Chapitre9 : Etrange Visite

Hantée par le visage d'Anna, Clarice passa le mois de janvier à se morfondre sur l'affreux sort qu'avait subit l'enfant et sur son incapacité à avoir pu la sauver. Cette situation lui avait à nouveau fait perdre le sommeil et à la différence de lorsqu'elle avait appris la mort de Crawford, elle avait eu le loisir d'observer le cadavre de la petite Anna et cette image resterait à jamais gravée dans sa mémoire.

C'est dans cette atmosphère tendue qu'elle baignait constamment et la présence de la femme en noir et de son mari dans le manoir ne l'aidait pas spécialement à changer ses mornes pensées.

Un soir, épuisée, elle alla s'allonger sur le divan de la véranda où le parfum des fleurs la calmait et la berçait jusqu'à ce qu'elle trouve enfin le sommeil avant de sombrer dans d'affreux cauchemars.

Elle sentait toujours la présence d'Hannibal Lecter non loin d'elle, même si elle ne le voyait jamais. Le message qu'il avait laissé à l'hôtel au dessus de la peinture de Botticelli lui était destiné, elle en était certaine, mais elle en ignorait la signification. Elle avait parfois du mal à comprendre comment un assassin tel que lui pouvait mettre autant de cœur à veiller sur elle mais elle ne cherchait plus d'explication, cette attention la rassurant plus qu'elle ne l'inquiétait.

Elle ferma les yeux et essaya de penser à quelque chose d'agréable, ce qui devenait difficile vu le cours qu'avait pris sa vie depuis son arrivée à Paris. Après tout, peut-être cette ville n'était-elle simplement pas faite pour elle. Ardelia lui manquait toujours autant et elle aurait aimé pouvoir lui confier ses craintes à cet instant précis.

Il lui sembla percevoir un son provenant du hall d'entrée. La femme en noir et son mari devait être couchés à cette heure si tardive mais il était fort probable que l'un d'entre eux se soit relevé. Elle ne s'en inquiéta pas et garda les paupières clauses, allongée dans la pénombre, au beau milieu des plantes et des arbustes.

Des bruits de pas retentirent dans l'escalier principal, mais au lieu de grimper jusqu'à la mansarde, ils tournèrent dans la véranda où se trouvaient Clarice.

---

Elle entrouvrit brièvement les yeux pour s'apercevoir qu'Hannibal Lecter se trouvait dans la pièce. Elle ne bougea pas, essayant le plus possible de paraître endormie.

Elle l'écouta s'approcher doucement du divan. Dans sa poitrine, son cœur battait si fort qu'elle craint un moment qu'il ne l'entende et comprenne qu'elle était réveillée.

Le Docteur Lecter, agenouillé près de Clarice, caressa son front balayé de petits mèches de cheveux, parcouru son visage, effleura sa joue puis ses doigts s'attardèrent sur ses lèvres. La jeune femme avait du mal à rester inanimée, tant les gestes précis et doux d'Hannibal lui semblaient sensuels. En d'autre circonstance, elle aurait souhaité qu'il la prenne dans ses bras et la réveille d'un baiser mais elle ne pouvait oublier qui il était, Hannibal le cannibale, et la peur reprit le dessus.

Enfin, le Docteur se releva et s'installa au piano. Il souleva le couvercle et posa ses doigts sur les touches. A peine commença-t-il à jouer qu'un air mélodieux s'éleva dans la pièce. Il n'y avait plus aucun doute possible. Non seulement il avait bien récupéré ses deux mains mais elles étaient toutes deux encore très vigoureuses.

Clarice se laissait portée par les notes des variations Goldberg de Bach que Lecter lui offrait à son insu. Il jouait divinement bien et pour rien au monde elle n'aurait voulu qu'il s'interrompe. Les yeux clos, elle buvait la mélodie et s'en nourrissait comme d'un nectar subtilement érotique aux parfums épicés.

Enfin, le morceau toucha à sa fin. Hannibal Lecter resta longtemps assis devant le piano, à méditer ses pensées. Clarice, bercée par la monotonie de sa respiration, sombra finalement dans un profond et paisible sommeil sans rêve et ne su jamais comment il avait quitté le manoir.

A son réveil, elle était seule mais elle aperçu, au pied du divan, une immense boite en carton entourée d'un énorme nœuds rouge. Elle se frotta les yeux, bailla légèrement, se leva et alla s'accroupir à côté du présent.

L'agent spéciale Clarice Starling aurait sans doute prit toutes les précautions d'usage afin d'ouvrir cette boite: gants pour éviter de laisser des empruntes, recherche de différentes matières dont on pouvait déceler la provenance, passage du colis au rayons infrarouges afin de vérifier que rien n'était dangereux à l'intérieur…mais Clarice ne travaillait plus pour le FBI depuis plusieurs mois déjà et elle se fichait bien, à présent, des convenances dont elle aurait du faire preuve en présence d'un cadeau offert par un tueur en série en fuite.

Elle savait pertinemment que Lecter n'avait glissé aucun piège dans le colis. Il en avait toujours été ainsi. Ne l'avait-il pas lui-même dit lors de son évasion: «Le monde serait bien moins beau si vous n'en faisiez plus parti, Clarice». Jamais il n'avait tenté de lui faire du mal et elle restait persuadée que jamais il n'essayerait. Il la respectait scrupuleusement, lui qui était par ailleurs capable de dévorer un être humain de sang froid. Et elle-même l'admirait pour son intelligence et son calme, sa façon si habile de ressembler à un gentleman tout en restant l'un des plus vils tueurs qui puisse exister sur cette terre.

Elle ôta le nœuds de la boite et en souleva le couvercle. Dedans, elle y découvrit, entre autre, un billet de train pour la glorieuse ville de Venise et une lettre écrite de la main d'Hannibal Lecter.