Comme l'avait discrètement précisé Dumbledore, la forêt de Feuillefous était une forêt magique.
Tout en suivant le pas rapide de son professeur, Hermione tentait de rassembler ses connaissances sur le sujet. Elle avait lu des détails sur les forêts magiques dans son livre « Ancienne magie : Landes et bois enchantés ». La magie restait discrète dans ces lieux : hêtres, chênes et bouleaux ressemblaient à leur cousins des vieilles forêts d'Europe du Nord. Mais ce n'était pas le cas de certaines plantes. Pour leur propriétés extraordinaires, ces plantes étaient recherchées par tous les guérisseurs et autres Maîtres de Potions du monde sorcier. Cependant, le livre mettait en garde les sorciers inexpérimentés contre les risques courus à pénétrer sans préparation dans ces lieux : on rapportait de nombreux cas de disparition de sorciers ambitieux mais sans grande envergure. Ces derniers avaient –pour leur malheur- réussit à trouver une forêt magique. Beaucoup d'autres n'y parvenaient pas : ces forêts étaient très difficilement localisables, et l'on pouvait trouver une forêt, mais pas sa magie. Dumbledore avait également parlé de centaures, gardiens de cette forêt. Hermione n'en voyait pas. Elle ne voyait pas grand chose, dans le noir : des arbres bruissants de vent, et parfois de faibles lumières à travers les branches. Rogue connaissait le chemin, Hermione suivait, Ron derrière elle. Ils progressaient vers la cabane cachée, le dernier refuge de Harry.
La poudre de cheminette les avaient conduit, non pas dans le foyer de la cabane, mais dans celui d'un arbre étrange, immense, dont le tronc dissimulait une pièce ronde équipée d'une cheminée. Les habitants de cette maison étaient restés invisibles, mais on pouvait deviner leur petite taille. Une forte odeur de champignon semblait émaner de ces êtres.
Ils étaient tout de suite sortis de l'arbre. Rogue avait formulé un sortilège pour faire flotter dans les airs le corps de Harry et s'était mis en marche sans un mot.
Maintenant, Hermione distinguait la maison, une cabane en rondins, comme elle l'avait imaginé. La cabane d'un trappeur... une drôle d'aventure commençait.
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La maison est éclairée. Albus Dumbledore avait pensé à tout. Ce qui tourmentait Severus Rogue, alors qu'il marmonnait la formule secrète pour ouvrir la porte, c'était de savoir si la préparation de la potion Jivaho avait suffisamment reposé, si la réaction avec les Cristaux de Bergues pourrait se dérouler correctement malgré les soubresauts subis lors de la marche. Le gamin avait l'air mal en point, c'était le moins qu'on puisse dire. Retarder encore le moment de lui donner la potion, c'était risquer sa mort.
Rogue connaissait cette cabane. Elle réveillait en lui un chapelet de souvenirs. Il y avait passé trois jours. Trois jours intenses, en compagnie du directeur de Poudlard. Trois jours qui avaient fait de lui un espion pour le compte de l'Ordre. Trois jours... et maintenant... il continuait sa mission.
La chambre du bas, à gauche. Ce sera pour Potter. Rogue déposa la corps du garçon sur le lit de la petite pièce. Un lit, une cheminée, une table de bois, une chaise. Le garçon a les yeux ouverts, mais son esprit paraît perdu, ailleurs.
L'homme se tourna vers les deux adolescents.
-Restez près de lui. Je vais à la cuisine finir la préparation.
-Vous avez besoin d'aide, Monsieur ?
-Non.
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Ron et Hermione échangèrent un regard silencieux. Ron s'assit sur le lit, près de Harry. Le feu diffusait une chaleur agréable. Ron sentait la fatigue engourdir ses membres, quand Harry s'agita. Ses yeux se fixèrent dans ceux de son ami. Il ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit.
-Harry, Harry, tout va bien. On est là... , dit Ron, sans réussir tout à fait à adopter le ton rassurant qu'il souhaitait.
