Intermède I
Romulus et Remus


"Joaquin et Joann ?
- Oui, mon oncle.
- ...
- Regardez sa face ! s'écria Ronan en riant.
- Silence, vieux ! Il vient d'apprendre qu'il avait toujours son frère, gronda Arman, en colère après son compagnon.
- Remus ? appela doucement Lulou comme l'homme ne semblait pas réagir.
- Je... je..." fit-il en se levant.

Remus ne pensait pas être sonné après cette soirée, il se trompait. Il ne perdit pas de temps à contourner la table en courant, il prit appui de ses bras sur la table et se propulsa d'un bond par dessus les enfants assis pour atterrir derrière eux. Il tira une chaise et s'assit à côté de la petite fille, Engel Lucé. Il les regarda intensément, il prit délicatement le visage de la plus jeune entre ses mains rugueuses et l'examina d'un peu plus près. Aucun des trois n'avaient de ses traits physiques, ils devaient principalement avoir les traits de leur mère, il chassa d'un clignement de yeux les larmes qui commençaient à apparaître. Ils avaient tous les trois le regard doré des Lupin, même si les leurs ne possédaient pas la brillance de la bête. Il passa la langue sur ses lèvres, il leur sourit pour les rassurer car il se savait pâle et tremblant. Ils le regardaient avec de gros yeux, nerveux et ternes, des yeux qui en avaient sûrement trop vu. Son sourire n'eût pas l'effet qu'il escomptait, la petite fille se jeta dans ses bras et se mis à sangloter. Elle grimpa sur ses cuisses et enserra son cou dans une poigne forte. Les deux garçons la regardèrent comme s'ils voulaient l'imiter, mais ils se sentaient beaucoup trop vieux. Le plus jeune des jumeaux se leva et s'installa sur le siège qu'avait occupé sa soeur et prit la main de Remus qui ne caressait pas le dos de l'enfant entre les siennes et ne la lâcha pas. Joaquin se décala aussi d'un siège et regarda son frère tristement.

Les autres attendirent un moment. Arman se sentait très mal à l'aise, il avait les larmes aux yeux car il savait ce qui allait se dire. Dominic leva sa main et la déposa sur celle plus large de Lulou qui était toujours sur sa cuisse si l'homme voulait lui demander quelque chose. La femme lui fit un signe de tête inutile et regarda ses autres compagnons. Érick qui était assis à côté de Joaquin approuva et se redressa avec les autres pour laisser les Lupin seuls, mais l'aîné des jumeaux poussa un petit cri terrifié.

"S'il vous plaît, restez ! Je ne crois pas avoir le courage de tout... tout raconté...
- Oh ! fit Lulou contrariée. J'aurais dû y penser moi-même, ce sont encore des gosses. D'accord, mais il vous faut commencer. Dominic n'a pas cessé de vous expliquer que vous deviez racontez votre histoire, vous-même.
- Ça apaise l'esprit quelque peu, dit-il.
- Remus, tout le monde le sait dans cette pièce et vous le savez aussi. Je vous présente les enfants qui ont survécu au massacre d'il y a sept ans, les enfants d'Anora Blythe et de Romulus Joaquin Lupin.
- M... Mes par... Par tous les cieux ! Quel... Quel âge avez-vous les enfants ?
- Mon frère et moi avons 16 ans, m'sieur. Engie en a 13.
- Je ne comprends pas...
- Nous, non plus. Papa nous a nommés en votre honneur puisque nous étions des jumeaux. S'il y avait eu qu'un seul premier-né, il l'aurait appelé Remus, tout simplement.
- Je ne vois toujours pas, fit-il caressant le dos de la fille qui s'était calmée, mais ne voulait pas le lâcher. Le jour de ma Morsure, il est mort... J'ai été dévasté, je n'avais que huit ans... Oh, la douleur ! Comme si on me coupait en deux.
- À votre réveil, vous avez ressenti la douleur de la séparation, mais pas de la fatalité. Vous n'étiez plus un, car vous étiez séparé, mais pas par la mort. Votre âme voyait son autre moitié s'éloigné d'elle... C'est normal, vous avez cru vos parents...
- Vous vous jouez de moi ?
- Non, m'sieur, jamais ! Nous sommes plutôt contents de voir de la famille... Papa nous a toujours dit que vous étiez mort et la seule fois que nous avons vu nos grands-parents avant leur mort, ils nous ont confirmés la même chose. Jayn...
- ...
- Jaynie, notre frère cadet, il avait huit ans quand... Il disait que papi et mami étaient trop glacial en parlant de votre mort. Ils ne nous ont jamais détaillé votre... Morsure ? s'enquérra Joaquin dans la direction de Lulou qui secoua la tête. Comme papa... Nous, on était trop jeune, on ne s'en souciait pas trop, vous étiez mort... Nous ne vous avions jamais connu... Et nous préférions écouter papa raconter vos aventures d'enfances et on souhaitait souvent aller en forêt pour en vivre d'aussi amusante... nous autres aussi... Mais...
- Est-ce qu'il vous a raconté ce qui c'était passé le 28 octobre 1970 ?
- Ou... Oui, à chaque année, la veille de l'halloween. On ne comprenait pas, mais maintenant... Il avait de la difficulté à nous le raconter... Je vois pourquoi, aujourd'hui. Mama lui disait d'arrêter à chaque fois qu'il essayait de nous la raconter... Il ne voulait pas, il disait que les gens ne mourraient pas tant et aussi longtemps qu'il y avait quelqu'un pour se souvenir d'eux. A... Alors..."

