Reviewer's corner :
Shani : D'abord, je voulais juste te dire que tu m'inquiètes vraiment à chanter tout le temps les Choristes (il t'as marqué tant que ça, ce film ???), ensuite que tu peux transmettre une baffe à Zénon de ma part pour son inaptitude à ne pas comprendre le second degrés (parce qu'évidemment : je ne te hais point…), et dernièrement, je te souhaite un bon voyage vers l'Ouest (si tu croises les bishous dans l'avion, tu peux me les envoyer aussi ) !!!
Fanny : Oui, oui, j'ai un Mac (et d'ailleurs mon chat aussi le trouve très beau, il arrête pas de lui faire des calins…bizarre…). Mais tu vas être déçue, pour le côté amour perdu, parce que Hakkai est plus perdu, là ! (et, oui, Mellyna me l'a enfin rendu !) Donc voilà la suite, j'espère que tu aimeras…
Mellyna : (tend l'accusé de reception pour le youkai aux yeux verts et l'enferme à double tour dans sa chambre) Merciiiii ! J'aurais pas pu finir le chapitre sans lui, ça aurait été dommange, hein ? (air angélique) P.S Il va mieux ton ordi ? C'était pas trop grave son virus ?
Gabrielle : Mon éternelle pourvoyeuse de courage ! Merci encore ! Je m'en voudrais presque de te priver d'un lemon…(mdr, seulement « presque » malheureusement…).
PS : Y'a quelqu'un qui saurait où je pourrais trouver une translation/traduction de Bus gamer, de préférence en anglais ou français (ou allemand, pourquoi pas… ou même italien, en désespoir de cause…) ?
En tout cas, bonnes fêtes de fin d'année à tout le monde ! Amusez-vous bien et profitez bien de vos vacances ! Sur ces paroles de sagesse… Ja nee !
Et oui, c'est la fin, snif…
################### part 3 : « New Deal. »
Comme c'est vrai…. On ne sait jamais sur quoi on peut tomber… C'est à ça que Gojyo pensait en quittant la maison dans la forêt…
La nuit où il avait trouvé Hakkai, il ne se souvenait plus du tout des prédictions des cartes. Ce soir-là, tout était gris : aussi bien le rideau de la pluie qui tombait que la nuit silencieuse. Il marchait comme noyé dans le brouillard de ses pensées.
Et tout à coup, Il était là. D'abord, Gojyo avait simplement cru qu'il s'agissait d'un cadavre. Mais quand vous avez déjà vu un jour le cadavre de votre « mère » adorée, comment pourriez-vous être impressionné par celui d'un parfait étranger ? Il s'approcha encore. Et le fixa. Un autre être humain…De son âge, à peu près… Le kappa le regarda de la façon dont on contemplerait la vision de sa propre mort en celle d'une personne qui aurait très bien pu être soi…
Est-ce que je vais mourir aussi, si tu meurs ? lui vint l'étrange pensée. Il n'osa pas l'exprimer à voix haute. Il se contenta de pousser légèrement le corps du pied. Et de pâles paupières s'ouvrirent, révélant de sombres émeraudes au lieu de deux iris. Aussi soudainement qu'un coup de tonnerre, tout était différent. Il y a quelques secondes, il était toujours confiné dans les limites de son propre rouge, et tout à coup, dame Fortune lui offrait une nouvelle couleur à considérer…Du vert. Malgré l'obscurité, il l'avait bien noté. Parce qu'il regarda ce vert avec grande intensité. Quelque chose dans cette couleur verte troublait son esprit. Pourtant, il ne se rappellerait la prédiction des cartes qu'au cours des longs jours, des longues heures, au chevet du dormeur. En attendant qu'il ouvre encore une fois encore ses yeux…
Complémentaires. C'est vrai qu'ils l'étaient. Pas seulement en couleur. Antagonistes au point que c'en était presque drôle, même. Au point que les gens se retournaient souvent sur leur passage pour les fixer, lorsqu'ils étaient ensemble. Au point que la présence de l'autre dans les parages relevait du même type de certitude que celle d'avoir ses deux mains. Au point que le besoin de l'Autre en devenait parfois douloureux.
oOoOoOo
Et tout à coup, sur ce chemin désolé et boueux, tu te surprends à suivre comme un limier les empreintes presque invisibles de celui qui est parti, respirant l'air frais et humide comme si tu pouvais y déceler son odeur… Là, tu te prendrais presque pour un chasseur. Mais cet instinct n'est pas simplement guidé par la faim. Pourtant, tu as la sensation qu'il s'agit d'une question de survie.
