-Essaye encore, Harry Potter.
-Essayer QUOI ? Je suis ligoté, tu as ma baguette, non mais qu'est-ce que tu veux que je fasse, bon sang ?! Rétorqua Harry en se débattant violemment.
Mais rien à faire. Les liens étaient bien serrés, pas moyen de s'en défaire. Et Sophia passait, repassait devant lui, dans la lumière froide de la Salle Sans Porte.
-Essaye, disait-elle de son ton toujours égal.
Comme s'il y pouvait quelque chose ! Il sentait les fines cordes s'enfoncer dans ses bras. Plus il faisait d'efforts pour se libérer, et plus les nœuds se refermaient sur ses poignets. Ces fichus liens étaient probablement enchantés. Et l'autre, là, exigeait de lui qu'il fasse quelque chose pour se défendre ! Ca faisait un quart d'heure qu'il était attaché, et Merlin seul savait quand est-ce que cette cinglée avait l'intention de le libérer. Il poussa un cri de rage impuissante. Elle le rendait fou, avec ses stupidités.
-Tu te disperses, comme toujours, Harry Potter, dit Sophia. Cesse de te préoccuper des cordes. Cesse de te préoccuper de ta baguette. Ta seule menace, c'est moi.
-Je-ne-peux-rien-faire !
-Concentre-toi, continua-t-elle imperturbablement. C'est moi qui t'ai pris ta baguette. C'est moi qui t'ai attaché. C'est moi qui suis ton ennemie. C'est contre moi seule que tu dois diriger ta colère.
-Oh, la ferme, tu m'énerves !
-C'est précisément mon but, Harry Potter.
Il haïssait son ton égal, et cette manie de toujours dire son nom en entier. Il supportait de moins en moins ses phrases à double sens. Et chaque fois qu'il la regardait surgissait dans son esprit le visage de Bellatrix, face à Sirius qui tombait, tombait toujours.... Non, il ne fallait pas qu'il pense à ça. Surtout pas.
-Ne détournes pas les yeux, reprit Sophia. Regarde-moi. Fixe ton attention sur moi. Je suis la cause de tous tes maux, Harry Potter. Je suis l'Ennemi.
Il releva la tête. Il sentait que ça le brûlait, à l'intérieur. Folie, douleur, reste calme je te dis, réfléchis, j'ai mal, si mal, cesse de bouger, je vais la tuer, tu ne tueras personne, je veux sortir d'ici s'il vous plait… Et ça se balançait, sans arrêt, toutes les voix qui hurlaient et s'emmêlaient dans sa tête.
Fixe ton attention sur moi.
Voilà, il la regardait, il ne voyait plus qu'elle, la statue immobile, le visage sans âme.
Je suis l'Ennemi.
Soit.
Il lui semblait que dans sa tête ça criait encore plus fort mais que les cris s'harmonisaient en quelque sorte. Comme si toutes les voix, la peur, la raison, la haine, l'espoir, la colère, la douleur, l'amour, se mettaient enfin d'accord. Il avait mal. Son flux d'émotions contradictoire tourbillonnait encore plus vite que d'habitude, prenait plus de force, il sentait qu'il en perdait le contrôle. Il prit peur, mais sa peur elle-même fit grandir sa tempête intérieure et la rendit plus insoutenable. Il ne quittait pas Sophia des yeux.
Tout est sa faute.
Cela lui échappa d'un coup, comme dans un éclair, et la frappa de plein fouet. Il poussa un cri de terreur. Ses liens tombèrent d'un coup. Il resta courbé sur le sol, incapable de se redresser, complètement vidé. Epuisé et en même temps… Apaisé. Comme après un très long entraînement de quidditch. Mais en beaucoup plus… Puissant.
Il se leva, un peu chancelant. Il se sentait vaguement nauséeux.
-Véliaris ? Appela-t-il. Tout va bien ?
Elle se releva à son tour. Ses mains tremblaient un peu. Elle les leva à hauteur de ses yeux et les observa avec attention, comme si elle constatait les effets d'une réaction chimique. Les tremblements cessèrent et elle reporta son regard sur Harry.
-Bien, dit-elle. Tu y arrives. Je crois que ça suffit pour aujourd'hui.
-Mais qu'est-ce qui s'est passé ? Demanda Harry d'une voix pas très assurée. Je ne comprends pas très bien ce que j'ai fait.
-Tu t'es défendu contre une attaque, tout simplement, répondit Sophia.
-Mais… Je n'avais pas de baguette.
Sophia secoua la tête en signe de dénégation.
-La magie ne viens pas de la baguette mais du sorcier qui la tiens, Harry Potter. Tu ne devrais pas l'oublier. Ce n'est pas parce que tu es désarmé que tu es sans défense, et il en est de même pour tes adversaires. Un sorcier n'est véritablement hors d'état de nuire que lorsqu'il est inconscient. C'est pour cette raison qu'on utilise si souvent le sort de stupéfixion dans les duels. Rappelle-toi les phénomènes magiques qui se produisaient autour de toi lorsque tu étais enfant, et que tu étais effrayé ou en colère. Ce qui vient de se produire n'est pas différent.
-Mais on ne peut pas contrôler la magie sans baguette… Je veux dire, quand je faisais ça avant je ne savais pas ce que je faisais, alors que cette fois j'ai réellement voulu…
-La magie trouve sa source dans les émotions d'un sorcier. Contrôle tes émotions et tu contrôleras ta magie. C'est évidemment plus compliqué sans baguette magique. Cette méthode est plus simple, moins précise, plus brutale. Mais elle se révèle extrêmement utile dans certaines circonstances.
-Alors c'est ça que tu voulais me pousser à faire ? Demanda Harry, dubitatif.
-A utiliser tes émotions, répondit tranquillement Sophia.
-Je me demande ce que tu peux bien savoir des émotions, rétorqua Harry.
Elle le fixa un moment en silence. Il se demanda s'il n'avait pas été trop loin en abordant ce sujet. Il chercha des yeux sa baguette. C'était toujours Sophia qui l'avait.
-Il est vrai, dit-elle enfin, que je n'ai de tout cela qu'une connaissance purement rationnelle. Mais c'est suffisant. Tu es consumé par ce que tu ressens, Harry Potter. Tu tentes de réfréner cette énergie que tu portes en toi et qui te détruit, mais tu ne peux pas y parvenir. Lorsque tu rencontres un ennemi, avant de chercher à le tuer, mieux vaut tenter de l'utiliser pour arriver à ton but. C'est ce que je t'ai poussé à faire avec tes sentiments. Désormais ils ne sont plus des adversaires pour toi mais des armes.
