ACTE III

- Bon, on sait qu'il sait quelque chose. Le problème c'est qu'il est aussi fermé qu'un compte à découvert.

J'ai avalé une grande rasade de café. Il était trop sucré et ça n'a pas vraiment amélioré mon humeur.

- Est-ce qu'on ne peut pas simplement lui coller une assignation à comparaître pour le forcer à parler ?

- Je ne suis pas sûre que ça arrangerait les choses, même si, par extraordinaire, on pouvait en obtenir une, a déclaré Ayako.

Nous étions assis autour de son bureau à tailler le bout de gras, puisque, une fois de plus, l'interrogatoire n'avait rien donné.

- Suméragi ne veut pas nous donner d'informations, point, à la ligne. Mais ceci, en soi, nous dit déjà quelque chose.

- Quoi donc ? A demandé Shiguré.

- Que celui qu'il protège a une certaine influence, un pouvoir sur lui. Peut-être qu'il lui doit quelque chose, peut-être que c'est un parent ou bien peut-être que c'est quelqu'un qui entretient des rapport avec les yakuza et qu'il peut faire du mal aux proches de Suméragi s'il vend la mèche. Ça pourrait être n'importe quoi, mais d'une manière ou d'une autre, il le tient.

J'ai soupiré.

- Génial. Donc Suméragi n'est pas près de l'ouvrir.

- Pas même sous menace de mort.

Un petit bruit m'a indiqué qu'on se dirigeait vers nous. Je me suis retourné, m'attendant à voir entrer Ristuko ou bien le chef de section. Mais ce n'était aucun d'eux. En fait, ce n'était même pas un officier.

- Oui, Shiro-kun ? S'est enquis Ayako.

Le pauvre garçon était debout devant nous, dans son uniforme scolaire noir et il avait l'air de quelqu'un qui s'apprête à sauter d'une falaise.

- Subaru... Il a pris une longue inspiration. Subaru pense que je suis allé aux toilettes.

Je me suis redressé sur ma chaise. Je le savais, j'en étais certain. Laissez-lui le temps et il viendra de lui-même...

- Vraiment ?

- Ou-oui.

- Mais tu es venu nous voir, a remarqué Shiguré.

Shiro avait l'air de plus en plus mal à l'aise.

- Oui. Je... Je dois vous dire quelque chose. Mais vous devez promettre de laisser Subaru repartir après ça.

Je l'ai regardé attentivement. Shiguré avait dit qu'il s'agissait peut-être d'une vénération pour son aîné, mais je commençais à penser que ce n'était pas si innocent que ça. Bien sûr, nous ne pouvions pas promettre de relâcher Suméragi. Si ce que Shiro avait à nous apprendre l'incriminait de quelque manière que ce soit, il nous faudrait l'arrêter.

- Je ne peux pas te promettre ça, Shiro-kun, je lui ai dit le plus gentiment possible. Mais je te jure que nous ferons tout notre possible pour aider ton ami.

- C'est vrai ?

Ses yeux violets devenaient presque effrayants. Pas seulement parce qu'ils pouvaient prendre cette expression suppliante si facilement, mais parce que, en y regardant de plus près, il y avait autre chose derrière. Quelque chose de ravagé. Cet enfant n'avait pas seize ans et il avait l'air d'avoir vu de l'horreur du monde bien plus que la majorité des officiers qui travaillaient dans ce bâtiment.

- Je te promets de faire de mon mieux.

Shiro s'est tordu les mains.

- Il y a peut-être quelqu'un sur lequel vous voudriez enquêt- euh... avec lequel vous pourriez parler de ça, nous a-t-il dit très vite, comme s'il voulait se débarrasser de cette corvée le plus rapidement possible. Peut-être qu'il sait quelque chose.

- Qui est-ce? A demandé Ayako.

Il s'est mordu la lèvre.

- Vous jurez que vous ne le répéterez pas à Subaru ? Il lui a demandé d'un ton suppliant.

Shiguré lui a répondu pour nous tous :

- On ne lui dira rien. C'est une promesse.

