Severus Rogue se retrouva devant son chaudron, pensif. Après ce court dialogue avec son élève, il était sorti inspecter le potager et le verger, rapidement, pour cueillir quelques citailles, ces fruits de l'arbre magique qui poussaient toute l'année. En ce début de mai, les cerises, prunes et autres poires étaient tout juste à l'état de bourgeon... il n'y avait pas pensé. De son séjour estival dans la forêt, il avait gardé un souvenir d'abondance.
Et Potter qui dormait. Encore heureux qu'il dorme beaucoup, mais cela n'allait pas durer, normalement. Il faudra l'occuper, lui donner du travail. Potter. C'est quand même terrible de devoir toujours se coltiner un Potter dans la tête. Le père, puis le fils. Il l'avait tutoyé, le fiston. Sans faire exprès. Bizarre.
Rogue chassa ces pensées qui agitaient des sentiments compliqués. Il avait faim. Et Rogue, malgré tous ses défauts, savait cuisiner : créer des plats lui plaisait presque autant que faire naître une potion à partir d'ingrédients anodins. Il avait oublié qu'il aimait cela, faire la cuisine. Depuis quand cela ne lui était pas arrivé, de préparer un repas pour des invités ? Depuis quand n'avait-il pas partagé un dîner ?
Il connaissait la réponse. Depuis... depuis le départ d'Albertine. Depuis son arrivée à Poudlard comme professeur, depuis qu'il avait décidé de s'enfermer dans ses donjons et de ne plus compter que sur lui-même.
Mais maintenant, d'autres comptaient sur lui.
Il préparait une grosse omelette de pommes de terre.
Ron sentit l'odeur, et il se demanda s'il n'était pas revenu chez lui, au Terrier. Seule la cuisine de sa mère pouvait déclencher des gargouillements d'estomac aussi intenses. Son regard se posa sur Hermione, endormie dans le lit voisin. C'était étrange de dormir dans la même chambre qu'Hermione. Il l'oberva un moment, elle avait la bouché légèrement ouverte, un peu de bave avait coulé sur l'oreiller. Ron sourit. «Jolie Hermione, je pourrais t 'embrasser le nez. »
Il avait beaucoup dormi. Trop dormi. Harry avait peut-être eu besoin de lui ? Cette pensée le força à enfiler son pantalon. Et Hermione ? Ron avait bien envie de la réveiller, pour voir. Il lui chatouilla la plante des pieds, puis le creux de l'oreille. La jeune fille se redressa d'un coup:
« Mais tu fais quoi, Ron ! » cria-t-elle. Mais elle n'était pas tout à fait de mauvaise humeur. Elle avait les cheveux très ébouriffés.
« Faut que j'aille à la salle de bain».
-Si tu veux. Ça ne me dérange pas.
-Tant mieux. »
Dans la cuisine, Ron demanda à son professeur des nouvelles de Harry.
-Comment ça s'est passé la matinée ? Il a dormi tout le temps ?
Rogue le regarda froidement
-Il s'est réveillé et voulait vous voir, mais vous dormiez.
Rogue espérait sans doute décevoir l'ami fidèle mais celui –ci sourit :
-Ah, il se souvient de moi alors, c'est déjà ça.
Hermione interrompit leur conversation en entrant dans la pièce. Elle avait brossé ses cheveux. Elle s'exclama :
-Oh, vous avez préparé à manger, monsieur ! Je vais mettre la table !
Ron trouvait qu'elle avait une voix un peu trop mielleuse. Il continua, se tournant vers Rogue
-Mais vous auriez pu me réveiller quand même, quand Harry m'a appelé !
-Je n'ai jamais dit qu'il vous avait « appelé », vous n'êtes pas si indispensable que vous semblez le croire, Weasley ;
Ron rougit de colère. Rogue semblait faire exprès de le provoquer.
-Vous êtes vraiment un...
-Un quoi ?, s'amusait Rogue. Weasley, faites attention. Je reste votre professeur, je vous le rappelle : Un peu de respect, s'il vous plaît.
