Chapitre 6 : Fêtes solitaires
Après la soirée d'Halloween, les jours défilèrent à toute allure. Clarice et Ardelia passaient la majorité de leur temps libre avec le commissaire Dubois a décortiquer l'esprit dérangé du croquemitaine.
Dubois leur avait, à cet effet, apporté tous les renseignements indiqués dans le dossier.
-Le croquemitaine ne tue que des petites filles, avait-il expliqué aux deux jeunes femmes écoeurées d'avoir trop regardé les photos des meurtres. Les deux endroits où il a frappé étaient munis de vidéos surveillance. Nous avons donc pu voir les films des crimes. Toutefois, il semble connaître l'emplacement exact des caméras car il s'arrange toujours pour qu'on ne distingue presque rien de lui. Il avait déjà sévit à Baltimore à la fin des années 70 si on en croit les fichiers du FBI et là encore, il commettait ses méfaits dans des lieux publics et surveillés par caméras infrarouges… Il faut croire qu'il n'a pas peur de la popularité.
-Il y a tout de même quelque chose que je ne comprends pas, monsieur Dubois, remarqua Clarice, si vraiment il a commencé à tuer dans les années 70, pourquoi est-il toujours en liberté à l'heure qu'il est ?
-Ca c'est à vos anciens supérieurs du FBI de nous l'expliquer ! Pour ma part, j'aimerais déjà réussir à l'arrêter maintenant…Ce qui n'est pas chose facile. Il semble rusé…il ne laisse jamais d'empreintes, on suppose qu'il doit porter des gants et il n'y pas eu trace de viol, donc aucune chance de faire analyser du sperme…bref, nous nous trouvons dans une impasse ! Quand à ses motivations, honnêtement, ça me dépasse totalement !
Clarice et Ardelia se regardèrent. Elles avaient l'habitude de travailler sur des cas difficiles mais là, le commissaire Dubois ne leur apportait quasiment aucun élément et il allait être dur de déterminer le profil d'un tueur sur le peu de bases qu'elles possédaient.
-Il va nous falloir les bandes des caméras de surveillance. Peut-être avez-vous omis quelques choses dessus…Parfois ce sont les indices les plus insoupçonnés qui nous mènent au meurtrier, expliqua Ardelia.
Mais Clarice la coupa court.
-Et parfois, c'est l'aide de quelqu'un d'extérieur qui nous sort de l'impasse.
Ardelia regarda son amie d'un air désapprobateur. Elle savait très bien que cette dernière faisait allusion à ses entrevues avec le Docteur Lecter qui lui avaient permis d'arrêter Jame Gump et elle répugnait totalement à l'entendre en reparler.
Enfin, Dubois prit son manteau et partit du manoir, marchant dans la neige qui commençait à coller au sol, promettant aux deux jeunes femmes de leur apporter les vidéos le plus rapidement possible.
Ardelia prit les tasses à café dans lesquelles ils avaient bu et partit les poser dans l'évier de la cuisine. Elle se servit un grand verre d'eau qu'elle avala d'un coup puis revint dans la salle à manger où le feu de cheminée crépitait.
-Je vais devoir repartir à Quantico. J'ai promis à mon ami Alex de passer les fêtes de Noël avec lui. En plus, pour cette histoire de croquemitaine, je serais plus utiles là bas. Je pourrais faire des recherches en douce dans les bases de données du FBI pour voir si je découvre des renseignements sur les meurtres de Baltimore.
-Alors tu vas me laisser seule , s'exclama Clarice soudain paniquée.
-Tu n'es pas toute seule. Il y a ces gens qui gardent les manoir. Oui, je sais, ils ont pas l'air très avenants, mais je suis persuadée qu'ils sont sympathiques… Si tu veux, je peux rester quelques jours de plus…
-Non…tu as raison. Je suis venue ici pour changer de vie et ce n'est pas en te gardant à mes côtés que j'y arriverais. Quand veux-tu t'en aller ?
-En fait, j'avais prévu de partir ce soir. J'ai même déjà mon billet.
Clarice regarda Ardelia. Une douche glacée ne lui aurait pas fait plus d'effet. Si elle l'avait pu, elle aurait supplié son amie de rester, mais elle devait à présent apprendre à vivre seule et à ne compter plus que sur soi-même. Elle acquiesça de la tête et proposa de l'accompagner à l'aéroport mais Ardelia refusa.