-Est-ce que ce n'est pas dangereux ? Hasarda Harry.
-Certainement. Il y a toujours un risque. Mais si on est suffisamment attentif et prudent, on peut ainsi obtenir beaucoup de choses.
-Si je perdais le contrôle, un jour…
-Tu n'as aucun moyen de détruire ce qui se trouve au fond de toi à moins de te détruire toi-même, déclara Sophia. Ce n'est pas une caractéristique qui t'es propre, tout homme possède sa propre part de douleur et de folie, cela fait partie des éléments qui définissent un être humain. Il ne te reste donc qu'une ressource : diriger cette force afin d'atteindre les buts que tu te fixes.
-Est-ce que j'aurais pu te tuer ? Demanda brusquement Harry.
-C'était possible, mais peu probable. Tuer par magie est un acte qui demande un grand pouvoir et beaucoup de précision. Cela fait partie de ce qui est quasi impossible à réaliser sans baguette.
-Je vois, murmura-t-il.
Peu probable. Il n'y avait plus qu'à espérer que le « peu probable » ne se réalise pas par inadvertance. Il laissait cette fille dont il ignorait tout jouer avec lui et il sentait maintenant que ça risquait d'avoir plus de conséquences qu'il ne l'avait prévu. Il la regarda dans les yeux. Ces yeux d'un vide dévorant…
-Je n'arrive pas à savoir si tu es en train de me sauver ou de me détruire, dit-il enfin à voix basse.
-Peut-être bien les deux, répondit-elle.
-Je ne vois vraiment pas comment tu pourrais réussir à faire les deux à la fois, répliqua-t-il avec un rire ironique.
-Tout dépend de ce qu'on appelle sauver et détruire, expliqua-t-elle de sa voix monocorde. Parfois la mort n'est pas la pire chose qui puisse arriver à un homme.
Il eut un frisson désagréable. Ce qu'elle venait de dire pouvait signifier deux choses. Soit qu'être détruit par la mort le sauverait d'un sort pire encore, soit qu'il serait sauvé de la mort pour être détruit par quelque chose de pire. Aucune des deux solutions ne lui semblait particulièrement enviable. Ce qui le troublait encore plus, c'était qu'il avait déjà entendu le même genre de phrase, dans la bouche de Dumbledore s'adressant à Voldemort.
-Bon, rend-moi ma baguette, dit-il d'un ton agacé. Je dois y aller, j'ai un devoir de métamorphose à faire pour vendredi.
-A mardi prochain, répondit-elle en lui tendant sa baguette.
En la reprenant, il remarqua une marque sur le poignet de Sophia. Une sorte de vieille cicatrice en forme de M à l'envers. Son regard glissa jusqu'à l'autre poignet. Sur celui-là aussi il y avait une autre cicatrice, mais celle-ci était un simple trait vertical.
-A mardi prochain, répondit-il comme si de rien n'était
Et il quitta la Salle Sans Porte sans autre commentaire. Il s'éloigna un peu dans le couloir, ouvrit une salle de classe grâce à un « alohomora » et attendit que Sophia s'en aille elle aussi. Elle ne tarda pas à passer devant sa cachette, et quand le bruit de ses pas eut disparut dans le couloir, il retourna près du Cercle des Clés.
Il se pencha sur le cercle de symboles et ne tarda pas à y trouver ce qu'il cherchait. Parmi les signes, il y avait le même M bizarre, avec les deux diagonales qui continuaient et touchaient les deux barres verticales. Et il y avait aussi cet espèce de I. Le même signe que Sophia semblait invoquer dans le cercle central quand elle ouvrait la Salle Sans Porte.
Qu'avait dit Winky, déjà ? « Le Cercle des Clés ne s'ouvre qu'à la bonne clé. » Si les fameuses clés étaient représentées par les symboles, alors la clé en question était Sophia, par l'intermédiaire de la marque qu'elle portait. Harry se demanda ce que pouvait bien ouvrir la marque que Sophia portait sur son autre poignet, l'espèce de M. Et puis comment s'était elle retrouvée avec des cicatrices ayant la forme de symboles gravés dans le marbre du troisième étage de Poudlard ? Ca n'avait pas de sens.
Peut-être devrait-il poser la question à Sophia, se demanda-t-il. Hum… Non, mauvaise idée. Il secoua la tête, et retourna à sa Salle Commune. Il était tard et il n'avait aucune envie de se retrouver nez à nez avec Rusard.
Lorsqu'il eut disparut à l'angle du couloir, Sophia sortit de l'ombre et regarda pensivement vers le Cercle des Clés.
-Il commence à comprendre, murmura-t-elle.
Elle s'éloigna à son tour vers sa propre Salle Commune. Mais une voix l'interrompit. Une voix basse mais ferme.
-Bonsoir, Sophia.
Elle se retourna lentement. Elle trouvait intéressant la façon dont ces Gryffondors cachaient de leur mieux leur peur lorsqu'ils s'adressaient à elle. Pas moins effrayés que les Serpentards, mais tellement plus téméraires.
-Bonsoir, Ginny Weasley, répondit-elle.
Elle garda un moment le silence. Elle pouvait voir la tension de Ginny. Son poing nerveusement serré sur sa baguette, dans sa poche. Et ce tic de se mordiller la lèvre. Mais son regard exprimait plus de colère que de peur.
-Je ne sais pas pourquoi tu espionnais Harry, lâcha-t-elle rapidement. Mais je te préviens que…
-Que quoi ? Demanda Sophia avec tranquillité. Qu'as-tu l'intention de faire, Ginny Weasley ?
Ginny perdit un peu contenance. Elle savait combien Sophia était dangereuse. Elle le savait. Elle inspira, expira.
-Je défend mes amis et je les venge, dit-elle plus calmement.
-Etrange, répondit Sophia en fixant Ginny avec attention. A quelques mots près, tu parles comme le clan d'Ambers. Les Gryffondors défendent. Mais ce sont les Serpentards qui vengent.
Ginny eut un frémissement désagréable. Elle savait que chez Sophia, les mots étaient presque aussi dangereux qu'un poignard.
-Elle va bien ! Rétorqua-t-elle subitement.
Sophia continua à la regarder sans aucune réaction, ce qui rendit Ginny encore plus furieuse.
-Laura va bien, reprit-elle avec colère. Tu n'es même pas venue la voir. Je suppose que tu n'as pas non plus pris la peine de prendre de ses nouvelles. Alors je te le dis : Elle va bien.
Sophia ne répondit rien.
-Ce serait vraiment trop te demander de faire semblant et de dire « Ravie de l'apprendre » ?! Siffla Ginny avec mépris.
