Chap. 16 : La fin d'un monde
Hermione commença à débarrasser la table. Le plat de légumes qu'avait préparé Ron était encore presque plein. La jeune fille essayait de ne pas penser. Ne penser à rien. Surtout pas aux espiègleries de Tonks, le jeune Auror pleine de vie, qui ne la fera plus jamais rire. Surtout pas à son ancien professeur loup-garou. Surtout pas à ce qui les attendait dans les mois à venir. La guerre.
Elle mit les assiettes dans l'évier et se prépara à faire la vaisselle. Son professeur de Potions la devança : « Laisse, je vais le faire. ». Il commençait seulement à la tutoyer. Avant, c'était comme s'il n'osait pas. Hermione sourit doucement, puis se tourna vers Ron. Les coudes sur la table, la tête penchée dans ses mains. Est-ce qu'il pleure ? Il ne bougeait pas. Hermione lui posa la main sur l'épaule. Et elle se sentit forte. Et elle devait communiquer cette force.
« C'est dommage de partir comme ça », dit-elle, comme si elle pensait à voix haute. « Nous avons passé de bons moments ici ».
Rogue, les mains dans l'eau mousseuse, la regarda, surpris. Hermione continua :
- Grâce à vous, Monsieur. Vous nous avez fait confiance, finalement.
Ron sortit de ses bras un visage bouffi et renifla bruyamment. Contre toute attente, il sourit, et dit :
« C'est vrai... pourtant, au début, j'ai failli faire sauter la maison en essayant de fabriquer l'antidote.
- On a aussi failli se faire lyncher par les Champignouses, manger par les Trolleygues... ajouta Hermione.
Rogue hocha la tête.
« Je ne croyais pas que cela se passerait aussi bien, malgré tout », dit-il seulement.
- Est-ce que .. vous croyez qu'on va retourner à Poudlard pour la fin de l'année ?, demanda Ron en grimaçant.
Hermione s'aperçut qu'elle avait presque oublié de penser l'école durant ce séjour dans la forêt.
Rogue ricana :
- Je crois que tu peux être rassuré... tant que l'école est sous la coupe du Ministère, je doute que tes parents t'y renvoient.
« On va voir ce que Sirius en dit... », murmura Hermione. Elle frappa à la porte de la chambre de Harry d'où s'échappaient des chuchotements incompréhensibles. « Entrez ! ».
Rogue resta dans la cuisine.
Severus Rogue, malgré son intérêt pour ce que Black avait à dire, préférait ne pas se mêler aux quatre amis. Il souhaitait surtout avoir le moins de contact possible avec son ennemi de longue date qui lui rappelait trop souvent ses humiliations adolescentes. Ils avait tout de même réussi à ne pas se provoquer en duel et même à parler presque normalement. Ce qui était sans doute un progrès.
L'homme entrepris de préparer une nouvelle dose d'antidote, en essayant d'imaginer ce qu'allait devenir sa vie dorénavant. Tous les Mangemorts devaient le rechercher, il n'était plus le bienvenu à Poudlard, Dumbledore et ses fidèles étaient devenus des bannis et réduits à la plus stricte clandestinité. Harry allait encore avoir besoin de le potion Jivaho pendant au moins deux semaines. Peut-être que deux doses par jour suffiront, mais une nouvelle attaque restait possible. Les deux gamins savaient faire la potion maintenant. Pas aussi bien que lui, mais... Rogue se sentit assez fier de leur avoir enseigné cette recette difficile. Il pensa que former des apprentis serait toujours utile, au cas où quelque chose lui arrivait. Il ne pourrait cesser de veiller sur les trois enfants avec lesquels il avait partagé des semaines de vie quotidienne. Dans l'ombre, sans doute. Harry allait être happé par son parrain qui le garderait jalousement sous son aile. Mais il aura besoin de cours d'Occlumencie.
Les pensées du professeur errèrent dans ses souvenirs. Il revécu les désastreuses leçons d'Occlumencie des mois précédents. Ce sera différent maintenant. Il se demanda si, finalement, ce n'était pas parce qu'il avait eu accès aux souvenirs d'enfance douloureux du jeune Potter qu'il avait commencé inconsciemment à changer son regard sur lui.
