« Sirius ?! » Remus était surpris. Devant lui, effectivement, se tenait Sirius. Mais pas le Sirius qu'il connaissait. Les yeux sombres, les traits tirés, il n'avait pas du dormir depuis longtemps. Ses cheveux étaient sales et emmêlés, son visage couvert d'un barbe hirsute, pâle et émacié. Ses vêtements n'avaient pas meilleure allure.

« J'ai besoin que tu m'en parles, dit-il, la voix rauque.

-D'accord, mais d'abord, tu vas prendre un bain. Tu en as bien besoin. » Remus l'attira dans la maison.

-Assieds-toi pendant que je te fais couler le bain, reprit-il. » Sirius se posa sur une chaise, le regard dans le vague.

Quelques minutes plus tard, Remus l'aida à se déshabiller, sans poser de question sur les traces de coups que portait le corps de son ami. Puis il le laissa dans la salle de bain après lui avoir mis quelques vêtements propres sur un tabouret.

Remus retourna dans la cuisine, et profita de l'absence de Sirius pour envoyer un message à James et Peter. Cela faisait dix jours que Sirius avait disparu, juste après la mort de Sylvia, et tous étaient inquiets. D'autant qu'ils avaient retrouvé sa moto dans un chemin qui bordait le fleuve. Remus écrivit, laconique : « Sirius revenu. Etat lamentable. Je m'en occupe ». Puis il prépara une assiette avec un encas. Il se doutait qu'en plus de ne pas avoir dormi, Sirius n'avait pas du manger non plus.

Quand Sirius le rejoignit, les cheveux lavés, des vêtements un peu large mais secs et propres, il avait déjà meilleur aspect.

« Veux-tu boire quelque chose de chaud, demanda Remus ? » Sirius acquiesça d'un mouvement de tête. Remus lui servit une grande tasse de thé fumant avec l'assiette qu'il avait préparé. A la façon dont son ami avala son contenu, les doutes sur son alimentation des derniers jours furent confirmés.

Enfin Sirius s'écarta de la table et redemanda :

« Remus, j'ai besoin que tu m'en parles...

-Oui, viens, on va se mettre dans le salon, on sera mieux. » Et les deux amis s'installèrent dans deux fauteuils club en cuir, devant la cheminée qui crépitait. Remus commença, racontant ses souvenirs d'enfance, enfance qu'il avait partagé avec Vera, alors sa voisine. Il parla un long moment. Sirius, confortablement installé dans le fauteuil, réchauffé par le feu et bercé par la voix de Remus, et certainement épuisé par les derniers jours, finit par s'endormir. Remus s'en aperçut et s'arrêta de parler. Il regarda son ami. La tête penchée, appuyée sur le dossier du fauteuil, les bras croisés sur la poitrine, le feu de la cheminée semblait jouer avec les ombres des mèches de ses longs cheveux sur son visage. Il n'était pas rasé mais Remus le trouva beau. Comment disait Sylvia déjà ? Ah oui, « un gavroche avec les traits d'un ange ». Sylvia... Sa sœur. Son amie intime. Tous les deux se disaient tout. Ils avaient passé leur enfance ensemble, allant dans la même école. Jusqu'à l'entrée de Remus à Poudlard. Elle, son père étant français, était partie pour Beaux-bâtons. Ils se retrouvaient pendant les vacances. Puis elle s'était consacrée à la recherche en botanique, et ils s'étaient découverts voisins par hasard, quelques mois avant sa mort. A lui aussi, elle manquait beaucoup. Et il se rendit compte que ça lui avait fait du bien d'en parler. Il soupira et se leva pour aller chercher une couverture qu'il installa sur son ami avant d'aller se coucher.

Cela dura quatre jours. Sirius voulait tout savoir d'elle. Remus répondait à ses questions, patiemment. Sirius reprenait vie peu à peu. Il redevenait celui qu'il avait été. James vint le cinquième jour, sans Lily. Les deux amis se retrouvèrent avec plaisir. Puis, au bout d'une semaine, Sirius retourna travailler avec James. Il montra une ardeur singulière à lutter contre les mangemorts. Il n'avait pas voulu retourner dans son appartement, et avait préféré rester avec Remus.

Quelques semaines passèrent. Un soir, Sirius raconta enfin à Remus ce qu'il avait fait de ses journées : il avait longtemps marché, se transformant en chien quand l'émotion était trop forte. Puis il avait passé du temps dans la forêt, sans quitter son apparence de chien. Il avait couru, se cognant aux arbres, se faisant attaquer par moments par des animaux sauvages. Remus posa sa main sur l'épaule de son ami, sans dire un mot. Sirius le regarda et lui sourit. « Remus, je ne sais comment te remercier de ce que tu as fait pour moi » Remus haussa les épaules.

S-i, si. Reprit Sirius. Je sais que toi aussi, tu as du chagrin.

-Allez, prends un verre, ça nous fera du bien... suggéra Remus, sortant une bouteille de whisky et servant deux verres. Les deux amis burent en silence.

-Je me sens bien, ici, dit Sirius.

-Tant mieux. Tu peux rester tant que tu veux.

-Je ne voudrais pas te déranger...

-Tu ne me déranges pas. Je suis seul, tu vois... Ta compagnie me fait du bien, sourit Remus.

-C'est vrai, ça, pourquoi es-tu tout seul ? Tu n'avais pas un petit ami ?

Remus eut un geste large et but une gorgée.

-tu sais, le fait d'être ce que je suis n'aide pas beaucoup...

