Chapitre 14 : Un coup de pouce...
J'ouvre les yeux lentement, sentant la présence d'un corps chaud contre le mien. Je souris en pensant à la personne de qui il s'agit. Je repense également à la nuit dernière et souris. Je tourne la tête et aperçoit la chevelure corbeau en pagaille sur mon torse, le visage d'Anaëlle étant tourné de l'autre côté. Elle est collé à moi mais en position fœtale. Je bouge lentement pour essayer de ne pas la réveiller et me tourne de l'autre côté du lit.
Merlin !
- Qu'est-ce que v…
- Debout. Et… suivez-moi.
Mais qu'est-ce qu'il fiche dans ma chambre lui ? Et ce matin précisément alors qu'on a… Arrête d'y penser, c'est lui qui doit être malade à l'heure qu'il est. Rogue sort de la chambre en silence et je reste assis dans le lit, encore abasourdi par sa présence à cette heure matinale ici. Je sens qu'elle remue à mes côtés. Elle va se réveiller, il ne faut pas qu'elle le voit. Je me lève rapidement mais le plus silencieusement possible et me retrouve nu devant le lit. J'attrape les affaires qui m'appartiennent et m'habille à la vitesse de l'éclair et sors de la chambre en jetant un regard en arrière. Elle dort encore.
Je suis dehors à présent et je me doute qu'il m'attend en bas. Je sais déjà que je suis dans son tableau de chasse et qu'il vaut mieux que j'essaie de ne pas fuir, de toute façon la situation empirerait si j'essayais ! Descendant l'escalier précautionneusement, je me dirige vers le salon où il est assis dans le fauteuil qu'occupe actuellement Ana. Il me regarde arriver, son regard ne laissant passer aucune émotion visible.
- Asseyez-vous.
A vos ordres, j'ai bien envie de lui dire. Je m'installe dans le fauteuil qui lui fait face et m'éloigne le plus possible de lui afin de moins sentir son regard haineux posé sur moi.
- Je vois que votre réputation vous suit partout où que vous alliez…
- Une minute…
- Ne commencez pas à m'interrompre, je pourrai m'énerver.
- Je n'ai pas…
- Quoi, pas touché ma fille ? Vous étiez tous les deux dans le même lit, nus et étroitement enlacés et vous n'avez rien fait ?
- Je n'ai pas dit ça.
Il plisse les yeux rapidement, je pourrais distinguer des éclairs à l'intérieur si je voulais.
- Et après, vous comptez la garder prisonnière de son monde toute sa vie ?
- Dix-sept ans est trop jeune pour elle, surtout dans l'état où elle se trouve et surtout avec quelqu'un comme toi !
Il s'est levé d'un bon en me pointant du doigt, le souffle court. Ses joues sont écarlates, ce qui contraste énormément avec son teint blafard.
- Elle est tout ce qu'il y a de plus normal maintenant, mais ça vous n'y avez pas fait attention ! Elle a choisi toute seule de vouloir venir avec moi, je ne l'ai pas forcée à faire quoi que ce soit, elle était libre de…
- Et c'était trop difficile de la repousser ? De lui expliquer qu'elle était trop jeune et qu'elle aimerait certainement quelqu'un de plus sensé par la suite ? Elle a perdu sa vertu avec un garçon qui se moque éperdument du sentiment des autres.
- Parce que vous y connaissez quelque chose en sentimentalité peut-être ? C'était très sentimental de votre part de la cacher pendant dix-sept ans sans lui montrer quoi que ce soit de la vie quotidienne !
- Tais-toi ! Tu n'as pas eu les pires décisions de ta vie à prendre pour la sauver ! Elle était en parfaite guérison avant de te rencontrer, regarde ce que tu en as fait !
- C'est moi qui suis allé le trouver papa…
Nous nous retournons tous les deux en entendant cette voix froide dans l'escalier. Anaëlle est levée et porte mon peignoir. Son visage habituellement souriant pour moi a perdu toute note de gaieté.
- Pourquoi à chaque fois que tu viens ici, je suis malheureuse car tu n'arrives pas à comprendre que je suis heureuse comme je suis maintenant. Drago m'a appris beaucoup de choses et c'est moi qui lui ai demandé de me montrer la seule chose que je ne connaissais pas et que je voulais connaître avant de…
Elle s'interrompt en ayant l'air de chercher ses mots.
- Avant de quoi ?
J'ai du mal à lui demander ça. Avant de quoi ?
- Anaëlle, il n'y a aucun danger, tu le sais.
