De l'autre côté

Partie 2

Lumière.

Obscurité.

La première chose dont il eut conscience fut le froid. Pressant. Léchant son corps. Hérissant sa peau et pénétrant ses os.

Lumière.

Puis la douleur.

Lancinante.

Une vrille nouant les nerfs de son crâne et de ses poignets… menottés.

Il ouvrit les yeux.

Obscurité.

Lumière.

Et dut les refermer aussitôt, une violente nausée déchirant son estomac pourtant vide.

Il avait si mal.

Poussant un grognement, il se força à refouler douleur et panique qui menaçaient de le submerger. Il n'était pas d'un caractère craintif, mais même tout juste conscient, il pouvait deviner la précarité de sa situation.

Il était presque sûr d'être nu, son corps reposant sur la surface lisse et glacée de ce qui devait être une table - si le bord anguleux qui pénétrait le dos de sa main était une indication. Ses bras et ses jambes étaient écartés et attachés avec ce qui ne pouvaient être que de lourds anneaux de fer. Les courbatures qui déchiraient ses muscles laissaient à penser qu'il reposait ainsi depuis plusieurs heures déjà.

D'après l'odeur et l'humidité qui régnait dans la pièce, il devait se trouver dans un sous-sol ou une cave et le constant appel d'air qui jouait sur sa peau laisser supposer la présence d'une porte ou d'une fenêtre ouverte.

S'efforçant toujours de conserver son calme et de contrôler sa nausée, il tenta une nouvelle fois d'y voir.

Obscurité.

Lumière.

L'éclair aveuglant qui s'imprima sur ses pupilles le fit immédiatement fermer les yeux et il poussa un nouveau grognement.

Stupide !

Quelque soit la source de luminosité, il y avait de grandes chances qu'elle se trouve juste au dessus de son corps. Il aurait du s'en douter.

Détournant la tête cette fois, il fit une nouvelle tentative. L'expérience fut moins pénible, mais ne lui apporta pas grand renseignement. Un halo de feu dansait désormais sur son regard qui l'empêchait de distinguer quoi que ce soit. Il cligna plusieurs fois des yeux dans l'espoir de le chasser, mais sans grand succès. Il lui faudrait patienter.

Lumière.

Obscurité.

Même s'il ne pouvait s'en assurer, il était un peu près sur que cette alternance d'ombre et de jour était du au mouvement pendulaire d'une lampe quelque part au dessus de sa tête. Et cette scène, très similaire aux images de films sur les méthodes d'interrogatoires des tortionnaires, n'avait rien de rassurant.

Lumière.

Il commençait à y voir plus clair, mais pas encore assez pour s'orienter.

Obscurité.

Il pouvait entendre parfois les échos de gouttes touchant un sol de béton, le pas rapide de quelques animaux, probablement des rats et s'il se concentrait suffisamment, la rumeur lointaine de la ville - une sirène, un klaxon et le murmure des passants.

Lumière.

Ou bien imaginait-il tout cela ?

Obscurité.

Il n'en était pas tout à fait sûr. Sa tête le faisait souffrir et son esprit semblait parfois s'embrouiller, comme sa vue. Peut-être délirait-il. Peut-être n'était-il même pas dans cette pièce.

Lumière.

Dieu, si cela pouvait être vrai.

Obscurité.

Mais si tout ceci était bien réel, comment était-il arrivé ici ? Il se souvenait vaguement une ruelle obscure, pleine de cartons et de cannettes de bières vides et écrasées. Une odeur rance. Les murs de briques familiers. Le chemin qu'il empruntait tous les jours de son travail à chez lui. Il savait qu'il n'avait pas grand-chose à craindre, tout le monde ici le connaissait. A mi chemin entre la brute et le gentil garçon, il était soit craint, soit respecter. Mais pas ce soir là.

Il y avait eu un bruit de pas.

Une voix sensuelle.

L'éclair d'un regard gris bleu.

Une invitation.

Il n'avait hésité qu'un instant…

Le reste n'était que brouillard.

Mais il savait…il se rappelait…

Lumière.

