Shizeru secoua Atsuko et commença à lui parler à voix basse. « Ça va? Pas trop de mal? » Atsuko répondit d'une voix vaseuse « Encore un peu mal à la tête... ça va aller... Hic! »

« Comment as-tu réussi à t'en tirer, toi? »
- ... »
"je suppose qu'elle n'a pas suffisamment de pensée cohérente en ce moment pour qu'ils aient réussi à la lire." Cette pensée arracha un sourire à Shizeru. Peut-être auraient-ils du tout boire de l'alcool de riz, finalement. Non, il valait mieux pouvoir penser clairement en ce moment. D'abord regagner l'extérieur. Puis trouver des gens. Puis revenir.

À quel étage de ce château étaient-elles maintenant? Elles avaient beaucoup monté, lui semblait-il, depuis leur arrivée. Donc descendre jusqu'à trouver la sortie. Elle n'avait pas vu beaucoup de monde dans les couloirs, avec un peu de chance elle pouvait ne pas être vue. Elle emmena Atsuko - donc le discours était redevenu un murmure incohérent -, et se mit en quête d'escaliers qui descendaient.

Ce n'était pas trop difficile, en fait, constata-t-elle après avoir descendu une dizaine d'étages sans croiser personne, mais c'était particulièrement long. De plus, les éclairages étaient surprenants, ils lui semblaient changer souvent de couleur, sans qu'elle ne puisse pour autant en déterminer la source. Soudain, au détour d'un couloir, il lui sembla voir la lumière du jour. Elle se dirigea silencieusement vers cette source. Dans cette pièce encore, il n'y avait personne, mais un vaste balcon s'ouvrait sur l'extérieur.

Shizeru se dirigea vers le balcon, et regarda par la fenêtre, pour essayer d'avoir une idée de l'endroit où elles pouvaient bien être.

Elles flottaient au-dessus des nuages.

Shizeru se posa des questions à propos de la hauteur que pouvait avoir ce château. Pouvait-on seulement en sortir par les voie normale? Fallait-il avoir la possibilité de se téléporter? Elle commençait à désespérer, quand tout à coup Atsuko qui se trouvait derrière elle se mit à lui tapoter neveusement l'épaule.

« Shizeru? »
- Oui?
- Il y a un éléphant rose dans la pièce.
- Et alors? » demanda Shizeru, très calme. Ce n'était pas le moment de sortir des délires d'ivrogne!
- « Il me regarde! » gémit Atsuko.
- « Il a l'air si méchant que ça? »
- « Non, il a l'air gentil, mais... il est gros, et il vient dans notre direction! »
C'est à se moment que le plancher du balcon se fractura sous le poids de quatre tonnes d'éléphant...

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Atsuko et Shizeru, tombaient, tombaient, dans une chute qui semblait ne pas avoir de fin. Quand soudain...

« POOOUUUUHHHHH! »

Une autruche volante bleue (oui, je sais que c'est censé être un phénix, mais je n'ai jamais pu m'y faire) vola en flèche jusque sous Shizeru, la réceptionnant assez rudement sur son dos. Elle se trouvait à côté d'Atsuko, allongée sur le dos de Pouh, et elle aussi en train de digérer son atterrissage. Malgré le temps qu'avait semblé durer la chute, elles étaient toujours au dessus des nuages. De plus en plus loin en-dessous d'elles, un point rose tombait toujours plus vite, devenant de plus en plus petit. Au-dessus d'elles, le château des tengus flottait dans le ciel.

"Comment Pouh est-il venu ici?" se demanda-t-elle? Il n'avait sans doute pas eu à subir l'épreuve, il avait dû se cacher. En tout cas, il arrivait au bon moment.

Atsuko s'assit. « Où est mon éléphant?
- TON éléphant?
- Oui. Mon éléphant. C'est moi qui l'ai fait venir. » Atsuko essayait de rassembler les éléments dans son esprit. J'en ai toujours vu tu sais, mais maintenant, ils sont vrais, à cause de tout ce bordel de roi des tengus.

