NdT : Cette fic est une traduction de l'incontournable histoire de Leareth : "In my Line of Work". C'est aussi ma toute première traduction de fanfic... J'ai essayé de coller au texte originel du mieux que j'ai pu, mais comme je suis traîtresse dans l'âme, j'ai pas pu m'empêcher de prendre quelque libertés... Enfin, les aléas de la traduction, je suppose...

À la base, c'est un one-shot, mais l'histoire état vraiment trop longue alors j'ai préférée la divisée en trois ou quatre parties, j'espère qu'elle ne m'en voudra pas ...

Cette histoire a une préquelle que je ne pense pas traduire. Rassurez-vous, elle n'est pas essentielle à la compréhension de cette fic, mais elle reste très intéressante.

Enfin, voilà, j'espère que cette histoire vous plaira !

NdA : Cette fic est une séquelle à mon autre histoire "Silent Night, Lonely Night", mais vous n'avez pas besoin de l'avoir lue pour comprendre celle-ci.

Subaru, Seishirou, Karen, Kamui et Yamakawa appartiennent à CLAMP. Les autres personnages, Kobayashi, Ayako, Shiguré, Ritsuko, Hyuga et Tanaka sont ma propriété exclusive !

Quand on fait un travail comme le mien, autant dire qu'on a parfois affaire à des cas difficiles. J'ai découvert des corps pétrifiés dans la neige, recouverts de sang ou de vomi gelés. Parfois, un voisin vous appelle à trois heure du matin et le temps que vous débarquiez sur les lieux, une pauvre femme a enfoncé le couteau à viande en travers de la gorge de son mari. Classique. D'ailleurs un homme ne devrait jamais affronter sa femme dans la cuisine. C'est son territoire, après tout, et elle sait aussi bien se servir de ses couteaux qu'une tapineuse de ces accessoires qu'on ne trouve qu'en magasins spécialisés.

Ça, c'est raisonner comme un flic. Parce qu'un bon flic doit voir au premier coup d'œil ces bribes de vie qui permettront à d'autres de creuser un peu plus. Je suis détective, ce qui me place en deuxième position sur la liste judiciaire, juste après l'officier de police ( croyez moi, j'ai eu ma dose ), et juste avant l'avocat ( ce que, heureusement, je ne deviendrai jamais ). Mon boulot consiste à poser les questions indiscrètes et à m'assurer que j'en sais plus sur quelqu'un que sa propre mère. Vous imaginez que ça commence rarement par "Bonjour, comment allez-vous?". C'est plutôt le genre de relation qui débute avec une arrestation et se poursuit par une bonne dose d'intimidation dans une petite pièce close. Pas vraiment le meilleur moyen de se faire des amis. Pas étonnant que je ne revoie pas souvent ces gens après ça... J'en sais trop sur eux. J'ai souvent fouillé un passé qu'ils auraient préféré ne pas remuer. Tout ça au nom de la justice, bien sûr.

C'est drôle, comme un minable inspecteur divorcé comme moi, sans la moindre vie sociale en dehors de son travail, peut apprendre en un seul jour tout ce qui peut se cacher derrière la façade des visages. On ne les oublie pas facilement, même si on voudrait souvent en être capable. La plupart d'entre eux finiront par s'effacer avec le temps, mais il y a en quelques uns dont on peut être sûrs qu'on ne les oubliera jamais.

Ce type était de ceux là.

Une des raisons qui expliquent pourquoi je m'en souviendrai toujours, c'est qu'il a été amené par deux personnes, de ceux qui devraient faire la couverture d'un magazine et pas traîner commissariat à sept heures du matin, le jour de Noël. Celle qui a le plus attiré mon attention, c'était la femme, bien sûr. Elle avait des cheveux roux et bouclés et une petite lueur dans le regard quand tous les types autour se sont retourné pour la regarder passer, espérant sans doute qu'elle vienne s'adresser à eux. J'ai eu mon lot de coups de coude dans les côtes après ça. L'autre était un gamin, probablement dans les quinze ans, ou bien trop petit pour son âge. Je ne roule pas de ce côté de la route, mais je peux vous dire que ce petit devait en briser des cœurs. Cheveux noirs, teint pâle et surtout des yeux violets qui vous prenaient à la gorge, et je ne crois pas qu'il portait de contacts. Shiguré, qui lui roule de ce côté de la route et qui est avec on, hum, "ami" depuis des années, je vous assure qu'il le regardait.

