Chapitre 7 : Jeu de piste
Clarice remonta dans la salle de bain juste à temps pour recopier les coordonnées écrites sur la glace avant que la buée ne disparaisse totalement. Puis elle ressortit de la pièce et prit son portable. Elle chiffra le numéro et attendit. Elle se sentait à la fois effrayée et excitée d'impatience comme un enfant qui attend d'avoir le droit d'ouvrir ses cadeaux de Noël…
-Allo ?
C'était lui, il n'y avait aucun doute. Elle aurait reconnu sa voix parmi des milliers, cette voix qui l'avait hantée si souvent depuis leur rencontre à Baltimore.
-Docteur Lecter, heureuse de vous entendre !
-Bonjour, Clarice. Je ne pensais pas que vous auriez appelé si tôt. Je vous croyais…occupée !
Clarice rougit. L'avait-il vu sous la douche ? Et, bien malgré elle, elle espérait qu'il ait eu ne serait-ce que l'envie de la regarder.
-Comment êtes vous entré ?
-Vos portes sont faciles à forcer ! Mais trêve de bavardage, Clarice, j'ai quelque chose pour vous ! Mais il faut le mériter…C'est donnant-donnant, comme au bon vieux temps, ex agent Starling !
-Je n'ai pas le temps de jouer, Docteur.
-Vraiment ? J'avais cru comprendre que vous étiez au chômage ? Votre départ du FBI a fait la une des journaux ! Le Tattler s'en ai donné à cœur joie…si vous continuez, ils vont bientôt finir par nous marier, Clarice.
-Que voulez vous, Docteur , demanda la jeune femme, agacée.
-Vous aider. N'ais-je jamais fait autre chose pour vous, Clarice ? Il paraîtrait que vous travaillez sur le dossier Croquemitaine avec le commissaire Dubois…
-Les nouvelles vont vite, on dirait !
-Plus encore que vous ne le croyez ! J'ai des renseignements sur votre tueur…
-Si vous savez réellement quelque chose, pourquoi ne pas me le dire au lieu de jouer aux devinettes comme vous le faites toujours , s'exaspéra-t-elle, impatiente.
En effet, les vidéos surveillance que Dubois lui avait apporté n'avaient rien donné et l'impasse s'agrandissait de jour en jour, il lui fallait quelque chose de concret à présent si elle souhaitait arrêter un jour le croquemitaine.
-Non, non, pas de ça, Clarice…Tout allait tellement bien dans notre discussion. Souvenez-vous des règles, vous me donnez des renseignements sur votre passé, et je vous aide dans le présent !
-Les règles ont changé, Docteur. Vous n'êtes plus à la prison de Baltimore et je ne fais plus partie du FBI…
-Peut-être mais c'est toujours moi qui détient les informations et vous qui les voulez !
-Que désirez vous savoir , demanda Clarice, résignée.
-Les agneaux ont-ils arrêté de crier, Clarice ?
-Non…enfin, je n'ai plus fait ces horribles cauchemars jusqu'à la découverte du cadavre de cette petite fille au Louvres, mais à présent, c'est pire que jamais !
-Alors il faudra remédier à cela. Mais pas maintenant. Pour le moment, ce que vous voulez, ce sont les informations sur le croquemitaine. Je pourrais vous les donner tout de suite, mais ça ne m'amuserais pas assez. Je ne vous apporterais donc qu'un indice. A vous de trouver le reste !
-Quoi ?
Mais Hannibal Lecter avait déjà raccroché. Clarice hésita, elle allait pour rappeler lorsque son portable réceptionna un SMS. Elle l'ouvrit et y découvrit un étrange message :
31 12 - 7 31 - L31. Bonne année, Clarice
Pourquoi fallait-il toujours qu'il joue avec ses nerfs ? S'il avait des renseignements, elle se devait de les trouver. Mais comment ? Le message qu'il lui avait envoyé ne signifiait rien du tout pour elle.
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Après de longues heures de réflexions, elle en vint à se demander si il y avait vraiment un sens caché derrière cette suite de lettres et de chiffres ou si le Docteur Lecter ne se fichait pas tout simplement d'elle. Mais il avait toujours été honnête envers elle et elle restait persuadée qu'à sa manière, il essayait de l'aider, tout en la forçant à se surmener les méninges.
Dépitée, elle alla se préparer un thé dans la cuisine.
En attendant que l'eau chauffe, elle feuilletait un plan de Paris quand un détail lui sauta aux yeux. Toutes les lignes de bus était listée avec la lettre L suivie du numéro de la ligne. Elle chercha alors la ligne 31 et s'aperçut qu'un horaire avait été encadré, celui de 7h31. Il ne lui restait plus qu'à trouver le jour, sans doute donné par les deux premier numéro. Il s'agissait donc du bus 31 de 7h31, le matin du 31 décembre !