Ron devenait encore plus rouge. Il se préparait à répondre un horrible juron, mais la promesse faite à ses parents avant de partir l'en empêcha . Il se contenta de murmurer en sortant : « un pauv'type paumé, voilà ce que vous êtes ...». Rogue l'avait peut-être entendu, peut-être pas, en tous cas Ron claqua violemment la porte derrière lui et s'enfuit dans le jardin. Sa colère s'apaisa progressivement. Les remarques méprisantes de Rogue à son égard s'accumulaient depuis le début. Il aurait pu faire une bêtise. Le frapper, peut-être, ou lui jeter un sort. Cela aurait signifié sans aucun doute la fin de son aventure ici. Rogue avait le pouvoir de les renvoyer. Ce maudit Rogue.
-Ron, tu viens manger ? Ron, ça va ?
-Tu as mis la table, tu es contente ?
-Ron.
Ron pris une grande respiration.
-C'est bon j'arrive.
Hermion lui sourit.
-Tu as eu raison de t'énerver. Il exagère. Je lui ai dit.
-Tu as dit quoi ? ?
-Ben, que c'était pas vraiment se comporter en adulte...
-Tu lui as dit ça ?
Hermione hocha la tête.
-Et puis, tu sais, c'est vraiment un « pauv'tye paumé ».
Ron ressentit une bouffé de gratitude envers Hermione.
Ils mangèrent en silence. L'omelette était un peu froide. Mais bonne quand même, dut reconnaître Ron. Presque comme celle de sa mère. Presque.
Quand ils eurent terminé, Rogue se leva :
« J'ai écrit la recette, annonça-t-il sèchement. Apprenez-la par cœur. Ensuite vous commencerez à râper la Gengivre, comme ça. »
Il leur montra le geste.
« J'ai éteint le feu. Dans une heure, vous mettrez l'eau à bouillir et vous y ferez infuser la Rajastane, il doit en rester juste assez. Vous devez donner un verre de potion à Potter. Essayez de le réveiller.
Rogue ouvrit la porte de sa chambre.
-Je vais dormir un peu. Si jamais il y a un problème, si... Potter se remet à crier, ou quoi que ce soit, vous m'appelez immédiatement. C'est? Et , évidemment, interdiction d'aller dans la forêt. »
La porte claqua.
-On va dehors ? proposa Ron.
Il se sentait beaucoup mieux sans la présence de l'homme au nez crochu.
-Tu sais, Ron, murmura Hermione, les sourcils froncés, si il veut la guerre, il sera perdant, parce qu'on est deux... même trois, et lui il et tout seul.
-Ouais...
-Et tu sais quoi d'autre ? On dirait que, vu qu'il ne peut plus s'en prendre à Harry , il se venge sur toi.
Ron haussa les épaules.
-Mais pourquoi faut-il toujours qu'il s'en prenne à quelqu'un ? se demanda-t-il.
-Mmm... Au moins, on a la recette de la potion. Bientôt, on pourra se passer de lui, et guérir Harry tout seul.
-On aura plus qu'à l'éliminer, quoi.
...
Ce fut un début d'après midi calme. Harry resta dans son monde, même quand ses amis lui apportèrent la potion. « Il est comme sous hypnose », remarqua Hermione. Ils râpèrent la Gengivre, puis se relayèrent dans le jardin ensoleillé. Ils découvrirent le goût des citailles et s'en régalèrent. Ils avaient lu la recette de la potion Jivaho, jamais ils n'en avaient vu de si compliquée.
Hermione essayait de trouver la rivière qu'ils entendaient couler, Ron nettoyait les flaques d'eau qu'il avait renversé en remplissant le chaudron, quand Harry l'appela. Il abandonna ses flaques : un sourire illumina le visage de son ami quand il entra dans sa chambre.
-Ron... je savais bien que je t'avais entendu...
-Harry, s'étranglait Ron, comment tu te sens ?
-Plutôt mieux. Mais je... j'ai un petit problème, je dois aller aux toilettes, et je crois que je ne peux pas marcher.
-T'inquiète pas mon pote, je te porte.
Ce fut assez laborieux. Ron du traîner Harry par les épaules, lui baisser son pantalon, et revenir vers le lit.
-Je suis désolé Ron. Désolé de t'imposer ça.
-Mais non.. tu... Ron haletait. La porte grinça et l ne de Rogue pointa dans la chambre. Son regard fit le tour de la scène. Il nota le bras de Ron passé autour du cou du malade et son air épuisé. Il fit une grimace.