Celui qu'ils escortaient gardait la tête baissée. Cheveux noirs assez courts, mais je ne pouvais pas voir son visage, environ un mètre soixante-quinze, un trench d'un blanc passé, un sweat et un pantalon noirs et puis une écharpe rouge sang autour du cou... Oui, je sais, j'entre dans les détails, mais ça fait partie de mon travail.

La femme s'est dirigée vers Ayako, apparemment pour lui demander à qui elle devait s'adresser, laissant le gamin aux yeux violet s'occuper de leur ami commun. Il a touché son bras et murmuré quelque chose, mais il n'a reçu aucune réponse.

Donc, ils étaient certainement ici pour quelque chose qui concernait ce type aux cheveux noirs. Il marchait comme un automate, comme s'il était embrumé par une drogue quelconque. Peut-être que ces amis plus lucides l'avaient amené ici pour qu'on lui fasse un petit topo sur la législation et les risques des stupéfiants ? Ça m'est déjà arrivé d'avoir à le faire. Un père qui écumait comme un taureau enragé m'a traîné voir son pauvre fils pour que je lui tienne le discours que tout parent qui se respecte devrait tenir. J'ai prévenue Ayako que si un truc pareil se reproduisait, elle pouvait donner quelques brochures aux parents et leur dire que nous étions occupés.

Ayako est une fille intelligente. Alors quand elle m'a désigné, j'ai compris que c'était plus sérieux que ça et mon espoir de passer une matinée tranquille a plongé dans la corbeille à papiers. Bon Dieu, comme si tous ces tremblements de terre n'étaient pas assez pour me coller la migraine.

J'ai soupiré et jeté mon journal sur mon bureau.

- Détective Kobayashi?

Cette femme avait une voix qui allait parfaitement avec son visage et je me suis senti un peu revigoré. Peut-être que ce ne serait pas si terrible, après tout. Derrière elle, Yeux-Violets avait l'air plutôt mal à l'aise, comme s'il se sentait de trop ici. L'autre n'a même pas bougé.

- Excusez-moi de vous déranger, mais je me demandais si vous pouviez nous aider.

- Ça ne sert à rien, a dit Yeux-Violets. S'il ne nous parle pas à nous, pourquoi parlerait-il à la police?

C'est intéressant de voir que les proches ne sont jamais mis au courant. Ils ne sont pas au courant justement parce qu'ils sont proches. Moi, et tous mes collègues dans le métier, on ne fait que notre boulot, rien de personnel.

- Ssht !

La rouquine s'est légèrement retournée comme pour le réprimander. J'ai bien regardé son profile. Elle était vraiment jolie.

- Il ne nous dira rien parce qu'il nous connaît. Mais il parlera peut-être à quelqu'un d'autre.

Et futée avec ça. Impressionnant.

- Quel est votre problème? J'ai demandé.

Elle a poussé son ami muet en pleine lumière.

- Dis-lui, a-t-elle ordonné fermement.

Il m'a regardé. Il avait des yeux verts. Pas cette teinte vaguement noisette et plutôt commune, non, je veux dire vraiment verts. Plus encore que l'émeraude qui décorait l'annulaire de mon ex-femme. Comme les deux autres, il était sacrément beau. Vraiment mignon, mais, à la différence du gamin, on ne l'aurait pas pris pour une fille. Peut-être que ces gens travaillaient dans une agence de mannequin tous les trois?

Yeux-Verts m'a jeté un nouveau regard. L'agence de mannequin est aussitôt passée à la trappe.

- Il n'y a rien dire.

J'ai levé un sourcil et j'ai regardé la femme.

- Vraiment rien?

Elle a émis un petit bruit impatient. Avant que Yeux-Verts ait pu ajouter quoi que ce soit, elle a attrapé son bras et a remonté la manche.

- Tu appelles ça 'rien' ?

Je suppose que j'ai dû tirer une drôle de tête. Yeux-Verts n'avait pas l'air très content non plus. Ce garçon avait la peau très pâle, ce qui n'arrangeait certainement pas les choses, mais tout de même... Il y avait un bon paquet de bleus. Le genre de marques qu'on remarque généralement sur les femmes et les enfants battus.

Tous les trois m'ont regardé. À nouveau, j'ai soupiré, puis je me suis levé.

- Je crois qu'on devrait discuter de ça ailleurs.

J'ai toujours trouvé amusant de voir que les noms donnés aux choses changent selon la situation. Le panneau sur la porte dit 'salle d'entretient' et généralement c'est comme ça qu'on l'appelle entre nous, quand il n'y a personne dedans. Quand on s'en sert pour parler avec des victimes ou des témoins, c'est aussi comme ça qu'on dit. Mais quand on y emmène des suspects ou des criminels, elle devient subitement 'la salle d'interrogatoire'. C'est la même pièce, mais laissez moi vous dire que tout le monde préfère aller dans la salle d'entretient.