- ... D'accord. Il a fermé les yeux et inspiré longuement avant de se lancer. Sakurazuka. C'est comme ça qu'il s'appelle.

- Sakurazuka ? J'ai répété en fronçant les sourcils. C'est un nom de famille ?

- Oui.

- Et tu n'as pas son prénom ?

- Je... Je ne peux pas...

- Shiro-kun, est-ce que ce Sakurazuka est le 'il' dont tu parlais tout à l'heure ? A demandé Ayako.

Il est devenu légèrement rouge.

- Je ne peux rien vous dire.

J'ai hoché la tête. Je n'avais pas espéré davantage. À vrai dire, j'étais même surpris que Shiro ait révélé ce détail qui semblait être d'une si grande importance pour Suméragi.

- Merci Shiro-kun. Comme Shiguré te l'a promis, nous ne dirons pas à Suméragi-san que tu es venu nous voir.

Shiro a eu l'air de ce détendre un peu. Pas excessivement, tout de même.

- Merci - il a jeté un œil à la salle d'entretient - Je... crois que je vais y retourner.

Avant qu'aucun d'entre nous ait pu dire quoi que ce soit, il battait en retraite dans le couloir. Dès qu'il a eu passé la porte, il s'est mis à courir.

Shiguré et Ayako se sont regardés. J'ai posé ma tasse sur mon bureau et je me suis levé.

- Bien. Je crois qu'il ne nous reste plus qu'une chose à faire. En découvrir un peu plus sur ce Sakurazuka dont Suméragi ne veut pas parler.

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Je voudrais pouvoir dire qu'à partir de là, tout a été plus facile, mais ça n'a pas été le cas. Shiguré nous a rapidement fait comprendre le problème :

- Vous avez la moindre idée du nombre de Sakurazuka qu'il y a, seulement à Tokyo?

Il a refermé l'annuaire téléphonique qu'il examinait depuis un moment avec un bruit mat.

- Celui que nous cherchons pourrait être n'importe lequel, ou même aucun !

Je relisais pour la énième fois le profile de Suméragi et je commençais à en avoir assez.

- Du calme, Shiguré, ça pourrait être pire. On pourrait n'avoir rien à quoi se raccrocher et l'annuaire à éplucher en entier.

Il a poussé un grognement et s'est renfrogné.

- Ouais, enfin si Shiro avait pu nous dire son prénom, ça ne m'aurait pas gêné.

- Un peu d'indulgence, a dit Ayako. Il lui a fallu beaucoup de courage pour venir nous parler.

J'ai soupiré et refermé le dossier en me frottant les yeux.

- Bon. Vous êtes sûrs qu'aucun des Sakurazuka dont on a les dossiers criminels ne correspond ?

- Certains. Le seul dont les empreintes me semblent comparables à celle que Ristuko a dessinées est en prison depuis cinq ans à Nagoya.

- Donc, nous cherchons un Sakurazuka sans casier judiciaire, a conclu Shiguré. Et dans le profile de Suméragi? On n'y fait pas mention d'un Sakurazuka ?

J'ai secoué la tête.

- Ce genre de trucs ne donnent que des informations pratiques, date de naissance, travail, adresse... Les accointances n'y figurent généralement pas. Et puis on dirait bien que Suméragi cherche à garder ses relations avec ce type complètement secrètes, alors son profile ne risque pas de nous aider...

- D'accord... Mais sa famille ? On pourrait peut-être leur en parler voir s'ils savent quelque chose ?

- Mais ça reviendra forcément aux oreilles de Suméragi, a dit Ayako. Et rien ne pourra l'empêcher de prévenir cet homme qu'on le recherche. Et puis nous avons promis à Shiro qu'on ne laisserait pas son ami se douter qu'il nous en a parlé.

- Certaines promesses doivent être contournées, Ayako, lui ai-je répondu. Triste mais vrai. Quoi que je préfère garder l'alternative de la famille pour le dernier recourt.

Ayako a soupiré. Puis elle s'est tournée vers nous et ses yeux se sont allumés.

- Shiguré, tu as bien dit que la sœur de Suméragi avait disparu ?

- Oui, c'était dans son dossier.

Elle a eu l'air de réfléchir quelques instants.