-Comme tu le sais parfaitement, répondit Sophia d'un ton sans expression, « Ravie » ne m'est pas permis. Pas plus qu'« inquiète » ou « affectueuse ». Ton acharnement à m'en vouloir à ce sujet est une perte de temps. Laura est ma sœur dans les registres d'état civil, mais en ce qui me concerne cela ne fait aucune différence. Elle ne m'est pas utile, par conséquent elle ne m'intéresse pas.
-Mais Harry t'est utile, lui, n'est-ce pas ? Demanda Ginny d'un ton glacial.
-Cela se pourrait, répondit lentement Sophia.
-Si tu touches à un seul de ses cheveux…
-Je n'ai pas l'intention de le blesser d'une quelconque manière, si c'est ce qui te préoccupes, dit Sophia.
-Tu n'as pas intérêt, répliqua Ginny d'un ton menaçant.
Et cela méritait l'admiration, car il n'était pas simple d'avoir l'air menaçant face à Sophia. Celle-ci hocha la tête. Elle fit demi-tour et s'éloigna vers les cachots.
-Elle t'aime, dit Ginny d'une voix basse.
-Je sais, répondit Sophia sans se retourner.
-Je ne comprends pas comment, ajouta Ginny avec dégoût.
Cette fois, Sophia s'arrêta et tourna la tête, pour planter ses yeux dans les yeux de Ginny.
-Moi non plus, Ginny Weasley. Et pourtant, il est peu de choses qui échappent à ma compréhension.
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-Harry ?
-Oui, Hermione ? Marmonna Harry sans lever les yeux de sa partie de cartes.
Il était quasi certain qu'elle allait lui rappeler une quelconque obligation scolaire déplaisante. C'était une sorte de manie chez elle, surtout quand Ron et lui jouaient aux cartes / aux échecs / à quoi que ce soit n'ayant pas de rapport avec les ASPICs.
-Où en est ton devoir pour MacGonagall ?
Gagné. Mais pour une fois il pouvait répondre par autre chose qu'un gémissement désespéré.
-Je l'ai fini hier soir, répliqua-t-il avec un sourire satisfait. A toi de jouer, Ron.
-Je ne parle pas du devoir de métamorphose, Harry, insista Hermione. Je parle de l'autre devoir.
Raté. Il fit mine de ne pas avoir entendu et se concentra sur la partie, dans le vague espoir qu'une soudaine explosion de bombabouses viendrait détourner l'attention d'Hermione dans les prochaines secondes. Mais aucun miracle ne se produisit.
-Harry ! Fit-elle d'un ton agacé.
-J'ai jusqu'à Noël ! Plaida-t-il.
Il abattit une de ses cartes, évitant soigneusement de croiser le regard de son amie.
-Il a jusqu'à Noël, ajouta Ron dans une faible tentative de solidarité masculine.
Mais Hermione le foudroya du regard et il rentra aussitôt la tête dans les épaules. Elle attrapa les cartes d'Harry pour l'obliger à la regarder.
-Harry ! Répéta-t-elle.
-Non mais tu as vu le sujet aussi ? Protesta-t-il. L'enfance de Voldemort ! Il n'y a même pas un seul livre qui en parle !
-Tu pourrais demander à Dumbledore, suggéra-t-elle. Après tout il l'a eu comme élève…
-Non ! Cria brusquement Harry.
Ron rentra un peu plus la tête dans les épaules et Hermione sursauta. Un silence brutal s'installa dans la Salle Commune. Harry s'en aperçut et regarda nerveusement les élèves qui le fixaient. Peu à peu, les yeux se détournèrent et les conversations reprirent. Ils se retourna vers Ron et Hermione, gêné. Il se demanda pourquoi il avait eu une réaction aussi violente.
-Désolé, murmura-t-il. C'est juste que… Je n'ai pas envie d'y aller. C'est tout.
-Tu ne pourras pas le fuir éternellement Harry, avança prudemment Hermione.
Il haussa les épaules. Il y avait tellement de choses et de gens et de pensées qu'il ne pourrait pas fuir éternellement… Ce qu'il fallait, c'était faire une sorte d'ordre de priorité. Un par un pour la confrontation avec Harry Potter, faites la queue s'il vous plait. Dumbledore, ça serait un autre jour. Plus tard. Un jour.
-Enfin, si tu ne veux pas parler à Dumbledore, tu peux toujours aller voir Lein, poursuivit-elle, rassurée de voir qu'Harry s'était calmé.
-Lein ? Intervint Ron. Pourquoi ?
-Tout le monde sait qu'elle enseignait à Poudlard et qu'elle en est partie il y a environ cinquante ans, expliqua Hermione. Elle a pu avoir Jedusor comme élève avant de partir à la retraite.
-Il y a cinquante ans, dit pensivement Harry. Elle doit être sacrément vieille, maintenant.
-Elle a très exactement 176 ans, soit vingt et un ans de plus que Dumbledore qui fêtera bientôt ses 155 ans, répondit doctement Hermione.
-Quoi ? Dit Harry. Mais comment ?
-Voyons, Harry, il y a sûrement des tas de livres qui donnent la date de naissance de Lein et de Dumbledore soupira Ron. Et naturellement elle les a tous lus.
Hermione lui jeta un regard noir.
-Non, je ne demande pas comment elle le sait, répondit Harry, mais comment ils peuvent être si vieux. Je croyais qu'on pouvait au mieux vivre un peu plus d'un siècle.
-Chez les moldus, oui, rétorqua Hermione. Mais la pratique de la magie rallonge l'espérance de vie. Bon, tu iras voir Lein, ou pas ?
Harry leva les yeux au ciel.
-Mais oui, j'irais, répondit-il. Promis. Demain après la classe j'irais lui demander. A part ça, quelle heure est-il ?
-L'heure d'y aller, répondit Ron en consultant sa montre.
-Alors on y va.
Harry ramassa rapidement les cartes sur la table et les glissa dans sa poche avant de se diriger vers la sortie de la Salle Commune. Ron et Hermione le suivirent aussitôt.
-A ton avis, pourquoi est-il si en colère contre Dumbledore ? Chuchota Ron à l'oreille d'Hermione.
-Il n'est pas en colère, idiot, rétorqua-t-elle à voix basse. Il est mort de trouille. Est-ce que ça ne se voit pas ?
Elle referma derrière elle le portrait qui gardait l'entrée de la tour.
-Regardez-moi ça, dit la Grosse Dame à son amie Violette en désignant le trio. Sortir à cette heure-ci. Ca va encore me réveiller pour rentrer au dortoir à des heures impossibles.