Sentant la panique le gagner à nouveau, il s'agita, ignorant la douleur qui martelait son crâne et ses membres.

Il fallait qu'il sorte de là.

Au plus vite.

Avant que…

Mais rien n'y faisait, il avait beau tirer sur ses bras et ses jambes jusqu'au sang, il ne pouvait se libérer de ses entraves d'acier.

Il poussa un cri de frustration et de sanglots mêlés.

Non, non, non, non…

Il ne sut pas combien de temps, il s'acharna ainsi avant que son corps ne cède à la fatigue et à la douleur. Peut-être des heures. Peut-être quelques minutes à peine. Mais lorsqu'il s'arrêta, il avait tout juste encore la force de pleurer.

Il pouvait sentir la chaleur de son propre sang gouttant désormais des plaies à vifs de ses poignets et de ses chevilles. Son odeur cuivrée.

Et il n'avait pas honte de ses larmes.

Il savait qu'il allait mourir ici et que cette mort n'aurait rien de paisible.

Une fin à la hauteur de son existence.

Mais il voulait vivre bon dieu.

Il voulait vivre !

Obscurité.

Il pouvait voir la pièce désormais. Sombre, étroite, vide, si ce n'était cette table sur laquelle il reposait et une plus petite à côté dont il pouvait juste deviner la position au regard d'un angle de fer rouillé. Elle n'avait pas de fenêtre, mais une porte effectivement ouverte. Et cette lampe qui ne cessait de se balancer.

Lumière.

Il remarqua pour la première fois le léger grincement qu'elle émettait à chaque mouvement. A peine un frottement de métal contre le métal.

Et le son rauque de son souffle.

Obscurité.

Mêlé à celui d'un autre.

Lumière.

Une vague de terreur le fit trembler lorsqu'il comprit qu'il n'était plus seul dans la pièce.

Il ne L'avait pas entendu arrivé… le monstre, la chose qui les chassaient. Une forme sombre dans l'encadrement de la porte. Une ombre maudite.

Elle s'approcha de lui et il tenta une nouvelle fois de se tortiller pour lui échapper, au diable ses blessures.

En vain.

Toujours en vain.

Non, non, non, non, non…Pitié !

Lorsque la silhouette s'arrêta à quelques centimètres de la table et lui sourit, il sut qu'il venait de poser le pied dans un enfer bien plus terrible que celui auquel la Bible l'avait condamné.

Obscurité.

Un rayon de soleil timide effleurait à peine les façades des immeubles et des trottoirs. La journée était encore jeune, sept heures à peine, mais déjà la foule des badauds grandissait à vue d'œil. Un long ruban jaune les tenait à distance, aidé en cela de plusieurs policiers en uniformes aux visages fermés et muets. Mais ils ne dissuadaient guère les curieux et encore moins les journalistes qui tentaient de forcer le passage tout en les bombardant de questions.

Les camionnettes des diverses chaînes de télévision s'entassaient dans la rue depuis plus d'une demi heure maintenant, volant les emplacements encore inoccupés, alors que reporters et caméramans se frayaient un chemin dans l'assistance. Dès quatre coins de la zone sécurisée surgissait les flashs des appareils photo professionnels et amateurs, mais aucun encore n'avait pu capturer l'image qui leur assurerait la une des ventes.

La rumeur qui montaient peu à peu, devenait assourdissante et plus d'un habitant du quartier se trouvait pencher à sa fenêtre, curieux de connaître la cause de cette agitation. Certaines mères devaient même forcer leurs progénitures à rentrer - à leur plus grande déception - ne devinant que trop bien la tragédie qui se jouait plus bas et refusant de les exposer à plus de violence qu'ils n'en subissaient déjà.

Dans la ruelles, près de dix policiers et techniciens de laboratoires travaillaient d'arrache pied pour trouver et répertorier chaque éléments de preuve qui pourraient faire avancer l'enquête. La plupart, bien que rodés au métier, contenaient tout juste leur dégoût. Un jeune rooky avait même du être éloigné de la scène avant qu'il ne vide le contenu de son estomac dans un caniveau, soutenu par son confrère plus âgé, mais tout aussi pâle.