Rogue attendit, assis sur son lit, que la Rajastane infuse, pour pouvoir passer à l'étape suivante de la potion.
Les chuchotements s'étaient tus dans la chambre voisine.
Ron et Hermione en sortirent sur la pointe des pieds. Ils avaient parlé longtemps, jusqu'à ce que Harry tombe de sommeil. Sirius avait trouvé une couverture et s'était couché par terre. Il voulait veiller sur le malade toute la nuit.
Les deux amis remarquèrent le chaudron et les ingrédients pour la potion et demandèrent à Rogue s'il avait besoin d'aide pour la suite. Celui-ci leur ordonna de monter se coucher.
Ils escaladèrent l'échelle jusqu'au grenier. C'était leur dernière nuit dans leurs lits jumeaux, et ils discutèrent encore très tard. Les propos de Sirius n'étaient pas rassurants. L'ordre était quasiment réduit à une quinzaine de personnes de confiance. Un traître avait été démasqué après l'assaut du quartier général, la nuit de leur départ. Depuis, chaque nouvelle recrue était suspecte, et les informations les plus importantes circulaient seulement entre les anciens. Cela rendait difficile l'accueil de nouveaux membres. Mais une quinzaine de personne face à une armée de Mangemorts, cela ne pesait pas bien lourd.
Le lendemain, à l'aube, Harry se leva discrètement. Il se sentait plutôt bien. Il fit attention à ne pas réveiller son parrain qui dormait paisiblement sur le sol. Il entendait des bruits dans la cuisine. Rogue, sûrement, toujours le premier levé.
Le garçon se glissa silencieusement hors de la chambre.
Dans la cuisine encore sombre, Rogue savourait son premier café de la journée. Il aimait particulièrement ce moment, quand le matin à peine perceptible laissait croire à l'éternel recommencement du monde.
Il avait passé une bonne partie de la nuit à constituer des réserves de Jivaho. La potion était répartie dans des bocaux bien fermés. Il restait deux sacs de Rajastane fraîche. S'il en manquait, celle du jardin des Weasley ferait l'affaire.
Des pas furtifs. Harry en pyjama.
- Bonjour Monsieur.
- Harry. Ça va ?
Le garçon hocha la tête et s'assit en face de son professeur. Celui-ci lui tendit un verre de potion. Harry observa la cuisine et souffla : « alors, vous avez tout rangé... ». Rogue acquiesça en avalant une gorgée de café. Sans qu'il ne comprenne bien pourquoi, Harry avait le cœur serré en regardant tous ces bocaux bien rangés. Il se servit une tasse de thé. Le silence les enveloppaient encore doucement, sans tension aucune.
Le premier rayon du soleil rebondissant sur ses lunettes l'éblouit. Harry s'étira.
« Merci, Monsieur. Merci pour tout. »
Rogue haussa les sourcils.
Et Sirius entra.
- Déjà levés ? bredouilla-t-il, gêné.
Après quelques minutes Harry laissa les deux hommes seuls. Il n'aimait pas se retrouver entre les deux. Il monta réveiller Ron et Hermione.
Peu après, ils descendaient leurs bagages. Après un petit nettoyage de la maison (durant lequel ils s'autorisèrent un peu de magie), Sirius guida les quatre réfugiés vers le portoloin, une vieille souche située à environ un kilomètre de la cabane. Sur le chemin, Ron et Hermione entendirent les piaillements familiers des champignouses qui les espionnaient, cachés derrière les arbres.
Et puis juste avant d'être emportés, un hennissement d'adieu résonna à travers la forêt.
-Salut Artan ! cria Ron.
Les cinq corps disparurent l'un après l'autre, et la forêt magique de Feuillefous tout entière espéra qu'ils mèneraient à bien leur tâche : débarrasser le monde magique de Celui-qui-apporte-la-mort...
FIN
Note: Eh oui... L'histoire se termine quand ils sortent de la forêt... mais elle continue dans vos têtes... L'idée était de rapprocher Rogue des trois amis, et surtout de lui faire (re)découvrir des sentiments d'attachements affectifs. Ce qui va l'aider à nouer des relations plus amicales avec ses partenaires dans la guerre .
Continuez à imaginer des histoires!
Kam