Clarice sauta de joie en découvrant qu'elle avait résolu l'énigme. Le lendemain, elle obtiendrait les renseignements que Lecter avait mis de côté pour elle.
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Elle se leva très tôt ce jour-là. Le soleil ne pointait pas encore son nez à l'horizon et il faisait un froid glacial dans le manoir. Elle s'empressa d'enfiler un jean et un gros pull et partit le plus vite possible dans le centre ville de Paris au volant de sa voiture louée.
Arrivée là-bas, elle déposa le véhicule dans un parking et courut jusqu'au premier arrêt de la ligne 31. Ne sachant quand elle devait se trouver dans le bus, elle avait décidé de le prendre durant tout son trajet, jusqu'à son terminus.
Toutes les cinq minutes, elle jetait subrepticement un coup d'œil à sa montre. Il était à présent 7h33 et le bus n'était toujours pas là. Elle dont la patience n'avait jamais été la seconde vertu ne pouvait s'empêcher de tourner en rond sur le trottoir.
Enfin, à 7h38, le bus arriva et ouvrit ses portes. Elle se précipita à l'intérieur et observa. Seul une vieille dame dotée d'une canne de bois monta également dedans et s'installa confortablement sur un siège, tout en regardant Clarice d'un œil mauvais. La jeune femme avança dans le fond du véhicule et scruta le moindre détail incongru. Enfin, elle s'aperçu qu'un dossier semblait être tombé entre un fauteuil et la paroi du bus. Elle s'assit à cette place et tenta de le récupérer.
Après de nombreuses tentatives infructueuses, elle réussit enfin à attraper le classeur. Curieuse, elle l'ouvrit.
Un trésor aurait moins émoustillé son attention. Il s'agissait là d'une analyse psychologique faite par le Docteur Lecter du temps où il exerçait encore la médecine. Il avait rajouté un mot à son égard qu'elle s'empressa de parcourir.
" Chère Clarice,
j'espère que cela vous servira dans vos recherches sur le croquemitaine. Certains passages important ont été entourés pour vous faciliter la tache.
Amicalement,
Hannibal Lecter "
Au même moment, la sonnerie de son portable retentit.
-Oui ?
-Toujours aussi brillante , commenta Hannibal.
-Merci Docteur !
-Mais de rien…J'ai tout de suite pensé que ce dossier vous serait utile !
-Comment se fait-il que vous l'ayez, au fait ? Je croyais qu'après votre procès, toutes vos analyses avaient été détruites…
-Non, pas toutes…j'en avait caché certaines en lieu sur, au cas où quelqu'un en aurait besoin un jour ! Et c'est le cas !
-Docteur…
Clarice hésita. Une question lui brûlait les lèvres mais elle ignorait si elle devait la poser ou non. Finalement, elle continua.
-Pourquoi ne m'avez-vous jamais parlé de Mischa ?
Le silence s'établit entre eux. Jamais Hannibal Lecter n'avait mis autant de temps pour répondre à une simple interrogation.
-Que savez vous à son propos, demanda-t-il enfin.
-Elle était votre sœur. Elle est morte devant vous, dévorée par des soldats…
-Il n'y a rien de plus à ajouter sur elle !
-Je suis désolée…
-Ne le soyez pas, ça s'est passé il y a longtemps.
Le Docteur Lecter raccrocha et Clarice se demanda si elle aurait mieux fait de ne pas évoquer Mischa, mais il était trop tard pour revenir en arrière.
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Hannibal reposa son portable. Il avait du se le procurer rapidement et sous une autre identité. C'était le meilleur moyen qu'il avait trouvé pour communiquer avec Clarice sans qu'elle puisse le repérer au cas où elle aurait voulu faire du zèle et repartir à sa poursuite.
Les souvenirs de son passé l'assaillaient douloureusement. Il combattit de toute ses forces le visage enfantin de Mischa qui tentait de s'insinuer dans ses pensées et finalement se fut celui de Clarice Starling qui s'afficha à la place. Elle représentait pour lui tout ce qu'il aurait voulu voir Mischa devenir et c'était sans doute pour cette raison qu'il ressentait autant d'affection à l'égard de l'ancien agent du FBI.
Il avait d'abord voulu imaginer qu'un jour Mischa pourrait revenir et prendre la place de choix qu'occupait Starling dans ce monde mais à présent, il savait que c'était en Clarice, dans chacun de ses gestes, dans chacun de ses battements de coeur que Mischa survivait et il était heureux que les choses soient ainsi.