-Les jeunes d'aujourd'hui ne sont plus ce qu'ils étaient, répondit Violette en lui resservant une tasse de thé.
La Grosse Dame approuva vigoureusement.
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-Ne tiens pas ta baguette comme ça. Elle pourrait te glisser des mains si jamais un sort te déséquilibrait, et tu serais désarmé. Voilà, comme ça c'est mieux.
Harry passait dans les rangs. Il ne s'était toujours pas habitué à ce statut de « professeur ». Mais il s'aperçut que ça lui avait manqué. Aussi épouvantable qu'avait pu être Ombrage, elle les avait poussés à s'unir contre elle et à se retrouver là, ensemble, une fois par semaine. A présent, ils s'alliaient à nouveau contre la menace de plus en plus proche de Voldemort.
« Professeur ».
Harry n'avait jamais pensé à l'éventualité d'en faire son métier, mais maintenant qu'il y pensait… Peut-être… Enseigner à Poudlard ? Quelle idée curieuse. Ce serait abominable de devoir continuer à côtoyer Rogue chaque jour, pensa-t-il avec une grimace. Quoique… L'idée d'être celui qui lui ravirait une fois encore le poste de Défense Contre Les Forces du Mal… Ce serait définitivement très drôle. Il eut un sourire narquois.
-JE TE DIS QUE TU AS TRICHE ! Espèce de… de… DE SERPENTARD !
Harry fut violemment tiré de ses pensées par les hurlements de Seamus. En face de lui, Ambers le regardait avec un sourire ironique.
-« Serpentard », l'insulte suprême, hein ? Evidemment que je suis un Serpentard. C'est écrit sur ma robe.
Ron et Dean attrapèrent chacun Seamus par un bras pour l'empêcher de se jeter sur Willi. Hermione s'approcha d'eux d'un air sévère. Ginny dissimulait un sourire derrière sa main. Harry poussa un profond, très profond soupir. Il ne savait pas si accepter les quatre Serpentards dans l'AD était la meilleure idée qu'il ait eue… Les séances étaient devenues singulièrement animées depuis leur arrivée. Mais il avait été prévenu. Ginny le lui avait dit.
« Ils ne sont pas aimables. Ils ne sont pas serviables. Ils sont froids, calculateurs, et frapper un ennemi dans le dos est une chose qui leur paraît tout à fait naturelle. Ils n'hésitent pas à utiliser n'importe quel moyen pour arriver à leur fin. Ils sont tous intelligents et dangereux. »
« Quelle est la différence avec les autres Serpentards, alors ? Pourquoi veux-tu qu'ils nous rejoignent, dans ce cas ? » Avait demandé Harry.
« Ils ne frappent jamais les premiers » Avait répondu Ginny. « Ils n'attaquent jamais personne gratuitement. Ils se défendent ou ils se vengent. C'est leur règle. Une fois que quelqu'un s'en est pris à eux, ils le classent dans la catégorie « ennemi » et crois-moi, ils ne font pas dans la dentelle. Il ne faut pas les vexer. Jamais. Ils ont tous les quatre un orgueil assez développé, et une fois qu'ils s'estiment insultés, tu peux t'attendre à de très gros ennuis. » Comme Harry ne semblait pas très encouragé par cette dernière phrase, elle avait ajouté : « Tu sais, leur point commun à tous les quatre est qu'ils sont des parias dans la Maison Serpentard. Ils ont refusé les règles imposées par Malfoy, Avery ou Eghert. Ils en subissent les conséquences tous les jours. Et ils se vengent. Ce ne sont pas des tendres, mais nous avons les mêmes ennemis. On ne va pas se jurer une amitié à la vie à la mort, mais on peut conclure à une alliance. »
Alliance. Ambers avait utilisé le même terme quand il s'était adressé à Harry la première fois. Tout le monde s'était mis d'accord pour travailler ensemble. Mais dans la pratique, les choses étaient loin d'être faciles. Les rivalités inter-Maisons avaient la vie dure, et Ambers&co avaient une saleté de fichu caractère.
-Que se passe-t-il ? Demanda Harry à Neville.
-Ambers et Carlt se sont mis d'accord pour s'échanger leurs adversaires au dernier moment, expliqua Neville. Carlt a visé Hannah au lieu de Seamus, et Ambers Seamus au lieu d'Hannah. Du coup, ni l'un ni l'autre n'a vu arriver le coup et ils se sont fait avoir. Je crois que Seamus l'a mal pris.
-On dirait, soupira Harry en regardant l'adolescent qui semblait toujours vouloir étrangler le Serpentard.
-C'est de la triche ! Criait-il. Ils ne respectent pas les règles !
-Quelles règles ? Demanda Ambers avec un calme des plus agaçant. Les Mangemorts eux n'en auront pas.
-Nous ne sommes pas des Mangemorts, remarqua froidement Hermione. C'est justement parce que nous avons des règles que nous sommes différents d'eux.
-Peut-être, mais si vous refusez d'essayer de vous battre contre des adversaires qui ne se battent pas gentiment, le jour où vous serez face à de vrais méchants, vous allez vous faire tuer.
-Ou peut-être pas, interrompit Harry d'une voix ferme. Jusqu'ici, nous sommes bien restés en vie.
Tout le monde se tut et le regarda. Harry fixait Ambers qui lui rendit son regard. Ils restèrent un moment les yeux dans les yeux. La tension dans la pièce dans la pièce était de plus en plus perceptible. Personne ne savait exactement comment l'un ou l'autre risquait de réagir. Même Seamus semblait calmé. Il y avait un certain défi dans les yeux d'Harry. Si Ambers se vexait…
Mais il ne paraissait pas le moins du monde énervé par l'intervention d'Harry. Il n'arborait pas non plus son habituel sourire ironique. Il hocha la tête avec gravité.
-Ou peut-être pas, approuva-t-il.
Harry essaya de ne pas montrer sa surprise. Il s'était attendu à un affrontement. Décidément, ces Serpentards n'avaient pas fini de l'étonner. Il sourit.
-Mais tu as raison, dit-il d'un ton plus détendu. Il faut qu'on se mette dans des situations un peu plus réalistes. Je vais y réfléchir, mais d'ici là, les règles de nos duels ne changent pas.
Ambers hocha à nouveau la tête. Même Ginny ouvrait des yeux grands comme des soucoupes. Elle n'avait jamais vu Willi tolérer ainsi l'autorité de qui que ce soit. La séance s'acheva dans la confusion générale. Les élèves commentaient l'incident à voix basse. Nombre d'entre eux se demandaient ce qu'Harry pouvait entendre exactement par « des situations plus réalistes ». Hermione dû rappeler plusieurs fois à l'assemblée qu'il valait mieux éviter de se faire remarquer dans les couloirs à une heure pareille.
