« Allez... vous ne pouvez pas me faire ça... non... vous n'avez pas le droit... »
Le procès durait déjà depuis trois jours... et deux nuits. Le Tribunal Suprême était bondé, car les jugements de ce type étaient populaires ! ... Enfin, la Tribune était un peu moins bondée à partir de dix-sept heures parce qu'il fallait dormir un peu et manger beaucoup. Au milieu de la pièce, véritable arène où le sable avait été remplacé par du marbre jaune, un jeune homme aux longs cheveux châtain plaidait sa cause face au grand juge Alucard. Tout était joué d'avance, il serait condamné… Il s'agissait plus de tenter une peine légère et d'être enfermé au Purgatoire quelques mois au lieu d'avoir droit à un supplice quelconque.
" Non seulement j'ai le droit, mais j'ai de plus le devoir de faire appliquer la peine maximale en cas d'aussi grave infraction. "
La peine maximale pour les suppôts de Satan qui ne respectent pas leurs contrats ? L'exclusion définitive des Enfers et une éternité de supplice au Paradis. Évidemment, l'exil n'était que temporaire mais passer ne serait-ce que cent ans au Paradis était bien loin de la définition d'un supplice quelconque.
Malheureusement, Alucard était terriblement frustré d'être obligé de juger des minables suppôts sans possibilité de promotion -le problème de la hiérarchie entre immortels : personne ne part à la retraite. Du coup, tous ses jugements étaient démesurés. Quitte à sauver les meubles, il serait difficile de sauver plus d'une chaise et un pouf dans une situation pareille.
" Je vous en prie, il n'y a pas d'autre alternative un peu moins cruelle mais un peu quand même ? Donner mes cheveux à un temple Hindou, assister à un spectacle de Jean-Marie Bigard... "
" Heero m'a encore envoyée sur les roses... Littéralement. Ça pique… Mais qu'est-ce que j'ai fait pour qu'il me déteste autant ? "
La jeune fille presque blonde -châtain clair pour ceux qui n'assument pas- se plaignait depuis qu'elle était sortie du lycée, à 17h10, et il était déjà 18h30. Ses amies n'en pouvaient plus, et commençaient à envisager de se débarasser du corps. Hilde profita d'une respiration pour glisser une phrase :
" Relena ! Il y a d'autres garçons sur Terre, regarde Trowa, le gars à la mèche là-bas... il est plutôt mignon ! Et puis il est grand, lui, au moins...
- Mais Hilde... quand il pleut, sa mèche frise...
- Ça fait deux ans que tu le suis sans discontinuer et qu'il t'ignore, Nana. Il y a probablement une raison, tu sais. Il est peut-être gay. "
La remarque de Dorothy fit mouche, en tout cas Relena en prit l'expression. Hilde sentit l'arnaque arriver et se hâta de sortir sa carte :
" J'ai un cousin qui débarque à la maison ce soir, je dois ranger la maison j'ai des soutiens-gorge qui traînent jusque dans la niche du chien ! Je dois partir, Adieu.
- Ok, si tu veux je viens t'aider !
- Non merci, je sais que tu as des courses à faire et ça m'ennuierait vraiment BEAUCOUP que tu n'aies rien à déjeuner demain matin ! Allez, salut ! "
Pourquoi porter des soutiens-gorge, puisqu'elle n'avait même pas de seins... Tant pis, des amies elle en avaient deux et ça c'était pratique, heureusement qu'elle pouvait au moins compter sur
" Dodoooo !
- Non désolée, je dois prendre le bus, j'ai une leçon de piano. A demain Nana !
- Ouais c'est ça, à deux sourcils ! "
Relena arriva chez elle, excédée. Excédée d'être seule car sa mère la laissait seule à la maison pour aller à des réunions sur tous les continents sauf celui où elle se trouvait actuellement ! Depuis que son père était mort, Relena se retrouvait seule dans un grand appartement du centre-ville avec beaucoup d'argent provenant de la Darlian Corporation, et pour seule compagnie son chien.
Elle ouvrit le frigo, afin de se faire une idée de l'étendue des courses à faire : une motte de beurre entamée. Elle ouvrit les placards : un paquet de malabars. Dans la panière à fruits : une banane pourrie.
Le quartier avait beau être calme et bourgeois, Relena n'était jamais à l'aise avec l'idée de faire des grosses courses seule en début de soirée...
Si seulement Heero était là... au moins, elle n'aurait pas à porter les courses puisqu'il... les lui jetterait au visage, probablement.