- papa, ne fais pas celui qui ignore tout. Moi je le sais mais d'une autre façon. Toi tu l'as lu dans ta prophétie. Tu sais que ça arrivera.
- Non. Non, tu es protégée ici.
Qu'est-ce qu'ils racontent tous les deux ? Je ne comprend rien du tout.
- Qu'est-ce qu'il se passe encore ?
- Rien.
Anaëlle me sourit –enfin dans ma direction- mais je vois bien que ce n'est pas le même genre de sourire auquel j'ai droit chaque jour.
- Qu'est-ce qu'il va se passer ?
- Rien, absolument ri…
- Arrêtez de me prendre pour un idiot et dites-moi ce que vous avez oublié de me dire à propos de cette fichue prophétie.
Je ne pouvais pas être plus clair. Rogue a l'air d'hésiter –ou bien est-ce de la panique que je vois sur son visage quand il regarde sa fille- et Anaëlle semble peu encline à la conversation.
- Dites-le moi !
- Anaëlle devra se sacrifier.
- Se sacrifier ? Comment ça ?
- Pour aider le Survivant à éliminer le Seigneur des Ténèbres. Si jamais il met la main sur elle. Ce qui n'arrivera pas car elle restera ici jusqu'à ce qu'on trouve une solution !
Il termine sa phrase en s'énervant. Qu'est-ce qu'il a dit ? Anaëlle ? Se sacrifier pour le Survivant ? Pour Saint Potter ?
- Elle ne va certainement pas perdre la vie pour Potter ! C'est complètement débile, elle n'a rien à voir avec lui et il est hors de question qu'elle l'aide.
- Je n'ai pas le choix si nous voulons nous débarrasser du S…
- Tu ne vas rien faire du tout, tu vas rester ici avec moi et point final ! Potty se débrouillera tout seul, comme il aime bien le faire.
- Ce n'est pas parce que tu es jaloux de lui que je n'irais pas l'aider.
Qu'est-ce qu'elle a dit l ?
- Je ne serai jamais jaloux de cet imbécile prétentieux ! Et tu ne risquera pas ta vie pour lui ! Il y a d'autres solutions. Et de toute façon, ils ne te trouveront jamais ici ! Personne ne sait où nous sommes !
Je sais que ma voix tremble ; la panique m'habite au plus haut point. Anaëlle ne dit plus rien et se contente de serrer le poing sur le cordon du peignoir.
- Je suis au moins d'accord avec lui –pour une fois- personne ne vous trouvera ici. Tu es en sécurité.
- Si c'est écrit dans la prophétie, c'est que cela aura lieu.
- Où l'as-tu lue ?
- Je l'ai vue… en pensée. Et tu sais que ce que je vois se réalise.
- Quoi, tu es médium en plus ?
- Elle a un certain don pour ça. Mais cela n'arrivera pas ! Je ne les laisserai pas t'emmener ! Potter se débrouillera bien tout seul après tout. Il s'en est déjà sorti plus d'une fois.
- Arrêtez de faire comme si de rien n'était. Vous savez parfaitement ce qu'il va se pas…
Cette fois-ci, elle commence à m'agacer en étant pessimiste comme ça. Je me précipite vers elle et la prend sèchement par les épaules.
- Il ne va rien t'arriver, d'accord ? On te protège et ça tu le sais très bien !
Elle panique à la façon dont je la tiens entre mes bras. Un changement radical par rapport à hier soir… Les larmes coulent d'elles-mêmes sur ses joues et là mon optimiste s'échappe aussi facilement que l'eau qui ruisselle sur son visage. Elle a réussit à me faire douter de moi rien qu'avec ses larmes.
- Anaëlle…
- Ca ne sert à rien. Je l'ai vu hier soir. Ce qui se passera, personne ne pourra l'empêcher.
Cette fois-ci, alors qu'elle se blottit contre moi, c'est vers son père que je me tourne. Il a l'air aussi désemparé que moi face à ce qui nous tombe dessus. Pourquoi ne m'ont-ils pas prévenu avant ? Merlin ! Pourquoi ?
- Je dois aller voir Dumbledore.
- Papa ?
- Oui ?
- Pourquoi es-tu venu nous voir ? Il s'est passé quelque chose ?
Anaëlle ne le voit pas mais moi si. Il a l'air blessé par cette question. Et il n'est pas difficile de s'imaginer qu'une fille manque à son père et qu'il est normal qu'il ait voulu la revoir, bien qu'ils soient en froid.
- Rien. J'ai juste eu la visite de Lucius qui voulait me faire dire ce que je savais.
- Mon père est revenu ?
- Oh oui. Et il veut réellement te récupérer. Il ne cherche que ça, et par tous les moyens.