Ce crime, il n'en doutait pas, ferait la une des journaux pendant plusieurs jours.

Une voiture de police banalisée se gara en double file près d'eux, sirènes éteintes, mais lumières au toit. L'aîné des deux policiers lui accorda tout juste un coup d'œil avant d'aider son jeune collègue à se relever et lui offrir l'ébauche d'un sourire encourageant. Occupé à le rassurer sur son avenir dans les forces de l'ordre, il ne vit pas les deux inspecteurs qui en sortirent, leur regard s'attardant un moment sur la foule des curieux. Il n'aurait pas manqué de les reconnaître s'il leur avait prêté quelque peu attention, les deux hommes, pourtant opposés en tout point, bien connu désormais de tout le district. Bien que leur coopération soit récente, ils avaient déjà prouvés leur efficacité et leur ténacité à maintes reprises. Mais le policier avait toujours eu un instinct paternel développé pour les bleusailles qu'il se voyait confier et le bien être du rooky surpassa à cet instant toute autre préoccupation. Il ne leur accorda pas même un regard lorsqu'ils passèrent près d'eux.

Après avoir pris soin de fermer leur véhicule et sécuriser leur arme, les deux inspecteurs, tout aussi inconscient de la scène qui se jouait à quelques mètres à peine, s'avancèrent vers le lieu du crime, badge à la main.

Ils furent rapidement assaillis par les micros, cameras et journalistes hurlant leurs questions. Plusieurs flash éclatèrent devant eux et le « pas de commentaires » de rigueur franchit leurs lèvres plus souvent qu'ils ne l'auraient souhaité.

Ils ne cachèrent pas leur soulagement lorsqu'ils atteignirent enfin le barrage de sécurité qui les laissa immédiatement passer.

Le plus âgé de deux, un homme blond, assez grand et d'une trentaine d'année, poussa un soupir et ôta ses lunettes de soleil. Il inspecta une première fois la scène du crime d'un regard, avant de jeter un coup d'œil à son compagnon. Le jeune homme avait un visage sérieux et fermé, en contradiction avec sa bonne humeur habituelle, et passait nerveusement une main dans ses cheveux. Il semblait soudain avoir vieilli de plusieurs années, visiblement harassé par la vue de ce perpétuel spectacle. Mais ses traits dévoilaient également une détermination farouche qui le rassura quelque peu.

Il savait ce qui le rongeait. Depuis six mois qu'il travaillait sur cette affaire, il n'avait trouvé aucune piste, aucun lien qui puisse la faire aboutir ou même avancer, et ses supérieurs commençaient à s'impatienter. Lui-même ne travaillait dessus que depuis deux mois, mais il s'était rapidement aperçu, au travers des différents dossiers qu'il avait pu parcourir, que son partenaire n'avait négligé aucun détail. Il n'y avait simplement rien à trouver. Pas de liens, pas d'indice, pas de témoins.

Les crimes en eux-mêmes étaient troublants. Trois hommes d'affaires et deux prostitués que rien ne rattachaient si ce n'était le bordel. Les deux garçons de joie se connaissaient, mais l'enquête avait rapidement prouvé qu'ils se rencontraient rarement, travaillant à des heures ou des jours différents. Quand aux trois autres victimes, aucuns n'étaient leurs clients et rien ne laissait penser qu'ils aient pu, à un moment ou à un autre, avoir été présentés. L'un était cadre de banque, l'autre comptable dans une firme de vente par correspondance et le dernier un trader à Wall Street. Tous travaillaient et habitaient dans des quartiers de standing et de situations géographiques opposés.

Les meurtres aussi différaient étrangement. S'il avait été prouvé, dans les deux cas, que les victimes avaient été gardées un certain temps en vie, leurs morts n'avaient rien de commun. La plupart des sévices commis sur les trois hommes d'affaires étaient post-mortem, alors que les rapports du coroner prouvaient, sans l'ombre d'un doute, que les prostitués étaient vivants, sinon conscients, tout au long de leur calvaire.