Retour dans le passé

"...Alors, je ne laisserai pas partir Remmie de la sorte.
- Mais tu meurs un peu plus chaque fois que tu la racontes et... ce n'est pas la première fois qu'il l'entende, Rommie.
- Anora, je le leur raconte une fois par année, ils ne s'en rappelleront jamais ! Les gars, dîtes à votre mère-poule que vous voulez l'entendre.
- Ouais, fit Joann, en riant. On veut l'entendre, on l'a demandé à papa, mama. S'il te plaît.
- S'il te plaît !
- Ah, mes bébés ! fit-elle, en tapant la tête de son mari doucement. D'accord, mais je reste dans les parages, cela empêchera votre père d'enjoliver son histoire. Il avait presque votre âge lorsque cela s'est produit, il va avoir des trous de mémoire, pas vrai ?
- Pff ! J'ai encore toute ma tête, tu sauras, femme, bouda Romulus.
- Mama, j'ai peur ! fit Engel en montant sur les cuisses de sa mère.
- Je n'ai même pas débuté ! Tu vas voir, je vais t'avertir pour la partie épeurante et tu pourras te boucher les oreilles, d'accord, chaton.
- Zoui, papa !
- J'adore quand elle dit ça, murmura l'homme en embrassant sa fille sur ses joues rondes.
- Ne l'encourage pas," gronda sa femme.

Les Lupin étaient tous assis devant le foyer qui flambait. Il était tard, c'était la veille de l'halloween, le vendredi 30 octobre 1987. Avant-hier fut le dix-septième anniversaire de la mort du jumeau de Romulus. Il avait été de mauvaise humeur toute la journée, toute la semaine en fait, et il allait l'être encore pour quelques jours. Il détestait le mois d'octobre, il faisait toujours remonté à la surface des souvenirs que l'homme aurait aimé faire disparaître. Mais ses enfants ne le savaient pas, il n'allait pas leur gâcher leur halloween pour ses souvenirs. Il détestait se rappeler ce jour fatidique, la nuit maudite qui lui arracha son frère adoré de son existence. "Allez, Remus, encore une fois. Je compte leur raconté cette "histoire d'horreur" jusqu'à ce qu'il rentre dans la phase du "j'me fous de ce que tu as à dire, tu fais parti de la préhistoire, vieux". Je ne pourrai plus vraiment te faire vivre, ce sera à leur tour et je le mettrai par testament... Anora a raison, mes parents aussi, je suis en train de devenir fou..." Il s'était retiré du monde de la magie, au grand chagrin de ses parents. Ce monde n'avait pas pu épargner son frère et ses amis ces sorts horribles, il ne devait pas être si extraordinaire. S'il avait de la chance, ses enfants n'apprendront jamais qu'il avait été sorcier, il avait interdit à sa femme moldue de le leur révéler. Il avait consulté plusieurs médecins psychanalystes pour voir s'il aurait pu se débarrasser de ce sentiment de culpabilité qui n'avait pas disparu depuis qu'il s'était réveillé le 15 novembre 1970 et de sa phobie des énormes chiens noirs. Durant toute son enfance et son adolescence, il avait cru devenir fou, les petits chiens noirs ne le dérangeaient pas, les gros d'une autre couleur non plus, il fallait que ce soit une énorme bête au poil d'ébène pour qu'il devienne ballistique. Il avait cherché tous les moyens pour diriger la douleur, qu'il avait en lui et qu'il avait de la misère à extérioriser, ailleurs, sur autre chose. Les cicatrices qu'il avait sur le corps et, surtout, au poignets étaient là pour le prouver, il avait tout essayé pour oublier. Mais ce n'était pas vraiment cela qu'il voulait, sinon il aurait demandé à ses parents de lui effacer l'existence de Remus de sa cervelle. Non, il ne voulait que se départir de cette culpabilité qui le rongeait : pourquoi avait-il survécu et pas Remus, pourquoi lui ?