Quels moyens ? Ca, avec Lucius, on peut s'attendre à tout : torture, enlèvement, Doloris, Imperium… Toute la panoplie selon lui.
- Et si je vais le rejoindre, il laissera Anaëlle tranquille ?
Rogue me regarde d'un air ahuri maintenant. Qu'est-ce que j'ai dis encore ?
- Que crois-tu qu'il fera quand il aura mis la main sur toi ? Réfléchis un peu ! Il te fera dire où elle se trouve !
Ah oui, c'est un détail important ça. Je l'avais oublié.
- J'y vais et je reviendrais quand je pourrais.
- Fais attention. Si Lucius a réussi à venir jusqu'à toi, il va vouloir réessayer.
Les paroles de sa fille ont le mérite de le rassurer. Au moins, elle ne le répudie plus.
- Ne t'en fais pas, il n'arrivera jamais à rien avec moi. Son Impérium ne fonctionne plus depuis longtemps sur moi et je n'ai pas plus peur de lui que de mon ombre. Et une dernière chose…
Il se tourne vers moi en disant ça.
- Elle retourne dans sa chambre.
- Papa !
Son regard est très insistant dans le mien mais je n'en tiens pas compte. Ce sont les paroles d'Anaëlle qui me rassurent. C'est elle qui décide après tout. Il se retourne et passe par la cheminée comme à son accoutumée. Nous nous retrouvons seuls, Anaëlle et moi pour la première fois depuis la nuit précédente. Je la tiens toujours dans mes bras, ses larmes ayant laissé des traînées translucides sur ses joues blêmes.
- Comment est-ce que tu te sens ?
- Nauséeuse. Je ne m'attendais pas à voir mon père ici au réveil.
- Oui, surtout après qu'il nous ait vus dans le lit ce matin.
- Il est venu dans la chambre ?
Elle panique maintenant.
- Du calme, on avait les draps sur nous.
- Mais même ! Il m'a vu dans tes bras, nue !
- Et alors, tu croyais qu'il imaginait quoi ? Il sait très bien ce que nous avons fait.
- Pourquoi est-ce que tu ne m'as pas dit qu'il était dans la chambre ? Tu aurais dû me réveiller !
Elle me redonne le sourire quand elle agit comme ça. Mais pourtant mon sourire disparaît vite quand je repense aux paroles qui ont été prononcées un peu plus tôt.
- Anaëlle ?
- Oui ?
Elle lève la tête vers moi, son regard vide cherchant le mien.
- Pourquoi ne m'as-tu pas dit ce que tu as vu dans ton rêve cette nuit ? A propos de la prophétie ?
Son sourire a laissé la place à de la tristesse.
- Parce que je n'en ai pas eu le temps. Mon père est arrivé avant.
- Et tu me l'aurais dit s'il n'avait pas été l ? Dis-moi franchement.
Elle baisse la tête et la secoue négativement.
- Ca aurait été idiot de me le cacher. Comment veux-tu que je te protège si je ne sais même pas que ta vie est encore plus en danger à présent. Et tout ça à cause de Saint Potter encore une fois ! Ne t'approches jamais de lui.
- Si c'est ma destinée, on ne peut rien contre.
Et c'est reparti pour un tour…
- Tu ne mourra pas, c'est compris ?
J' ai repris ma position initiale –mains serrées sur ses épaules, le regard bien en face d'elle- et je ne veux pas qu'elle me dise qu'il n'y a rien à faire.
- Il n'y a rien à f…
- Si ! Tu vivras ! Tu vivras parce qu'ils ne te trouveront pas ! Personne ne te feras de mal tant que je serai avec toi, tu verras !
Je la sers contre moi, ne sachant même plus très bien où j'en suis. Je viens d'essayer de la rassurer alors que je doute moi-même de mes paroles. Comment pourrais-je empêcher une prophétie de se réaliser ? Comment ? Si quelqu'un connaît la réponse, qu'il me fasse signe…
- Entrez Séverus !
La porte du bureau de Dumbledore tourna et Séverus Rogue entra à l'intérieur.
- Je pensais bien vous voir aujourd'hui. Quelles sont les nouvelles ?
- Lucius…
- Il vous a intimé de lui rendre Drago je présume ?
- Je ne vous apprend rien.
Séverus resta perdu dans ses pensées, Dumbledore le regardant avec attention.
- Il s'est passé quelque chose ?
Il leva les yeux vers le vieil homme, sortant de ses pensées.
- Si l'on veut. Mais cela n'a rien à voir avec cette histoire. C'est Lucius dont il faut se préoccuper.
