CHAPITRE V
Dawn était la dernière personne sur les listes de Neil, et il était en train de l'observermarcher dans la rue, caché à l'angle d'un mur. Il retournait en tous sens dans sa tête son manque absolu d'idées pour aborder les gens en général, et les jolie jeunes filles membres du gang de Buffy en particulier.
Il était presque sur le point de rentrer à l'hôtel et d'avouer son échec plutôt que de se faire ridiculiser encore une fois, quand un loup surgit au coin de la rue. Neil eut le temps de penser que cela n'arrangeait pas ses affaires, avant que son cerveau venu à la rescousse ne l'avertisse de la rareté de ce genre de situation en pleine ville, ainsi que du danger de la situation.
N'écoutant que sa panique, il surgit devant Dawn, montrant la créature de son doigt qu'il agitait hystériquement, tout en criant : "Un loup!"
Il eut alors le temps de se reprendre. De se rendre compte que le loup était anormalement grand, et avec une queue qui ressemblait à une queue de serpent. Tirant Dawn par la manche, il partit en courant dans la direction opposée. Elle avait eu le temps de vérifier que la menace était réelle. Elle le suivit.
Mais Neil vit alors un autre loup déboucher devant eux. Ce fut Dawn la plus rapide, cette fois : elle le poussa dans une rue parallèle, où ils filèrent tous les deux.
"Merci." lui dit-il, haletant.
"Je n'ai fait que fuir." répondit-elle en haussant les épaules.
"Vous fuyez merveilleusement bien." répondit-il. Il constata trop tard que ce n'était pas un compliment très adapté.
"Vous n'êtes pas mauvais non plus." répondit-elle en souriant.
Ils étaient à ce moment dans des rues très peu fréquentées. Ils eurent soudain la joie de tomber sur un agent de police, en train de surveiller un terrain vague, sans doute pour qu'on ne l'emporte pas. L'homme était armé d'une matraque. Neil et Dawn se dirigèrent vers lui, essayant de se dissimuler derrière lui.
"Qu'est-ce que vous, faites, les jeunes?" demanda l'agent.
Dawn et Neil lui montrèrent avec agitation et moult explications le loup qui s'avançait vers eux, la salive aux lèvres et l'air menaçant. Mais l'homme se contenta de plisser les yeux.
"Si c'est une blague, elle n'est pas drôle."
"Eh, c'est à nous de dire ça!" s'exclama Dawn.
L'agent haussa les épaules. "Filez! Et que je ne vous y reprenne plus!" Il fut très surpris de les voir en effet détaler à toutes jambes. Il surestima son autorité, ne pouvant voir l'énorme loup d'ombre qui le contournait pour s'approche de ses proies, lent et sûr de lui. "Encore une de ces nouvelles drogues, sans doute..." murmura-t-il pour lui-même. "Ah, les jeunes, de nos jours..."
"Par là, il y a le centre commercial, mais il est presque désaffecté!" dit Dawn. "A ces heures, il ne doit pas y avoir beaucoup de monde, on ne peut pas le semer dans la foule, mais si je pouvais trouver un téléphone et appeler ma soeur... Ils n'ont pas l'air très rapides."
Neil se retint de lui dire qu'il avait l'impression que les loups auraient pu aller beaucoup plus vite s'ils avaient voulu. A la place, il essaya de ne pas ralentir, malgré le point de côté qui commençait à lui mordre les côtes.
Ils arrivèrent devant les portes. le centre semblait désert. La porte commença à s'ouvrir.
"Entre." s'exclama Neil, ramassant sur le sol un long bâton de fer qui avait dû être un panneau de signalisation interdit un jour. "Vite!"
"Mais c'est n'importe quoi!" s'exclama Dawn. Je ne peux pas te laisser essayer de le battre tout seul! En plus, je suis sûre que je suis meilleure au combat que toi!"
Neil essaya de tenir le loup à distance. Ce dernier semblait se moquer complètement de ses efforts.
"Tu vois!" s'exclama Dawn en saisissant la barre de fer, et en balançant un coup sur la tête d'un des loups, "c'est comme ça qu'on fait!"
Mais le loup, même s'il avait un peu reculé, Dawn étant effectivement plus efficace que Neil, continuait à gronder. Un autre surgit, plus loin. Derrière eux, la porte commençait à se refermer.
C'est alors que Neil sauta sur Dawn, l'attrapa par la taille, et sauta à travers la porte qui se refermait.
Elle paniqua. "Laisse-moi partir!"