Un gosse de douze ans, Patrick, lui avait dit que tout était gravé sur de la pierre, que, très rarement et très difficilement, le destin d'un homme pouvait être réécrit. Lorsque cela se faisait, le gamin appelait ça un miracle. C'était le fils d'une amie de sa femme qui était morte l'année dernière. Il venait toujours avec sa mère lorsqu'elle visitait Anora. Et il repartait en lui disant que la prochaine fois qu'ils se rencontreraient, il voudrait entendre son histoire. Il l'avait fait, il y a deux ans, Patrick avait 13 ans. Il ne l'avait plus jamais revu...

"Bon, je commence tout le monde ! Hum ! Nous avions huit ans et l'halloween approchait. À Gérardmer École Primaire, en bas de la colline sur laquelle se retrouvait notre maison, nous nous amusions à nous faire peur avec des histoires d'horreur dans la cour d'école assis sur un banc de bois rond. Un de nos amis, Jorge Bastien, nous avait raconté l'histoire d'un loup-garou féroce qui vivait dans les montagnes des Vosges. Mathias Valence, un autre de nos amis, nous avait tous dit que le loup était dans la forêt entourant la petite ville de Gérardmer. Ses parents l'avaient vu. Remi Haxaire et Jorge ne faisaient que rire, c'était des histoires pour forcer les enfants du village à rentrer chez eux plus tôt et à ne pas traîner dehors.

"C'est pas vrai ! Ma maman me l'a décrit.
- Comment elle a pu faire pour bien voir et revenir vivante ? demanda Remus.
- Idiot, ma maman a de bons yeux !
- Idiot, toi-même ! s'écria mon petit frère en gonflant ses joues.
- Mmm ! Okay, prouve-le nous.
- Ouais, on veut des preuves, fit Remus en me souriant.
- Comment ? demanda le petit garçon rondelet, en fronçant des sourcils.
- Ben, euh... ! J'sais pas moi, boudai-je. T'as qu'à aller voir et...
- Prendre une photo ! dit Remus.
- Hé ! J'sais pas comment ça marche, j'vais me faire manger tout cru !
- Ouais ! fit Jorge tristement.
- On a qu'a y aller, on verra bien ! C'est la pleine lune ce soir," dit Emeline de Franoux, la grande amie de Jorge.

Elle avait tout entendu. Nous ne voulions pas de fille avec nous, mais elle avait eu l'idée et elle pouvait nous rapporter aux grands... Nous sommes tous tombés d'accord pour y aller ce soir, tous ensemble, vers onze heures. Si on pouvait le faire, on devrait apporter un appareil photo pour prendre le monstre et devenir célèbre.

Lorsque la nuit arriva, Remus et moi, on fit semblant de dormir et dès que dix heures et demi arriva, nous sortîmes de nos lits. Nous prîmes nos manteaux, les mettant par-dessus nos vêtements chauds. Emeline nous avait dit qu'il ferait froid cette nuit. Remus prit la Minolta de notre père. Nous rejoignâmes Jorge, Mathias, Remi et Emeline sur une petit pont qui enjambait un mince filet d'eau qui descendait des montagnes et s'écoulait dans le grand lac. Nous traversâmes le pont et montâmes plus au nord, vers la forêt. En essayant de ne pas passer trop proche des habitations. Dès que nous fûmes face à la montagne, nous nous arrêtâmes pour vérifier nos "armes". Jorge, Emeline et Remi avaient aussi des caméras, ce qui nous donnait quatre fois plus de chance d'attraper le monstre en photo. Mathias ne savait pas comment utiliser la caméra de son père, il avait apporter un bâton de baseball à la place.

La forêt était très sombre. Nous ne le savions pas à l'époque car les parents se gardaient bien de discuter de ce genre de chose devant leurs enfants, mais elle était dangereuse. Plus tard, elle allait devenir plus innoffensif, ils font des randonnés, maintenant à ce que j'entends. Mais à cette époque, il n'était pas surprenant d'entendre qu'une femme, un enfant avaient disparu. Un ministère quelconque allait faire une enquête et opérait comme il l'entendait pour arranger ou empirer la situation.

