Le lendemain matin, les trois apprentis et les trois maîtres se préparèrent à partir. Deux apprentis se présentèrent à Leïana : La femme avait vingt-cinq ans et se nommait Dinaïa. Son mari, Subaï, était le deuxième apprenti. Les trois apprentis discutèrent tranquillement en se préparant.

Mon maître est absolument nul. Il dit que je n'ai pas de pouvoir magique alors que je suis une fille de magicienne.

Ma chérie, tu sais que j'ai pire. Je suis dans le même cas que toi en étant fils d'un magicien et d'une prêtresse. Cette Académie est pathétiquement horrible.

Durbaï est si gentil avec moi ! Il s'occupe bien de moi et tout, il est absolument super. Je vous plains.

Tu es trop petite pour comprendre. Répondit Dinaïa.

Pourquoi serais-je trop petite ?

Ne te mêle pas de ce qui ne te regarde pas, compris ?

Je ne fais que demander des explications.

Subaï se mit en colère et commença à rouer Leïana de coups. Sur un ton net et détaché, elle lui fit remarquer qu'elle avait souvent dû supporter des punitions pires que celles-là dans la rue où elle vivait.

Sur ces mots, les trois ennemis se séparèrent pour partir dans leur bateau. Leïana suivit son maître et lui demanda s'il pouvait lui révéler un autre de ses pouvoirs. Il hocha négativement la tête, au grand désespoir de la jeune fille.

Durbaï pensait en son for intérieur que ce petit enfant ne devait pas être accablé de révélations. Il décida de rompre le silence :

Leïana, sais-tu qui sont ces deux personnes ?

Dinaïa, fille d'une magicienne…

Et d'un général.

Subaï, fils d'un magicien et d'une prêtresse.

Leïana avait parfaitement raison, mais elle ignorait certaines choses qu'il ferait bon de ne pas savoir car elles étaient décourageantes. Les deux personnes faisaient leur quête pour la cinquième fois.

Durbaï remit précipitamment le bateau en place car perdu dans ses songes rêveurs, il n'avait pas manœuvré correctement.

Durbaï ! Regarde cette ville, au bord de l'eau ! Elle est belle, n'est-ce pas ?

Elle est absolument magnifique. Nous allons nous y arrêter et faire la première étape de notre quête.

Comment se nomme-t-elle ?

Elle se nomme Thèbes, c'est une très grande ville royale. Ici nous allons échanger notre bateau contre des objets dont nous aurons besoins et des parures précieuses pour les échanger plus tard.

Les deux magiciens accostèrent dans la ville de Thèbes et firent sécher leur beau canot puis ils entrèrent au cœur de la ville.

La première chose à faire selon Durbaï consistait à échanger le canot contre des habits et surtout des perruques, des fards, des produits de beautés. Il souhaitait aussi prendre une arme de chasse.

Les deux personnes partirent donc échanger leur canot contre des produits de luxe puis ils partirent dans la direction du marchand de vêtements. Le marchand avait une maison romaine, avec un chauffage central à l'eau chaude qui circulait dans les murs de la maison, ce qui démontrait sa richesse évidente. Effectivement, lorsque huit esclaves vinrent les accueillir, leur conviction de son luxe fut énormément accrue.

Ils échangèrent non sans palabres, deux perruques frisées et un étui à fard contre cinq tuniques et trois draperies.

Quel arnaqueur, ce marchand ! Il nous a de plus vendus des habits pleins d'accrocs.

Oui, Leïana, c'est vrai. Sais-tu coudre ?

Moi, coudre ? Qui me l'aurait appris ?

Durbaï était extrêmement mécontent. Si l'enfant ne savait pas coudre, il devrait se charger de réparer toutes ces déchirures lui-même, et cette seule pensée le terrifiait. Mais une idée germa dans l'esprit intelligent de l'enfant-magicien, et elle s'empressa de proposer d'utiliser son pouvoir de guérison sur les habits. Peut-être sa magie fonctionnerait-elle correctement ?

Leïana posa ses mains sur les objets en question et força pour que ces choses soient réparées, mais étant toute jeune et ne connaissant pas la magie, elle finit par demander à son maître la manière de faire un sort. Elle devait donc soulever ses mains au-dessus des habits à réparer et se concentrer tout doucement pour faire apparaître un halo de lumière.