"Excusez-moi!" s'exclama-t-il, balbutiant, se rendant compte qu'il était couché sur elle d'un façon qui prêtait nettement à confusion. "Je vous avais dit de rentrer, mais, mais... heureusement que vous êtes légère."
"Mais pousse-toi! Ils vont rentrer! ils faut qu'on coure."
Neil se leva, frottant son coude endolori. Dawn regarda à l'extérieur.
La porte était fermée, les loups grattaient à l'entrée.
"Mais... ils ne rentrent pas... comment?..."
"Ils n'ont pas d'ombre." répondit Neil. "Ils ne peuvent pas actionner le système d'entrée, qui fonctionne avec un rayon infrarouge, et pour entrer il faut couper le rayon, c'est exactement ce qui crée les ombres dans le visible... euh, je vous ennuie peut-être. Mais en tout cas il faut une ombre."
Dawn se leva. Neil lui sourit.
"Mais il ne faudrait pas que quelqu'un passe et leur ouvre la porte. Je suggère qu'on aille chercher ce téléphone."
Quelques minutes plus tard, Dawn sortait de la cabine en soupirant de soulagement. "C'est fait. Elle n'est pas loin, elle devrait arriver bientôt. Mais ne voudriez-vous pas la rencontrer? Elle a un peu l'habitude de ces histoires... vous savez, de monstres, et on pourrait peut-être en discuter..."
Neil s'imagina un instant arriver au milieu d'une séance de chasse aux monstres dans le groupe de Buffy.
oOO
"L'homosexuel!" s'exclama Alex.
"Le sondeur." remarqua Buffy.
"Oh, monsieur le journaliste, quelle bonne surprise!" l'accueillit Giles dans le même temps. Puis tous se regardèrent les une les autres, interloqués, avant de comprendre...
oOo
Il renonça à l'idée qui lui avait traversé l'esprit d'inviter Dawn à boire un verre de quelque chose et bredouilla "Je ne sais pas si j'aurai le temps ce soir... Pourtant, le résultat m'intéresse."
"C'est normal!" s'exclama Dawn. "Ce n'est pas tous les jours qu'on se fait attaquer par des monstres de ce genre - enfin, je parle pour vous, bien sûr."
"Pourrait-on se revoir, pour que vous me racontiez ce que vous avez trouvé?" demanda Neil. "Par exemple, demain? Où puis-je vous trouver?"
"Je ne sais pas." dit Dawn. "A la sortie de l'école? C'est celle qui est pas très loin de l'endroit où est apparu le loup. A cinq heures."
"D'accord." dit Neil.
Elle le quitta en agitant la main. Nail remonta ses lunettes, ne pouvant en croire ses oreilles.
"C'est la première fois que j'ai un rendez-vous avec une jeune fille." se dit-il, d'un air déjà embarrassé. "Et jolie, en plus." Il rougit jusqu'aux oreilles.
"Bon, maintenant que c'est fait, dis-moi un peu ce que tu leur as laissé!" dit Marcie sur le chemin du retour de l'hôtel. "J'en ai assez de ne rien comprendre!"
"Voyons, que dire?" dit Ethan d'un ton lointain. "Les créatures que j'ai envoyées tout à l'heure sont des démons-loups et des démons-serpents. En fait, nous allons leur faire croire à la présence d'une secte d'adorateurs de Loki en ville.
"Adorateurs de Loki?"
"Vous ne connaissez pas Loki? C'est un dieu de la mythologie nordique."
"C'est si dangereux, d'adorer des dieux de la mythologie nordique?"
"Apparemment, vous ne le connaissez pas. Il faut que je vous en parle un peu : c'est une histoire triste. Dans sa jeunesse, Loki, qui était semi-dieu semi-géant, était devenu ami avec Odin, un autre dieu de haut lignage. Ils s'étaient juré amitié et fraternité éternelle. Ensemble, ils cherchaient la connaissance et des magies inédites, mais surtout l'amusement. Il est peu de bêtises et de mauvaises blagues qu'ils n'avaient pas faites."
"C'est ça, une histoire triste?"
"J'y viens, j'y viens. Mais un jour, Odin décida qu'il était temps de s'acheter une respectabilité. Il subit une terrible épreuve qui lui donna une vision du futur. Il devint ainsi seigneur des dieux ; à la fois parce qu'en subissant cette épreuve il était devenu supérieur aux autres, et aussi parce que pour influer sur le futur qu'il avait vu, il avait besoin de puissance. Il perdit ainsi tout son sens de l'humour, se mit de hautes valeurs morales en tête, et même si Loki resta à la cour des dieux, continuant ses blagues et ses tours, Odin l'approuvait de moins en moins et l'utilisait surtout quand il avait des gens à manipuler. Leur amitié devint de plus en plus mince." continua Ethan sur un ton nostalgique.