Lorsque les Gryffondors arrivèrent au portrait de la Grosse Dame, celle-ci les fixa d'un œil sévère, quoique passablement endormi.
-Je vous prévient, grogna-t-elle au milieu d'un bâillement, la prochaine fois j'irais dormir chez Violette et vous resterez dehors.
Sur ces mots, elle daigna enfin leur ouvrir. Les Gryffondors échangèrent des regards inquiets. Ils allaient devoir trouver un moyen d'acheter les bonnes grâces du portrait s'ils ne voulaient pas dormir dans le couloir, la prochaine fois.
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-Harry ? Demanda innocemment Hermione.
-Oui? Répondit ce dernier en tentant d'accélérer le pas.
Mais Hermione l'arrêta de la main pour l'empêcher de s'enfuir trop loin.
-Dis-moi, tu n'avais pas prévu d'aller discuter avec le professeur Lein, après le cours ? Une vague histoire de devoir que tu dois rendre avant Noël et dont tu n'as pas écrit le premier mot ?
-Ah, ça… Euh… J'avais oublié. Peut-être… La prochaine fois ? Tenta-t-il.
Mais Hermione lui désigna avec sévérité la salle de classe où Lein était encore en train de ranger ses affaires. Harry, poussa un profond, très profond soupir, et jeta un regard noir à son amie avant de retourner dans la salle de défense contre les forces du mal. La vieille dame venait de fermer son sac et était sur le point de partir.
-Professeur… Euh… Je voulais…
-Oui, Harry ? Demanda-t-elle avec un sourire aimable.
-C'est juste… J'aurais des questions. A propos d'un élève. Que vous auriez eu. C'est vrai que vous avez déjà enseigné à Poudlard, avant ?
Il espérait vaguement qu'elle répondrait non et qu'il pourrait retourner dans son dortoir après s'être excusé de l'avoir dérangée.
-Oui, dit-elle en le regardant avec perplexité. Mais c'était il y a longtemps, et j'ai eu beaucoup d'élèves, tu sais.
-Celui-là, si vous l'avez connu, je crois que vous devez vous en souvenir, insista-t-il à regrets. Il s'appelait Jedusor. Tom Elvis Jedusor.
Elle s'en souvenait sans le moindre doute possible. Car l'expression de son visage devint brusquement plus sérieuse, et elle dit d'une voix un peu sèche :
-Je vois. Mieux vaut aller dans mon bureau.
Il la suivit sans discuter. Il était curieux de voir son bureau. Il avait souvent au l'occasion de le visiter lorsqu'il était occupé par ses prédécesseurs, et c'était à chaque fois assez révélateur de la personnalité de l'occupant.
Lorsqu'elle ouvrit la porte, il ne put s'empêcher de sourire. Cela rappelait tellement la maison de Mrs Figg… La pièce ressemblait à un salon de vieille dame en pantoufles. Il y avait des photos accrochées un peu partout, elles étaient remplies de gens souriants qui leur faisaient des signes de la main. Il y avait un petit napperon sur le bureau impeccable, des étagères pleines de vieux livres, et quelques pelotes de laine dans un coin. Il y avait même un chat. Il bondit du panier à laine à leur arrivée et vint se frotter en ronronnant contre les jambes de sa maîtresse. Elle lui accorda quelques caresses avant d'offrir une chaise à Harry.
-Voudrais-tu un peu de thé ? Proposa-t-elle en s'asseyant elle-même.
Harry accepta volontiers, et Iora Lein conjura une théière, deux tasses et des petits gâteaux. Pendant un moment, elle grignota les gâteaux et sirota son thé en silence, comme pour rassembler ses pensées. Harry préféra ne pas l'interrompre. Il s'installa confortablement dans le fauteuil et but son thé tranquillement. Il commençait presque à oublier pourquoi il était là et à se sentir bien quand elle reposa sa tasse et commença à parler.
-Je me souviens d'Angela, dit-elle d'une voix un peu lointaine. Je m'en souvient très bien, en fait. Une excellente élève, préfète-en-chef, toujours sage et consciencieuse.
-Euh… Professeur… Interrompit Harry. Ce n'est pas de ça que…
-Il faut commencer au commencement, Harry. Angela, vois-tu, étais la mère de Tom. Elle était la fille unique et la seule héritière d'une famille très respectée, les Winterlost. Des gens riches et arrogants. Je me souviens d'elle. Elle était de la maison dont j'étais directrice à l'époque, Serdaigle.
-Serdaigle ? Mais… Mais c'était l'héritière de Serpentard, non ?
-Oui, en effet, approuva-t-elle. Cependant, le choixpeau ne place pas les gens en fonction de leur ascendance mais de leur caractère. Angela était Serdaigle. Sérieuse, appliquée, travailleuse. Respectueuse envers tout le monde. Jamais un mot plus haut que l'autre. Toujours lisse, lisse comme un miroir. Mais à l'intérieur…
Elle s'arrêta et considéra Harry quelques secondes.
-Il y a quelque chose que je doit te dire, et que je te demande de ne pas raconter… En tout cas pas à n'importe qui. Je suis empathique.
Harry la regarda comme si elle venait de lui tendre un roman entier écrit en runes. Lein eut un léger sourire.
-L'empathie est un pouvoir qui permet de partager les émotions des autres, expliqua-t-elle.
-Oh… Fit Harry en fronçant les sourcils. Comme la legilimentie ? Vous pouvez lire dans les esprits ?
-Pas tout à fait, corrigea-t-elle, les sourcils légèrement froncés. Je ne peux pas « voir » ou « lire » ce que tu penses, Harry. Mais si tu es triste ou heureux, je le saurais, même si tu es très doué pour faire semblant. L'empathie est un don assez rare, comme être metamorphmagus ou voyant, par exemple. Il permet de faire très naturellement ce que les autres sorciers ne pourraient faire qu'avec des sorts ou des potions très puissantes. J'ai donc su ce qu'il y avait dans la tête d'Angela, même si elle s'appliquait beaucoup à avoir l'air d'aller bien. Elle était ce que j'appelle une Tempête Silencieuse. En surface, on ne peut rien voir. Mais à l'intérieur, c'est comme… une plaine aride battue par les vents. Un tourbillon terrible et mortel. J'étais la seule à savoir que la petite Angela étouffait ses cris de révolte, alors qu'elle rendait ses excellents devoirs avec une régularité mécanique.
Harry ne savait pas trop où tout ça pouvait bien le menait, mais il écoutait sans plus interrompre son professeur.