Chaque couleur de la lumière signifiait quelque chose. Le rouge était la couleur d'un magicien du feu, le rose l'amour, le vert la nature, le blanc la mort, le bleu le ciel, et le noir, le plus rare, était le feu des ombres.

Lorsque Leïana, après environ deux heures de pratique, parvint enfin à recoudre les vêtements mais elle émit deux couleurs lorsqu'elle fit sa magie.

Durbaï, pourquoi ai-je fait deux couleurs ?

Tu as deux magies. Le vert est la magie de la nature et le noir est la magie de l'ombre, ne te l'ai-je pas dit ?

Si, merci.

Et les compagnons marchèrent dans Thèbes à la recherche du maire auquel ils pourraient s'adresser.

Durbaï se demandait où il avait mis le livre de lumière qui montrait tous les aspects des magiciens, pour qu'il sache ce qu'étaient les autres pouvoirs que Leïana avait. La jeune magicienne s'interrogeait sur l'utilité d'avoir une magie de l'ombre, et si la magie de la nature lui permettait de faire grandir des plantes, des fleurs ou des arbres. Pour la jeune orpheline qui avait toujours vécu dans les rues de l'Île Éléphantine, la verdure était un don magnifique de la nature que seuls les magiciens pouvaient peut-être posséder.

Le maire était un homme joufflu d'une vingtaine d'années, et lorsque les magiciens vinrent le trouver, ils le trouvèrent dormant au pied d'un jeune sycomore de cinq ans. Lorsque le dormeur se réveilla, il fut aussitôt très aimable avec eux, leur offrit à boire, à manger, et répondit à leurs questions de bonne grâce.

Donc Leïana, prends des notes sur le papyrus, commença Durbaï.

Bien sûr maître !

Monsieur le maire, nous souhaitons savoir si un jour vous avez été en possession de deux statues en pierre, en calcaire brut très précisément. Pourriez-vous aussi nous préciser le nom de tous vos esclaves s'il vous plaît ?

Mais bien sûr Magix (Magix était le nom que les non-magiciens donnaient aux magiciens ). Je n'ai jamais entendu parler de statues en calcaire, toutes mes propriétés sont en pierre granitique ou en pierre précieuse. Pour mes esclaves, je ne peux pas vous donner tous les noms. Mais je peux vous donner le nom de leurs anciens propriétaires. Alors voici : le maire de Karnak, la fille du marchand de vêtements d'occasions de la rue vers chez moi. Puis il y a le boulanger qui habite juste en face de ma villa. Voilà les trois propriétaires de mes esclaves. Pour vous remercier d'être venus, en voudriez-vous un ?

J'hésite entre avoir un peu plus de compagnie dans notre enquête et vous laisser vos esclaves.

S'il vous plaît, prenez cet homme ! Pour me faire plaisir, avoir de la compagnie, et l'initier à la magie.

Après avoir accepté d'emporter un esclave nommé Duckaï, les magiciens prirent congé du maire de Thèbes. Tous deux avaient senti dans son hospitalité une ombre de piège, ils vendirent donc assez rapidement l'esclave.

Leïana était un peu perdue dans la grande ville. Elle demanda à Durbaï de se promener seule dans les rues de Thèbes.

Déambulant dans la rue de chez le maire de Thèbes, trois enfants en toge verte apparurent et saluèrent avec déférence la douce jeune femme.

Bien le bonjour mam'zelle !

Bonjour à vous.

Vous v'nez vous balader dans les rues, mam'zelle ? J'vous conseille de pas rester parce que y'a des méchants messieurs qui arrivent dans la nuit mam'zelle ! Lui dit un des jeunes.

Qui êtes-vous ? Objecta Leïana.

Chuis Doraï, y'est Diraï pis l'aut' c'est Dunaïa, continua le petit.

Et d'où venez-vous ?

Nous sommes des jeunes affranchis qui essayons d'avoir des copains, c'est tout madame ! Répondit une jeune fille présentée sous le nom de Dunaïa.

Et voudriez-vous venir avec moi ?

Oui madame si vous nous l'ordonnez.

Alors je vous l'ordonne, clôt Leïana.

Le cortège des quatre enfants se déplace dans Thèbes. La nuit est obscure. Enfin, ils arrivent au bateau gardé par Durbaï, Noïa et Leïa.

On monte dans le bateau et on part pour une destination que le hasard définira.