Les liens qui durent
Il était presque trois heures de matin quand Remus retourna vers son appartement. Ses pas résonnaient dans les anciens couloirs quand il marchait. Même dans des moments comme celui-là, quand il était tellement fatigué que ses paupières se fermaient, il adorait Poudlard. Le vieux château représentait pour lui tout ce pour quoi ils combattaient : la liberté, le bonheur et bien sûr l'amitié. Tout ce qui comptait dans sa vie ou presque venait de cette école. Les meilleurs amis qu'il avait la chance d'avoir et les merveilleux étudiants que Albus Dumbledore lui avait confié. Ses souvenirs du passé et le présent se mélangeaient parfois et il avait l'impression dans ces moments là que s'ils fermaient les yeux il aurait de nouveau dix-huit ans.
« Vous savez » disait Peter « On devrait vraiment dormir. Demain est quand même un jour important »
Sirius riait « C'est juste la remise des diplômes Queudever. Et puis faudra mieux être endormi pour supporter le discours de James ! »
« Hé ! » Sa dernière remarque lui value un coup de coude dans les côtes. Tous rirent. Remus se tourna vers son ami, le préfet en chef et le capitaine de Quiddich.
« En parlant de discours, où est notre préfète en chef ? » demanda-t-il. Voir James seul devenait un évènement rare.
« Elle dort » répondit James avec un petit sourire (un peu bête). Même s'ils s'étaient habitués à la passion de leur ami pour sa fiancée, personne ne pouvait s'empêcher de le titiller. Tous auraient pu le faire mais Queudver fut cette fois le plus rapide :
« Ah Cornedrue…tu ne voulais pas réveillée cet ange, n'est-ce pas ? »
James essaya de lui lancer un regard noir mais sans y arriver. Il haussa ses épaules. « Non, je pensais seulement que ce soir nous devions être entre nous, entre maraudeurs. Ensemble à Poudlard comme au début. Une dernière fois »
« Demain change tout » acquiesça Sirius, plus solennel que d'habitude. Remus savait que Sirius pouvait être sérieux – une blague qui avait déjà paru éculée à la fin de leur premier trajet dans le Poudlard Express. Mais c'était rare. Ce soir, dans le souterrain derrière le miroir du quatrième étage, ça sonnait juste.
Une grande émotion soudaine saisit leur petit groupe quand les quatre garçons ressassèrent les paroles de Sirius. Demain c'était la remise des diplômes et Sirius avait raison. La fin de leurs études changeait tout. Bien sûr leur amitié allait continuer. Mais ça allait ressembler en quelque sorte à des vacances d'été sans fins. Ils allaient rentrer dans leur famille ou peut-être aller habiter seuls. Mais ce ne serait jamais plus comme avant. Jamais plus ils ne partageraient le même dortoir et partager tous les moments de leur vie. Jamais plus ils ne prendraient tous leurs repas en commun. Ils ne déclancheraient plus des batailles de nourriture juste pour voir ce que le professeur McGonagall allait faire. Jamais plus ils n'utiliseraient la cape d'invisibilité de James pour sortir en cachette la nuit. Ils seraient maintenant des adultes et ils ne seraient plus soumis aux règles de Poudlard. Ils allaient être libres.
Cette liberté leur parût un peu effrayante à ce moment là.
« Nous savons que, où que nous soyons, il y a une chose qui ne changera jamais », continua James. « Nous serons toujours amis »
« Des frères », ajouta Peter immédiatement.
« Quoi qu'il arrive », confirma Remus.
« Quoi qu'il arrive », répéta James. « Nous serons toujours là les unes pour les autres »
« Même à trois heures du matin », ricana Sirius. Il avait toujours détesté être réveillé, même pour faire des mauvais coups – sauf, bien sûr, s'il était le chanceux qui devait réveiller les autres. Dans ces cas là, il rayonnait. James continua sans lui attention, même s'il avait l'air moins à l'aise.