-Je vais prendre un taxi ! Tu sais comment je suis…J'ai toujours eu horreur des au revoir !
Une heure et demie plus tard, Ardelia entendit le taxi klaxonner dans le jardin. Elle empoigna ses bagages et sourit à Clarice qui avait du mal à ne pas paraître trop déconfite.
-A bientôt ma Doudou. Fait attention à toi, hein !
-Promis, répliqua Clarice avec un sourire forcé.
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Le départ d'Ardelia désespérait Clarice qui croyait avoir encore tant besoin d'elle. Elle s'affala devant la télévision du salon et s'endormit tout en regardant de vieux dessins animés de Tex Avery.
Le lendemain, anxieuse à l'idée de trouver le manoir trop vide à son goût, elle décida de partir faire une promenade dans le village de Vernon.
Le mois de décembre pointait tout juste son nez mais l'approche des fêtes de Noël donnait un côté féerique à la petite ville qui commençait à se parer de belles décorations rouges et vertes et de splendides guirlandes lumineuses. Le froid s'était confortablement installé lui aussi. Le ciel restait nuageux et la brume s'accrochait aux toits couleur brique des maisons. Par moment, de petits flocons tombaient du ciel et blanchissaient légèrement les pelouses pour le plus grand bonheur des enfants, émerveillés.
Clarice, elle, ne s'émerveillait plus de rien. La vie avait perdue sa saveur et plus rien n'émoustillait son attention. Elle se faisait penser à ces animaux qui arrêtent le cours tranquille de leur existence pendant des mois en entrant en hibernation et qui, le printemps venu, reviennent à la vie. Elle se demandait seulement quand son propre printemps la réveillerait de cette longue agonie. Bien entendu, l'idée de passer Noël seule ne l'aidait pas à voir les choses du bon côté, mais que pouvait elle y faire. Elle ne connaissait presque personne sur Paris et de toutes façons, elle se voyait mal s'inviter chez quelqu'un pour passer les fêtes avec lui !
Frigorifiée, elle rentra finalement au manoir où les pièces vides et silencieuses lui donnèrent le cafard. Il valait encore mieux rester coucher. Elle monta les escaliers en direction de la véranda quand elle changea d'idée et entra dans son bureau.
Elle alluma l'ordinateur qui fit un bruit inquiétant de machine à vapeur. Enfin, quand il se fut calmé, elle se connecta à Internet. Elle ne faisait peut-être plus partie du FBI, mais avec un peu de chance, Crawford n'aurait pas coupé ses codes d'accès. Elle tapa http:www.fbi.gov, l'adresse du site officiel du Bureau Fédéral d'Investigation puis cliqua sur l'onglet "search" et écrivit à l'aide de son clavier "Hannibal Lecter". Une longue page listant les différents dossiers où apparaissait ce nom s'afficha. Clarice cliqua sur le premier et immédiatement, son code d'agent spécial lui fut demandé. Elle le saisit tout en s'étonnant de le savoir encore par cœur et appuya sur "entrer", sans grande conviction.
Après quelques secondes de téléchargement, une nouvelle page apparut, offrant de nombreux renseignements sur le serial killer. Clarice entonna un oui de satisfaction.
Elle passa toute la nuit à lire les dossiers concernant Lecter. Elle les connaissait déjà pour la plupart, en ayant souvent été l'auteur, mais elle fut stupéfaite de découvrir une fiche à propos de l'enfance du Docteur et rédigée par Crawford à peine quelques jours avant sa mort. Ce qu'elle y apprit l'effara encore davantage.
Hannibal Lecter avait vu sa sœur, Mischa, se faire tuer pendant la guerre. Et d'après ses propres dires, les soldats qui avaient commis ce crime avaient, par la suite, mangé la petite fille. Crawford concluait sur le faite que cela donnait enfin une explication sur la raison des agissements du fameux tueur.
Clarice éteint l'ordinateur mais resta de nombreuses heures assises devant l'écran noir, perdue dans ses pensées.
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Hannibal marchait dans les rues animées de Paris, envahies par les chants traditionnels de Noël et par la gaieté ambiante.
Mais son cœur n'était pas à la fête. Il ne pouvait s'empêcher de penser à Starling, à cette rencontre dans le supermarché. Elle était à la fois parfaite et exaspérante. Pourquoi fallait-il toujours qu'elle le fuie. Jamais donc elle n'accepterait ses pulsions et viendrait tout simplement à lui ?