Marcie grogna quelque chose qui ressemblait à "Au moins il a eu des amis je sais pas de quoi il se plaint."
"Il ne faut jamais décider si une histoire est gaie ou triste avant de connaître la fin! Odin, lors de sa réinsertion sociale, avait eu une femme, dont il eu plusieurs enfants. L'un d'entre eux s'appelait Balder, et était beau, gentil, généreux, aimé de tous, et plus niais et ennuyeux que le roman d'amour le plus mièvre. Loki était jaloux de lui, dit-on ; m'est avis qu'il représentait pour lui la trahison d'Odin. Toujours est-il que Loki orchestra sa mort, puis plus tard, empêcha sa resurrection."
"C'est pour ça que c'est triste?" demanda Marcie. "Pour l'instant, bof."
"Non, c'est maintenant." lui répondit Ethan. "Loki savait probablement qu'il méritait d'être puni, c'est pourquoi il s'enfuit, mais il fut rattrapé, et il ne s'attendait probablement pas à ce qui allait se passer. Odin, qui était, comme je l'ai dit, son ancien frère de serment, prononça sans pitié cette sentence chargée de haine contre lui : un de ses enfants fut transformé en loup, et déchiqueta l'autre. C'est avec ses boyaux frais qu'on fabriqua les liens de Loki ; il est enchaîné dans une caverne où la nuit est éternelle, un serpent géant fait goutter son venin sur son visage. La douleur serait insupportable, mais sa femme lui est fidèle : elle a une coupe qu'elle maintient au-dessus de son visage pour lui épargner la morsure du poison. Mais parfois, il faut qu'elle la vide, et Loki souffre tellement qu'il se tord dans tous les sens, mais ses liens ne se brisent pas, et alors la terre tremble. Il est là-bas depuis des siècles et des siècles. N'est-ce pas injuste? N'est-ce pas exagéré?" Ethan avait presque perdu son ton calme de conteur, il y avait de la colère dans sa voix.
"Oh." dit Marcie. "Et alors, ces adorateurs, c'est quoi? Des gens qui pensent qu'il a réussi à s'échapper et qu'il traîne dans le coin, et qu'il peut les aider dans leurs petites affaires? C'est pour ça qu'on adore les dieux, d'habitude.
"Cela serait peut-être possible." dit Ethan avec un demi-sourire. "Nul ne sait ce dont il est capable. Mais ce n'es pas le but des adorateurs. Ce qu'ils essaient de faire est de le libérer, tout simplement."
"Ils feraient ça à Sunnydale? Ca serait pas plus adapté... ben, en Europe du Nord?"
"N'importe où où il y a des tremblements de terre. la Californie est assez adaptée pour ça. De toute façon tout peut arriver à Sunnydale, la magie y est amplifiée, et il est réaliste de penser à venir ici."
"Et ce serait un problème, de toute façon, s'ils le libéraient?"
"Assez. Car dans la mythologie nordique, le jour où Loki sera délivré, aigri par ses années de captivité, il entraînera les géants et les monstres à l'assaut de la forteresse des dieux, et ainsi déclenchera le Ragnarok, ce qui signifie : la fin du monde."
"Oh. Et tu es sûr qu'on doit faire ça?"
"Je ne le fais pas! Je n'en ai pas les compétences. Si un homme seul pouvait le faire, ce serait de toute façon déjà fait depuis longtemps. Et puis, malgré mon affection et ma compassion pour Loki, ça ne me motive pas beaucoup, de toute façon. J'aime ce monde. On peut y faire énormément de choses amusantes, et je n'ai pas fini d'en profiter. Non, ce que nous essayons de faire ici ne sera, dans le meilleur cas, qu'une pâle imitation."
Ils étaient arrivés devant leur hôtel. Ils montèrent les escaliers, et entrèrent dans la plus grande des chambres. A l'intérieur, Neil tournait en rond, très nerveusement. Ethan ouvrit la bouche, s'apprêtant à lui demander des nouvelles de sa mission, d'un air sarcastique, mais Neil fut plus rapide. Il lui adressa un regard rempli de fleurs et d'étoiles, avant de déclamer, d'un air passionné.
"J'ai rencontré la petit soeur de Buffy Summers. Je suis amoureux!"
Ethan soupira d'un air mi-amusé, mi-contrarié.
"Nous voilà bien..."