-Vous avez piqué un cent mètres, Weasley ? Bon, je pars avec Granger, je vais lui montrer la Rajastane. Vous êtes responsable de la maison. Je serais absent moins d'une heure, vous devez seulement lui donner un verre de potion et surveiller le feu. Et ceci..., -Rogue s'approcha du lit et tendit à Ron une petite boule métallique et trouée-, ceci est un sifflet magique, à utiliser en cas d'urgence. Seulement en cas d'urgence, vous m'entendez ?
-Ouais. OK.
Rogue sortit. Hermione vint les saluer quelques minutes plus tard, puis les deux garçons se retrouvèrent seuls.
Ron avait remarqué que son ami n'avait pas quitté ses habits depuis son empoisonnement. Il ouvrit la petite armoire près du lit et trouva ce qu'il cherchait : Dumbledore avait effectivement pensé à tout, même à ranger des habits de rechange pour Harry, et notamment plusieurs pyjamas bien pliés.
-Tiens, pendant que tu es réveillé, je vais t'aider à te changer. Ce sera plus confortable.
Ron se rendait compte lui aussi de ce que signifiait concrètement être garde-malade. Et il prenait son rôle au sérieux, surtout qu'il savait être le seul à pouvoir aider son ami dans ces moments d'intimité.
-Ron... racontes-moi... qu'est ce qui s'est passé exactement ? Pourquoi on se retrouve ici ?
-Attends j'arrive, juste je t'apporte ton traitement. Et au fait, tu veux manger quelque chose ?
-Eh ben, tu t'occupes bien de moi... non merci, je n'ai pas très faim, j'ai un peu mal au ventre.
Quand Ron fut de retour, il commença son récit. Il en était à l'attaque du QG par les Mangemorts, quand il s'interrompit :
-Mais, toi, tu ne te souviens absolument de rien ?
-Seulement quelques images. Je revois Sirius... Sirius... A quel moment tu l'as quitté ?
-Eh oui, sourit Ron. Avant que nous partions, Sirius a menacé Rogue de le tuer si tu ne guérissais pas ou si tu te faisais maltraiter... Tu aurais vu la tête de Rogue !
Harry sourit jaune. Dumbledore avait eu raison, sans doute, de ne pas confier à Sirius la garde de son filleul en compagnie de son ennemi d'enfance. Et puis, Sirius allait pouvoir enfin se battre, comme il le désirait.
-Au fait, continuait Ron, je ne sais pas comment la bataille s'est terminée. Ils se battaient dans la cuisine, et je n'ai même pas dit au revoir à mes parents...
-Ne t'inquiète pas. Dumbledore était là, je suis sûr qu'ils les ont repoussé.
Racontes-moi encore, cette nuit. Vous n'avez pas du beaucoup dormir. J'ai crié ?
-La plupart du temps, c'est comme si tu dormais profondément. Et puis soudain tu te mets à crier. Tu as eu très mal, n'est-ce pas ?
-C'est horrible, Ron, je te jure. Je me souviens, je suis tombé du lit. C'est Rogue qui m'a relevé, pas vrai ?
-Oui. On dormait à ce moment là, Hermione et moi. Ton cri nous a réveillé. Je suis descendu trop tard. Je suis désolé, Harry.
-Pourquoi désolé ? Tu n'as aucune raison d'être désolé...
-Bon. Mais toi non plus alors. Ne dis pas que tu es désolé d'être malade, ou des bêtises dans le genre.
-N'empêche que... Le visage de Harry se tordit de douleur. Mais il parla avant que Ron puisse lui poser une question.
-Ron ? Comment... comment ça se passe avec Rogue ?
Ron soupira.
-J'ai failli le frapper tout à l'heure. Avec moi, il est comme en classe, il me prend pour un imbécile, il n'arrête pas de me rembarrer. Mais, bon, Hermione réussit à le remettre à sa place, calmement. Tu l'aurais vu : « nous ne sommes pas des bébés. Nous n'obéirons que si c'est dans l'intérêt de Harry ! ». Il était furieux ! Il pourrais faire des efforts, non ?
-Je suppose que.. pour me soigner il doit surmonter sa répulsion...
-Mais le principal c'est qu'il te soigne. De ce côté là, il n'y a rien à dire. Et même...
-Quoi ?
-Non rien. ... Ca te dit, une partie d'échecs ?
-J'ai le cerveau un peu embrumé, mais... oui ; on peut essayer.