D'abord, ça a été facile : tu connais bien les environs. Tu n'as qu'à ne pas oublier ce que tu cherches, une personne, car tu n'es pas là pour errer sans but. La connaissance intime que tu as de l'esprit du brun te simplifie parfois les choses : tu sais, c'est tout. Les sentiers qu'il aime emprunter, les paysages qu'il aime contempler. Peut-être qu'il aura plus volontiers choisi ces chemins. La couleur de cette fleur (rouge…), comme un phare au sein de la verdure, tu es sûr qu'elle a attiré son regard. Mais chacun a ses limites.
Malheureusement, tu réalises que tu ne ressembles en rien au saru qui est capable de suivre son maître à la trace (quand il n'est pas occupé à le mener par le bout du nez… Pauvre moine aveugle…). Et tu ne sais même pas exactement depuis combien de temps ta « proie » est partie. Aussi, après la frénésie des premiers kilomètres, à presque courir ; tout ce que tu comprends, maintenant, c'est que la piste est froide. Tu es un flambeur pathétique (et même pas très en forme, puisque tu as passé trop de temps dans les bars, récemment), mais pas un chasseur. Courir ? Mais à quoi ça sert si tu ne sais pas où aller ? Alors, tu t'arrêtes de marcher. Comme ça. Parce que comment diable vas-tu arriver à atteindre le but que tu t'es fixé ?
oOoOoOo
La forêt est déserte, tout autour, et Hakkai ne sera pas aussi facile à trouver qu'un Gonou en train d'agoniser. Spécialement s'il ne le veut pas. La façon dont il semble avoir disparu de la surface de la Terre est assez pour signifier au hanyou son intention de ne pas être rattrapé. Il n'aurait pas choisi un lieu où il était connu. Alors que faire, maintenant ?
Le rire désabusé de Gojyo retentit aux alentours quand il trouva la solution. Dans une de ses poches, sa main se referma sur la forme familière d'une de ces petites pièces qu'il avait toujours avec lui. Ses doigts jouèrent un moment avec le petit objet doré, qui capta un instant les rares rayons de lumière qui s'écoulaient au travers des feuillages commençant à prendre doucement les couleurs de l'automne.
On en revenait toujours au même point, n'est-ce pas ? Quelqu'un l'abandonnait, et il se mettait en route, lui aussi. Cherchant sa destination dans le hasard. Son regard se posa sur les deux bras de la route qui se séparaient juste sous ses yeux. Le sol était trop sec pour espérer trouver des traces, ici. La pièce s'envola très haut, presque au point de toucher les feuilles, puis retomba dans sa main. Gauche. Il essaya de ne pas se souvenir le jour où Hakkai lui avait raconté que l'ancien mot pour gauche était « sinistre » (1)…C'est vrai que dans cette direction, la route avait l'air plus sombre et moins entretenue. Peut-être aussi plus attirante pour un fuyard, donc. Il marcha avec obstination la journée entière. C'était presque le crépuscule quand il atteignit un minuscule village (quelques maisons seulement) bien abrité dans une étroite vallée ombragée. La bâtisse plus éclairée de toutes (ce qui n'était pas grand-chose) était peut-être une auberge médiocre. Pourquoi pas. Il fit son entrée dans la place.
Le hanyou étudia l'assemblée. Plus nombreuse que ce qu'il ne l'avait supposé du dehors, et trop occupée pour vraiment prêter attention à sa présence : c'était pour le mieux. Dame Fortune était avec lui, pour une fois (il réalisa que sa main dans sa poche agrippait toujours la petite pièce). Il pouvait voir Hakkai, juste un peu plus loin. Quelques pas au milieu des clients et il serait capable de l'atteindre, de lui parler. Mais Gojyo s'aperçut qu'il était incapable de faire ces derniers mètres, même après le long trajet pour arriver ici. Il pouvait seulement se tenir là, figé, et observer de loin son ami. S'il pouvait toujours l'appeler comme ça. Voilà comment il abandonna. Il avait été assez stupide pour croire des cartes. Les cartes ne sont que des morceaux de papier inutiles. Il ne devait pas y chercher son destin. Il ne ferait pas deux fois la même erreur. Et les présages, c'était du bidon. Vert et Rouge, hein ? Il était déjà en train de faire demi-tour pour sortir de la petite auberge affairée quand quelqu'un l'attrapa par le bras.
« Vert et rouge ! Je le savais cria presque une voix féminine près de son oreille pour couvrir la rumeur de l'endroit. Il baissa les yeux. Cassandra, qui d'autre ? Qui avait d'ailleurs l'air de travailler là, un grand plateau couvert de verres vide posé sur sa hanche droite. Elle ne se donna pas la peine de saluer le hanyou, et détourna simplement les yeux pour regarder vers la cheminée au fond de la salle…
« Hakkai-san ! Quelqu'un pour vous ! » s'époumona-t-elle encore plus fort au-dessus de la tête de tout le monde. Le kappa aurait pu jurer qu'il entendit un éclat de rire réjoui se mêler à sa voix. Il était pris.