C'est là que j'ai emmené mes visiteurs. Bien sûr, vous ne pouvez pas dire à une victime de mauvais traitement qu'on s'apprête à lui faire subir un interrogatoire.

- Bien, pourrais-je savoir à qui je m'adresse? J'ai demandé pendant qu'il s'asseyaient. Yeux-Verts s'est assis, raide comme la justice, entre les deux autres, près de la porte et de la fenêtre.

La femme a pris sur elle et a fait les présentations :

- Je suis Karen Kasumi - elle a désigné le gamin - Voici Kamui Shiro - elle s'est tourné vers Yeux-Verts - Et Subaru Suméragi.

J'ai haussé les sourcils. Drôle d'assortiment. 'Karen' n'était pas un nom d'ici. À vrai dire, ce n'était même pas du continent. 'Kamui' sonnait beaucoup plus japonais, mais ce n'était pas très courant non plus. Et pour le dernier...

- Suméragi ? Vous voulez dire les sorciers- docteurs Suméragi?

Suméragi m'a jeté un coup d'œil et un très léger sourire.

- En fait le terme exact est 'onmyouji'.

- Vous avez entendu parler de lui? A demandé Shiro.

J'ai juste haussé les épaules.

- Je connais le nom. Souvent associé à des cas qui se terminent dans les dossiers non-classés.

Personnellement, Je ne crois pas un mot de toutes ces absurdités mystiques, mais je suis assez intelligent pour ne pas le dire à voix haute devant le médium le plus réputé du pays.

- Bon, est-ce que vous voulez bien me dire ce qui s'est passé ?

Ils se sont regardés tous les trois. Ou plutôt, Kasumi et Shiro se sont regardés, puis ont regardé Suméragi. Suméragi ne regardait que la table. Nouveau soupir. Il allait falloir que je lui donne un coup de pouce.

- Kasumi-san, pourquoi m'avez-vous amené Suméragi-san?

Elle a pincé les lèvres. Ça lui allait bien.

- Nous avions un... rendez-vous ce matin. Subaru-san est arrivé en retard et il n'avait pas l'air au meilleur de sa forme. Il m'a dit que tout allait bien, mais de cette façon qui implique tout le contraire.

- J'ai vu les bleus quand il a accroché son manteau et son écharpe, a continué Shiro. Karen-san était juste à côté quand je lui ai demandé ce qui s'était passé. Nous l'avons vu hier soir et il n'avait aucune marques. Il a dit... Qu'il avait eu un accident. Qu'il avait foncé dans quelque chose.

J'ai regardé Suméragi. Il avait toujours les yeux rivés sur cette table.

- Un accident, j'ai répété.

Ah ! C'est le genre d'excuse qui vole aussi haut qu'un alligator dépressif.

- Je ne l'ai pas cru, a dit Kasumi avec un drôle de sourire sur son visage. C'est le genre de blessures que je vois souvent, dans mon travail. Et elles ne proviennent pas d'une collision avec une table.

Elle a longuement regardé Suméragi.

- D'ailleurs les tables ne laissent généralement pas de marques de doigts sur les deux poignets.

Mon deuxième sourcils est allé rejoindre le premier.

- Je peux jeter un œil?

Sans rien dire, Suméragi a relevé son autre manche. Des traces violacées constellaient son avant bras, dont une particulièrement désagréable qui ressemblait à un pouce et entourait son poignet. Le genre qui ne m'est pas étranger. La dernière fois que j'ai vu un truc pareil, c'était sur les poignets d'une pauvre fille qui s'était fait offrir un verre et qui avait fini nue au fond d'une allée avec une commotion cérébrale infligée par un salaud libidineux à qui j'ai été ravi de passer les menottes.

Kasumi et Shiro me regardaient avec impatience. J'ai essayé d'avoir l'air autoritaire.

- Vous avez des amis très observateurs, Suméragi-san. Pouvez-vous nous dire ce qui vous est arrivé?

- Il n'y a rien a dire, a-t-il répété. J'ai eu un accident.

Je lui ai lancé le même regard que Kasumi.

- Vous n'avez pas idée du nombre de fois où j'ai pu entendre ça ou une quelconque variation. Ça ne marchera pas. Écoutez, personne ici n'est là pour vous juger, nous voulons juste vous aider.

Suméragi a haussé les sourcils.

- Qu'est-ce que vous voulez entendre? Que j'ai été violé?

