La Bestiole, deuxième partie

La Représentation

A la grande consternation de sa mère, Kurt était prêt et attendait Anshelm au petit matin, deux semaines plus tard. Il était sur le parking de gravier, juste à côté du chapiteau, habillé dans sa tenue de " dehors ". En plus de ses vêtements habituels, il portait une épaisse couche de maquillage " Nuances Caucasiennes ", un sweat-shirt noir à capuche, un manteau noir, de grandes lunettes de soleil, et des baskets noires, miteuses, trop grandes. Il pouvait presque passer pour " normal " dans cet accoutrement, à condition de garder les mains dans les poches. Son sac à dos était posé au sol, près de sa jambe gauche. Anshelm arriva dans sa vieille Volvo.

La mère que Kurt arriva doucement derrière lui. " Tu ne vas pas changer d'avis, n'est-ce pas ? "

" Non. " répondit Kurt. " J'ai résisté à Papa Bashalde. Je ne vais pas lâcher maintenant. "

Elle soupira, puis embrassa doucement sa joue avec une bénédiction. " Fais attention, mon fils. Zhan le Devlesa tai sastimasa. "

Zhan le Devlesa tai sastimasa : va avec Dieu et en sécurité (T/N (je vous passe les commentaires de Word): je laisse à Maelstrom la responsabilité de cette phrase, mais la connaissant, ça a toutes les chances d'être juste). Il tourna la tête vers elle, juste assez pour qu'elle sache qu'il avait compris, puis prit son sac et alla vers la voiture. Anshelm se pencha et ouvrit la portière. Kurt lança son sac sur la banquette arrière, s'installa sur le siège et attacha sa ceinture alors que Anshelm sortait du parking.

" Tu as l'air nerveux. " nota Anshelm. " Même à travers tous ces trucs, je peux le voir. "

" Je ne quitte pas souvent le cirque. " dit doucement Kurt. " C'est la première fois que je pars sans trois ou quatre personnes de ma famille autour de moi. Alors, oui, je suis un peu nerveux. "

" Ouais, ben t'es pas le seul. " marmonna Anshelm. " J'en ai des nœuds dans le ventre. Ces saletés de bombes n'arrangent pas les choses. "

" Ma famille n'est pas ravie de me savoir à Berlin en ce moment. " avoua Kurt. " Papa Bashalde et moi avons eu une discussion animée. Le vieux pense que la conférence va attirer les terroristes comme des abeilles un pot de miel. "

Les deux amis se regardèrent. Ils pouvaient voir qu'ils pensaient exactement la même chose.

" Tu penses qu'il peut avoir raison ? " demanda Kurt.

" Ouais. Peut-être. C'est juste que... Je suis un aimant à problèmes, Kurt. Plein de trucs arrivent autour de moi. Je vais à Hollywood pile au moment d'un tremblement de terre. Je vais courir au parc et je trouve quelqu'un qui fait une crise cardiaque. Le mois dernier, j'ai assisté aux premières loges à un accident de voiture. Ça serait bien ma veine que quelque chose aille mal cette soirée. "

Kurt soupira et s'appuya sur son siège, croisant les bras derrière sa tête. " On est coincés, n'est-ce pas ? "

" Sans doute. Hé, tu as vu le journal ce matin ? "

" Dis-moi qu'une bombe n'a pas explosé. "

" J'aurais préféré ça, mais non. Le journal est sur la banquette arrière. Regarde la une. Ils ont fait des portraits robot des suspects. Avec le bol que j'ai, je pense que je vais les croiser tôt ou tard, alors j'ai essayé de retenir leurs visages. "

Kurt tâta le siège arrière avec sa queue, trouvant enfin un journal sous les emballages froissés de hamburgers. Il ramena le journal et l'examina. Il y avait quatre visages sur la une, tous Caucasiens, tous mâles. Les " statistiques vitales ", taille poids, couleur des cheveux, etc, étaient listées sous chacun des visages.