« Bien sûr, ce que nous sommes ne peut pas être dit avec des mots… mais j'ai voulu essayer. Alors, s'il vous plaît, ne vous moquer pas de moi ». Il leur sourit nerveusement. « Je voulais juste trouver un moyen de vous dire ce que ça signifie pour moi… bref, j'ai écrit quelque chose. »
Ils le dévisagèrent. Pendant un moment, il parût clair qu'un d'entre eux allait lancer l'inévitable mot d'esprit. (« James, je ne savais pas que tu avais des lettres ! » par exemple, leur vint immédiatement à l'esprit). Mais c'est finalement le silence qui s'installa. D'une façon ou d'une autre, piques et blagues habituelles n'allaient pas. Ils vivaient un moment d'amitié, d'amour même qu'ils n'avaient pas envie d'abîmer avec une blague ce qu'ils vivaient depuis des années. Jamais auparavant ces quatre garçons n'avaient essayé de mettre des mots sur leurs relations. Mais c'était le dernier moment – demain tout serait différent.
« On t'écoute James » dit Remus avec gentillesse.
James haussa encore les épaules. « Je ne souhaite pas vraiment vous le lire », admit-il avec un sourire timide. Il tendit un morceau de papier à Remus. Ses mouvements étaient rapides, comme s'il craignait de perdre le courage nécessaire pour aller jusqu'au bout. « Voilà. Tu n'as qu'à lire ».
Remus s'exécuta avec le sourire. Quand son cerveau enregistra les mots écrits sur cette page, avec l'écriture irrégulière de James, un frisson parcourut sa colonne vertébrale. Le monde devint un instant complètement silencieux. Leur amitié avait toujours défié toute définition, jusqu'à maintenant. James avait réussi à saisir leur essence même par ces mots. Quelqu'un d'extérieur aurait peut-être eu du mal à comprendre ce que ce court poème signifiait. Mais lui sentait l'émotion pure contenue dans ces quelques lignes.
Il le lit deux fois avant de le passer à Peter en respirant un grand coup. Remus regarda le visage de Peter passer du scepticisme léger à la compréhension profonde. Il vit les yeux de son ami blond courir encore et encore du haut au bas de la feuille. Peu à peu, un sourire illumina son visage. Il passa la feuille à Sirius. Ses yeux bleus avaient une lueur presque inquiétante d'intensite quand il le prit. Sirius était un lecteur plus rapide que Peter. Ses yeux coururent sur la page. Si Remus l'avait moins bien connu, il aurait put croire que Sirius savait déjà ce qu'il y avait sur la feuille. Mais le regard nerveux de James interdisait cette supposition avant même qu'elle puisse s'exprimer. Non, c'était bien le résultat du travail intense de James. Remus pouvait même dire qu'il y avait mis tout son cœur. C'était parfait.
« C'est parfait », murmura Sirius quand il eut fini, reflétant ainsi, sans le savoir les pensées de Remus.
« C'est nous », acquiesça Peter.
Remus hocha la tête. « C'est formidable, James »
« Vraiment ? Vous aimez ? » demanda calmement James. Ca faisait des années que Remus ne l'avait pas vu so nerveux. Il ne l'avait vu, en fait, dans le même état que pendant leur cinquième année, quand il avait pris son courage à deux mains pour demander à Lily de venir en pique-nique avec lui). Ca aurait presque été drôle si ce moment n'avait pas été aussi important pour eux. Pour une fois dans sa vie, les mots manquaient à l'éloquent Remus Lupin pour décrire ce qu'il ressentait.
« C'est parfait, James » répondit Sirius pour lui, en lui rendant sa feuille. Son sourire était douc. « Ca l'est vraiment. Je n'aurai jamais su comment decrire que nous sommes des amis. Le mot n'est pas assez fort. Nous sommes de frères, vraiment. Comme tu le dis, ce n'est pas le sang qui importe. Je ne suis pas assez bon poète, ou assez bon écrivain, pour trouver les bons mots. Toi, tu l'as fait. Je ne sais pas te remercier. »
James le regarda, et Remus et Peter aussi. Ils étaient tellement habitués à le voir rire et se moquer qu'ils avaient tendance à oublier qu'il pouvait être le plus loyal des amis – ou des frères. James sourit doucement.