Shiro avait l'air de plus en plus mal à l'aise. Kasumi, par contre, n'a même pas cillé.

- C'est à vous de me le dire, ai-je rétorqué.

J'ai toujours détesté questionné les victimes d'agressions sexuelles. Ayako est bien meilleure que moi pour ça.

- C'est le cas ?

Il a hésité, juste un instant.

- Non.

- Alors d'où viennent ces bleus ?

- Je... préférerais ne pas en parler.

- Subaru-san - nous nous sommes tous retournés pour regarder Kasumi - Tu ne peux pas nous duper là-dessus. Je connais ce genre de marques et Kamui-kun est très inquiet à ton sujet. Il y a quelque chose qui ne va pas.

- S'il te plaît, Subaru...

Seigneur, si j'ai un jour des enfants, faites qu'ils n'aient pas les même yeux que Shiro. Je ne pourrais jamais leur refuser quoi que ce soit.

- Est-ce que tu ne nous fais pas confiance?

Suméragi a regardé Kasumi, puis Shiro (un peu plus longtemps) puis moi. Il a soupiré.

- Je suis sorti la nuit dernière et j'ai échoué dans un bar quelque part sur l'avenue Shoji, vers les huit heures.

Chouette, on est partis pour la version longue.

- Dans un bar, donc. Et après?

Les yeux de Suméragi étaient un peu lointains.

- J'ai bu un verre. Un homme m'a fait des avances puis il m'a agrippé le bras et a tenté de me pousser dans une allée. Je me suis enfui.

- Et cet homme, à quoi il ressemblait?

- Grand, lourd, barbe de trois jours, des yeux et des cheveux marrons. Il portait une grosse veste noire.

- Vous le connaissiez?

- Non.

- Et vous vous êtes... 'échappé' ?

- Oui.

- Comment ?

Il m'a jeté un regard évasif.

- Je... Me suis défendu.

Je pense que j'ai grimacé. J'ai parlé à tous les genres de menteurs qui arpentent nos rues, depuis les plus grands experts jusqu'au gamin qui affirme qu'il vient de trouver cette carte de crédit dans la poubelle. Et si j'avais dû noter un test, Suméragi venait d'être recalé.

Juste à ce moment là, quelqu'un a frappé à la porte. J'ai juré dans ma barbe, puis j'ai vu apparaître la tête de Shiguré dans l'entrebâillement de la porte.

- Je suis vraiment désolé, Kobayashi, mais je viens d'avoir un appel urgent.

Ce n'est pas son genre d'interrompre les entretiens. S'il a besoin de moi, il doit y avoir une bonne raison. J'ai offert à mes clients mon plus sincère : " excusez-moi, je reviens tout de suite" et je l'ai suivi dehors.

- Merde, Shiguré, je suis en plein boulot là...

Il a eu un petit geste d'impatience.

- Je sais, je sais. Mais c'est une urgence et on est les seuls détectives en service. On vient de trouver un macchabée sur l'Avenue Shoji.

J'ai cillé.

- Tu te fous de moi.

Shiguré m'a regardé bizarrement.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- C'est l'endroit que m'a indiqué la victime d'agression sexuelle là-dedans.

- Eh? Shiguré a regardé à travers la vitre. La rouquine aux jolies jambes ?

- Non.

Shiguré a observé les deux autres puis est revenu à moi.

- Ne me dis pas que c'est le gamin. S'il te plaît, ne me dis pas que c'est lui.

- Non plus, Dieu merci. Mais ce n'est pas joli à voir.

J'ai regardé Suméragi. Kasumi et Karen essayaient toujours d'engager la conversation.

- C'est le type avec le manteau blanc et l'écharpe rouge. Il prétend qu'il s'est 'défendu'.

- Il t'a dit ce qu'il entendait par 'défendre'?

- Non, mais ce n'est pas le meilleur menteur du monde.

J'ai cherché Ayako des yeux et je lui ai fait signe de venir.

- Ayako, Shiguré et moi sommes requis sur les lieux d'un meurtre, tu peux t'occuper d'eux pour moi?

Elle a regardé à travers la vitre aussi.

- Quelle est la situation ?

J'ai froncé le nez en prenant mon manteau.

- Probable agression sexuelle. Mais ce n'est pas le femme.

Ses yeux se sont agrandis.

- Tu plaisantes.

- Pas du tout.

J'ai pris mes clefs. Shiguré m'attendait déjà à la porte.

- Écoute, t'es meilleure que moi pour ce genre de trucs. Fais moi une fleur et trouve moi ce qui est arrivé à Suméragi la nuit dernière, Okay ? Joyeux Noël.