Le youkai aux yeux verts leva la tête à cet appel, surpris, et aperçu enfin le hanyou. Sa première réaction fut de sourire au premier coup d'œil, comme d'habitude à chaque fois que le kappa apparaissait. Mais ce sourire se fit soudain hésitant, juste avant de disparaître quand il se souvint pourquoi il était parti. Il essaya de quitter son siège pour atteindre l'autre sortie. Mais avant même de s'en rendre compte, Gojyo l'avait déjà rattrapé, en quelques enjambées parmi les clients attablés. Sans réfléchir, il saisit le youkai par l'épaule.
'Te tiens.
Ça le surprit, l'écho de triomphe avec lequel ces mots résonnèrent dans sa tête. De même que ce puissant sentiment de soulagement qui le submergea au même instant. Toute tension l'abandonna soudain. Et il se retrouva à court de mots quand l'autre se décida enfin à croiser son regard, l'air un peu mal à l'aise, son sac toujours en train de ballotter sur son épaule…Le silence aurait pu se prolonger un certain temps comme ça…Un peu gêné, Gojyo relâcha son étreinte sur l'étoffe verte de la chemise de son ami, mais demeura tout près. (2)
Tout ce que pouvait faire Hakkai, c'était le suivre, maintenant. La serveuse les accompagna jusqu'à une petite chambre sans un mot de plus. Mais maintenant qu'ils se retrouvaient seuls, Gojyo n'était plus sûr de savoir quoi faire.
Une fois encore, il ressentit le besoin d'un contact pour être sûr que l'autre était vraiment là, et par-dessus tout, être sûr qu'il ne s'échapperait pas encore. S'approchant d'Hakkai, il n'osa pas l'étreindre, cela aurait été par trop bizarre. Mais sa main se referma sur son bras en une sorte de besoin irrépressible de contact. Il se sentit soudain très possessif. Il attira le youkai aux yeux verts vers lui, comme pour parler au creux de son oreille.
« Alors maintenant, il va falloir que tu m'expliques ce qui s'est passé la nuit dernière. Pourquoi tu es parti. Tu m'as promis que tu resterais, un jour. »
Le reproche rendait sa voix rauque. La tranquille inspiration avant de parler avait porté au nez du hanyou la puissante senteur de pluie, de terre humide et de feuilles tombées venant de l'étoffe verte. L'odeur de la forêt qu'il avait traversée pour arriver ici. Et à la surface de sa peau, flottant encore à cet endroit quand il se pencha davantage vers le cou de son ami, c'était purement Hakkai. Ou peut-être pas…Il y avait aussi une feinte trace de…tabac ? Qui ne pouvait pas appartenir à Hakkai, donc… Non. C'était l'odeur de leur maison, réalisa-t-il avec un tranquille émerveillement.
Absorbé dans sa petite découverte, le kappa ne remarqua pas le bref silence d'Hakkai avant qu'il ne réponde.
Celui-ci se sentait pris de cours. Il avait vraiment dit ça ? Quand… ? Ho.
Alors, reste. Presque une prièreDans sa concentration, Hakkai fronça légèrement les sourcils en se rappelant cette soirée. Le mot presque oublié sonna si clair dans son esprit :
Hai, avait-il simplement répondu. C'était la première fois qu'il se souvenait vraiment, en fait. Il le pensait vraiment, alors. C'est juste qu'il n'avait pas pu prévoir ce qui allait arriver. Est-ce qu'il venait vraiment de briser un serment ? Parce que, peut-on respecter une promesse si on ne sait pas exactement ce qu'on est ? Si on ne peut même pas compter sur soi-même pour rester fidèle à sa parole ?
« Pourquoi tu es parti, alors ? Je n'y comprends rien. » continuait Gojyo.
Le youkai aux yeux verts n'avait pas su du tout à quoi s'attendre de la part de son colocataire au moment où celui-ci l'avait enfin retrouvé. Il n'avait même pas pensé que cet homme allait le chercher. Et, c'est sûr, il ne s'attendait pas simplement à ça.
Ce qu'il s'était passé ? Quelle drôle de question ! Il était parti parce qu'il ne voulait pas y faire face. Et parce qu'il pensait que le hanyou ne le voudrait pas non plus. Et là… C'était comme si Gojyo ne savait pas ce qu'il lui avait fait, hier. Mais Hakkai se souvenait. La scène de toute cette soirée se déroula à nouveau dans son esprit, comme un vieux film, étrangement vivant. C'était étrange.
Hakkai poussa un long soupir. Il essaya de choisir ses mots avec précaution :
« La vraie question, ce n'est pas pourquoi je suis parti…C'est pourquoi je ne pouvais pas rester. »
#### interlude : « Leaving » ####
Je ne peux plus rester.
