fit pas redire deux fois. Il décrocha son téléphone et composa le numéro de l'un de ses anciens amis, membre actif du Bureau Fédéral d'Investigation… Toute aide serait la bienvenue !