Cela faisait près de trente minutes que l'on marchait dans la forêt et Remi voulait rentrer chez lui. Jorge et moi réussîmes à le convaicre de continuer avec nous. Nous devions rester jusqu'à ce que la lune disparaisse ou que Mathias nous avoue que ses parents lui avaient dit des bobards. Encore un autre trente minutes et Remus entendit un bruit. Il nous fit taire et, en faisant le moins de bruit possible, nous nous dirigeâmes vers l'endroit d'où provenait le son. Nos caméras étaient prête, ma... et Mathias tenait son bâton bien serré entre ses mains. Nous avançames encore un peu plus pour qu'un petit blaireau ne sorte de sa cachette et nous saute dessus. Plusieurs flashs éclairèrent cette partie de la forêt et nos cris nous assourdirent. Sinon nous l'aurions entendu. Remus éclata de rire en se penchant pour ramasser l'appareil qu'il avait laissé tomber dans son étonnement. Nous l'avions échappé bel, les blaireaux n'étaient pas de commodes créatures, mais on aurait dit qu'il n'avait pas voulu se préoccuper de nous. Plus tard, j'allais comprendre pourquoi. Quelque chose de plus terrifiant qu'une bande de morveux le faisait peur, il n'allait pas rester en arrière pour se chamailler avec nous. Nous nous étions pas rendus compte que la forêt s'était tue. Pourtant, même la nuit, elle semblait grouiller de vie. C'était pour cela que les plus vieux que nous la disaient terrifiante lorsqu'ils devaient effectuer un devoir ou un projet aux alentours.
- ...
- Chérie, je crois que tu ferais mieux de te boucher les oreilles et de chantonner une chanson dans ta tête.
- Zoui, papa, dit la petite fille, mais elle n'en fit rien.
- Les flashs avaient dirigé la créature, nos cris avaient confirmé notre présence et notre odeur n'était que la cerise sur le gâteau pour lui. Sans avertir, une énorme bête sautait par-dessus nos têtes. Elle était quatre fois plus grosse que Remus et moi mis côte-à-côte. Elle était deux fois plus grande que notre père. Elle était toute couverte de poils noirs et denses. Son odeur était horrible. J'eus tout le temps de remarquer ça comme si le temps avait été mis au ralenti. Nous poussâmes tous des cris de terreur en essayant de fuir. Je me cognai contre Jorge, dans notre précipitation, mais nous pûmes nous redresser pour éviter les crocs de la bête à temps et nous tasser sur le côté. Nous nous séparâmes, je cherchai Remus. J'étais désespéré et presque fou, je crus voir les brillants de son manteau s'enfonçer dans la mauvaise direction de la forêt. Tout comme Mathias et Remi, mais eux semblaient se diriger vers la bonne sortie. Emeline était tombée et poussait des petits cris hystériques. Je fis demi tour, le monstre n'était plus là. Je cherchai aux alentours pendant que Jorge l'aidait à se relever, il était nulle part en vue, il semblait s'être volatilisé. L'angoisse et la peur commençaient à me faire voir trouble. Je me précipitai vers Emeline :

"T'as vu Remus, Emmy ? lui demandai-je avec frénésie.
- Il est parti par là et... le loup par là, mais dans la même direction..."

Je n'écoutai pas la suite, je courus dans la direction qu'avait pointée Emeline. Il devait s'être fait mal à la tête pour avoir perdu son sens de l'orientation. C'était de là qu'avait sauté le blaireau et le loup-garou à sa suite. La forêt devenait de plus en plus sombre comme si cela se pouvait réellement à cette heure de la nuit. La peur ne m'avait pas fait perdre ma raison au moins, j'eus le temps de penser de prendre le bâton que Mathias avait laissé tomber. La forêt était toujours silencieuse et ce silence m'énervait et me faisait plus peur qu'autre chose. Je devais retrouver mon petit frère. Je repérai Remus quelques minutes plus tard, il était par terre, la caméra de papa serrée contre sa poitrine, il avait dû trébuché. Lorsqu'il me vit, il se mit debout avec difficulté. Le loup n'était pas dans les parages. Je le pris par le bras, il avait pleuré, lui au moins ne s'était pas fait dessus... Je n'y pensai pas sur le moment, mais plus tard, je me demandai tout le temps pourquoi il tenait la caméra de papa de la sorte. Il ne se rendait pas compte de ce qu'il faisait en plus. Je décidai que nous devions courir, malgré sa cheville blessée, même si le monstre n'était pas aux alentours. Le problème : dans ma précipitation pour retrouver mon frère, je ne pris pas la peine de regarder où j'allais et comme il faisait très sombre, nous étions perdu. Il me demanda ce qu'on devait faire. J'en savais rien, mais j'étais l'aîné...