Parce qu'après ce qui s'était passé, cela avait été la seule certitude du youkai aux yeux verts. Il était en train de regarder le kappa toujours au sol, inconscient, et c'était la seule pensée claire dans son esprit rongé par la culpabilité. C'était trop grave. Même demander pardon au réveil du hanyou ne serait pas assez. Les mots « gomen nasai » auraient été incapables de franchir ses lèvres, de toute façon. Parce qu'il savait qu'il n'y avait pas d'excuse à ce qu'il avait fait.
Gojyo n'avait rein vu de son trouble, bien sûr. Il n'était même pas réveillé. C'était sans doute pour ça que le hanyou ne pouvait pas vraiment saisir l'état d'esprit de son ami. Durant cette minute où Hakkai avait pris la décision de s'en aller, il n'avait été que frayeur. Frayeur de ce qu'il était. Frayeur de la violence qu'il sentait vibrer en lui, celle qu'il avait été incapable de contrôler. Alors c'était ça être un youkai ? C'est ce qui rendait le choix facile pour quelqu'un que l'idée n'avait jamais effleuré qu'il aurait à partir un jour.
Il n'avait aucun désir d'être pardonné. Savoir que Gojyo le ferait sûrement n'y changeait rien, avait-il néanmoins pensé, en même temps qu'il prenait soin de son ami évanoui et qu'il portait le hanyou jusqu'à son lit.
C'est pour cette raison qu'il réunit ses affaires avec une frénésie tellement étrange. La seule chose qu'il voulait, c'était se faire oublier. Partir sans laisser de trace était son seul souhait. Comme s'il avait pu souiller tout ce qu'il avait pu toucher en ce lieu. C'est pour cette raison qu'il essaya de n'oublier aucune de ses possessions… Il ne s'était pas agi d'une motivation issue de l'avidité. Ho, non.
Il ne pouvait pas laisser cela se reproduire, et d'ailleurs, il ne le permettrait pas. Et si jamais il finissait par devenir bourreau comme il l'avait craint un jour ? Parce qu'en fait, même s'il s'était agi de circonstances fortuites, il avait levé la main sur Gojyo parce que celui-ci était un enfant tabou. Et cette pensée le rendait fou. Encore plus que les mots que le hanyou avait prononcés. Il voulait vraiment effacer jusqu'au moindre souvenir des jours qu'il avait passé jusque-là dans cette maison. Simplement pour effacer ce qui s'était passé un seul et unique jour.
Il y avait des nuits comme ça. Le hanyou revenait à la maison très tard le soir (ce qui voulait plutôt dire très tôt le matin). C'était pas grand-chose, la plupart du temps : il avait passé la nuit avec une femme quelconque dont il aurait oublié le nom le matin venu ; même s'il continuait à se vanter de la douceur de sa peau devant son petit-déjeuner… Mais ce n'était pas toujours le cas. En réalité, c'était les très rares fois où Gojyo n'avait pas trouvé de compagne à son goût qu'Hakkai avait appris à craindre. D'abord, parce qu'alors le hanyou était beaucoup plus ivre que d'habitude. Au point que c'était presque un miracle qu'il se souvienne où il vivait et même s'arrange pour atteindre l'endroit par ses propres moyens. Ce qui était déjà bien assez pour s'inquiéter. Si l'ancien instituteur avait de la chance, le hanyou sombrait instantanément dans le sommeil, et il ne lui restait alors qu'à le traîner jusqu'à son lit. Ou…
Il était encore conscient et il parlait. Et Hakkai craignait ces paroles, car l'alcool avait le pouvoir d'abattre ses défenses. Toutes. Et Gojyo tiendraient certains propos. Qui le rendaient malade.
Gojyo était un homme bien. Hakkai avait appris à le connaître. Il était tellement plus que les mots hanyou ou enfant tabou que les gens utilisaient pour le définir. C'était facile de mépriser les gens qui parlaient ainsi de son ami. Mais qu'est-ce qu'il pouvait faire quand c'était son ami lui-même qui se disait indigne de vivre ? L'horreur et la souffrance d'entendre de tels mots étaient glaçantes, car comment Gojyo pouvait-il même penser une telle chose ? Combien de fois avait-on pu lui dire cela pour qu'il en arrive lui-même à le croire ?
Hakkai ne le supportait pas. Et ça lui faisait mal, tellement mal qu'il pouvait se souvenir pendant une fraction de seconde ce que c'était que la souffrance, lui qui n'avait quasiment rien ressentit (ou s'y était refusé) depuis qu'il était devenu « Cho Hakkai ». Il fallait juste que ça s'arrête, même si c'était juste Gojyo parlant de lui-même. Il le supplia de cesser de dire de telles choses. Quelques fois, cela avait marché car sa voix pouvait toujours atteindre le kappa au fin fond de son désespoir et de sa stupeur alcoolique. Alors le flambeur se taisait brusquement pour regarder le brun avec une étrange lueur dans ses yeux écarlates, et appelait son nom d'un ton d'incertitude troublée, comme s'il s'agissait d'un prodige, sa présence, ici, à ses côtés.