Shizeru comprit rapidement de quoi il s'agissait. C'était bien ça, l'imagination des gens qui prenait forme tangible - même quand ce n'étaient que des hallucinations éthyliques. Elle regretta un instant que cet éléphant ait été juste là, mais après tout, cela ne pouvait pas s'être mieux passé. Les tengus devaient croire qu'elles étaient mortes. Et Pouh allait bientôt les redéposer sur la terre ferme. Déjà elle pouvait apercevoir le sol.

Pouh fit un atterrissage parfait, près de la maison de Yusuke. Les deux femmes rentrèrent et commencèrent à discuter de ce qui s'était passé. Atsuko avait recouvré une partie de sa lucidité pendant la descente, et Shizeru lui fit part de son plan de prévenir Hinageshi, et de retourner au château des tengus pour délivrer les autres.

Atsuko semblait réfléchir à tout autre chose, et elle demanda à Shizeru « Et toi, comment tu t'en es sortie? » Shizeru lui raconta sa séance d'interrogatoire. Atsuko répondit : « Mais alors, tu as fait exprès de faire sortir du feu de ta main? »
- Plus ou moins...
- Mais ensuite tu as réussi?
- Oui, mais pas grand chose.
- Bordel, je suis SÛRE que je pourrais faire venir un de ces éléphants roses exprès, si je le voulais...

Atsuko se concentra, mais absolument rien ne se passa...

« C'est normal, je ne vois pas d'éléphants roses, je ne suis pas assez bourrée. On va aller arranger ça. » dit Atsuko en se dirigeant vers la cuisine. Shizeru sourit discrètement, avec sympathie. Elle essaya de nouveau de créer une flamme, et y réussit cette fois du premier coup. Elle se rappelait des paroles du roi des tengus à propos de créatures qui allaient apparaître, et pensait qu'il valait mieux avoir des moyens de défense. Elle se concentra à nouveau en essayant de créer une flamme vraiment grosse, comme la dernière fois.

Le résultat dépassa toutes ses espérances. Une énorme boule de feu sortit de ses paumes réunies et alla percuter le sol, qui heureusement n'était pas en bois. Cependant, il lui sembla avoir légèrement carbonisé.

« Wahou, je peux faire ça! »

Shizeru sortit dans le rue pour ses prochains essais, ce qui était arrivé dans la cuisine l'ayant rendue prudente. Il n'y avait absolument personne, et les fenêtres des maisons étaient fermées. Elle fit quelques pas, quand soudain elle entendit qu'on l'appelait d'une des maisons voisines.

« Mademoiselle, mademoiselle, venez vous abriter ici! »

Elle se retourna vers la source de l'appel, une maison aux volets fermés. Elle s'approcha du volet qui s'entrouvrit, puis quelqu'un vint lui ouvrir la porte. Un petit homme chauve la regarda, la fit rentrer rapidement. Elle se retrouva au milieu d'une pièce à demi-éclairée par les fentes de lumière qui jaillissaient des volets, et où s'entassaient une douzaine de personnes.

« Vous ne devriez pas traîner dehors toute seule, il y a des chats... » dit le vieil homme d'un ton larmoyant.

Shizeru pensa un bref instant qu'on se moquait d'elle, puis repensa à la situation. Des monstres-chats, bien entendu. « Et alors, vous n'avez pas de quoi vous débarasser d'eux? »

« Nous n'avons pas d'armes, non. Nous sommes impuissants, tel le chou-fleur. » bougonna le vieux. « Et pas de magiciens? » demanda Shizeru déçue. Son plan reposait en grande partie sur l'existence de magiciens humains. « Non, pas de ça chez nous! » dit le vieux d'un air offusqué.

Shizeru soupira, et posa une question sur les agissements des "chats" en question. Le vieux lui décrivit avec moult détails leur taille, leur méchanceté, leur rapidité, leur noirceur, leur capacité à attaquer les petites vieilles dans la rue, à les griffer gravement et à voler leurs paniers de commissions, et leurs dents et griffes acérées.