-Tu veux dire le fait d'être un loup-garou ?

-Oui...

-Mais c'est un côté attachant de ton personnage... Remus releva la tête. Sirius le regardait. Sans l'ombre d'une moquerie. Remus se trouva mal à l'aise. Sirius était trop beau, ses yeux gris-bleus profonds, ses cheveux noirs mi-longs tombant sur ses joues rasées. Remus baissa les yeux, c'était les mains de son ami qu'il voyait maintenant. Fines, et fortes à la fois. Remus servit encore, sa main frôlant celle de Sirius quand il prit son verre. Leurs regards se croisèrent un long instant. Sirius avait ce sourire si particulier, qui le rendait irrésistible. Remus sentait le trouble s'installer dans son corps. Sirius posa sa main sur celle de son ami. Son contact, doux et chaud, accentua l'émoi de Remus. L'effet de l'alcool ajouté à la chaleur de la pièce faisait que Remus se sentait glisser dans une sorte de torpeur... Mais il se sentait bien, et quand Sirius s'approcha de lui, il se mit naturellement dans les bras de son ami.

Quand Sirius se réveilla, Remus était levé. Il le trouva dans la cuisine, occupé à lire un parchemin. Sirius le regarda un instant avant que Remus ne s'aperçoive de sa présence. Il se leva d'un bond :

« Sirius, je voulais m'excuser pour cette nuit.

-T'excuser ?

-Oui, je ne sais pas ce qui m'a pris...J'ai du trop boire...

-Mais tu n'as rien fait... Si tu te souviens bien, c'est moi qui ai abusé de ta faiblesse...

-Mais je n'ai rien fait pour t'en empêcher

-J'espérais que tu ne m'en empêcherai pas...

Remus regarda son ami, interrogatif :

-Tu espérais ?

-Oui. Sirius se rapprocha de lui. Remus, dis moi...

Remus détourna les yeux. Son cœur battait si fort qu'il lui semblait que Sirius pouvait l'entendre. Celui-ci l'attrapa par l'épaule :

-Remus, est-ce que tu as aimé ce qui s'est passé cette nuit ?

Remus ferma les yeux. S'il avait aimé ? Il aurait voulu crier que oui, qu'il en avait si souvent rêvé, depuis des jours, mais aucun son ne sortit de sa bouche.

-Remus, ce n'était pas un hasard. J'ai envie de toi, Remus. J'ai envie de t'avoir toujours près de moi. Je veux que tu me gardes avec toi.

Remus le regarda. Sirius était très près de lui. Trop près de lui. Remus retira un des mèches de Sirius qui tombait sur sa joue et pour toute réponse, l'embrassa passionnément.

Quelques mois après, Lily et James Potter donnaient naissance à un charmant bébé qu'ils prénommèrent Harry. Sirius en devint le parrain. Et l'année suivante, la situation se dégrada chez les sorciers. Voldemort était devenu très puissant et très cruel. Les Potter, à cause d'une prophétie, durent se cacher. Quand James demanda à Sirius de devenir le Gardien du Secret, remontèrent à la surface des souvenirs douloureux. Le souvenir de la seule femme qu'avait aimé Sirius. Le souvenir d'une chambre de torture et de corps suppliciés. Le souvenir de jours d'errance dans une forêt. Sirius réfléchit de longues minutes. Il avait encore un sentiment de culpabilité. Il n'avait pas été capable de la protéger alors que la situation n'était pas si dure, il avait perdu l'amour de sa vie. Il ne voulait pas risquer de perdre son meilleur ami. Il ne voulait pas en porter la responsabilité. D'autant que tout le monde savait qu'il était son meilleur ami, et le parrain de son enfant. Il serait une proie facile. Trop facile. Pour toutes ces raisons, il refusa d'être le Gardien du Secret, mais proposa à James de prendre Peter à sa place. Personne ne se douterait que Peter aurait un rôle si important, il était trop insignifiant. James accepta. Sirius ne savait pas qu'il venait de commettre une erreur qu'il ne se pardonnerait jamais....


The end!

A l'attention de Alana Chantelune (traductrice de talent, je vous invite au passage à aller lire ce qu'elle écrit) : ce n'est pas « juste après », c'est quelques semaines après. Et c'est un cas très commun : lorsque l'on est en dépression (et c'est le cas souvent après le décès de quelqu'un de proche, que ce soit avoué ou pas, car souvent les dépressifs ne se rendent pas compte qu'ils le sont), on a tendance à faire un transfert sur ceux qui, à ce moment là, prennent le temps de s'occuper de soi. C'est ce qui se passe. Je ne suis pas intimement persuadée que ce soit un amour-passion et fusionnel, mais c'est une forme d'amour. C'est vraiment le cas, ici. Sirius a pu trouver du réconfort auprès de Remus. Qu'il ait envie (et c'est lui qui le dit) de plus que ça, c'est normal. Peut-être aussi une façon pour lui d'essayer de remercier son ami (qu'il sait homosexuel) en lui prouvant qu'il compte beaucoup pour lui. Envie aussi d'être protégé par Remus qui a su le soutenir dans son travail de deuil. En réalité, ce qui, à mon avis, est plus préoccupant, ce sont les sentiments de Remus. Lui doit être vraiment amoureux.

Pour cette histoire, je me suis beaucoup servie d'histoires vraies, arrivées dans mon entourage… Sauf que ce ne sont pas ni des sorciers, ni des loups garous, lol !