Mais pas hier soir. Parce que cette fois-là, si absorbé dans son propre delirium, le kappa n'écoutait pas… Seulement, à un certain moment, l'ancien humain craqua. Juste comme ça. Il fallait que la hanyou arrête, ou lui, Hakkai, serait celui qui se mettrait à hurler au travers du voile rouge obscurcissant sur sa vision. Hakkai n'avait pas senti sa main former un poing serré. Il n'avait réalisé qu'il avait porté un coup que quand il sentit la douleur dans ses phalanges. Gojyo était tombé comme une masse. Pas un cri. Le poing qui volait vers son visage, il l'avait regardé venir sans comprendre. Comme une impossibilité devenue tout à coup réalité. Hakkai ne touche pas les gens… Comment pourrait-il frapper ?
Mais la question n'était pas le comment. La question était le pourquoi. Des mots. De simples mots de dégoût de soi de son ami. C'était étrange comme l'ancien humain avait été totalement incapable de le supporter. La façon dont le hanyou avait parlé de lui-même… Comment cela pouvait-il l'affecter de cette manière ? Hakkai refusa d'y réfléchir. Il fallait juste qu'il l'arrête. Son calme lui revint avec le silence dans la pièce principale. Et ensuite, la réalisation.
Connais-toi toi-même. Apprends à maîtriser la bête à l'intérieur de toi, maintenant, avaient dit les Trois Aspects. Bon programme. Mais pour le youkai nouveau-né, ce soir-là c'était surtout la découverte effrayante de ce qui était tapi derrière le masque de son humanité. Il avait pensé que les limiteurs suffisaient pour garder la violence sous contrôle. Il avait presque été capable de oublier ce qu'il était maintenant. Comme si rien n'avait changé dans son corps et dans son âme. Comme s'il n'avait pas été marqué par ses actes. Mais là… Son self-contrôle avait été si facilement brisé ! Il avait juste craqué, sans avertissement. Pouvoir ou sentiments, il n'était pas sûr de pouvoir les maîtriser sans mettre en danger les gens autour de lui. Mettre en danger Gojyo.
Alors il avait choisi de partir. Simple, n'est-ce pas ?
La route qu'il avait suivie, il s'en souvenait à peine. Et c'est comme ça qu'il avait atterri ici, vers la mi-journée. Il avait été accueilli par une petite femme si amicale (et lui étant si poli) qu'il n'avait pu éviter de lui dire son nom. Il décida de se reposer quelques heures. Mais qu'il partirait aussitôt arrivée la tombée de la nuit. Il ne se sentait pas encore assez éloigné pour s'arrêter.
« Oh, en passant, j'adore vos yeux. » dit-elle avant d'aller lui chercher du thé et de la nourriture, comme si cette phrase avait une signification qu'il ne pouvait pas comprendre.
Quelques heures plus tard, Gojyo était là aussi. Hakkai était incapable de décider s'il en était heureux ou pas.
##### fin de l'interlude #####
« Pourquoi tu es parti, alors ? Je ne comprends pas du tout. »
Et Hakkai parla, le regard dans le vide tandis que les mots sortaient. Et Gojyo écouta avec intensité, bien sûr. Mais plus les mots s'écoulaient de la bouche d'Hakkai, le plus il se sentait s'étonner.
C'était tout ? J'ai dit quelque chose comme ça, et c'était assez pour…Cela allait au-delà de sa compréhension. Il y a longtemps, peut-être que ça aurait eu un sens pour lui…Peut-être qu'il se rappelait son frère ayant ce genre de réaction et étant en colère contre lui (ou même carrément bouleversé) à cause de la façon dont son petit frère parlait de ce qu'il était.
Gojyo n'était qu'un enfant en ce temps-là, et tout ce qu'il savait c'est que sa « mère » refusait de l'aimer. C'était si facile après ça de croire toutes les choses atroces que les gens du village disaient à son propos. Jien avait essayé de lui expliquer pourquoi cela faisait si mal d'entendre son gamin de frère parler comme ça, et par-dessus tout pourquoi Gojyo n'avait pas le droit de même croire de telles choses. Puis, presque avec timidité, Jien ajoutait toujours qu'il l'aimait de toute façon. Et il lui répétait combien ça faisait mal d'entendre ces mots dans sa bouche. Mais Jien était Jien. Il était son frère, alors il tenait à lui. Hakkai n'était pas son frère. Il ne devrait pas être blessé par de tels mots. Il était supposé être comme tous les autres et croire ces mots. Mais ce n'était pas le cas…
Gojyo. N'ose même jamais penser qu'une telle chose puisse jamais faire que je te méprise.