Évidemment, les voitures de police avec leurs gyrophares attirent toujours l'attention. Tout le monde vient voir ce qui a bien pu se passer pour troubler la morosité quotidienne de son existence. La plupart des gens ne se sentent pas capables de commettre eux-mêmes un meurtre, alors ils se contentent d'aller voir ce que ça donne quand un autre l'a fait. Il y a quelque chose d'étrangement fascinant dans la morbidité du crime.

Shiguré et moi sommes sortis de la voiture et on s'est frayé un chemin à grands coups de badges à travers la foule des curieux jusqu'au périmètre de police.

- Eh ben, c'est pas joli à regarder, a commenté Shiguré en inspectant le corps.

Il avait un peu neigé pendant la nuit, mais tout semblait relativement clair. Le corps gisait, face contre terre au milieu de l'allée. Enfin , techniquement face contre terre, puisqu'il était étendu sur le ventre. Mais son cou était tellement tordu que son visage était presque tourné vers le ciel. Il avait la tête de quelqu'un qui a vu venir la fin.

Il était plutôt costaud avec une lourde veste noire et correspondait à la description de Suméragi à la lettre.

Les gars du labo m'ont dit qu'ils en avaient terminé avec les photos, alors j'ai retourné le corps.

- Est-ce qu'on sait qui c'est ? J'ai demandé au flic qui menaient les opérations. Il a acquiescé.

- Le barman au bout de la rue, Hyuga, a dit qu'il le connaissait. Tanaka, la quarantaine. Apparemment c'était un régulier dans ce bar, et il était plutôt porté sur la boisson. Le barman a dit qu'il l'a vu la nuit dernière draguer un garçon d'une vingtaine d'années. Qui l'a mal pris. Il l'a repoussé et il est parti; puis ce Tanaka l'a suivi. C'est tout ce qu'on sait pour l'instant.

- Pas d'autres témoins?

- Non. À part ce bar miteux, c'est une ère industrielle. C'est plutôt mort après les heures de pointe.

- Je vois. Gardez moi tous ces rapaces à distance, j'aurais peut-être encore besoin de vous.

Il a hoché la tête et il est parti. J'ai été rejoindre Shiguré qui observait distraitement la scène.

- En tout cas, il correspond parfaitement à la description faite par Suméragi.

J'ai dit aux experts qu'on avait terminé avec le corps et ils sont allés chercher le brancard.

- Alors tu vas inculper ce type pour meurtre alors qu'il voulait juste se protéger? M'a demandé Shiguré. Il avait cette expression sur son visage qui m'indiquait clairement qu'il était opposé à cette idée. Nous ne sommes pas supposés nous laisser guider par nos sentiments dans ce genre d'affaire, mais Shiguré a toujours été plus sensible que les autres et il compatissait pour Suméragi.

- Pour ce qu'on en sait, ce n'est jamais que de la légitime défense.

- Je sais.

J'ai fait quelques pas aux alentours, essayant de reconstituer une situation plausible.

- Tu as vu Suméragi. Est-ce que tu crois qu'un joli garçon comme ça aurait la force de briser le cou d'un homme?

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

Il y avait quelque chose dans la neige. Je me suis penché pour le ramasser. C'était un mégot de cigarette.

- Je veux dire qu'il a quelque chose que Suméragi ne nous a pas dit.

J'ai levé le mégot pour l'examiner de plus près.

- Tu crois qu'il fume?

- Possible.

- Et tu crois que quelqu'un qui se débat pour échapper à un violeur a généralement le temps de s'arrêter pour s'en griller une ?

- Elle pouvait être là avant l'agression.

- Je ne crois pas. Regarde, il y avait autant de neige dessus que sur le corps. Et il y a pas mal de cendres autour. Qu'est-ce que ça implique ?

- Que celui qui la fumait est resté ici un bout de temps.

- Exact.

J'ai mis le mégot dans une pochette plastique pour les pièces à conviction, ramassé un peu de cendre passablement gelée pour la fourrer dans une seconde pochette, puis j'ai jeté un œil à la ronde.

- Tu as vu la tête du macchabée, il a eu sacrément la trouille. Qu'est-ce que ça veut dire ?

- Qu'il l'a vu venir. Suméragi n'est pas particulièrement terrifiant, pourtant.

- Ayako non plus, à première vue. Donne lui un flingue et c'est une autre histoire.

- Ce type n'a pas été flingué.

- Juste un exemple. Demande au légiste de s'occuper du corps, nous on va aller voir ce barman, il aura peut-être quelque chose à nous dire...