"Euh ! Est-ce que ça peut grimper dans les arbres ?
- J... j... j'en sais rien...
- Restons pas là, il pourrait revenir..."

Nous marchâmes rapidement, lorsque je me suis rendu compte que Remus ne pouvait me suivre en courant. Je lui pris la main et le dirigeai dans une direction de mon choix. Si nous arrivions au grand lac, nous pourrions retrouver le village. Remus me tenait fortement la main lorsque des animaux se montraient, comme le lynx et un sanglier. Dans ces cas-là, j'étais obligé de pousser un cri et de balancer ma batte pour leur faire peur. Cela marchait tout le temps. Maman allait être fâchée lorsque nous rentrerions. Nous n'allions pas pouvoir nous cacher, surtout nos vêtements et nos souliers. Comme Remus commençait à fatiguer et moi avec, je décidai que la bête ne pouvait pas grimper dans les arbres. Il ne voulait pas lâcher la caméra, je n'allais pas laisser tomber ma batte. Je réussis à l'aider à grimper dans l'énorme hêtre. Une chance que nous étions bons grimpeurs, j'étais le plus habile toutefois.

Lorsque nous fûmes assis sur les plus hautes branches que nous pouvions atteindre avec notre fatigue et nos blessures, j'essayai de me montrer le plus rassurant possible. Je lui racontai une de nos aventures durant les vacances chez grand-mère dans un des châteaux d'Eguishem avec des droséras dans les tourbières en bordures. Il souriait, mais c'était tout. Je lui dis que le soleil allait bientôt se lever, nous pourrions redescendre, sans problème, les loups-garous ne sortaient que les nuits de pleine lune. Il secoua la tête sans sourire cette fois, il était sous le choc, je l'étais aussi, je crois. Je racontais tout ce qui me passait par la tête pour rassurer Remus et moi aussi par la même occasion. Peu-être que nos amis avaient réussi à trouver de l'aide. Les adultes n'allaient plus tarder et papa et maman allaient venir nous sauvés. Je lui racontais comment on allait en rire plus tard, que nous serions vivement puni par maman, mais qu'avec les copains nous allions oublier les mauvaises parties de notre aventure et en rire. La maman de Mathy avait eu raison, il allait nous narguer pendant des jours et des jours.

"Et qui sait, on va peut-être raconter des histoires sur nous.
- ...
- Les survivants du monstre de la forêt des Vosges, dis-je avec emphase, ce qui le fit sourire.
- ...
- Et peut-être que... Aaaaahhhh !"

Le loup était revenu et l'odeur du sang était plus fort. Il avait des marques sur le corps, comme s'il se les était faites lui-même. Je criai à Remus de bien s'accrocher au tronc d'arbre. Le monstre se jetait de tout son poids contre l'arbre, l'ébranlant pour que nous puissions tomber comme des fruits mûrs. Ma tête se cognait contre le tronc à chaque mouvement. Dieu que cela faisait mal ! J'arrivais à tenir, mais je ne savais pas pour combien de temps j'allais pouvoir résister à l'étourdissement et à la chute. J'avais le goût du sang plein la bouche et je crus avoir avaler deux de mes dents de devant. J'entendis un cri, le bruit d'une branche qui se brise, le bruit de quelque chose de mou s'écrasant au sol et un autre cri de douleur. L'arbre ne bougeait plus. En pleurant et sans y penser, je me laissai tomber sur le dos de la créature. Cela se passa très vite, je ne savais pas ce qui me traversait l'esprit. La bête n'eut même pas l'air de m'avoir senti atterrir sur son dos. Je retombai au sol, ma tête se cogna durement contre une racine ou une pierre. J'essayais de me relever malgré le fait que la planète semblait valser et tanguer, je devais aider Remus, je ne calculais pas l'improbabilité de ma réussite. C'était mon jumeau. Je le vis étendu dans une marre de sang sans vie avant que d'énormes canines dégoulinantes de baves rougeâtres me foncent dessus. Tout devint noire.

Lorsque je me réveillai, mes parents étaient assis à côté de mon lit et ils pleuraient d'amertume et de chagrin sans nom. J'avais les deux jambes brisées, mon bras gauche était dans le plâtre et mon dos me faisait atrocement souffrir. Je me réveillais d'un petit coma d'une semaine. Je ne pouvais pas trop bouger ma tête, mais plusieurs incongruités me frapèrent la rétine. Premièrement, je n'étais pas dans ma chambre, dans notre petite maison dans la colline des Vosges. Je ne voyais pas la forêt de la fenêtre. Deuxièmement, et non le moindre, Remmie était nulle part en vue. Je ne cessai de les harceler de question et ma santé flanchait plus les jours passaient et qu'ils ne voulaient pas me répondre. Mes parents, deux semaines après mon réveil, se décidèrent à me dévoiler la fatale réalité. Mon frère, Mathias et Emeline n'avait pas survécu à l'agression. Jorge était gravement atteint psychiquement, il avait vu son amie déchiquetée devant lui avant que Remi ne l'entraîne. Mon Remus était mort. Mon esprit s'était arrêté à ce seul fait, je ne le reverrai jamais plus de ma vie...