Ok. Peut-être qu'Hakkai tenait à lui, alors. C'était presque incroyable, presque un miracle, une chose qu'il n'aurait jamais cru pouvoir lui arriver encore, après Jien. Jien qui l'avait quitté, finalement. Parce que son amour féroce pour un frère qui n'en valait pas la peine l'avait amené à tuer sa propre mère. Bien sûr qu'il n'avait pas pu supporter de poser encore les yeux sur lui, après ça…
Mais Hakkai ? Qu'est-ce qu'il avait bien pu faire pour qu'ils en arrivent au même résultat ? Il était parti comme tous les autres, en fait. Peut-être que le youkai aux yeux verts lut d'une certaine manière l'interrogation sur ses traits…
« Je t'ai blessé, » éluda Hakkai d'un haussement d'épaule. La main du hanyou vola d'elle-même vers sa mâchoire, effleurant l'ecchymose sombre sur sa peau. Il vit l'ancien humain tressaillir, car ce geste lui rappelait trop que le coup qu'il avait porté faisait toujours mal à son ami. Il lança encore un regard d'excuse au kappa.
Pas comme tu crois, aurait pu dire Gojyo. Mais le hanyou n'avait jamais été très doué pour exprimer ses sentiments. Il soupira. Peut-être qu'il était temps pour lui de changer un petit peu. Il ne pouvait pas demander à Hakkai de s'ouvrir à lui s'il n'était pas capable de le faire aussi un peu…
« Ça fait encore plus mal quand t'es pas là. Je peux pas te laisser partir comme ça… » répondit-il en regardant n'importe où dans la petite pièce du moment que ce n'était pas dans la direction du youkai aux yeux verts. Mais les faux prétextes étaient tellement plus faciles, même quand le sens de sa phrase était toujours en suspens dans leur silence. « …Ma ! C'est trop facile de plumer Tonpu et les autres, à la taverne…J'ai besoin d'un partenaire décent de temps en temps pour se mesurer à moi aux cartes, après tout ! »
Hakkai reprit enfin la parole :
« C'est peut-être toi l'enfant tabou, mais c'est moi qui porte malheur aux gens autour de moi… » murmura-t-il doucement.
« Je me fiche de la malchance, » rétorqua aussitôt le kappa. « Je sais comment on triche aux cartes ! »
Cette fois, Gojyo entendit le petit rire d'Hakkai accueillir cette étrange réponse. Le youkai aux yeux verts aurait eu du mal à expliquer la raison de cette joie soudaine qu'il ressentait à une conversation pourtant si triviale. Quant à Gojyo, ce son lui avait horriblement manqué. Quand il était encore un jeune hanyou, beaucoup de gens avaient ri de lui. C'était parce que les gens sont méchants. C'était parce que les gens haïssent ce qu'il est. Durant toute son enfance, il avait haï le rire. Le seul qu'il pouvait chérir, c'était celui de son frère, chaque fois qu'ils s'étaient joués des tours, ou qu'ils avaient juste parlé de la vie qu'ils voulaient avoir plus tard, qu'ils partageaient leurs rêves. Il était un homme maintenant, et il savait que les rêves ne sont que ça…Des rêves. Mais avec Hakkai, c'était différent. Son rire était comme un trille léger de joie teintée mélancolie. Il ne faisait jamais mal. Même s'il connaissait assez bien Hakkai pour savoir quand son ami pouvait l'utiliser comme une sorte de bouclier, exactement comme lui-même utilisait son comportement excessif pour cacher une part de lui.
« Alors comment ça se fait que c'est toujours moi qui gagne ? » demanda Hakkai, le regardant droit dans les yeux, cette fois.
« Parce que toi, tu n'es pas une mauvaise donne. » répondit solennellement le joueur de poker.
« Je vois. »
« Non, pas du tout. » coupa rapidement Gojyo. « Mais du moment que tu rentres avec moi, tout sera Ok. »
Mais contre toute attente, Hakkai sembla se dérober encore. Le kappa sentit ses espoirs s'effondrer. Ce qu'il craignait le plus, son pire démon, cela avait toujours été le regard des autres. Hakkai l'avait presque guéri de ça, d'une certaine manière. Et quant à lui ? Qu'est-ce qu'il pouvait faire, lui, Gojyo, contre les démons intérieurs de l'ancien humain (ou plutôt son youkai intérieur, devrait-on dire) ? Il ne pouvait pas se battre contre quelque chose d'enfoui de cette manière dans l'autre, même s'il pouvait clairement voir ce qui le faisait souffrir…
« Hakkai, » soupira le kappa. « Des fois, je me sens pitoyable. »
Après une courte pause désespérée, avec l'ébauche un sourire soudain et ravageur, l'étincelle familière du flambeur brûlant dans ses iris rouges, il ajouta pourtant : « Face, je gagne et tu restes. Pile, je perds, et toi…Tu fais ce que tu veux. »
D'un geste fluide, il prit quelque chose dans son jean et l'envoya voler vers le plafond. Le petit disque métallique était déjà haut dans les airs, Hakkai n'avait plus le temps de protester. Tout n'était plus qu'une pure question de chance, maintenant. Un pari.