-Ron ? Ron... mal... le feu...
-Tu as trop chaud ? Harry ?
Mais Harry s'était mis à gémir et à se tourner sur le lit, le visage crispé. Des larmes coulaient sur ses joues. Il ne comprenait plus rien, il voulait seulement que la douleur cesse, cette douleur terrible, dans son ventre, sa poitrine, sa tête. Le visage penché sur lui devenait pâle, éthéré, deux yeux fixes, comme des trous noirs... Cédric, Cédric le fantôme qui venait le hanter.. Harry se tournait pour échapper à cette vision, et il criait, criait....
Hermione avait les larmes aux yeux. Elle courut dans la cuisine. Se sentir impuissante devant la douleur était insupportable.
-Monsieur ! ! ! Il a mal...
« Et il n'a pas fini d'avoir mal... », pensa Rogue penché au dessus du chaudron. La potion devait reposer une heure pour être efficace. Il se redressa et précéda la jeune fille dans la chambre. Ron parlait mécaniquement, sans s'arrêter, pour tenter de calmer les gémissements de son ami. Il lui avait posé une main sur le front, et de l'autre tenait sa main gauche.
-Qu'est-ce qu'on peut faire ? demanda-t-il d'un ton agressif.
Rogue regarda le malade. Il ferait ce qu'il pouvait. Mettre de la glace sur son front. Formuler un sortilège d'apaisement. Ce n'était pas grand chose, mais cela fit un effet, le gamin semblait respirer plus calmement.
-Monsieur... dit encore Hermione
-Quoi encore ?
-Est-ce que vous pourriez nous enseigner des sortilèges pour calmer la douleur ? c'est tellement difficile de rester là, sans rien faire...
-On verra.
Un silence. Harry se mit à balbutier des mots incompréhensibles.
-Il m'a reconnu tout à l'heure, souffla Ron. Monsieur, on ne peut pas accélérer, pour la potion ?
Rogue fit non de la tête « mais comment je vais pouvoir les supporter », se demandait-il. « Ils vont causer encore plus de problèmes que je pensais »
-Non, on ne peut pas accélérer la potion, Monsieur Weasley. Sortez de la chambre, tous les deux.
-Quoi ?
-Sortez. Allez dans votre chambre, c'est au grenier. Dormez, je ne sais pas ! vous ne servez à rien ici.
-Mais...
-Viens, Ron, on reviendra quand la potion sera prête.
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Les deux amis sortirent de la chambre et se retrouvèrent dans la cuisine équipée d'appareils Moldus qu'Hermione connaissait bien : une gazinière et un four. Il y avait aussi une table en bois, des chaises et une grande cheminée avec le chaudron et la potion qui reposait. Ron jeta un coup d'œil à l'intérieur du chaudron. C'était une substance épaisse, brune, à l'odeur peu engageante.
-Pauvre Harry, il va en bouffer, de ce truc...
-Regarde Ron, au lieu de dire des bêtises. A gauche de la cheminée, il y a une échelle en bois qui mène au grenier !
-Attends, et cette porte, elle ouvre sur quoi ?
La porte en question faisait face à l'entrée de la maison. Ron l'ouvrit et découvrit une petite chambre avec un lit en fer et une petite table sur laquelle était posée la valise de Rogue.
-Bon. La chambre du vieux. Et les toilettes, c'est où ? Ca doit être ça. Elle est pas grande la salle de bain, dis donc.
La salle de bain donnait sur les deux chambres du bas. Un lavabo, une baignoire. Ron tendit l'oreille. De la salle de bains, on pouvait entendre ce qui se passait dans la chambre de Harry. Mais pas un bruit ne parvint à ses oreilles, à croire que Rogue dormait aussi.
«Mon Dieu, faites qu'il guérisse ».