- J'ai une idée. Trouve-moi qui a enquêté sur cette affaire. Il ou elle a sûrement appris pas mal de choses sur la vie privée de Suméragi et pourrait détenir des infos utiles.

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Shiguré nous a déniché un certain détective Yamakawa. Apparemment, il avait aussi travaillé sur une affaire avec Suméragi avant la disparition de sa sœur. La chance a voulu qu'il soit basé à quelques pâtés de maisons de notre bureau, mais lorsque j'ai appelé, je suis tombé sur le répondeur. Ce veinard avait eu son réveillon, lui. Mais si Shiguré, Ayako et moi nous devions nous coltiner une enquête ce jour là, je peux vous dire qu'il aurait sa part aussi, le Yamakawa.

Nous avons trouvé son adresse dans les fichiers de la police et Shiguré et moi sommes partis le chercher. Il n'avait pas l'air ravi de nous voir.

- Si vous pouviez être brefs, il a grogné en fermant la porte, un verre de vin à la main. Mon fils est venu d'Osaka pour me rendre visite parce que je suis en congé.

- Désolé, lui ai-je dit, parce que, franchement, je ne vois pas ce j'aurais pu dire d'autre.

Yamakawa a soupiré.

- Ne vous inquiétez pas. Vous avez un boulot à faire et vous le faites bien. D'ailleurs si ça ne tenait qu'à moi j'y serais en ce moment même. Qu'est-ce que je peux faire pour vous ?

Shiguré a pris les devants :

- Vous souvenez-vous d'un garçon appelé Subaru Suméragi ?

- Je me souviens, oui. On n'oublie pas facilement quelqu'un qui vous a sauvé la peau.

- Sauvé la peau? Je lui ai dit. Qu'est-ce qui s'est passé?

Yamakawa s'est contenté de hausser les épaules.

- Une affaire sur laquelle je travaillais il y a presque dix ans. J'enquêtais sur un type qui s'appelait Shinji Nagumo et dont la malchance légendaire se répercutait curieusement sur tous ceux qui s'interposaient entre lui et le poste qu'il visait. Subaru-san avait été appelé par l'une des victimes, juste avant sa mort, et nous avons fini par travailler ensembles. Une nuit je me suis retrouvé face à face avec ce Nagumo et il a bien failli me faire ma fête, je n'avais jamais vu ça auparavant... Quoi qu'il en soit, j'ai perdu connaissance et quand je me suis réveillé, c'était dans un lit d'hôpital, pour apprendre que mon suspect avait fait le grand saut depuis le gratte-ciel où il opérait. Apparemment, il s'était battu avec Subaru-san quand le gamin était venu me chercher. Il a été blessé aussi et son ami nous a tous emmenés à l'hosto.

J'ai hoché la tête.

- Impressionnant.

- Oui. Enfin, je devais une fière chandelle à ce gosse, alors quand j'ai entendu parler de la disparition de sa sœur, j'ai demandé à être sur l'affaire. Le problème, c'est que je n'ai rien pu faire. Pas de piste, pas de suspect, c'était comme si cette fille avait été effacée de la surface de la Terre. Je ne me suis jamais senti aussi mal pour quelqu'un. Surtout quand on voit ce qui est arrivé à Subaru, après ça.

- Qu'est-ce qui lui est arrivé? A demandé Shiguré.

- La première fois que je lai rencontré, c'était le gamin le plus gentil que j'ai jamais vu. Toujours dévoué, toujours prêt à rendre service, je ne l'ai jamais entendu dire le moindre mal de qui que ce soit. Puis sa sœur a disparu. Il est resté catatonique pendant un mois. Quand il est sorti de sa léthargie, c'était une autre personne. Il ne souriait plus, il ne parlait presque pas. Dire qu'il était 'froid' c'est encore loin de la vérité. C'était vraiment un garçon bien, un de ceux qu'on ne rencontre pas à tous les coins de rues. Il ne méritait vraiment pas ce qui lui est arrivé.

J'ai secoué la tête, presque tenté de lui dire : "la vie est injuste", mais je me suis retenu. Yamakawa ne l'ignorait sûrement pas.