Serrure, verrou, deuxième verrou, troisième verrou... elle était prête à rejoindre la supérette sans craindre le cambriolage.
Une fois sur place, elle se demanda que prendre ? Quelques fruits et légumes de saison, un peu de viande ou de poisson ? La vie d'une fille de dix-sept ans est terriblement compliquée, il faut savoir garder la ligne et une haleine fraîche.
La nuit s'apprêtait donc à tomber quand elle sortit du magasin, et elle ne tenait pas à se la prendre sur le coin du nez. Près d'une heure pour finalement acheter du pain de mie, du jus d'orange, des yaourts et une pizza congelée, c'était le quotidien de cette lycéenne contrariée qui venait de rencontrer un obstacle.
" Miss ! Pas trop de mal ? "
Un garçon de son âge, aux yeux lilas et aux longs cheveux châtain attachés en une longue tresse. Il était plus grand que Heero, et plus fin... C'était probablement le Destin qui lui envoyait son messager !
" Miss ! Vous n'êtes pas muette tout de même... répondez-moi ?
- Ah désolée, j'étais distraite... "
... par ces yeux...
" Je m'appelle Duo, désolé pour... "
Pour le brusque retour à la réalité, peut-être ? Relena était assise sur une douzaine de yaourts écrasés, et sa jupe s'en souviendrait un moment. Elle eut soudainement envie de pleurer : cette journée n'allait pas en s'arrangeant.
" Je suis... désolée pour la veste...
- Désolée, c'est un joli nom. Ma veste s'en remettra, Miss Désolée ! Le jus d'orange c'est plein de vitamines... "
Elle se sentit encore plus stupide, et elle était toujours par terre. Elle voulut se relever mais une douleur foudroyante lui traversa la cheville gauche. Il le remarqua -car il était très probablement parfait- et ramassa rapidement ce qui restait des courses. Il lui proposa alors de monter sur son dos.
" Je vous conduis ? "
Relena lui prit rapidement les courses des mains, soit une pizza en train de décongeler et du pain de mie bien tassé, avant de partir en boitillant douloureusement, les fesses imbibées de yaourt à la fraise, tellement gênée qu'elle en avait les larmes aux yeux.
" Salut Désolée ! A la prochaine, j'espère. "
" ET MAINTENANT LE TUBE DU MOMENT : SI TU ETAIS MON FRÈRE, ET APRES L'HOROSCOPE DU JOUR SUR RADIO DJEUNZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZ..."
Déjà 7h... Et on n'est que mardi... C'est trop long une semaine de cinq jours...
Il est 7h. Mon bus est à 7h15.
Une... une jupe... non, une jupe non lactée... des chaussures, mon sac...
Je n'ai pas fait mon sac. Tant pis, je vais mettre tous les livres et cahiers que je trouverai et ça devrait aller. En route !
" ... b'jour..."
7h45, la jeune fille était dans sa salle de classe et au bout de sa vie.
" Salut Nana ! Vu ta dégaine, je suppose que tu n'as toujours pas changé l'heure de ton réveil... tu sais que ça fait un paquet de mois depuis le dernier changement d'heure ?
- J'aime le risque.
- Tu as l'air d'aimer te coiffer dans le noir, aussi. Allez fais voir ta touffe, je vais essayer de te donner l'air civilisée, Sheeta. "
Dorothy Catalonia avait beau avoir les sourcils les plus mal taillés de la galaxie, elle n'en reste pas moins un génie quand il s'agissait de sauver une tignasse en perdition. Tandis que Relena s'installait sur les genoux de son amie, elle croisa son propre regard dans la vitre.
C'est donc pour ça que mes voisins ne m'ont pas répondu quand ils m'ont croisée... Dire qu'Heero m'a vue dans cet état en arrivant...
" Votre attention, s'il vous plait. "
Madame Une avait l'air de bonne humeur : les élèves se hâtèrent de rejoindre leur place, craintifs.
" Un nouvel élève va nous rejoindre, il ne connaît pas du tout la ville alors je vous demanderai d'être gentils avec lui. Entrez, je vous prie. "
Mince.
" Bonjour, je suis Duo Maxwell et je viens des États-Unis, les States comme vous dites !
- Merci. Allez vous asseoir à côté de Relena, juste ici. "
Mince.
" Salut Miss Relena Désolée ! "
Si au moins il s'était assis devant moi, j'aurais pu en profiter...