Hermione était déjà montée au grenier. Ron la rejoignit. En marchant vers les deux lits jumeaux, encombrés de leurs affaires personnelles, il fit affreusement grincer le parquet de bois. L'isolation du toit, entre les rondins, restait précaire. Le grenier était un pièce parcourue par les courants d'air, éclairée par une torche au mur. La chaleur provenait de la cheminée de la cuisine.
L'endroit plaisait aux deux enfants. Une cabane dans les bois. De gros duvets pour se protéger du froid... « Mais Harry ne va pas bien », se rappela Ron. « Je ne dois pas m'asseoir sinon je vais m'endormir. »
-Hermione, on retourne voir Harry ?
-Rangeons nos affaires avant. Regarde, il y a une armoire là.
-Ah oui. Elle est pleine de toiles d'araignées, je mets pas mes habits là dedans moi !
-Elle n'est pas pleine de toiles, il n'y en a qu'une, dans le coin. Salut l'araignée, tu viendra dire bonjour au petit Ronnie dans son sommeil ?
-Hermione, c'est pas drôle.
Ron s'assit sur son lit, les sourcils froncés.
-Bon, ça fait bien une demi-heure qu'on est sorti de la chambre, la potion va être prête, non ?
-Je range mes affaires.
-Tu crois qu'il nous entend, Rogue, là ?
-C'est sûr qu'il t'entend, tu es tellement excité, tu n'arrêtes pas de faire grincer le parquet !
Hermione déballait ses vêtements et les suspendait soigneusement aux cintres. Par acquis de conscience, Ron vida le contenu de son sac dans un casier de l'armoire, après s'être assuré de l'absence de bestioles désagréables.
-Pourquoi il nous a viré comme ça ? chuchota-t-il, faut pas qu'on se laisse faire, Hermione ! Il va abuser de son autorité ici !
-Je crois qu'il est très stressé.
-Pas étonnant, après ce que lui a dit Sirius, il doit flipper, le mec.
-Mais non. Cela n'a rien à voir. Il a beaucoup de responsabilités. Et nous, nous devons l'aider de notre mieux, même si...
-On doit surtout aider Harry , si tu veux mon avis, coupa Ron.
Ils discutèrent un moment. Il était tard, mais l'intensité de cette journée les mettait dans un état d'excitation inépuisable. Ils n'arrêtaient pas de bouger, de repenser à la soirée square Grimmault, à l'arrivée des Mangemorts. Ils faisaient des hypothèses sur les intentions de Voldemort, sur la présence d'un traître au sein de l'Ordre.
Rogue les entendait. Assis près de Harry, il essayait de retrouver un semblant de sérénité, pour penser à organiser la suite des événements. Agacé par les bruits dans le grenier, il se mit à marcher entre la cuisine et la chambre, vérifiant alternativement l'état de la potion et celui du garçon. Des spasmes, encore. Un souffle court, hâché. Il faut qu'il tienne le coup. Il le faut.
Les deux gamins déboulèrent dans la cuisine. La potion était prête. Ils demandèrent des nouvelles de Harry. Rogue haussa les épaules ; Il rempli un verre du mélange marronâtre, et, suivi de près, se dirigea vers le malade. Harry paraissait endormi. Rogue dut le réveiller avec un sortilège d'excitation. Dès que le garçon ouvrit les yeux, il lui versa fermement la potion dans la bouche. Harry déglutit difficilement. La première gorgée fit rapidement son effet : il respirait plus facilement. Il finit le verre, aidé par Rogue, et se rendormit immédiatement. Il n'avait pas l'air d'avoir reconnu son professeur. Ils n'avait pas regardé ses amis.
-Allez vous coucher maintenant.
Ron et Hermione se regardèrent. Hermione se lança la première :
-Monsieur... nous voulons aider Harry ! Nous ne sommes plus des bébés qu'il faut mettre au lit. Nous voulons apprendre à faire la potion.
-J'ai demandé une obéissance absolue, menaça Rogue.
-Eh bien nous obéirons si c'est dans l'intérêt de Harry, rétorqua la jeune fille. Par exemple, si vous nous demandiez de veiller toute la nuit pour s'occuper de lui, nous le ferions...