- Pourquoi vouliez vous me poser des questions sur lui ? Il a finalement demandé.

- Suméragi est actuellement en détention, lui ai-je répondu. Nous cherchons... les bonnes questions à lui poser.

- En détention? Pourquoi diable ?

- Juste pour interrogatoire. Nous pensons qu'il a peut-être des informations sur une affaire.

- Ah... Donc il n'est pas en état d'arrestation. Ouf !

- Yamakawa-san, ai-je commencé, est-ce que, à votre connaissance, Suméragi aurait un rapport quelconque avec un certain Sakurazuka?

Yamakawa a froncé les sourcils.

- Sakurazuka ? C'était le nom de son ami qui m'a emmené à l'hôpital après l'affaire dont je vous ai parlé.

J'ai échangé un regard avec Shiguré.

- Son ami ? Lui ai-je demandé prudemment.

- Ami ou plus que ça, je n'ai jamais su. Il conduisait toujours Subaru sur ses lieux de travail dans son camion de vétérinaire. Je ne lui ai jamais vraiment parlé, à part pour le remercier de m'avoir aidé.

Là. Nous commencions à récolter de vraies informations...

- Et son prénom, est-ce que vous vous en souvenez ?

Les yeux de Yamakawa semblaient voguer à des milliers de kilomètres de là.

- Oh oui, je m'en souviens. J'avais trouvé amusant que Subaru-san et sa sœur portent les noms de constellations et que leur ami aussi. Seïshiro. Seïshiro Sakurazuka, c'est comme ça qu'il s'appelait.

Je n'ai pas pu m'empêcher de sourire.

- Merci. Vous nous avez été plus qu'utile.

- Il n'y a pas de quoi... Il y a une raison précise pour que vous vous intéressiez à cet homme ?

Nous nous sommes dirigés vers la porte et j'ai lancé par-dessus mon épaule :

- Il en a été question pendant l'interrogatoire, nous voulions simplement savoir... Merci encore pour votre aide, Yamakawa-san et excusez-nous d'avoir interrompu votre réveillon. Joyeux Noël !

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Une fois dans la voiture, j'ai appelé Ayako pour lui dire ce qu'on avait trouvé.

- Nous cherchons un Seïshiro Sakurazuka, apparemment c'était un ami de Suméragi. C'était un vétérinaire. Oui, je sais, c'était il y a neuf ans mais il doit bien y avoir des archives qui nous permettront de le retrouver... Quoi ? Comment ça 'ils sont partis' ? Ah, Kasumi a ramené Shiro... Oui, oui, elle a bien fait. Quoi qu'il en soit, il faudrait que tu fasses des recherches dans registres vétérinaires d'il y a neuf... Désolé, désolé ! Mais, non je n'essaye pas de t'apprendre ton travail... Tu sais bien que c'est toi qui fait ça d'habitude... Hum, oui, écoute, Shiguré et moi on va s'acheter quelque chose à manger, on te ramène un truc ? C'est ma tournée. Ok, on arrive tout de suite.

J'ai refermé mon portable et inspiré un grand coup. Shiguré s'est marré.

- La redoutable Ayako s'est défoulée sur toi ?

- Elle déteste que je lui dise ce qu'elle doit faire.

J'ai allumé le chauffage. On commençait à se les geler ici.

- Elle veut des tacos. On va passer au snack et quand on reviendra elle aura sûrement des infos pour nous.

Shiguré a acquiescé pensivement.

- J'ai entendu que Kasumi et Shiro étaient partis ?

- Oui, on dirait que Kasumi a compris que la présence de Shiro ne hâterait pas les aveux de Suméragi, alors elle l'a ramené pour qu'il se repose.

- Oh... En tous cas, Ayako a raison. Il ne faut surtout pas laisser Suméragi découvrir qu'on sait quelque chose.

J'ai arrêté la voiture devant un feu rouge.

- Tu veux dire à propos de ce Seïshiro Sakurazuka?

- Ouais. Tu as vu comment Suméragi a réduit Shiro au silence sur ce sujet ? Pourtant Yamakawa nous a dit que Suméragi et lui étaient amis autrefois...