Ces différences mettaient à mal toutes tentatives de découvrir le coupable et les journaux en faisaient régulièrement leurs choux gras.

Le détective soupira. Cette affaire était tout sauf simple.

L'inspecteur Randy McLaine n'était certes pas depuis très longtemps au vingt septième district, mais il était déjà bien connu de la plus part des policiers, même en uniforme. Un homme aussi gentil - et parfois un peu naïf - ne se rencontrait pas souvent dans leur rang. Sa générosité naturelle, son empathie, sa logique implacable et ses capacités presque innées au tir, avait rapidement fait de lui l'une des meilleurs et plus appréciées recrues du service. Il avait toujours un sourire ou un mot gentil, semblait connaître toutes les dates d'anniversaire et en trois mois avait déjà aidé à augmenter de vingt cinq pourcent le nombre d'affaires résolues.

Aussi, est-ce tout naturellement vers lui que ce tourna le policier en uniforme venu à leur rencontre.

Inspecteurs McLaine. Adams.

Ryo lui sourit poliment et accepta sa poignée de main solide, son coéquipier, Jemmy Adams ne faisant pas l'effort de cacher son dégoût dans un salut bien peu convainquant.

Ryo se racla la gorge, signifiant clairement à son partenaire qu'ils en reparleraient plus tard avant d'offrir sa pleine attention au policier quinquagénaire et bedonnant.

Officier… Watz. Quelle est la situation ?

L'homme, Robert de son prénom, passa une main dans la chevelure inexistante du sommet de son crâne et lui adressa un sourire de premier de la classe, visiblement très fier que le jeune homme se souvienne de son nom. Puis, il retroussa son nez comme écoeuré et lista le peu de faits qu'il avait en possession.

Même MO que les deux premiers meurtres. Une vraie boucherie, mais presque pas de sang au niveau du corps ni des environs, donc le coroner ne sait pas encore si les blessures ont été infligées avant ou après la mort. La victime avait 25 ans, Denis Saboureau. Il travaillait au Babylon comme danseur et apparemment au Babel comme… prostitué, quelques soirs par mois.

Le mot « prostitué » avait été prononcé avec un tel dédain et une telle haine que Ryo dut littéralement se placer devant son coéquipier pour qu'il ne saute pas sur l'agent et ne lui fasse subir ce que le meurtrier avait fait aux victimes. L'envie ne lui en manquait pas lui-même.

Watz dut tout de même entrevoir l'éclair de fureur dans les yeux d'Adams car il fit soudain un pas en arrière avant de bredouiller une phrase incohérente sur « le cadavre dans cette direction » et tournée talon dans celle opposée. Le mot « fagot » traîna à sa suite et cette fois-ci McLaine dut saisir JJ à plein bras pour qu'il ne se jette pas sur l'homme.

JJ, ça ne vaut pas le coup !

Tu l'as entendu !!

Oui, mais il ne vaut pas le coup. Ca ne servirait à rien sauf à alimenter sa haine.

Toute la fureur du jeune homme sembla s'effondrer en un instant et il baissa les yeux.

Shit ! Je déteste quand tu as à raison.

JJ, je…

Je sais, je sais, tu n'as pas toujours raison, tu essayes juste de voir les faits et leurs conséquences dans leur ensemble. Cet argument commence à se faire vieux. Tu es plus intelligent et plus pausé que la plupart d'entre nous, pas la peine d'en faire un drame. Ce que tu peux être pudique !

Ryo le dévisagea étrangement.

Pudique ?

Réservé, timide. Tu n'acceptes aucun compliment !

Mais c'est parce que…

Je sais, stop, on arrête là. C'est de ma faute. C'est juste que cet homme est un tel bigot ! Lui et tous ses amis. Ca me… ça me… ça me dépasse.

Ces épaules s'effondrèrent, résigné et désespéré.

Je suis désolé.

Pas ta faute.