-Cela n'est pas ce que j'appelle obéissance absolue, Mademoiselle Granger.
Un lourd silence.
Puis Ron essaya :
-Et si.. on faisait des tours de garde, cette nuit ? De toutes façons il faut toujours que quelqu'un soit réveillé, non ? Au cas où Harry...
-Vous pouvez nous montrer comment préparer la potion, pour le début ? ajouta Hermione.
-Vous êtes notre professeur, d'ailleurs, renchérit Ron.
Rogue soupira. Il ne pouvait plus s'échapper.
-Vous pouvez couper la Rajastane pour le moment. J'espère que vous n'allez pas tout gâcher, c'est assez délicat comme travail.
Il se dirigea dans la cuisine. Il prit une feuille et leur montra comment la découper. Un coup dans le sens de la longueur, deux dans le sens de la largeur, avec un couteau effilé. Les deux enfants s'appliquèrent. Une dizaine de minutes plus tard, Rogue marmonna :
-Bon, je vais dans ma chambre. Continuez comme ça, vous avez tout le sac à couper.
-Attendez, dit Hermione, il faut que l'on donne encore de la potion à Harry ?
-Je le ferais. Dans deux heures.
-Cela fait... à 4h30. Il faut vous réveiller ?
-J'y arriverais tout seul, merci.
-Bonne nuit ! claironna Ron.
Il ne reçut pas de réponse.
Hermione et Ron passèrent les deux heures suivantes à couper la Rajastane. Ce n'était pas difficile mais demandait un minimum de concentration. En les empilant Ron coupa cinq grandes feuilles d'un coup, et fut assez fier de sa trouvaille. Mais quand il essaya avec dix, le résultat fut désastreux : les Rajastane mal coupées se mettaient à cracher une fumée verte qui piquait les yeux : Rogue les avait prévenu, il fallait suivre très précisément les rainures.
Ils se concentraient, la plupart du temps silencieux, entourés par le bruit du vent dans les arbres. Cela leur donnait l'impression de participer à une résistance contre la tempête. Vers 4 heures, le sac de Rajastane amené par Dumbledore était vide. Ron s'endormait contre la table. Hermione alla vérifier si Harry dormait tranquillement : il était un peu agité, comme parcouru de rêves angoissants. La jeune fille décida de sentir l'air de la forêt. Cela la réveillerait. Elle poussa la porte et prit soin de ne pas la laisser se refermer en la bloquant avec un bout de bois.
Le vent avait chassé les nuages, un ciel étoilé veillait sur la cabane. Hermione prit une profonde inspiration, et fit quelques pas dans l'ombre.
Elle pensa à sa famille Moldue. A cette déchirure en elle, entre deux mondes. Parfois son monde Moldu paraissait si confortable qu'elle aurait voulu s'y blottir, comme quand elle était petite et ne se doutait pas qu'elle appartenait au monde des sorciers. Elle rêvait alors de devenir maîtresse d'école. Elle avait dû rompre avec ses amis d'enfance. Avec sa famille, elle ne partageait pas les problèmes des sorciers. La guerre, maintenant. Si il lui arrivait quelque chose, ses parents ne comprendraient pas.
La forêt bruissait de vie secrète. La jeune fille distinguait des éclairs lumineux, des sifflements, des halètements. Elle fit le tour de la maisonnette. Elle constata que Rogue avait allumé la lumière de sa chambre. « Il n'a pas du beaucoup se reposer ». Elle avait confiance dans son professeur pour s'occuper de Harry. Malgré tout. Elle sentait en lui une fragilité, quelque chose qui n'était pas assumé. Il fallait que Ron et elle-même se montrent patients, indulgents. Dans la mesure du possible, et dans l'intérêt de Harry.
Elle rentra dans la cuisine au moment où Rogue sortait de sa chambre. Ron semblait plus réveillé, il s'était passé de l'eau froide sur le visage. Harry but son verre de potion mécaniquement et retomba dans un sommeil maladif.
