J'aurais pu allonger ce chapitre mais comme je serai absente tout le week-end, j'ai préféré couper court et continuer dans un autre chapitre. Je répondrai aux reviews dans le prochain aussi parce que je dois vraiment partir mais Heaven2, ta review est la plus délirante que j'aie jamais reçu et elle m'a rendu joyeuse toute la nuit (je l'ai lu à 11 :00 pm et mes parents étaient pas trop contents de mon excès de zèle à continuer ma fic !)
Chapitre XXVIIIDans L'Antre Du Vampire
Il avait définitivement semé Severus. Bien qu'il ait du effectuer un détour pour traverser la Tamise[1], jamais le Maître des Potions n'aurait pu nous rattraper. Drapée dans les pans de la cape du vampire, à l'abri du froid mordant de février, voilà bien longtemps que j'avais compris que la lutte était sans espoir. À chaque tentative de fuite, je m'étais heurtée à un mur indestructible. Ses deux bras autour de moi me serraient dans un étau dont je ne pouvais m'échapper. Je m'étais donc appuyée contre sa poitrine ferme, laissant librement couler mes larmes, angoissée par le sort de Severus.
Tout était encore de ma faute. Si je n'avais pas exprimé le désir de marcher, nous aurions transplané immédiatement et encore, si je n'avais pas conduit mes pas vers l'Allée des Embrumes, rien de tout cela ne serait arrivé. À l'heure qu'il était, peut-être les légions du mystérieux vampire l'avait fait tomber de son balai, allant chuter sur le sol en se rompant le cou. Je me crispai à cette pensée.
Je sentis une main froide lisser mes cheveux d'une manière tendre. Pour qui se prenait-il pour se conduire de la sorte?
« Sèche tes pleurs. Tout ira bien, » chuchota-t-il.
Sa voix était tout comme celle de Severus : veloutée, soyeuse, suave, aux inflexions profondes et graves qui résonnaient comme un chant harmonieux dans mes oreilles. Bien que son anglais soit excellent, il avait une drôle d'intonation, un léger accent des pays d'Europe de l'Est transperçait dans sa voix, tout comme moi, contrairement à Severus qui parlait avec cet accent typiquement britannique. Penser à Severus me ramena à la réalité.
« Il ne faut pas qu'il lui arrive du mal, » murmurai-je.
« Qui est-il? » me demanda-t-il doucement.
« L'homme que j'aime.
- Tu as donc choisi de prendre un amant mortel… »
Il poussa un soupir mélancolique. Je relevai la tête pour rencontrer son regard rempli de compassion et de douleur.
« Il ne t'apportera que du malheur. Il mourra bien avant toi et tu souffriras de sa perte. Les mortels sont comme les fleurs. Ils sont frêles et faibles. Ils sont magnifiques et épanouis une seule et unique saison puis se fanent et meurent. Le temps s'écoulera et tu regarderas l'histoire de l'humanité se répéter inlassablement, dans un continuel cycle de tueries et d'actes plus barbares les uns que les autres, Erzebeth. Tu verras le temps te filer entre les doigts sans que tu ne puisses rien y faire. Et cela, tu le feras seule si tu choisis d'avoir un amant mortel car il aura emporté ton âme aux Enfers en même temps que la sienne. »
Il se tut, laissant l'impact de ses mots s'infiltrer lentement en moi. Jamais je ne m'étais arrêtée pour y penser. Severus rendrait son dernier souffle mais mon sang vampirique m'empêcherait d'en faire de même. Il me maintiendrait en vie pour toujours.
« Seule pour l'éternité, » dis-je dans un souffle.
« Condamnée à errer jusqu'à la fin des temps, ma douce… mon Erzebeth. »
Il posa délicatement sa main contre ma joue. Elle était glacée mais étrangement, ce contact me réchauffa comme, jusqu'alors, seul Severus avait su le faire. Il y avait tant de tendresse dans ce simple geste que j'en fus décontenancée. Comment pouvait-il être à la fois le meurtrier bestial de la jeune femme de l'Allée des Embrumes et cet homme tendre et aimant?
Une seule personne avait employé le prénom Erzebeth lorsqu'ils s'adressaient à moi : ma nourrice hongroise Iloona. Ma mère le lui avait toujours reproché car elle préférait le nom Elizabeth qui était entièrement anglais. Iloona disait que c'était parce qu'elle avait honte de mes origines nobles et qu'elle voulait à tout prix oublier qui était mon père. Un soir, ma mère dit qu'elle en avait assez d'Iloona car elle avait une influence néfaste sur moi et elle la congédia. J'en fis part à mon ravisseur :
« Il n'y a que Iloona Joo[2], ma nourrice, qui m'ait jamais appelé Erzebeth.