" 'Vus dans les alentours des attentats des 3 octobre et 2 novembre.' " lut Kurt à voix haute. " Il leur a fallu tout ce temps pour en faire des portraits. Je me demande bien pourquoi. "

" Qui sait ? Au moins, maintenant, on sait à quoi ils ressemblent. "

" Du moment qu'ils ne cachent pas leurs visages sous des costumes comme les nôtres. "

" Kurt, tu me fais peur. Arrête. "

SAUT DE PARAGRAPHE

Ils restaient dans la petite chambre de Anshelm à Berlin juste deux jours et trois nuits. Avec l'argent qu'Anshelm mettait dans le projet, et celui qu'il versait à Kurt, celui-ci avait pensé que peut-être Anshelm ou ses parents avaient de l'argent. Cependant, un regard sur la chambre spartiate, et même miteuse, balaya cette idée. L'ordinateur et le matériel d'assemblage électronique étaient de première qualité, mais le reste était au mieux de seconde main, parfois récupéré sur les trottoirs. Anshelm dormait sur un matelas par terre, sans sommier, sa radio avait visiblement été sauvée de la casse (même si elle marchait très bien), et la seule place pour s'asseoir, à part le sol, était un sacco (T/N : vous savez, ces fauteuils des années 80, en forme de poire, remplis de billes de polystyrène) qui avait déjà été réparé. Anshelm était un étudiant qui vivait de petits boulots, se nourrissait de riz et de conserves et mettait littéralement tout ce qu'il avait dans son rêve. Kurt l'en respecta encore plus.

La première soirée, Kurt se familiarisa avec l'incroyable tête d'alien qu'avait fabriquée Anshelm. Les supports de la mandibule imitaient ses mouvements de mâchoire, pourvu qu'ils soient assez marqués. En ouvrant la bouche d'une certaine façon, une seconde rangée de dents apparaissait. Kurt réussit à se faire peur lui-même la première fois qu'il s'entraîna devant un miroir.

Le lendemain, ils allèrent sur les lieux pour travailler la chorégraphie avec le directeur de plateau. C'était un chaos vaguement organisé, empli de l'énergie de l'organisation et des essayages de costume où Kurt avait grandi, et qu'il aimait. Il portait un costume noir qui prenait tout son corps (queue comprise) pour les essais de chorégraphie, avec l'excuse d'Anshelm que c'était juste un " test couleur ".

Pour autant que Kurt s'en soucie, l'auditorium était une merveille absolue. Des supports de métal et des échafaudages, conçus pour les projecteurs, parcouraient tout le plafond et descendaient jusqu'au sol. La chorégraphe eut une peur bleue quand Kurt commença à grimper. Il était hors de question qu'elle autorise une chose aussi dangereuse. Anshelm finit par la convaincre de le laisser faire, mais pas avant de signer une décharge.

Et puis, trop tôt, Kurt se retrouva de nouveau dans la Volvo hoquetante, un costume en latex et une tête mécanique enfournés dans le coffre, sur le chemin de la conférence pour le grand soir. Il portait à nouveau le costume noir, et son manteau. La sécurité, qui avait été renforcée à cause des attentats terroristes, ne voulait pas laisser Kurt passer couvert ainsi des pieds jusqu'à la tête, même avec les arguments d'Anshelm. Ce ne fut que quand Kurt enleva son manteau et révéla sa queue (qu'il garda aussi immobile que possible) qu'ils le crurent. Personne d'autre que l'Incroyable Diablo n'avait un appareil d'aussi bonne qualité.

" Si ça ne vous dérange pas, monsieur, pourquoi votre visage est-il couvert ? " demanda le garde alors que Kurt remettait son manteau.

" Je ne peux laisser personne me voir sans mon maquillage, n'est-ce pas ? " demanda-t-il en réponse. " Je perdrais tout le mystère si vous voyiez sous le masque. "

Le garde sourit et secoua la tête. " Les artistes. "

" Joli bluff. " murmura Anshelm quand ils furent hors de portée d'oreille.

" Merci. " murmura Kurt en réponse. " J'ai eu l'occasion de le pratiquer. "

Ils avaient une loge pour se changer, bien que ce soit une bonne chose que Kurt soit à ce point inhumainement souple. Ce n'était pas beaucoup plus grand qu'un placard à balais. Les autres, aux costumes plus voyants, y compris un couple avec des ailes articulées, devaient se changer à l'extérieur. Chaque pièce du costume s'adaptait à Kurt comme une seconde peau, si ajustée que Anshelm le saupoudra de talc au préalable pour éviter les frottements. L'assemblage de la queue était si long que Kurt trouva plus simple de s'accrocher au plafond pendant que Anshelm l'équipait.