Il avait repéré depuis longtemps sa nouvelle habitation. Un magnifique manoir de la banlieue parisienne. Il faudrait un jour qu'il lui rende une visite de courtoisie mais il ne pouvait s'empêcher de craindre les réactions de la jeune femme qui ne seraient sans doute pas celles qu'il espérait. Il mettait un point d'honneur à ne jamais être très loin d'elle et avait donc appris sa malencontreuse découverte au Louvres.
Sachant qu'elle voudrait sûrement en savoir davantage sur l'assassin, il s'était mis dans la tête de l'aider comme il en avait pris l'habitude. Pour lui, cela relevait essentiellement d'un jeu où Clarice prenait le rôle de l'élève et lui celui du professeur. Cette situations avait quelque chose de jouissif dans l'esprit insondable d'Hannibal. En lui distillant les réponses tel qu'il l'avait fait sur le cas Jame Gump, il la rendait dépendante et cela lui procurait un grand plaisir de la voir, presque suppliante, avide de renseignements, revenir toujours vers lui. Mais aujourd'hui, les choses devenaient encore meilleures car il était aussi libre qu'elle. Aucuns barreaux, aucunes vitres ne les séparaient plus et elle se trouvait ainsi totalement à sa merci.
Il s'arrêta soudain devant une vitrine de costumes de fêtes qu'il observa avec intérêt, puis après réflexions, il entra dans la boutique en refermant la porte derrière lui.
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Le 22 décembre, Dubois sonna à la porte du manoir. Clarice mettant du temps à venir, la femme en noir alla ouvrir et accueillit froidement le commissaire de police qu'elle installa dans la salle à manger. Enfin, Clarice descendit. Elle semblait presque malade tellement son visage était pâle et ses cheveux mal coiffés mais Dubois ne fit aucune remarque désobligeante.
-Voici les vidéos surveillance que je vous avait promis. J'ai un peu tardé, mais il me fallait certains accords difficiles à obtenir.
-Ce n'est rien, je vous assure, répondit poliment la jeune femme dans un murmure.
-Euh…veuillez m'excuser mademoiselle Starling, mais je n'ai pas l'impression que vous ayez le moral très haut, je me trompe ?
-C'est juste qu'Ardelia est repartie aux Etats-Unis…La solitude me pèse un peu, mais ça ira !
-Vous avez du monde pour Noël ? Si je vous demande ça, c'est parce que ma femme fait toujours un véritable festin et on invite souvent des amis…Enfin, si vous n'avez nulle part où aller, venez donc faire un tour !
-Merci…je viendrais sûrement alors !
Le visage de Clarice s'était remis à rayonner. Finalement elle n'allait pas passer les fêtes à se morfondre comme elle l'avait pensé et cette nouvelle lui remontait le moral.
-Pour votre tueur, j'ai commencé à établir un profil. Je crois que vous devriez chercher un être de sexe masculin, sûrement blanc, rajouta-t-elle tout en raccompagnant le commissaire Dubois.
-Puis-je savoir pourquoi vous pensez cela ?
-Eh bien, la plupart des tueurs en série sont des hommes et, de plus, je vois mal une femme être l'auteur de ces atrocités sur ces petites filles. Ensuite, les meurtriers chassent presque toujours dans leur propre groupe ethnique. Les enfant assassinées étant toutes blanches, je crois donc qu'il doit l'être également.
-Chasser ? Nous parlons de tueur, mademoiselle Starling, pas de chasseur, s'offusqua Dubois.
-En fin de compte, c'est sensiblement la même chose. Il repère sa proie, la traque, puis la tue !
-A cela près que les tueurs en série ne tue pas pour se nourrir.
-Certains si…
-Vous faites sans doute allusion à Hannibal Lecter, mademoiselle Starling ? Je connais assez bien son cas. Nous n'avons pas beaucoup de serial killer, en France, alors nous étudions souvent ceux qui sévissent dans les autres pays. Celui de Lecter est l'un des plus effrayant qu'il m'a été donné de voir dans ma carrière de flic ! Jamais je n'ai entendu parlé d'un esprit plus détraqué que le sien !
-Je ne suis pas certaine que détraqué soit le mot qui convienne le mieux. Je ne dis pas qu'il est comme vous et moi, il pense différemment de la plupart des gens, mais je ne le crois pas fou…au contraire.