« De toute façon, il faut que j'aille au temple, donc je vais sortir. Si je les rencontre, je vous en débarasserai. » Shizeru sortit, alors que les autres pleuraient déjà sur son sort, et repassa chercher Atsuko et Pouh. Elle les avertit à propos des chats, et ils se mirent en route pour le temple où vivait Hinageshi.

Mais, alors qu'elles suivaient la rue, une forme sombre et volante bondit sur eux. Shizeru, qui s'attendait à une attaque, réussit à l'esquiver. La créature en question avait en effet quelque ressemblance avec un chat, mais elle était plus grande, munie d'ailes de chauve-souris, et surtout d'une curieuse teinte bleue marine qui contrastait avec tout ce qu'elle avait pu apprendre sur les chats. Atsuko, qui avait des réflexes, l'assomma d'un coup de poing sur la tête...

« Je crois que nous n'aurions pas du faire ça... » dit Shizeru. Sa prédiction de trouva confirmée quand une vingtaine de ces créatures se dirigèrent vers elles en volant, en poussant des cris aigus, et avec un air peu avenant qui, joint à la longueur exceptionnelle de leurs griffes, laissait présager du désir insistant qu'elles avaient de les déchiqueter en tout petits morceaux s'éparpillant au vent mais là je m'égare dans le gore...

Shizeru, sans savoir exactement comment, lança de nouveau une énorme boule de feu qui en consuma une bonne partie, tandis qu'Atsuko multipliait les coups d'arts martiaux sur les quelques-uns qui avaient réussi à traverser le mur de flammes. Les autres, plus prudents, se retirèrent sur les toits et les cheminées avoisinats, et commencèrent à faire comme s'ils n'avaient absolument pas remarqué les deux femmes et le bestiau appétissant qui passait sous leur nez à l'instant même.

Shizeru ne pensait pas que ce serait aussi facile. Les chats boudèrent, et gardèrent leur air de ne pas y toucher au moins pendant tout le temps où Atsuko et Shizeru étaient encore en vue, puis ils levèrent la queue et s'envolèrent vers des cieux plus cléments.

Shizeru, Atsuko et Pouh marchaient encore, toujours sur leurs gardes, quand ils entrevirent des gamins qui jouaient au milieu de la rue. « Ils devraient faire attention aux chats. » dit Shizeru suffisamment fort pour être entendue. Un des gamins prit l'air condescendant pour sortir de son jeu et faire l'effort d'aller discuter « Ne vous inquiétez pas, on a Natsumi et Tori avec nous. C'est plutôt vous qui devriez faire attention. » Puis il leur tira la langue, et alla rejoindre les autres. Shizeru resta impassible et retint Atsuko qui se préparait à lui flanquer une fessée.
« Laisse-moi faire, je te dis de me laisser faire. J'ai déjà eu un gosse, je sais comment m'y prendre avec eux! » Atsuko se tordit et degagea son poignet de la prise de Shizeru, et courut rattraper le gamin, pendant que Shizeru repensait à Yusuke et se demandait si Atsuko savait si bien s'y prendre que ça....

Atsuko se précipita vers le groupe, saisit l'enfant sur ses genoux et se prépara à le punir comme il le méritait. Mais alors, elle sentit un souffle humide derrière son cou, qui la fit se returner. D'une ruelle parallèle venait de sortir un tatou couvert d'écailles, ce qui est assez courant chez les tatous, et d'une hauteur de quatre mètres, ce qui l'est beaucoup moins. Elle sauta sur ses pieds, balança le gamin par terre et courut dans l'autre direction, tandis que la petite fille montée sur le dos du monstre riait tant qu'elle pouvait.

Shizeru jaugea le tatou d'un oeil critique. Apparemment, tous les monstres ne se tournaient pas contre les humains... Les enfants montaient sur le dos du tatou et lui tiraient les oreilles sans qu'il ne réagisse aucunement. Elle repartit, suivant Atsuko qui courait toujours.