" Dernière chose sur la liste. " disait Anshelm encore et encore.

" Oui, je crois que j'ai entendu ça une fois. " dit Kurt d'un ton ironique. " Anshelm, prends une grande respiration avant de t'évanouir. C'est moi qui devrais faire de l'hyperventilation dans ce truc. "

Il atterrit légèrement à quatre pattes. Anshelm sourit d'une oreille à l'autre en lui tendant la pièce finale, la tête.

" Mon Dieu, tu es parfait. " dit-il. " Tu bouges exactement comme lui. Tu vas épouvanter tout le monde. "

Au moins, cette fois, c'est volontaire, pensa Kurt en prenant la tête.

" Maintenant, tu es sûr que tu peux rejoindre l'auditorium sans être vu ? " demanda Anshelm. " Je sais qu'il fait sombre, les portes peuvent aire du bruit. "

Kurt lui rendit son sourire avant d'enfiler la tête. " Je ne vais pas prendre le risque. Les poutres des spots sont assez solides pour que j'apparaisse dessus. "

Il enfila la tête, et Anshelm sortit de son sac un tube de vaseline et une brosse pour un peu de brillant supplémentaire.

" J'oublie tout le temps que tu peux faire ça. " dit-il en mettant la vaseline sur les dents perpétuellement apparentes de sa création. " Je suis si content que tout soit filmé. Ça sera sans prix. " Il recula, la brosse dans la main. " Bon, dernières vérifications. Dents ? "

Kurt remua la mâchoire, et les mandibules extérieures obéirent, y compris la seconde rangée de dents. Anshelm croisa les doigts. La pièce suivante de l'équipement leur avait joué des tours.

" Boîte vocale ? " demanda-t-il avec hésitation.

Kurt feula. L'équipement dans la tête amplifia ce qui aurait été un bruit tout juste audible en un grognement effrayant qu'on pouvait entendre dans tout le couloir. Anshelm fit un pas en arrière, une main sur la poitrine.

" Seigneur, Kurt, quoi que tu fasses, ne parle pas. "

" Comme ça ? " demanda Kurt. Sa voix était si horriblement distordue que même lui en fut effrayé.

" Oui, comme ça ! "

Kurt leva le pouce. A partir de maintenant, parler était strictement interdit. Dans son personnage, il n'avait le droit que de feuler et de grogner. Anshelm prit une grande inspiration pour se calmer.

" On y va. " dit-il.

Kurt disparut de la loge et réapparut sur l'épaisse tige de métal. Il se lova immédiatement dans le nid triangulaire des supports. Le murmure des conversations et les raclements de chaises avaient rendu le bruit léger de son arrivée totalement inaudible. Personne ne leva les yeux. Personne ne savait qu'il était là. Parfait. Il se blottit là en attendant son passage.

Après quelques minutes, les lumières s'éteignirent complètement et l'assemblée se tut. Pour Kurt, c'était comme s'il était dans un théâtre, blotti dans un coin, regardant silencieusement la foule. Bien sûr, il n'avait pas de costume moulant à porter. Il restait immobile et respirait lentement. Il devait économiser ses mouvements et son énergie, ou le costume de latex s'échaufferait tellement qu'il risquerait l'attaque cardiaque.

Il y avait d'autres Aliens, des créatures avec des ailes, des insectes et des robots. Même s'il avait vu la plupart des costumes à un moment ou à un autre dans les coulisses, les présentations rendirent tout entièrement nouveau. L'avant-avant-dernier à entrer était Robocop, celui qui inquiétait tant Anshelm. Tout, jusqu'au bruit de métal contre le bois de l'estrade, était parfait. Un murmure appréciatif parcourut l'assistance lorsque la jambe gauche du comédien s'ouvrit et délivra le pistolet. Puis il tira, le bruit si fort qu'il n'était presque pas distinguable d'une arme réelle. Même l'action du pistolet était parfaite. L'assistance applaudit vivement. Pas étonnant que Anshelm soit si inquiet. C'était un sacré truc à suivre. Kurt baissa les yeux vers les sparadraps qui symbolisaient ses marques. Sa performance devrait être époustouflante.