-Il a tout de même pendu Rinaldo Pazzi sous les yeux de centaines de touristes à Florence. Pazzi était un vieil ami…enfin, avant qu'il n'épouse Allegra et qu'il prenne la grosse tête. J'aurais du me douter que quelque chose allait lui arriver. Juste avant sa mort, il n'arrêtait pas de répéter qu'il était sur le coup du siècle, qu'un certain Verger allait le rendre riche. Sur le moment, je n'ai pas fait le rapprochement. Ce n'est qu'en apprenant sa mort que j'ai réalisé que Verger n'était autre que la quatrième victime de Lecter, le seul encore en vie à ce jour.
-Il ne l'est plus !
-Quoi , s'exclama Dubois.
-C'est une longue histoire. Toute aussi longue que celle de l'inspecteur Pazzi !
-Oh, moi je sais ce qui lui est arrivé, cet idiot de Pazzi a voulu jouer au héro et il s'y est brûlé les ailes ! Enfin, c'est du passé tout ça !
Puis il rajouta en sortant dans le froid
-Je compte sur vous pour la veillée de Noël !
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Clarice arriva chez les Dubois le 24 décembre au soir, pour passer le réveillon avec sa femme, sa fille et un de leurs ami qu'ils avaient également invité. Ne connaissant pas très bien les coutumes françaises, elle avait décidé d'apporter une bonne bouteille de vin, histoire de ne pas venir les mains vides.
Ce fut madame Dubois qui ouvrit la porte. Les Dubois habitaient un immeuble résidentielle dans le centre ville de Paris. L'appartement, spacieux et confortable, semblait néanmoins assez vieux de par ses plafonds très haut et ses minuscules sculptures qui les ornaient. De magnifiques lustres en cristal de Burano éclairait chaque pièces aux murs d'un blanc éclatant.
Clarice tendit la bouteille à madame Dubois qui la remercia pour son geste et emporta le vin dans la cuisine. Pendant ce temps, la jeune femme pu observer à loisir les différents tableaux exposés dans le hall d'entrée. Son attention fut attiré par le célèbre " Printemps " de Botticelli dont les Dubois possédait une reproduction, quand, soudain, une petite main tira sa chemise vers le bas.
Clarice se retourna et aperçu une fillette, haute comme trois pommes, qui la regardait de ses grands yeux ronds. Ses cheveux châtains foncés lui retombaient sur les épaules en d'adorables anglaises et de petites joues bien roses embellissaient son visage angélique.
-Toi, tu dois sûrement être Anna !
L'enfant, intimidée, ne répondait pas mais elle lançait à présent de grands sourires à Clarice qui s'en réjouit.
-Anna, arrête donc d'embêter notre invitée. Ne faites pas attention à elle. Elle essaie toujours de se faire remarquer quand il y a du monde !
Madame Dubois était revenue dans la pièce et proposa à Clarice de la suivre dans le salon où les autres convives prenaient déjà l'apéritif. Anna leur emboîta prudemment le pas.
-Maman, c'est quoi un apiroutif ?
-C'est APERITIF, ma chérie et c'est quelque chose seulement pour les grands !
Lorsque les femmes entrèrent dans le salon, Dubois et son ami se levèrent pour les accueillir.
-Mademoiselle Starling, je vous présente Hank Perri, un collègue de ma femme. Ils travaillent comme conservateurs au musée d'Orsay, vous savez.
Après de brèves poignées de main, madame Dubois servit un kir à Clarice puis s'assit auprès de son mari.
Ensuite, ils prirent tous place à table où un festin digne d'un chef cuisinier les attendait. Aucun met n'avait été omis : foie gras, caviar, dinde de Noël et bûche au marron. Les discutions allaient bon train et tout le monde semblait heureux.
Anna, curieuse comme tous les enfants de son age, ne cessait de poser des questions embarrassantes à Clarice. Mais celle-ci la trouvant si attendrissante, ne réussissait qu'à s'en émouvoir et lui répondait sur le ton de la plaisanterie.
-Au fait, dis-moi, Anna…Le…euh, comment dit-on en France…tu sais Santa Claus…
-Père Noël ?
-Oui, c'est ça ! Le père Noël va venir t'apporter pleins de cadeaux cette nuit ?
-J'espère bien ! Je lui ai fait une très longue liste !
En disant cela, la fillette montrait la taille de sa lettre avec ses mains. Tout les invités partirent dans de grands éclats de rire. C'était l'une des meilleures soirée que Clarice avait passée depuis longtemps.