« En parlant de remerciements », dit Peter, « je ne crois pas vous avoir jamais remercier assez pour m'avoir aider toutes ces années… Je ne veux même pas imaginer ce que je serai si j'avais été dans une autre maison ? Vous, mes amis, m'avaient montré que je pouvais accomplir bien plus que ce que j'avais jamais rêvé. »
Le silence s'installa de nouveau. Ce n'était pas inconfortable, mais c'était quand même un peu curieux. Bien que ces quatre là soient très proches les uns des autres, ils n'avaient pas l'habitude d'abandonner toute prudence et de laisser apparaître leurs émotions. Leur communication habituelle était bien plus subtile. Ils avaient l'habitude de deviner ce que les autres pensaient sans qu'ils aient à le dire. Ces adolescents se voulaient des durs et cachaient leurs émotions. Mais à ce moment là, ça ne comptait plus. Ce qui comptait, dans ce dernier moment, c'était d'être ensemble. Cette liberté d'expression leur paraissait bizarre, même si elle était juste. Mais James avait toujours su régler ce genre de problème. Il esquissa un sourire : « C'est le rôle des amis, Queudever »
C'est alors que Remus avala sa salive. Il y avait autre chose. Ils en avaient déjà discuté, mais il avait quand même besoin de leur dire. Il sentait son cœur battre sourdement dans sa poitrine. Il décida de parler avant de perdre tout courage. « En parlant d'amis », commença-t-il tout doucement, essayant d'empêcher sa voix de trembler. « Je veux vous remercier aussi… d'être mes amis… la plupart des gens ne l'auraient pas fait… vous le savez »
Il n'eut pas besoin de dire pourquoi.
« Mais c'est ce que nous sommes, Lunard, dit aussi doucement Sirius. Il lui tendit la main et Remus la serra. « Tes amis ».
« Tes frères ». James posa sa main sur les leurs.
La main de Peter les rejoignit. « Loyal jusqu'à la fin »
« Jusqu'à la fin » répétèrent-ils en chœur.
De nouveau, le silence régna et Remus pouvait sentir des larmes qui cherchaient à remplir ses yeux. C'était la fin de quelque chose de magique. Même si c'était le début d'autre chose. Demain, tout changerait. Les jours insouciants de leur enfance et de Poudlard étaient bien finis. Ils entraient dans le monde et les routes qu'ils allaient prendre les conduiraient sur des chemins différents. Personne ne pouvait dire ce que serait demain. Personne ne pouvait être sûr de rien. Mais, quoiqu'il arrive, ils resteraient amis, frères, jusqu'à la fin.
Remus sentit une boule se former dans sa gorge alors qu'ils restaient là, assis, en silence. Chacun pensait au passé. Il avait parfois l'impression qu'il les connaissait depuis toujours. D'autres moments lui paraissaient avoir eu lieu demain : leur rencontre dans le Poudlard Express ou le moment où Sirius, James et Peter l'avaient confronté avec le fait qu'ils savaient qu'il était un loup-garou… mais qu'ils en avaient rien à faire. Il se souvenait de la première nuit, pendant la cinquième année, quand ces amis étaient devenus des Animagi. Pour lui. Il avait eu le merveilleux sentiment d'être compris et d'avoir des amis qui le connaissait et l'acceptait pour ce qu'il était. Il se rappelait de blagues mémorables, de désastres – quand Rusard leur avait confisqué la carte des maraudeurs… Il sut que quoi qu'il arrive dans le futur, il se rappellerait toujours ce moment, où ils étaient ainsi assis et silencieux dans le passage secret du quatrième étage, leurs mains serrées. Il ne pourrait jamais l'oublier.
Il ne sut pas combien de temps ils étaient restés avant de se lever, toujours en silence, d'un comment d'accord. Au moment où Peter allait ouvrir le passage, Sirius leva sa main et les arrêta.
« J'ai une idée », dit il impulsivement. Ses yeux brillaient. Avant qu'aucun d'eux n'ait pu réagir, il reprit le papier des mains de James et leva sa baguette. Un instant après, le poème de James était gravé sur le mur pour eux tous et pour l'éternité. Sirius se tourna vers ses amis et rendit la feuille. Il sourit solennellement.