Après plusieurs mois de cloîtrement, j'appris que nous étions en Irlande du nord, chez un vieil oncle. Je ne me rappelle plus de son nom, il est mort lorsque j'étais encore tout jeune et que j'étais toujours traumatisé par la perte de mon autre moitié. Et c'est comme ça que je finis cette histoire surtout parce qu'il est temps d'aller vous coucher sinon votre mère aura ma peau.
- Hum ! fit Anora, en se raclant la gorge. Il a raison.
- Que tu vas lui faire la peau ? demanda Jaynie, en riant, allégeant l'atmosphère du même coup.
- Vous aussi. Allez, levez-vous. Regardez, votre soeur est déjà endormie.
- Comment elle a fait ça ? s'écria Joann, en riant et suivant ses frères.
- J'en sais rien..."

Fin

Remus s'était tu en écoutant son neveu parler. Il cligna des yeux et tourna son regard vers Joann. Le garçon n'avait pas utérer un seul mot depuis le début de leur rencontre. Il avala sa salive et regarda sa nièce qui dormait contre lui, comme dans le récit. Remus avait de la peine à retenir ses larmes, il ferma les yeux et secoua la tête. Il ne comprenait pas pourquoi ses parents lui avaient fait cela. Le séparer délibérément de son jumeau. Il sursauta lorsqu'une fine main se déposa sur son épaule, procurant du support. Il se tourna légèrement pour sourire à Arman. Toutes les personnes dans la salle l'observaient en attendant de voir ce qu'il allait dire. Car il y avait sa version à entendre puisqu'il était bel et bien en vie. Dominic se racla la gorge, ils n'avaient pas de temps à perdre. Les enfants devaient aller se coucher et Remus aussi.