Rogue soupira. Il n'avait pas vraiment dormi, il était resté en alerte, attentif au moindre cri venant de la chambre de Potter. Il avait réfléchi à l'attitude des deux gamins. Cela ne servirait à rien de les éloigner de ses activités : Il allait devoir les occuper, pour ne pas être harcelé perpétuellement par leurs questions et leurs initiatives malheureuses. A présent, il fallait préparer un deuxième chaudron de potion. En effet après quelques heures, l'antidote Jivaho perdait ses effets. Il devait en produire perpétuellement du nouveau. Et comme chaque préparation durait sept heures, avec des temps d'attente, il devait s'arranger pour disposer d'au moins trois potions à différents stades, plus une à utiliser. Il commença par déposer les morceaux de Rajastane dans un chaudron d'eau bouillante. Elles devaient infuser une bonne heure.
« Et ces deux là, ils n'iront jamais se coucher ? »
Hermione et Ron suivaient attentivement les gestes de leur professeur. Hermione avait beaucoup de questions à poser, mais elle attendait, patiemment. Elle obtint finalement gain de cause quand Rogue marmonna :
-Les feuilles de Rajastane doivent infuser deux heures à feu doux. Mais au bout d'une heure, il faut ajouter 500 grammes de racine de Gengivre fraîchement râpées.
Ron bâilla.
-Je vois que vous n'êtes pas en état de retenir quoique ce soit, Mr Weasley.
-Vous nous apprendrez la suite demain ? négocia Hermione.
Rogue émis un bruit qui pouvait être une affirmation.
Les deux adolescents montèrent au grenier.
Et Rogue commença ce que Weasley avait pompeusement appelé un « tour de garde ». Ces gamins ne se rendaient pas compte de l'effort qui allait leur être demandé durant des semaines. Si ils commençaient par une nuit blanche, il ne pourraient pas compter sur eux pour la potion, ils se couperaient, il renverseraient tout.
Il se prépara un café bien serré.
Une heure plus tard, il ajouta le Gengivre à l'infusion. Tout était calme.
Harry reprit conscience. Il vit d'abord le plafond de rondins, éclairé par la lumière d'un feu de cheminée. Ce n'était pas le dortoir des Gryffondors. Pas non plus sa petite chambre de Pivet Drive. Où pouvait-il bien être ? Une brûlure lancinante à la poitrine l'oppressait. Il se débarrassa de ses couvertures. Chaque geste le faisait souffrir. Il ne pouvait pas se lever. Il devait être vraiment malade, mais pourquoi ne l'avait-on pas amené à l'infirmerie ou dans un hôpital ? Sirius lui avait dit d'avoir du courage. Ron aussi. Ron était près d'ici, sans doute. Et Sirius ? Sirius ne l'avait pas abandonné, c'était son parrain. Il fallait qu'il les voie, qu'il comprenne ce qu'il se passe. Harry respira profondément. Il se tourna sur le côté. Il sentit un goût d'herbe brûlée dans la bouche. Il avait bu quelque chose, cela lui avait fait du bien. Qui lui avait donné ? Sirius ?
Le garçon réussit à s'asseoir. Sa tête semblait sur le point d'exploser, il lui fallait de l'air frais. Si seulement il pouvait atteindre la fenêtre...Il posa un pied par terre. Il vacilla. Non.
Le serpent, les crocs du serpent lui traversent le ventre. Un venin mortel se répand dans son corps. Il pousse un cri désespéré et s'écroule.
Rogue sursauta. Il se précipita dans la chambre. Là, par terre, le corps. Il bougeait, des mouvements nerveux, incontrôlé ; ses yeux valsaient. Rogue ne réfléchit pas. Il se pencha, prit l'enfant dans ses bras, le déposa doucement sur le lit, tout en murmurant de paroles apaisantes :
« Calme toi , garçon... ça va aller... tu combats le poison...tu vas y arriver, accroche-toi. »
Il sortit sa baguette et essaya un sortilège pour détendre les muscles du malade. Cela produisit un léger effet. Pendant une seconde les yeux de Harry se fixèrent dans les siens, comme pour s'y accrocher. La détresse qu'ils exprimaient était difficile à soutenir, mais l'homme ne baissa pas le regard. Quelques secondes plus tard, Harry se plia violemment en deux, et vomit, une nouvelle fois. Puis il gémit, balbutiant des paroles délirantes.