« Au cas où on oublie ».
Remus se figea. Son cœur se contracta. Il n'avait pas oublié. Mais il voulait se souvenir. Sans même prendre consciemment la décision, le directeur reveint sur ses pas et monta rapidement une volée d'escalier – assez poli pour arrêter de bouger pour le laisser passer. C'était un des avantages liés à sa fonction de directeur – le château était un peu plus complaisant avec lui. En quelques pas rapides il fut devant le miroir du quatrième étage, et toute la fatigue qu'il ressentait s'était envolée. Chaque pas avait ramené un souvenir. Il tourna dans un couloir qu'il connaissait bien, il était arrivé Il se tint ainsi devant le miroir un moment, se rappelant toutes les fois où lui, James, Peter et Sirius s'étaient engouffré dans ce passage pour se cacher de Rusard ou de son insupportable chatte, ou pour sortir en cachette de Poudlard alors qu'ils n'avaient pas fini leurs devoirs. A ce moment là, pensa-t-il, tout était à nous.
Le directeur leva la baguette et dit le mot de passe « Abscondum ».
Le miroir s'ouvrir et Remus s'engagea dans le passage. Il n'y était pas venu depuis des années mais, à l'aspect du tunnel, il pouvait dire que quelqu'un d'autre était venu. Il devait savoir. Ca devait être les jumeaux Weasley – ils étaient toujours en train de faire des bêtises. Mais il n'était pas là en tant que directeur. Les blagues et les manquements au règlement lui importaient peu. Ce soir, c'est Lunard qui était là. Pour une fois.
Il laissa le miroir se refermer doucement derrière lui, les yeux rivés sur le mur opposé. Pendant un moment, son cœur se serra dans sa poitrine, il eut peur que le poème ait pu s'effacer. Mais en s'habituant à l'obscurité, il put distinguer quelque chose. Il leva sa baguette et murmura un charme qui l'éclaira. Il s'approcha jusqu'à ce qu'il soit devant le poème de James. Il n'était plus revenu ici depuis la nuit de la remise des diplômes, mais toutes ses émotions d'alors l'assaillirent. Avalant difficilement sa salive, il lut les mots :
« La vraie amitié ne meurt jamais vraiment
Une famille est plus que des liens de sang
Ses liens sont si forts qu'ils ne peuvent se briser,
Si forts qu'ils ne peuvent s'amoindrir,
Si forts qu'ils ne peuvent être remis en cause
Par les erreurs et le chagrin…
Nous sommes des frères, nous le resterons
Loyal les uns envers les autres jusqu'à la fin…
Quoiqu'il arrive entre aujourd'hui et ce moment là,
Je serai toujours redevable d'avoir de tels amis. »
James avait redit ces mots aux funérailles de Sirius, puis dernièrement lors de l'anniversaire de sa disparition. Quand les trois derniers maraudeurs s'étaient réunis malgré les chemins différents qu'empruntaient leurs destins. Lorsque James avait écrit ce poème, Remus savait qu'il n'avait jamais même envisagé qu'un d'entre eux leur soit si cruellement arraché. Mais c'était arrivé. Sirius avait disparu. Remus essaya de respirer profondément mais sa poitrine n'arrivait pas à le laisser inspirer. La perte et le chagrin le brûlaient toujours. Il mordit sa lèvre de regret mais il sentit un sourire se former sur ses lèvres. A coté du texte de James, Sirius avait seulement ajouté : Lunard, Queudever, Patmol, Cornedrue.
Il refoula ses larmes et s'agenouilla près de l'inscription. Sans plus réfléchir, il passa sa baguette dans sa main gauche et tendit les doigts tremblants de sa main droite vers le troisième nom. Le Loup-garou prit une grande inspiration. « Je n'oublierai pas Patmol » murmura-t-il. "Ni moi, ni aucun de nous".
Note de la traductrice: Ensuite retour sur Harry et ses nouveaux amis… Dès que j'ai le temps!