"Remus, je ne sais pas ce qui se passa pour vous, mais je peux vous raconter la suite. À l'époque où je connus votre frère et ses enfants, j'avais une dizaine d'année et je m'appelais, Patrick Bleecker.
- Oh ! fit Joaquin en reconnaissant le nom. Ta mère était l'amie de mama.
- Oui, je ne vous ai jamais vu, il... Ma mère est morte plusieurs mois après ma morsure et près de deux ans avant la mort de vos parents. Ma famille, tout comme Romulus Lupin, était sorcière. J'avais treize ans la dernière fois que je vis les Lupin. Trois jours avant ma Morsure, ma mère alla visiter Anora Blythe-Lupin, elles étaient de très bonnes amies, j'accompagnais souvent ma mère lors de ses visites. Cette journée-là, Romulus était présent et comme à chaque fois que je le voyais, je partais en lui disant qu'il devrait me raconter son histoire. J'avais fait un rêve troublant la veille, ce jour-là, je décidai que je devais finalement connaître son histoire. Je lui apportai dans son bureau un verre d'eau auquel j'avais ajouté trois cuillerées de veritaserum que j'avais pris dans la collection de mon père. J'avais un collier hypnotisant autour de mon cou, c'était un objet rare que mon père avait ramené d'une des îles de la Polynésie au cours de ses fouilles archéologiques. La personne qui le regarderait se sentirait juste assez à l'aise pour ne pas se rendre compte de ce qu'elle faisait ou disait.
"Il me raconta, après avoir bu tout le verre, ce que vous avez dit à Remus, mais il ne la censura pas ni n'ometta un détail. Après cette nuit catastrophique, il est allé vivre chez son oncle pour guérir de ses blessures et revenir à la vie. Car il n'était plus qu'un zombie, tels étaient ses termes. Il ne voulait plus voir ses parents, il ne voulait plus entendre parler de magie. Lorsqu'il atteint l'âge de 11 ans, l'école de sorcellerie Nietcshe's Futur lui avait envoyé une lettre. Il était en âge d'y aller. Il refusa. Son vieil oncle qui mourrut cette année-là lui légua sa maigre fortune. Sans que personne ne le sache, la gardienne que lui avaient assignée ses parents était partie magasiner, il prit l'argent et s'enfuit en Amérique. Il vécu un certain nombre de temps dans une famille d'accueil dans un village de la Nouvelle-Écosse, juste assez longtemps pour continuer ses études moldues. Une famille aisée qui l'adorait, d'où les psychiatres. Car depuis l'âge de onze jusqu'à ses seize ans, il réussit à commettre quatre tentatives de suicide, trois crises de nerfs phobiques en voyant un chien noir et vu dix psychiatres différents sans résultats. C'est sa rencontre avec Anora qui changea tout. Ils étaient amoureux et lorsque leurs deux premiers enfants naquirent, ils étaient trop jeunes. Ils vivaient toujours chez leurs parents respectifs. Romulus étudia en infirmerie, il trouva un emploi en Ontario, dans la ville de Sudbury. Il y alla travailler, trouva un appartement et plusieurs mois après, il pouvait emménager toute sa petite famille. Les vrais parents de Romulus réussirent à le retracer grâce aux photos d'Anora. C'était une photographe et elle l'avait utilisé un certain nombre de fois comme modèle. Elle n'était pas la plus populaire, mais elle se faisait un magot. C'est à la naissance de Engel, que mes parents emménagèrent dans leur quartier et qu'ils devinrent amis. Remus, c'est un très petit résumé, mais... J'ai à vous remettre un petit carnet dans lequel a écrit Romulus.
"Après avoir entendu cette histoire, j'avais une idée pour qu'il vide son coeur. Pendant que le veritaserum et que le charme de mon collier opérait, je lui ai dit d'écrire tout ça dans un carnet comme s'il vous parlait. D'y mettre toute sa rancoeur, ses peurs, ses tristesses... De faire comme s'il vous parlait, vous racontait pourquoi il se sentait triste. Pour qu'il puisse avoir l'esprit en paix. Il le fit. À la fin de la journée, il avait mal à la main, mais il était content. Au moment de partir, je ne savais pas à cent pour cent que je lui disais aurevoir pour la dernière fois...
- Mon dieu !
- Je suis désolée, Remus, fit sincèrement Lulou.
- Ils ne m'ont jamais rien dit, pourquoi ?
- Vous aviez tous les deux vingt-et-un ans lorsque vos parents sont morts...
- Non, ils ont disparu lorsque j'avais... dix-sept ans. J'entrais pour ma dernière année à Hogwarts et le même mois d'octobre... Ils s'étaient fait tués... Ils...
- Je peux vous l'expliquer, si vous voulez, fit Vulcan. Ils ont fait la même chose que mes parents et ceux de Ronan. Dès notre Morsure, ils nous ont séparé de nos frères et soeurs en me disant qu'ils ne voulaient pas me voir, qu'ils ne savaient pas ce qui pourraient leur arriver, qu'ils avaient peur de nous. J'étais trop jeune, j'aurais dû exiger de les voir moi-même, de les entendre me dire ça eux-même... Ils les avaient envoyés au loin, dans ded pensions en leur disant que leur frère était mort lors de l'attaque des loups. Ils s'occupèrent de nous pour nous avoir à l'oeil. Je les ai soupçonnés quelque fois de vouloir me tuer pour pouvoir repartir voir leurs enfants bien portant. Mes parents sont restés avec moi jusqu'à ce que j'atteigne mes seize ans, même chose pour Ronan. Dans une lettre, ils nous disaient qu'ils ne pouvaient plus continuer comme cela à faire vivre trois loups-garous. Comme nous étions suffisament grands, que nous étions beaucoup moins sauvages lors des pleines lune depuis qu'Arman arriva, ils nous laissaient seuls avec un peu d'argent pour survivre un certain temps. Ils sont restés avec vous assez longtemps pour que leur conscience ne les taraude pas trop. Ils ne savaient pas où se trouvait leur autre enfant, en plus. Ils vous élevèrent du mieux qu'ils pouvaient sans laisser voir leur honte, leur peur, leur dégoût de ce que vous étiez devenu et ils vous ont sacré là, lorsque le moment se présenta. Ils avaient de plus un alibi. C'était durant le règne de terreur de Voldemort, les disparitions, les morts étaient monnaies courantes à ce moment, n'est-ce pas ?
- ...
- Vulcan, tu pouvais le lui dire un peu moins froidement.
- Silence, Arman, grogna-t-il.
- Je... Non !" fit Remus en se levant.