Ryo lui offrit un maigre sourire et lui serra brièvement le bras. Il savait que JJ n'avait pas la vie facile. Il était trop plein d'énergie et de bonne humeur pour se cacher derrière des façades et de fait, tout le monde au commissariat savait qu'il était gay. Il n'en avait jamais fait un mystère. Mais, si beaucoup de ses collègues l'acceptaient sans aucun mal, beaucoup également portait en eux trop de préjudices pour ne pas faire de sa vie, certains jours, un véritable enfer. Par trois fois déjà, depuis qu'il travaillait avec lui, les renforts avaient tardé à arriver alors qu'ils se trouvaient en situation difficile. Et bien que rien ne puisse prouver que ce délai fut intentionnel, Ryo n'était pas naïf au point de croire à ce genre de coïncidences. Leur chef non plus visiblement, puisqu'à la troisième erreurs, il avait suspendu pendant une semaine et sans paye toutes les patrouilles en causes. Bien sûr, la raison officielle n'avait pas été la discrimination, mais le message était passé.

Watz faisait partie du lot. Il n'était pas l'une des têtes pensantes du groupe en place, ceux-ci trop malins pour se révéler en plein jour, mais avec ses amis, il faisait pas mal de dégâts et la vie n'était pas toujours facile pour des gens comme JJ.

Ryo lui ébouriffa les cheveux.

Allons voir le corps.

Eh !

JJ voulut lui rendre la pareille, mais Randy s'était déjà sauvé en direction des lieux du crime.

Même en plein jour et bien qu'assez large, la ruelle restait sombre. Des vieux morceaux de bois, de cartons et de verre érodé jonchaient le sol au milieu de cannettes vides et de journaux détrempés par la rosée. Le corps se trouvait à quelques mètres à peine de l'entrée, suffisamment près pour être aperçu de la rue principale si on y jetait un coup d'œil. La mise en scène était parfaite. Le tueur voulait qu'il soit trouvé.

Le cadavre était recouvert d'une bâche noire en attendant que les policiers aient fini de prendre des photos pour être ensuite transporté à la morgue. Malgré ça, sa seule présence semblait engouffrer totalement les lieux, telle une chape de plomb morbide.

Martinez ! Appela Ryo en apercevant l'homme qu'il cherchait.

Le coroner, un hispanique d'une quarantaine d'année, plutôt beau gosse et une allure souvent débraillé, leva les yeux de son bloc note et les salua d'un petit geste du stylo.

Je me demandais quand vous alliez arriver.

On a été retardé, grommela JJ.

Ouho ! Grimaça le médecin légiste. Watz ?

Qui d'autre, soupira Ryo. Que peux-tu nous dire ?

Voyons voir, murmura l'homme en feuilletant son carnet.

Bien qu'il est souvent l'air rescapé d'une tornade et un peu paumé, Pablo Martinez était sans doute l'un des meilleurs coroners de la ville. Son équipe était à la pointe et offrait les meilleurs résultats imaginables dans les pires situations. Bien sûr cela ne suffisait pas toujours, mais les indices qu'ils fournissaient étaient précieux.

Alors, notre victime est un mal caucasien de vingt-cinq ans d'après son permis, mais je lui en donnerais plutôt trente. Il faudra que vous vérifiiez ses papiers. L'heure de la mort se situe entre deux heures et cinq heures du matin. Comme pour les précédentes victimes, multiples lacérations au torse et sur les membres ainsi que les mutilations habituelles. Armes du crimes, probablement un gros couteau bien aiguisé non retrouvé. Les poignets et chevilles présentes des hématomes importants ainsi que des points de saignement ce qui laisserait à penser qu'il était vivant lorsque le meurtrier l'a charcuté. La victime a selon toute vraisemblance été déplacée en raison du peu de sang retrouvé, reste à savoir comment. Cause de la mort encore indéterminée.

Ce n'est pas évident ?

Pas cette fois non. Il n'aurait pas survécu quelques soient la blessure incriminée, mais je ne peux pas affirmer avec exactitude celle qui lui a été fatale. Apparemment, il s'est pas mal débattu. Il y a des traces d'un important traumatisme crânien, plusieurs côtes sont fracturées pouvant laisser supposer une hémorragie interne et bien sûr nous avons l'éventration et la castration.