-Je l'aimais, cette petite jeune fille, vois-tu, Harry, poursuivit Iora Lein avec une profonde nostalgie. Elle avait froid comme seul peut avoir froid un enfant qui n'a jamais été aimé. Et elle retournait chaque été dans la maison glacée des Winterlost, sans se plaindre à personne, comme si elle n'était pas désespérée par ce vide abyssal qu'était sa vie de famille… Un jour elle est venue me voir dans mon bureau, juste avant de quitter Poudlard à la fin de sa septième année. Pour me dire au revoir, disait-elle. J'ai compris tout de suite que je ne la reverrais plus. Elle était fiancée à un homme riche, noble, et bien plus vieux qu'elle. La douce, l'obéissante petite Angela. Elle n'est jamais venue aux noces. Elle est partie, partie sans rien emporter. Ses parents étaient fous furieux. Ensuite, pendant très longtemps, plus personne n'a entendu parler d'elle dans le monde des sorciers. Ce n'est que bien plus tard que nous avons appris ce qu'elle était devenue.
-Elle a épousé Tom Jedusor, mais il l'a chassée quand il appris qu'elle était une sorcière, et elle est morte en mettant au monde le pire sorcier qu'ait vue l'humanité, compléta Harry d'une voix tendue.
-Oui. Angela était une fille bien. Elle méritait tellement mieux.
Elle secoua doucement la tête avant de reprendre son récit. Le chat bondit sur ses genoux et elle plongea sa main dans sa fourrure.
-Onze ans plus tard, Tom est entré à Poudlard. Personne ne savait qu'il était le fils d'Angela. Tout le monde pensait qu'il était simplement un enfant de moldus. J'ai sentit, dès la première fois où je l'ai vu, qu'il attendait beaucoup de ce monde de la sorcellerie qu'il découvrait. Jusque-là il n'avait jamais rien eu, ce monde serait celui où il aurait tout. Mais il a été déçu assez rapidement sur ce point. Il a été envoyé à Serpentard, vois-tu. Or rien n'est plus important à Serpentard que la famille. Et lui n'en avait pas. Il ne pouvait, par conséquent, y être toléré comme un meneur. Et il refusait le rôle de second. Les premiers mois ont été assez pénibles, pour lui, je crois. Les Serpentards n'aiment pas ceux qui ne savent pas rester à leur place.
Elle soupira.
-J'aurais dû comprendre, à l'époque, combien tout cela était dangereux, reprit-elle. Car il avait hérité de sa mère une grande intelligence, et une parfaite maîtrise de lui-même. Il devint très vite le meilleur élève de l'école, très bien noté, sage, mesuré, respectueux, obéissant. Personne n'avait vu, autrefois, la tristesse et la révolte qui habitait sa mère. Personne ne vit non plus quel décalage effrayant existait entre les charmants sourires de ce garçon et son terrible désir de revanche. Personne à part moi, naturellement. Mais on ne peut accuser quelqu'un sur des émotions qu'il n'exprime même pas…
-Mais il a finit par savoir qui étaient ses parents, n'est-ce pas ?
-Oui, poursuivit le professeur de sa voix calme. C'est une des premières choses qu'il a cherché à découvrir lorsqu'il est arrivé à Poudlard. Il était orphelin, et comme tout les orphelins, je suppose, il se rêvait une famille merveilleuse…
Harry bougea sur son fauteuil, mal à l'aise. Il avait soudain la vision d'un enfant recevant la lettre de Poudlard, qui ouvrait grand les yeux pour être sûr d'être bien réveillé. Un enfant qui rêvait. Et qui lui ressemblait étrangement.
-Enfin, « merveilleuse »… Tout cela est très relatif, naturellement, continua Lein d'une voix plus dure. Il était à Serpentard. Les références en termes de « grandes » familles y étaient assez particulières : Noblesse, richesse, puissance. Rêver ne lui suffisait pas, cependant. Il lui fallait une ascendance qu'il puisse prouver pour pouvoir s'en vanter devant les autres Serpentards. Il n'a pas eut de mal à retrouver son père, qui portait le même nom que lui. Un été, il s'est même enfuit de son orphelinat pour aller le voir. Comme il avait utilisé la magie pour le faire, il a faillit être renvoyé de Poudlard. Mais c'était un excellent élève, et les circonstances étaient particulières. Le Ministère lui a accordé le bénéfice du doute, à la demande du corps enseignant. Tout le corps enseignant, excepté Albus et moi…
-Dumbledore non plus ne lui faisait pas confiance, dit Harry.
Il revit le visage du Tom de seize ans qu'il avait rencontré en deuxième année. D'apparence si aimable, charmante et naturelle. Mais il n'avait jamais pu tromper Dumbledore. Iora Lein eut un petit sourire affectueux à la mention de son ami.
-Albus, bien que n'étant pas empathique, a toujours eu une grande finesse, dit-elle. Je ne l'ai jamais vu se tromper sur qui que ce soit. Il était inquiété par Tom dès le début. De plus, je lui avait fait part de mes propres doutes. Si seulement l'enfant n'avait pas été si intelligent, il aurait pu s'en sortir. S'il avait pu être prit en faute, ne serait-ce qu'une seule fois, peut-être aurait-il compris qu'il ne pouvait manipuler le monde à sa guise. Mais ce n'est jamais arrivé. Le pire est arrivé lorsqu'il a retrouvé l'origine de sa mère. Une sorcière, ainsi qu'il l'avait tellement espéré ! Une sorcière de noble famille, de sang pur ! L'héritière de Salazard Serpentard. Il ne l'a pas clamé sur tous les toits, bien sûr, mais il a laissé le bruit courir dans sa Maison. C'était suffisant. Il a de cette manière gagné le respect de ses condisciples. Voire même, de la part de certains, un dévouement quasi fanatique. Il avait un tel talent pour séduire et convaincre... Il n'a eu aucun scrupule à s'en servir. Presque chaque fois qu'un coup tordu impliquait des Serpentards, il en était à l'origine. Mais nous n'avons jamais rien pu prouver contre lui. Il était bien trop doué pour se laisser prendre.
-Comme lorsqu'il a ouvert la Chambre des Secrets, murmura Harry pour lui-même.
-Je n'étais pas là, répondit Lein d'un ton fatigué. Je suis partie à la retraite avant ça. Il devait être en troisième ou quatrième année quand j'ai quitté l'école. Mais j'ai su ce qui s'était passé par Albus. Je n'étais pas étonnée. Pour moi qui pouvait voir à travers lui, cet enfant était terrifiant.