- Qu'est-ce que tu es en train de me dire ?

- Qu'il y a une raison pour laquelle Suméragi ne veut pas parler de ce type. Je ne sais pas pour toi, mais moi ça m'a l'air d'une relation qui s'est mal terminée.

Le feu a viré au vert et j'ai accéléré légèrement.

- Tu veux dire que Suméragi et Sakurazuka... étaient ensembles ?

- C'est très possible.

J'ai poussé un long soupir.

- Ça devient de plus en plus compliqué. Est-ce qu'il n'y a plus de mobile qui soit clair et net ?

- Rien n'a jamais été clair et net, Kobayashi. Hé, si on va se chercher de la bouffe, je veux un okonomiyaki. Le travail, ça creuse.

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- J'ai quelque chose, a annoncé Ayako à l'instant où nous avons passé la porte, moi chargé de ses tacos et Shiguré dévorant son okonomiyaki. Je pense que j'ai trouvé ce que nous cherchions.

- Bon boulot. Au fait, voilà ton déjeuner.

J'ai tout posé sur son bureau en prenant soin d'éviter la pile de dossiers entassés dans un coin.

- Et Suméragi ?

- Il est toujours dans la salle d'interrogatoire. Il n'a pas parlé. À chaque minute qui passe, je ressens une grandissante envie de le gifler...

- Peut-être que si on lui fait passer la nuit en cellule il se montrera plus coopératif, ai-je suggéré.

- On peut toujours rêver.

Shiguré a avalé la dernière miette de son repas et s'est essuyé la bouche.

- Alors, qui est ce fameux Seïshiro Sakurazuka dont Suméragi ne veut rien nous dire ?

- Eh bien il y avait une 'Clinique Vétérinaire Sakurazuka' à Shinjuku, a répondu Ayako. Elle appartenait à un certain Seïshiro Sakurazuka qui, en toute logique, était le vétérinaire en chef. Après environ un an et demi de service, la clinique a brusquement fermé ses portes.

- Fermé ses portes ? Pour faute professionnelle ?

- À vrai dire, non. C'est ça le plus bizarre. Cette clinique avait une réputation formidable et le propriétaire croulait littéralement sous les diplômes. Les détails de la vie de Sakurazuka après ça sont quasi-inexistants. En tous cas, il a vendu son appartement au-dessus de la clinique et, pour ce que j'en sais, il a quitté le pays.

- Quand était-ce ?

- Il y a neuf ans.

- Mais si on s'en remet à l'attitude de Suméragi, si c'est bien ce type que nous cherchons, il est revenu, a souligné Shiguré.

Ayako a sorti une feuille de papier de son bureau.

- Selon l'annuaire le plus récent, il y a deux Seïshiro Sakurazuka à Tokyo. J'ai feuilleté les archives immobilières et, apparemment, un seul des deux s'est installé ici dans le courant des neuf dernières années. L'autre habite là depuis près de quinze ans.

Elle m'a tendu la feuille en hochant la tête.

- Voilà l'adresse. Vous n'avez qu'à aller lui parler, moi je prends ma pause déjeuner.

- Hé ! On est à peine rentrés et on doit déjà ressortir ? A protesté Shiguré.

Je lui ai donné son manteau avec un solennité.

- Tu as entendu ce qu'a dit la dame. Allons-y. Plus vite nous lui aurons parlé, plus vite nous pourrons clore l'affaire et renter chez nous.

Les yeux de Shiguré se sont considérablement rétrécis.

- J'ai mangé, Ayako s'apprête à le faire. Et toi, Kobayashi ?

J'ai haussé les épaules en me dirigeant vers la porte.

- Pas faim, je mangerai quelque chose tout à l'heure.

Je pouvais sentir les yeux d'Ayako peser de tout leur poids sur mon dos.

- En d'autres termes, maintenant que tu as une piste tu ne vas pas lâcher cette affaire avant de l'avoir résolue, a-t-elle déduit.

- C'est ça.

Shiguré a marmotté quelque chose d'indécent dans barbe. J'ai préféré ne pas entendre.