« Je voudrais mourir, j'ai trop mal... »
Le professeur se sentait démuni. Un court instant, il eut envie de fuir cette souffrance. Il maudit Dumbledore et ses idées. L'instant d'après il tentait un sortilège anti-douleur, efficace pendant quelques minutes seulement. C'était déjà cela. Puis il entreprit de nettoyer ses habits et la couverture du garçon. Il fallait lui donner une nouvelle dose de potion, le plus vite possible. Mais il ne pouvait pas laisser le malade seul, même une minute. Une prochaine attaque du poison serait peut-être la dernière. Il lui tenait la main. Il avait fait cela sans y penser, et ce geste le surpris. Il chassa avec agacement ces sentiments de compassion. « Et Weasley et Granger, pourquoi ne sont-ils pas là pour une fois que j'ai besoin d'eux ? ».
-Monsieur, Monsieur... une petite voix étranglée, derrière lui.
Tiens, Weasley, justement, la tête passée à travers la porte, l'air hagard.
-Il est... il est pas...
Ron bredouillait. La pâleur de son professeur lui faisait redouter le pire.
-Weasley, apportez-moi un verre de potion. Vite.
Ron disparut, revint, et tendit le verre en tremblant.
-Essayez de boire, Potter, souffla Rogue
Harry but les yeux fermés et se mit à somnoler quelques minutes après.
-Mettez lui sa couverture, ordonna le professeur, je dois continuer la préparation.
Ron resta un moment près de son ami. Il lui parla doucement, mais la crise était passée et Harry était parti dans son monde. Ron resta longtemps dans la même position, prostré. Une grande tristesse l'envahissait.
Hermione avait eu du mal à sortir de sa torpeur. Elle avait dû dormir une heure, à peine. Elle avait entendu des gémissements, qui s'étaient mêlés à son rêve et avait fini par la réveiller. Elle trouva Rogue dans la cuisine, penché sur le chaudron. Elle fut frappée par son visage, il paraissait avoir vieilli en quelques heures.
-ça va, Monsieur ? Je veux dire... Harry va bien ?
-Non, pas exactement, Granger. Le poison l'attaque.
Rogue ne la regardait pas. Il commençait à retirer les feuilles de Rajastane du chaudron.
-Qu'est ce qui s'est passé, j'ai entendu des cris...
-Potter est dans sa chambre.
Hermione comprit qu'elle n'obtiendrait rien de son professeur et alla constater d'elle-même l'état de son ami, puis elle revint dans la cuisine. Elle avait besoin de quelque chose pour la réveiller. Elle mit de l'eau à bouillir sur la gazinière moldue et fit un inventaire systématique des placards. Ils étaient pleins de nourriture..
-Hermione, tu fais quoi ? Ron avait finalement quitté Harry.
-Je prépare le petit-déjeuner. Regarde, il y a plein de confitures dans cette armoire. Et du pain, des céréales. Monsieur Rogue ?
Rogue était sur le point d'ajouter une pincée de poudre jaune dans la potion en préparation, quand Hermione l'interrompit de nouveau, d'une voix assurée :
-Vous voulez du thé ou du café ?
Rogue la regarda, surpris, puis esquissa quelque chose qui ressemblait à un sourire ironique.
-Je prendrais un café, Mademoiselle.
Puis il se pencha sur le récipient en terre et murmura une formule magique accompagnée d'un mouvement de la pointe de sa baguette. Une forte odeur de poisson envahit la pièce, ce qui décida Ron à ouvrir la fenêtre.