Elle marqua une pause. Elle caressait doucement son chat, perdue dans ses pensées.
-Tu vois, Harry, dit-elle très bas, quand on est professeur, quand on a entre ses mains des enfants de onze ans et qu'on est chargé de les éduquer jusqu'à l'âge de dix-huit ans, on se sent nécessairement en partie responsable de ce qu'ils deviennent. Nous n'avons rien pu faire pour Angela. Nous n'avons rien pu faire pour Tom. Nous n'avons rien pu faire.
-Vous en parlez comme si c'était une victime, protesta Harry, tendu. Comme si ce n'était pas sa faute.
Elle eut un mince sourire.
-Tu as raison, confirma-t-elle. C'est sa faute. Mais ça ne signifie pas qu'il n'y aurait pas pu y avoir d'autres voies. Il y a toujours d'autres voies. Et lorsqu'on est une vieille personne, on se demande parfois stupidement ce qui se serait passé si on avait agit différemment. Des pensées peu utiles et déprimantes je le sais, cependant il est parfois difficile d'y échapper.
Si les choses avaient été différentes… Si d'autres choix avaient été faits, d'autres voies empruntées… Si, si, si… Harry hocha la tête, et la remercia. Il se leva pour quitter le bureau, mais avant qu'il ait atteint la porte la voix de Iora Lein l'arrêta.
-Tu es troublé, Harry, dit-elle d'une voix posée.
Il ne savait pas trop si cette phrase le soulageait ou le mettait formidablement en colère. De quel droit se mêlait-elle de ça ? Il resta quelques secondes sans répondre, essayant de calmer la confusion dans sa tête.
-Je lui ressemble, dit-il enfin.
-Non, affirma-t-elle.
-Je l'ai rencontré, répliqua-t-il. Je sais de quoi je parle.
Iora Lein fit descendre doucement son chat de ses genoux, se leva et alla se mettre face à Harry. Elle était un peu plus petite que lui, mais il se sentait subitement minuscule sous son regard. Minuscule et nu. Comme si elle ne regardait pas son visage, mais derrière son visage. Ce qui était probablement le cas, d'ailleurs.
-Non, répéta-t-elle calmement. Tu n'as pas idée à quel point tu es différent de Tom.
-Vive l'amour et tout ça, hein ? Fit Harry avec une ironie amère. Alors dites-moi ce que je dois faire pour le vaincre : lui envoyer une carte pour son anniversaire ? Des fleurs, des chocolats ? Dites-moi comment l'amour peu être un pouvoir contre Voldemort.
-Est-ce toi qui demande cela ? Lui reprocha-t-elle avec un sourire triste. Toi qui est en vie grâce à l'amour de ta mère ?
Harry se mordit les lèvres. La culpabilité vint se mêler au brouillard de ses émotions.
-Pourquoi moi ? Demanda-t-il d'une voix rauque. Pourquoi moi ? Tout ce que je peux faire contre lui c'est courir le plus vite possible, et encore. Je ne suis pas particulièrement doué. J'ai seize ans, j'ai vu ce que Voldemort pouvait faire à seize ans, je ne saurais pas en faire la moitié. Il a des pouvoirs contre lesquels je ne peux rien faire. Même Dumbledore n'a pas réussit à le tuer, bon sang ! Comment est-ce que moi je pourrais faire quelque chose ?
Il se sentait tellement mal à l'aise sous ce regard qui voyait il ne savait pas quoi. Est-ce qu'elle ne pouvait pas arrêter de le regarder ?
-Tu n'as pas idée, dit-elle doucement. Tu ne sais pas. Tu ne vois pas le monde comme moi je le vois. Tu vois Voldemort comme un homme redoutable, fort, puissant, mais en vérité ce n'est qu'un enfant pitoyable. Partout où il pouvait se tromper dans sa vie, il s'est trompé. Tu t'es trouvé confronté pratiquement aux mêmes choix, aux mêmes difficultés. Et partout où il s'est trompé, tu t'es montré incroyablement brillant. Tu es une personne exceptionnelle, Harry Potter. Je n'ai jamais rencontré personne de plus exceptionnel que toi durant ma vie entière, et Merlin sait qu'elle a été longue.
Harry recula d'un pas.
-Vous vous trompez sur moi, murmura-t-il.
-Je ne me trompe pas sur ce qu'il y a dans le cœur des gens, assura Lein avec sérénité. Je ne peux pas te dire ce qui arrivera, mais je peux te dire que le moment venu, tu feras le bon choix.
Sa confiance était telle, et Harry se sentait tellement faible et ridiculement stupide et spectaculairement loin de l'image qu'elle semblait avoir de lui, qu'il ne put s'empêcher de baisser les yeux et de s'enfuir. Faire le bon choix ! Qu'est-ce qu'elle en savait ? Comment pouvait-elle le croire sans savoir ce qui arriverait, et ce qu'il ferait, comment elle pouvait penser ça alors qu'il n'avait jamais été fichu de réfléchir correctement face à Voldemort ? Comment pouvait-elle croire à son jugement alors que dans sa grande imbécillité il avait provoqué la mort de Sirius ?
Il en avait voulu à Dumbledore de l'avoir traité comme un enfant et ne pas lui avoir fait confiance. Maintenant il était désespérément en furieux contre Lein, parce qu'elle l'obligeait à porter une confiance qui était beaucoup, beaucoup trop lourde pour lui.
Il s'arrêta au milieu du couloir, le souffle court. Il s'était crut un homme. Il s'était crut fort, en tout cas plus solide que la moyenne des gens normaux, parce qu'il avait affronté des choses que personne avant lui n'avait affronté. Mais en fait, il n'était qu'un gamin. Un gamin qui courait n'importe où pour ne pas avoir à regarder la vérité en face. Un gamin qui était finalement moins fort qu'il ne le croyait. Qui avait perdu Sirius.
Dumbledore.
Dumbledore aussi était moins fort qu'il ne le croyait. Dumbledore non plus n'avait pas sauvé Sirius. Dumbledore avait commis des erreurs et c'était absurde, et irréel, et impensable, parce qu'il ne commettait jamais d'erreur. C'était comme ça, toujours comme ça, Harry était brave, et Dumbledore était là au bon moment, et tout le monde était sauvé alors pourquoi ça n'avait pas marché cette fois-là, pourquoi ?
-Un problème, gamin ? Demanda le portrait d'un vieux bonhomme d'un ton bourru.
-Nan ! Rétorqua Harry.
Non, il n'avait aucun problème, mis à part celui de s'appeler Harry Potter, qu'est-ce qu'il lui voulait celui-là ? Le portrait haussa les épaules.