Remus se rassit rapidement, en murmurant des mots doux à l'oreille de la petite, lorsqu'elle poussa un petit cri. Elle se rendormit rapidement. Remus ferma les yeux et essaya de se rappeler son enfance après sa Morsure, après Romulus. Ils n'étaient plus allés à l'école avec les autres enfants. Il étudiait à la maison avec ses parents. Les soirs de pleine lune, son père l'amenait dans la forêt et l'attachait avec des fers à un arbre. Et le matin, sa mère mettait un baume sur ses blessures. Tout se faisait dans le silence total, ses parents ne lui parlaient jamais, seulement lorsqu'il avait un livre devant lui et étudiait. À cette époque, il ne s'en souciait pas. Son frère était mort et il était resté muet pendant des mois. Le seul répit qu'il eut fut lorsque Hogwarts lui envoya cette lettre. Ses parents refusèrent au début, mais il les suppliait sans cesse, il ne pouvait plus rester dans cette maison muette. Ce fut seulement lorsqu'Albus put leur promettre qu'il ne mettrait pas les autres enfants en danger que ses parents lui permirent d'y aller. Les premiers amis qu'il se fit en Angleterre depuis Remi, Emeline, Mathias et Jorge lui procurèrent un grand bien.

Les larmes roulèrent sur ses joues. Il se contreficha des autres qui le regardaient, il les laissa couler, en serrant la chaire de la chaire de son frère. Il reprit la main de Joann dans la sienne et la serra fortement. L'enfant se leva et se mit à genoux à côté de sa chaise et déposa son front sur sa poitrine. Remus entoura les épaules de son neveu silencieux. Joaquin resta assis sur sa chaise à pleurer doucement dans ses mains.

Arman avait détourné les yeux et se les frottaient de la main pour empêcher les larmes de couler. Le visage de Vulcan se durcit. Les yeux de Ronan se fixèrent sur la famille attristée qu'il avait devant lui. Il cligna des yeux et secoua la tête tristement. Dominic sursauta lorsque Lulou passa un mouchoire sur sa joue gauche séchant la larme ensanglantée qui avait glissé. Érick se sentait extrêmement mal à l'aise, il passa la langue sur ses lèvres et jeta un coup d'oeil à Lulou. La jeune femme clignait plusieurs fois des yeux, mais on ne pouvait rien voir sur son visage.

"C'était des hommes cagoulés, fit d'une lourde voix Joaquin. Ils ont attaqué notre campement. Nous avons tenté de fuir, mais rien n'y faisait. Ils ont rattrapé nos parents et Jaynie. Nous nous étions perdus, mais ils ont réussi à nos rattraper aussi. Ils ont éventré devant nos yeux papa et mama. Jaynie poussait d'horrible cri, mais d'où j'étais, je ne pouvais pas le voir. Je voyais Joann qui semblait sous le choc. Lorsque l'un d'entre eux arriva pour me tuer, le bruit du tonnerre éclata et un soufflement chaud passa au-dessus de mon visage. Tout passa trop vite, mais trois jours plus tard, j'apprenais que monsieur Vulcan avait tiré sur l'homme, ou la femme, qui voulait me tuer. Ils ne le disent pas, mais je sais qu'ils ont réussi à tuer les autres, en se transformant. Ils, Vulcan, Ronan et Arman, nous trouvèrent un Refuge d'andragons, après plusieurs heures d'explications, je réussis à comprendre qui était mon père. Nous avons vécu là-bas et le dernier mois, madame Lulou venait nous chercher. Nous leur avons tout raconté, notre famille, celle de mon père... Lorsqu'elle nous dit qu'il restait un Lupin d'en vie, nous décidâmes de rester avec eux.
- ...
- Les enfants, suivez Érick. Vous devez vous coucher. Merci, d'avoir raconté tout ça, encore une fois," dit Lulou, en se levant.

Érick prit Engel dans ses bras et fit signe de tête doucement aux enfants. Joann serra la main de Remus une dernière fois et lui fit un mince sourire avant de suivre l'homme. Joaquin embrassa le cou de Remus de ses bras et lui souhaita bonne nuit. Remus les regarda partir avec lassitude. Il se sentait vider. Il se tourna vers les autres occupant de la salle. Il n'était pas dupe, Lulou les avait dit de partir pour une bonne raison. Elle voulait jouer son jeu de cartes, elle le regardait tout en battant dans sa tête son paquet. Il plissa des lèvres, il voulait seulement parler avec Dominic... Patrick...

"Remus, je vous rendrai le carnet lorsque l'on retournera dans notre chambre. Et ce sera toujours Dominic Maelechlainn, Patrick Bleecker a été tué par des loups, il y a treize ans.
- ...
- Remus, maintenant, voyez-vous pourquoi ce monde, surtout celui des sorciers, a grand besoin d'une révolution ?..."