Enfin, vers les 23 heures, Anna fut envoyé au lit mais elle accepta de se rendre dans sa chambre à la seule condition que Clarice aille elle-même la border.
-Tu reviendras me voir, dis ?
-Promis. Maintenant il faut dormir si tu veux que le père Noël arrive !
Revenue dans la salle à manger, elle se rassit à sa place et madame Dubois vint lui parler, l'air étonné.
-C'est étrange. Anna se fait toujours remarqué auprès des invités mais il est quand même rare qu'elle s'attache si facilement à quelqu'un… C'est à croire que vous avez la fibre maternelle ! Vous avez des enfants ?
Clarice sourit, elle n'éprouvait aucune gêne à discuter de sujets personnels avec cette femme qu'elle ne connaissait que depuis quelques heures et qui lui paraissait pourtant si attachante.
-Non…pour avoir des enfants, il faudrait déjà un mari ! Mais j'aimerais bien, je crois, un jour ! En tout cas, cette petite est un véritable amour !
Deux heures plus tard, la soirée touchait à sa fin et le temps des au revoir était venu. Les Dubois proposèrent à leurs hôtes de rester dormir et, surtout, de revenir le lendemain pour passer le 25 décembre avec eux mais, cette fois, Clarice déclina l'offre. Elle ne souhaitait pas paraître trop encombrante et sa rencontre avec Anna lui donnait l'air heureux, aussi n'avait-elle plus à craindre de passer le jour de Noël seule. Et de toute manière, elle comptait bien revenir très vite rendre visite à cette adorable famille qui avait accepter de la prendre sous son toit pour cette veillée qu'elle redoutait tant.
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Ce matin là, Clarice se leva de bonne humeur. Elle commença par demander aux gardiens du manoir de prendre leur journée. Pour une fois, elle avait envie de se retrouver seule avec elle-même, cela ne l'effrayait plus.
Elle entra dans la salle de bain en fredonnant " Have yourself a merry little Christmas " et ferma la porte derrière elle.
Tranquillement, elle prit la brosse posée sur la tablette au dessus de l'évier et démêla sa longue chevelure flamboyante.
Elle ôta ensuite son pyjama de soie et entra dans la douche. Elle tourna le robinet d'eau chaude, tira machinalement le rideau et entreprit de savonner ses cheveux.
Le shampoing dans ses oreilles rendait sa perception des sons limitées mais il lui sembla entendre d'étrange bruit de l'autre côté du rideau. La femme en noir et son mari n'étaient-ils pas parti et faisaient-ils irruption dans la salle de bain ? Ou y avait-il quelqu'un d'autre ? Et dans ce cas, qui donc pouvait bien se trouver là ? Clarice émettait déjà dans son esprit une hypothèse et comme à chaque fois qu'elle songeait à Hannibal Lecter, les battements de son cœur s'accélérèrent, ses mains devinrent moites et ses idées refusèrent de revenir en ordre.
Elle ne pouvait ouvrir le rideau, n'ayant aucun vêtement sur elle mais il fallait tout de même qu'elle sache. Après tout, peut-être avait elle simplement rêvé. Elle devait en avoir le cœur net. Elle rinça ses cheveux et écouta attentivement. Elle crut percevoir de vagues soupirs mais rien de vraiment distinct. Elle arrêta l'eau qui s'écoulait du pommeau et essaya à nouveau d'entendre quelque chose. Le silence était revenu.
Oubliant sa nudité, elle tira le rideau d'un coup sec et vérifia que personne ne se trouvait dans les alentours. Rassurée, elle prit une serviette et s'enroula dedans. Elle s'approcha ensuite de la glace afin de se coiffer quand elle s'aperçut que quelqu'un avait tracé un numéro de téléphone portable dans la buée due à la chaleur qui régnait dans la pièce.
Pendant un instant, elle resta prostrée devant ce message mais elle reprit soudain ses esprits et sortit de la pièce en trombe. Elle dévala les escaliers quatre à quatre et arriva enfin dans le hall, habillée seulement d'une serviette de bain. Personne. Elle n'arrivait pas à y croire. Il était là, dans le manoir, dans sa propre salle de bain. Et il avait une fois de plus disparu. Elle se demanda d'où venait cette certitude qu'il s'agissait du Docteur Lecter mais aucune réponse ne lui vint. Elle savait simplement que c'était lui.