Ohé ? Il regarda de plus près. Quelqu'un, un des techniciens, était sur une de ses marques. Qu'est-ce qui se passait ? Les techniciens ne commettaient pas ce genre d'erreur. Ils n'étaient même pas censés être là...

Oh non, dites-moi que ce n'est pas ce à quoi je pense...

Toute l'assistance était concentrée sur les costumes qui leurs étaient présentés. Et même s'ils n'avaient pas été concentrés là-dessus, il n'auraient pas pu voir le visage du nouveau venu. Kurt, cependant, avait toujours vu dans la nuit la plus sombre comme en plein jour. Le " technicien " pouvait être un des quatre hommes à la une du journal.

Je suis juste nerveux. Il y a probablement des douzaines de personnes qui ressemblent à ça...

L'homme remua nerveusement. En fait, il avait l'air très nerveux, et sa veste ne lui allait pas parfaitement. Il transpirait et il était essoufflé. Il y avait une bosse allongée, de forme suspecte, dans sa poche. Le pouls de Kurt accéléra. " L'aimant à catastrophes " d'Anshelm fonctionnait à plein régime.

Très bien, Kurt, et qu'est-ce que tu vas faire à ça ?

Les attentats n'avaient pas été des suicides, donc l'homme n'allait sans doute pas se faire exploser. Sa présence ici signifiait que s'il y avait une bombe, elle n'était pas dans la pièce. Est-ce qu'ils changeaient de tactique ? Est-ce qu'il allait prendre un otage, cette fois ? L'homme avait une arme, et il semblait désespéré.

Kurt réalisa qu'il avait complètement manqué l'avant-dernier passage. Soudain, l'annonceur indiqua son entrée. Le " technicien " était toujours sur sa marque. Bien, le Seigneur lui avait donné une ouverture, un moyen de s'occuper de ça sans paniquer tout le monde. Il pria mentalement alors que la bande son de Alien de James Horner commençait. Puis il feula et commença à se dérouler.

Un cri de surprise retentit dans l'assistance alors qu'ils se tournaient vers le plafond. La lumière vint sur Kurt alors qu'il feulait de nouveau, se déroulant complètement. Les cris s'amplifièrent quant il bondit de poutre en poutre avec une grâce et une vitesse terrifiantes, agitant sa queue comme un fouet derrière lui. Il descendit le long de l'échafaudage la tête la première, en rampant, puis fit un saut périlleux et atterrit accroupi au sol. Il se leva lentement, feulant, sa queue fouettant l'air derrière lui. Il se cabra et gronda, sortant la seconde rangée de dents. L'assemblée éclata en applaudissements et en cris joyeux alors qu'il rampait à quatre pattes vers le centre de la scène. Il regarda vers sa gauche, le tireur peut-être à 350 mètres de lui (T/N : ? ? ? ? ? ? ? Je traduis " douze pieds ". Mais ça me paraît bien grand, moi !), et feula à nouveau. Le tireur devint blanc comme un linge et commença à sortir l'arme de sa poche. Kurt gronda et plongea par dessus la foule. Il atterrit carrément sur l'homme, qui cria et tira en l'air alors que Kurt le plaquait au sol. Kurt l'immobilisa, écartant l'arme de sa main, et retomba à moins de trois centimètres de son visage. Le public était extatique.

Ça t'apprendra à te tenir sur ma marque, pensa Kurt.

Il attrapa l'homme par les bras, bondit vers les coulisses et disparut à l'intérieur, sous des applaudissement tumultueux. Les autres comédiens et les techniciens le regardèrent avec étonnement. Était-ce un changement de scénario ? Il n'était pas supposé amener quelqu'un dans les coulisses. Ils eurent leur réponse quand le nouvel arrivé se remit du choc, échappa à la prise de Kurt et s'enfuit vers la sortit de secours. Kurt jura et le poursuivit, bondissant sur le mur dans un rapide virage. Le tireur bouscula les gens présents dans le couloir et lança des objets vers Kurt, essayant de ralentir son poursuivant. Kurt continua à bondir sur les murs en galopant à quatre pattes, évitant tout ce qu'il lui lançait. Si seulement le costume n'avait pas été aussi serré, il aurait déjà attrapé ce tordu.