-Quand mon fils répond non de cette façon là, déclara-t-il avec ennui, ça veut dire oui-il-y-a-un-problème-mais-je-te-le-dirais-pas-t'as-qu'à-deviner-tout-seul. Les enfants sont fatigants. Ils prennent leurs parents pour des surhommes. Laisse-moi te dire, gamin, y a rien de plus épuisant que de faire semblant d'être un surhomme.
-A qui le dites-vous, soupira Harry en se laissant tomber contre le mur de pierre.
-T'es pas un peu jeune pour avoir des enfants ? Grogna le portrait.
-Je suis jeune pour beaucoup de choses, répliqua Harry d'un ton fatigué, les yeux obstinément fixés sur les dalles du sol.
-Ah, je vois le tableau, répondit le portrait d'un air entendu. Laisse-moi te dire une chose, gamin. Dans la vie on est toujours « trop truc », « pas assez machin ». Arrête de t'emmerder avec ça. On fait ce qu'on peut, point. De toute façon, comment on pourrait faire plus que ce qu'on peut ?
Harry ne trouva rien à répondre à un logique pareille.
-C'est ce que je dis toujours à mon fils, poursuivit le portrait. Faut avoir pitié de ses parents, ils font pas un boulot facile et y a pas de mode d'emploi livré avec le gosse. Bien obligé d'improviser, et forcément, des fois, on se plante. Mais bon, on fait ce qu'on peut. Enfin, il faut que j'y aille. Ravi de t'avoir connu, bonsoir chez toi et tout ça.
Le vieux bonhomme le salua et partit vers un autre tableau. Harry le regarda s'éloigner. Il était fatigué des pensées qui se bousculaient dans sa tête. Il savait qu'il devrait aller voir Dumbledore, qu'il aurait dû aller le voir depuis des mois. Mais il préféra aller se coucher. Mais s'il avait peu de chances de bien dormir cette nuit.
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Fin du chapitre
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Rah ! Enfin ! J'ai cru que j'y arriverais jamais. Entre les partiels et la perte cruelle de mon ordinateur (paix à son âme), c'est un vrai miracle qu'il soit publié, ce chapitre !
Bon, je vais pas trop m'attarder parce que je devrais être en train de faire autre chose que publier, moi. C'est que j'ai un exam demain (encore). Bon, la publication sur twwo patienteras encore un jour. Une, c'est assez dur comme ça.
Réponse aux reviews !
Eriakins : Combien de chapitres ? Euh… En tout ? C'est partit pour faire beaucoup! Mais combien, je sais pas. J'ai fait un planning prévisionnel, mais je ne le suit pas, donc ça ne vous aiderait pas beaucoup. Ce que je peux dire, c'est qu'il reste encore deux ou trois chapitre avant qu'on arrive à Noël (deux ou trois ? °Va vérifier°. Bah, de toute façon j'arrête pas de couper mes chapitres en deux au dernier moment, alors…)
Harry Gryffondor : Saurons-nous qui est la fille qui surveillait Harry ? Oui, bientôt ! Dans deux ou trois chapitre (juste avant Noël, sic). Et en ce qui concerne tes hypothèses… Rah, non, je dirais rien !
Pandoria : Ca me fait plaisir, que tu soit là à chaque fois ! Et oui, on ne l'oublie pas le vieux Rogue, fidèle au poste ! Pas souvent au premier plan, mais toujours là quand même. Pour la rencontre entre Harry et Dumbledore, c'est pour bientôt aussi. Avant Noël. Tout semble devoir se passer avant Noël, en ce moment… Pour le devoir, t'inquiètes. Comme toujours, Hermione veille à ce que toutes les obligations scolaires soient dûment remplies. Il ne va pas s'en tirer si facilement, l'ami Harry. Pour les chapitres, tant mieux si tu supporter d'attendre un peu, parce qu'en ce moment, eh bien… Je ne suis jamais à l'heure.
Aulandra17 : Merci. Comme tu peux le constater, ce n'est pas la peine de surveiller si souvent que ça parce que je n'update pas vraiment très souvent… °Amira désespérée par le travail en retard°.
Yaotzin83 : T'inquiètes pas, j'apprécie toutes les observations, surtout que celles que tu as fait sont justes. En ce qui concerne Dumbledore, c'est vrai qu'il paraît plus faible qu'avant. Je me le suis permis parce que JKR mentionne plusieurs fois le fait qu'il est vieux et fatigué. De plus, il est vrai que Voldemort craint Dumbledore, mais Dumbledore n'a jamais put non plus vaincre Voldemort, il est puissant mais pas invincible. Et je l'ai montré ainsi pour accroître la tension à laquelle est soumise Harry (attention, auteur sadique °Niahaha !°) , et aussi pour l'obliger à devenir adulte. Notre cher petit héros est en train de perdre joyeusement tous ses repères. Il va devoir regarder certaines choses en face. Ceci dit, pas d'inquiétudes, Dumby aura encore ses heures de gloire.
Pour l'univers qu'on ressent moins… Ah, oui, je sais. Vais essayer de faire un effort. Mais je promet rien. En fait, le truc c'est que je n'ai pas le même style d'écriture que JKR. Elle décrit tout, tout le temps, donne une foule de petits détails ici et là sur les choses et les gens, et c'est pour ça que son univers est si magique… Moi je suis plutôt dans le monde des émotions que celui de la réalité tangible. Question de caractère. D'ailleurs, tu as pu remarquer que je ne donne aucun détail sur l'apparence physique des personnages, seulement sur leurs actions et leur personnalité (sauf nécessité particulière pour l'histoire). Personne ne sait donc si Sophia est blonde ou brune, même pas moi. A vous de choisir.
Océane : Je suis content que mes nouveaux personnages te plaisent. C'est toujours compliqué à faire. Il ne faut pas qu'ils arrivent n'importe comment ni qu'ils fassent n'importe quoi. J'ai essayé d'éviter la Mary Sue. Et aussi la nouvelle élève qui arrive de Beauxbatons ou Durmstrang. Ca me paraissait moins risqué de faire comme si ces personnages avaient toujours été là, derrière le décors, mais que simplement on ne les avait encore jamais vus.
Sassy : Rivale de JK ? Lol, j'aimerais bien ! Je suis très contente que ma fic t'aie autant plue.
J'oublie pas quelque chose, moi ? Ah, si, les résultats du vote. Vous êtes majoritairement pour les longs chapitres même s'il faut les attendre. Je crois que je vais continuer comme ça.
Le prochain chapitre risque d'être un peu long à arriver, pour cause d'une douzaine de partiels. Mais je vous oublie pas, promis !
A plus,
Amira