C'est maintenant ou jamais. Je peux pas perdre.
Quand la pièce retomba, Gojyo l'attrapa au vol, et la posa d'un air décidé sur le dos de sa main gauche, la couvrant de l'autre. Se tenant silencieux, sans bouger, légèrement penché en avant comme pour avoir une meilleure vue sur ses mains…Et soudain, incertain peut-être.
C'était si différent de l'homme qu'Hakkai connaissait ! C'était plutôt troublant, mais très révélateur, quelque part. Le kappa prit une profonde inspiration avant d'ôter sa main pour voir la pièce. Mais une troisième main se referma sur son poignet, l'empêchant de regarder. Hakkai parla lentement tandis que la pièce restait dissimulée sous la paume du hanyou.
« Tu as gagné. Crois-moi, je vois toujours juste. Tu le sais bien, non ? »
Parce que, qui était-il pour décider à la place de Gojyo s'il était toujours désireux de prendre le risque de le garder prés de lui ?
Gojyo hocha la tête.
« Bien, » conclut Hakkai en relâchant son étreinte. La pièce disparut avec diligence dans une poche. Le joueur de cartes (quel dommage) n'osa pas regarder le résultat. Comme Hakkai l'avait dit, tout allait bien.
oOoOoOo
« Vous partez ensemble ? » appela une voix féminine, lorsqu'ils descendirent les escaliers quelques minutes plus tard. Hakkai hocha la tête. (3)
oOoOoOo
Ils marchaient dans un silence agréable. Une qualité de silence qui était un étonnement sans fin pour Gojyo. Il avait fait l'expérience de beaucoup de silences, depuis le jour où il avait quitté la maison, il y a des années, juste après Jien. Le silence du mépris. Le silence de la haine. Le silence de l'ignorance. Le silence sans profondeur de celui qui est repu de sexe. Le silence était le manque de chaleur humaine. Mais celui-là était complètement différent.
« Le namagusa bouzu m'a demandé pourquoi tu persistais à rester avec moi, une fois. »
Gojyo n'attendait pas vraiment de réponse. Il avait parlé sans le vouloir, seulement parce qu'il était en train de repenser aux évènements du jour qui venait juste de s'écouler. Hakkai sentit qu'il y avait quelque chose de bizarre avec lui, mais répondit néanmoins.
« Oh. Il m'a demandé aussi, une fois, à Chou an. »
« Et ? »
« Je n'ai pas répondu. »
Parce que, « Je veux dire, il ne se souvient jamais du jour pour sortir les ordures. Je me fais du souci… » On ne peut pas appeler ça une réponse, n'est-ce pas ?
« Je ne sais pas si j'ai le droit de m'accrocher à toi comme ça. » ajouta Hakkai après quelques minutes. Il le pensait vraiment.
Le kappa se souvint du reproche dans la voix du moine quand il avait déclaré qu'il prenait trop le brun pour acquis. C'était presque drôle d'apprendre qu'Hakkai nourrissait la même interrogation à son égard.
« Écoute. Tu étais même pas parti pendant un jour entier que je me sentais perdu. Comme un étranger dans ma propre maison. Alors qui c'est qui s'accroche à l'autre, là, je me le demande… »
Il n'y a pas de moment idéal pour dire à quelqu'un qu'on tient à lui. On ne le connaît jamais avec certitude. Et ce ne sont pas des mots faciles. Juste à cet instant, dans l'obscurité, Gojyo aurait pu parler à Hakkai de l'étrange découverte qu'il venait de faire. Marcher donnait le temps de penser. Le temps de se rendre compte. Les choses étaient déjà bien différentes. D'avant Hakkai. Ce ne fut pas très long avant de pouvoir mettre un mot sur ce sentiment.
L'acceptation du besoin qu'on ressent de la présence de l'autre. La certitude de compter pour quelqu'un. C'était clair, non ?
Tout ça, ils l'avaient déjà. Et rien n'allait changer de sitôt, puisqu'Hakkai rentrait avec lui. Gojyo pensa qu'il avait le temps d'ordonner ses sentiments. Il repoussa à plus tard.
Il paria.
Dix pas. Si rien ne se passe avant dix pas, peut-être que je lui dirai maintenant.