- Iloona, la fidèle Iloona. Elle n'aurait jamais pu se résoudre à t'appeler Elizabeth, ma douce. Ses traditions sont trop fortement ancrés en elle pour qu'elle utilise ton prénom anglais. Sa famille est au service des Bathory depuis si longtemps que la Hongrie ne serait pas la même, sans elle. »
Il ralentit un peu sa course, me permettant de voir où nous étions. Les lumières kaléidoscopiques de Londres s'étendait sous nous. Seuls les anciens Enfants des Ténèbres arrivaient à voler de la sorte. Je fus prise d'un vertige et me cramponnai plus fortement à l'homme. Sentant ma peur, il resserra son étreinte. Encore une fois, je fus déconcertée par son attitude prévenante. Quels sombres motifs se dissimulaient derrière ce masque de gentillesse et de douceur?
« Endors-toi, ma douce. »
Mes paupières semblaient être soudainement faites de plomb. Je clignai des yeux mais une nouvelle injonction de la part du vampire m'en dissuada :
« Tu es téméraire, ma douce. C'est le sang des Szekeler qui coule en toi. Maintenant, cesse de lutter et dors, mon enfant. »
Szekeler? Cette dynastique régnant sur les Balkans au XVème siècle? Et que voulait-il dire pas mon enfant? Avant que je puisse réfléchir à la question, les ténèbres m'enveloppèrent et je sombrai dans un profond sommeil.
Lorsque je me réveillai, tout était plongé dans l'obscurité. Mes yeux s'habituèrent rapidement à la noirceur et je compris pourquoi je me sentais soulevée à un rythme régulier. J'étais allongée dans un cercueil et je n'étais pas seule. J'étais couchée contre l'homme. Je l'examinai. Il était en tous points comme dans la description de Vampire : Les Damnés. On aurait dit qu'il était mort; aucun signe de mouvement quel qu'il soit, aucun souffle, aucun battement de cœur. Ses yeux étaient grands ouverts et fixés sur le couvercle de notre retraite mais ils n'avaient pas l'opacité de ceux d'un défunt. Je touchai à ses joues. Malgré leur pâleur cadavérique, elles conservaient une certaine chaleur qui m'assurait qu'il était toujours en vie.
Par peur de le réveiller, je ne bougeai pas mais mes pensées allaient bon train. N'étant pas vampire à part entière, je pouvais marcher librement à la lumière du jour mais pas lui. Je pouvais donc exploiter cette faiblesse comme un filon d'or. L'idée d'exposer l'énigmatique buveur de sang aux rayons meurtrier du Soleil me traversa un instant l'esprit mais je l'abandonnai vite. Il ne se serait pas conduit ainsi envers une Dunpeal s'il n'avait pas eu des intentions arrêtées à mon propos. Les bâtards que nous étions se faisaient souvent pourchasser par les purs-sangs et détruits dans des souffrances atroces. Les anciens nous méprisaient mais ne réagissaient que si nous venions les déranger, les novices, quant à eux, prenaient plaisir à nous anéantir.
De plus, il y avait autre chose qui m'empêchait de porter la main sur lui. Il n'y avait pas seulement que je trouvais cette mort traître et indigne d'un vampire comme lui mais il y avait aussi ce sentiment d'indicible familiarité, comme si je le connaissais depuis toujours. Si je voulais savoir le fin mot de cette histoire, je devais rester. Résolue à en savoir le plus possible, les paupières closes, je m'endormis à nouveau, les mots ''mon enfant'' dansant dans ma tête.
Je m'éveillai bien plus tard alors qu'il faisait déjà nuit noire. Le vampire n'était plus là. Il devait être allé chasser. Je me relevai et détaillai la pièce. Elle sentait la terre fraîchement retournée. En effet, le grand cercueil d'ébène reposait au sommet d'un amoncellement de terre. À nouveau, je me référai à Vampires : Les Damnés :
''[…] le vampire se doit de se reposer dans sa terre natale.''
C'était une vieille chapelle en ruines dépourvue de fenêtres. L'humidité et le froid régnait dans l'ancien lieu pieux ce qui me laissait croire que j'étais dans une retraite souterraine. Le toit était brisé mais ne laissait fort heureusement pas filtrer de lumière ce qui confirmait mon hypothèse.
Je me levai et foulai le sol de mes pieds nus où l'on avait répandu de la terre. Deux escaliers menaient aux voûtes mais ils semblaient tenir en place seulement grâce à un savant équilibre et je ne m'y risquai pas. Je poussai la lourde porte et aboutis dans un tunnel sombre. Je marchai prudemment à tâtons, laissant derrière moi la crypte secrète. Le passage débouchait sur des escaliers éclairés chichement par des torches à la flamme presque éteinte. Je débutai mon ascension et arrivai finalement dans une salle illuminée par de nombreux chandeliers et dont les murs étaient ornés de draperies noires et rouges sur lesquelles étaient brodés un blason. Trônait au beau milieu de la pièce, assis au bout d'une grande table rectangulaire, l'homme de la peinture, celui dont on m'avait tu le nom, mon père, le Comte Dracula.
[1] Les Vampires ne peuvent pas passer dans l'eau courante.
[2] En fait, Iloona Joo est une des servantes d'Elizabeth Bathory. Elle a participé activement aux horreurs de sa maîtresse.