- Ne vous en faites pas. Les protections…
- Il a réussi à les passer hier soir ! Il était dans mon bureau sans avoir été pris.
- Oui, cela peut arriver si il sait amadouer certaines personnes susceptibles de… lui obéir. Si vous voyez ce que je veux dire.
- Crabbe et Goyle ?
- Certainement. Je vais les faire venir dans mon bureau. Avec un ou deux sortilèges permanents sur eux, je pense qu'ils auront toutes les difficultés du monde à faire entrer qui que ce soit de l'extérieur à présent.
Séverus acquiesça, mais son esprit restait accroché à ce qu'il avait vu en arrivant dans la chambre –sa fille avec Drago dans le même lit- et aussi les paroles qu'elle avait prononcées.
- Que se passe-t-il Séverus ?
Séverus jeta un regard presque suppliant à Dumbledore.
- Elle sait Albus.
- Elle sait ? Mais quoi ?
- Pour la prophétie. Je vous avait dit qu'un jour elle le « verrai ». Elle sait qu'elle doit se sacrifier pour… Potter.
Il avait terminé sur le mot « Potter » avec beaucoup d'amertume dans la voix.
- Ah. Elle sait donc. Mais vous lui avez dit que nous la protégions convenablement ? Il ne faut surtout pas qu'elle quitte l'île et tout ira pour le mieux. Nous parviendrons à l'empêcher d'accomplir la prophétie. Le destin peut être modifié avec quelques coups de pouce…
Dumbledore affichait un petit sourire en coin en disant ça.
- Qu'y a –t-il de si amusant ? Je ne pense pas que la situation actuelle prête au rire.
- Oh, pour rien mon ami. Pour rien. Je ne vous retiens pas, je pense que vous avez des choses à préparer.
- Oui. Comme trouver un moyen pour éviter que ma fille ne tombe dans les mains de Lucius. Après le fils, c'est le père qui me cause du soucis…
- Au fait, comment vont-ils ? Se sont-ils rapprochés ?
Séverus écarquilla un sourcil en voyant l'air innocent de Dumbledore.
- Ca pour être rapprochés, ils le sont ! Dit-il, agacé.
- C'est très bien ! Il faut que le Mentor et votre fille ne fasse plus qu'un pour pouvoir combattre.
- Le « plus qu'un » aurait pu être d'une autre manière…
Dumbledore sourit en entendant ça et il posa une main dans le dos de Séverus pour l'accompagner jusqu'à la sortie.
- Ne vous en faites pas, il y a toujours une solution.
- Si vous pouviez dire vrai.
- Je dis toujours la vérité mon vieil ami. Toujours. Je vous vois au repas.
- Oui. Bonne matinée.
- Bonne matinée.
Séverus sortit du bureau et se rendit aux cachots, dans son bureau. Il s'enferma et resta un moment adossé à la lourde porte de son bureau, fermant les yeux et soufflant.
- Kelly… Si tu avais été là, tu aurais su quoi faire avec elle. Notre fille te ressemble tellement mais elle m'échappe de plus en plus. Je suis totalement perdu, je ne sais plus où j'en suis. Pourquoi a-t-il fallu qu'Anaëlle ait ces pouvoirs ? Et pourquoi est-ce Malefoy le Mentor ? Pourquoi ?
Il rouvrit les yeux et alla s'asseoir dans le grand fauteuil devant la cheminée qui brûlait doucement. Il posa son menton sur son poing serré, le coude posé en équilibre sur le genou, à la façon du penseur de Rodin et ses pensées se concentrèrent sur une époque lointaine où il avait vécu les seuls vrais moments de bonheur avec la seule personne qui l'aurait aidée aujourd'hui…
Pendant ce temps-là, dans le bureau de Dumbledore…
- Oui Fumseck. Notre Maître des Potions doit faire resurgir les pensées qu'il avait enfouies au fond de lui, mais je pense que cela l'aidera à mieux affronter la suite.
Le phénix, en appui sur son perchoir regardait le vieil homme d'un air sage en bougeant la tête. Dumbledore fouilla dans sa poche et en sortit une fiole au contenu blanchâtre. Il ôta le bouchon et aussitôt une sorte de vapeur en sortit. Cette dernière se dirigea juste au-dessus de la boule de verre qui renfermait la prophétie et l'enveloppa. Aussitôt, les images qu'il avait vues quelques secondes avant que Séverus Rogue n'arrive réapparurent et un sourire vint éclairer le visage du vieil homme.
- Le destin change Fumseck, il suffit de lui donner un coup de pouce…