Pourquoi a-t-il fallu que je demande, gémit Adams.

Ryo, lui, n'en finissait pas d'être impressionné par le ton détaché, presque badin, que Martinez employait à chacune de ses descriptions. On aurait dit que la mort, même la plus horrible, ne lui faisait rien. Pourtant, c'était un homme bon vivant et équilibré. Il avait du mal à juxtaposer ces deux facettes de sa personnalité.

J'en saurais sûrement d'avantage après l'autopsie, reprit Martinez, le sortant de sa rêverie. Pour le reste, une fois de plus, il n'y avait pas grand-chose à trouver. Le responsable de ces carnages sait ce qu'il fait. Je ne pense pas que vous ayez guère plus d'indices que les autres fois.

Autrement dit, rien, soupira JJ.

J'en ai bien peur. Vous voulez voir le corps.

Si tes hommes ont fini.

Attendez. Eh ! Jerry, vous avez tout ce qu'il vous faut ?

L'homme en question releva la tête du coin de rue qu'il était en train d'examiner et acquiesça.

C'est bon boss, toutes les photos sont faites et je crois qu'on a tout ramassé.

Ok, vous pouvez aller regarder, mais je vous préviens, c'est pas beau à voir.

Parce que les premiers l'étaient peut-être ?

Tout doux Adams, je ne fais que prévenir.

Désolé, Pablo, c'est juste que…

Je sais. Et tenez, n'oubliez pas ceci.

L'homme leur tendit deux paires de gants en vinyl transparents qu'ils prirent après l'avoir remercier.

Je vous enverrais mon rapport dès que possible.

Ok Pablo, merci.

Ils le regardèrent s'éloigner avant de se tourner conjointement vers le cadavre.

Bon, voyons voir si j'ai eu raison de ne pas déjeuner ce matin !

JJ !

Je sais, je sais.

Le jeune homme s'approcha de la bâche avant de respirer profondément et de la soulever.

Merde ! J'ai beau avoir vu ce spectacle plusieurs fois, j'arrive pas à m'y faire.

Ryo, qui s'était accroupi de l'autre côté du cadavre, lui jeta un petit coup d'œil.

C'est le contraire qui serait inquiétant.

Puis reprenant son inspection :

Pablo a raison, celui-ci s'est vraiment débattu. Regarde le nombre de coups et d'abrasions au niveau du torse. On dirait même que notre meurtrier a été tenté de l'étrangler.

Il l'a asphyxié pour le calmer et l'empêcher de se débattre ?

Probablement. Avec un tissu, je dirais. Les marques sont trop larges et pas assez profondes pour être celles d'une corde ou d'un objet plus solide.

Hunhun et tu as vu ces marques sur l'abdomen, pointa Adams.

Oui, c'est bien notre tueur.

Shit, ce mec est un vrai sadique !

J'en ai bien peur. Par contre, Pablo a raison, cet homme est plus âgé que ces papiers ne le prétendent.

Comme si l'enquête n'était pas suffisamment compliquée comme ça.

Les deux hommes se relevèrent, se débarrassèrent de leurs gants et McLaine fit signe à l'un des assistants du coroner qu'il en avait fini et qu'ils pouvaient emporter le corps. Puis, il interpella un des policiers en faction.

Officier. Sait-on qui a trouvé le corps ?

Apparemment l'un des employé du Babel qui rentrait chez lui, inspecteur. Un sergent est parti l'interroger en attendant votre arrivée.

Et où se trouve-t-il ?

Dans l'hôtel. Il a jugé qu'il serait intéressant de questionner tous les employés avant qu'ils ne rentrent chez eux, ainsi que la gérante.

Merci bien.

Qu'en penses-tu, demanda JJ alors qu'ils s'éloignaient en direction du fameux bordel.

Que tout nous ramène toujours au Babel. Et j'aimerais bien savoir pourquoi ?

Près de lui, son coéquipier n'eut aucune réponse à lui offrir.

A suivre.