Il commença à compter en silence…Pied droit après pied gauche…
Dix – neuf – huit - … -
Alors c'était le moment, hein ? L'endroit était agréable. Le seul son était le doux bruissement des feuilles que la fraîche brise nocturne agitaient encore dans les branches. Le clair de lune était faible, mais donnait une atmosphère intime au lieu. Hors de la réalité de la crue lumière du jour, ce serait plus facile de parler. Pourquoi pas, après tout…
Deux - …
Gojyo prit une profonde inspiration. Était sur le point d'ouvrir la bouche, quand…
Quand un petit dragon blanc s'écrasa aux pieds d'Hakkai dans un nuage de poussière et de sable, avec un faible cri. Le moment était passé. Ils avaient soudainement autre chose à penser.
…
« Hé ! Tu peux pas le recueillir juste comme ça ! Tu sais même pas ce que c'est ! »
« Pourquoi pas ? Où est-ce que je serais maintenant, si quelqu'un ne m'avait pas recueilli juste comme ça, un jour ? »
Ils rentrèrent chez eux. Ils étaient trois, maintenant…Et la vie continua. Gojyo se sentait bien avec cette routine qui se mettait à nouveau branle dans la petite maison. Il n'avait plus besoin de repenser à cette nuit-là.
oOo Owari oOo
(1)…Minute culturelle du piaf. Gauche : en latin « sinistra », qui donna le « senestre » (par opposition à dextre) du moyen âge. Et racine commune avec notre « sinistre ». En lien avec les vieilles méthodes de divination : la gauche était un côté défavorable. Fallait pas s'attendre à ce que Gojyo se rappelle exactement l'explication d'Hakkai-sensei bien sûr…
(2) director's cut / scène coupée au montage :
« Si vous avez besoin d'un endroit un peu plus tranquille, la chambre 58 est libre. Et ne me demandez pas pourquoi 58 quand on a que onze chambres dans toute l'auberge… » intervint Cassandra, une tignasse de cheveux blonds surgissant de la foule derrière, se joignant à eux …
« C'est bon, on la prend. » dit aussitôt Gojyo.
(3) director's cut / scène coupée au montage :
Cassandra tourna les talons pour donner un coup de pied au tibia de Gojyo, geste qui surprit grandement le youkai aux yeux verts.
« Maintenant, tu me payes ! » ajouta-t-elle. L'ancien instituteur sembla réaliser qu'elle ne parlait pas du prix de la chambre.
« Essaye pas de comprendre : c'est un vieux pari qu'elle a gagné… »
« Sûr que j'ai gagné ! »
« Quel genre de pari ? »
« Cent balles de plus si tu te tais… » souffla discrètement Gojyo à son oreille, se penchant légèrement vers la femme…
« Me souviens pas exactement. Ça fait longtemps. Mais j'ai une meilleure mémoire des chiffres et de l'argent : ça doit être le job de serveuse, le nombre de factures impayées est impressionnant dans un bar ! Je me souviens que j'ai gagné, mais il était fauché, ce jour-là… » Elle haussa innocemment les épaules. « Le connaissant, c'était une question de cartes ou de femmes… »
« Sans doute… » approuva poliment Hakkai, mais avec un léger sourire. Elle était… bizarre.
« Pas de voyage en vue ? » appela-t-elle une dernière fois. Ils étaient déjà dehors.
« Nan, on rentre juste chez nous. » répondit Gojyo par-dessus son épaule.
« Dommage… » Elle avait l'air extrêmement déçue, en les regardant s'éloigner.
Vraiment… bizarre.
Mot de la fin.
Oui, je sais, j'ai encore cassé un lemon (lol). Mais vous étiez prévenues, y'avait marqué yaoï hinté dans le résumé, si je ne m'abuse…(sourire innocent). Et puis, c'est pas ma faute, c'est celle du dragon (doit-on en déduire que Goujun a toujours une dent contre ce Kenren qui s'est amusé à débaucher son marshal y'a 500 ans ?). Et puis faut pas être triste : Gojyo a un loooooong voyage vers l'Ouest devant lui pour apprendre à saisir les occasions et finir par l'avoir bien à lui son youkai…
Pour info, cette fic a vu le jour parce que j'ai retrouvé un vieux jeu de cartes que ma maman avait eu avec un tube de crème pour les mains quand j'étais petite, et grâce à Tad Williams et à son cycle du Roi de l'Orage (qui osera me dire que Josua et Déornoth sont pas louches ?) dont un dialogue a inspiré le fait qu'Hakkai déteste quand « son » hanyou dit du mal de lui-même…(merci spécial à Flo-chan-muse-à-piaf-involontaire pour m'avoir conforté dans l'idée, sur msn y'a longtemps, que ça pouvait coller)
Merci encore à tous ceux qui ont eu le courage de lire jusqu'au bout. (s'incline profondément)