Kurt pouvait entendre les employés les acclamer et les encourager sur leur passage. Ils devaient prendre ça pour un jeu entre eux. Kurt était ébloui par les lumières et il avait des vertiges. Il devait trimballer son sauna portable, maintenant. La fatigue et la chaleur le dévoraient. Combien de temps avait-il avant de s'écrouler complètement ?

Ils coururent à travers le bâtiment jusqu'à presque atteindre la sortie. Kurt savait que la porte au bout du couloir menait dehors. Il n'avait plus qu'une chance de capturer sa proie.

Seigneur, faites que personne ne me voie faire ça, pensa-t-il.

Il se téléporta derrière l'homme et le plaqua au sol, ne pensant plus qu'à la longue tête aveugle et maintenant très chaude et étouffante qu'il portait. L'homme se débattit et essaya d'atteindre la porte, quelques mètres à peine devant lui. Kurt se sentait faible et à la limite de s'évanouir sous la chaleur. Il ne pouvait pas retenir ce fou furieux plus longtemps.

La porte s'ouvrit violemment devant eux. Des hommes en tenue de combat se ruèrent dans le couloir, leurs visages cachés par des masques ; l'équipe d'assaut antiterroriste de Berlin. Ils pointèrent leurs armes sur les deux hommes en leur ordonnant de se rendre. Regardant d'abord ces hommes qui semblaient faire deux fois sa taille, puis leurs armes encore plus impressionnantes, Kurt recula et leva les mains. Sa proie le repoussa en arrière et commença à courir quand un homme de l'équipe lui mit plusieurs balles dans la jambe. Kurt était sûr qu'une des balles, peut-être deux, avait explosé sa rotule. Il tomba en criant des obscénités et fut plaqué au sol par six hommes. Kurt, assis par terre, s'appuya sur le mur, ses oreilles tintant et haletant lourdement, sa respiration distordue et amplifiée. Alors que le tireur était immobilisé, un des officiers vint vers Kurt et s'agenouilla devant lui.

" Joli costume, monsieur. " dit-il. " Vous êtes blessé ? "

" Il a lancé... son arme... dans l'auditorium... " gémit Kurt.

Sa voix était brusquement normale. Le synthétiseur s'était arrêté. Avec tous ces mouvements, ce n'était pas surprenant.

" Laissez-moi vous aider. " offrit l'homme.

" Ils n'étaient pas... quatre ? Quatre poseurs de bombe ? "

L'officier aida Kurt à se relever. " Plus maintenant. On a déjà attrapé les trois autres. C'est pour ça qu'il fuyait. "

Kurt hocha la tête, s'appuyant sur le mur. A un certain moment, le monde devait s'arrêter de tourner, n'est-ce pas ? Il ferma les yeux et resta immobile, l'officier le soutenant, et entendit la voix d'Anshelm.

" Oh, mon Dieu, Kurt ! Tu trembles ! Bois quelque chose ! "

Anshelm glissa une paille sous le masque. L'eau froide avait un vague goût de sucre et de sel. Des électrolytes.

" Je dois enlever ce truc. " murmura Kurt.

" Emmenez-le avant qu'il tombe dans les pommes. " ordonna l'officier. " On viendra vous parler plus tard. "

Anshelm aida Kurt à marcher jusqu'à la loge. Les équipes les entourèrent et les félicitèrent tout le long du chemin. Kurt regarda Anshelm qui avait à nouveau ce large sourire caractéristique.

Kurt sourit faiblement. " Qu'est-ce qui se passe ? "

" Tu as coincé un terroriste dans ce costume, et il est comme neuf. "

SAUT DE PARAGRAPHE

" Je suis resté assez mal en point à cause de la chaleur pendant quelques heures, mais à part ça je n'avais rien. " acheva Kurt. " J'ai entendu que l'équipe d'assaut disait en plaisantant qu'ils devraient porter des costumes d'Alien pour se rendre plus effrayants. Anshelm et moi, on a blagué ensuite de ce qui vaudrait la plus forte accusation à l'homme : me tirer dessus au insulter la police. "

" Ils peuvent vraiment vous arrêter pour leur jurer dessus ? " demanda Ororo, curieuse.

" Oh, oui. C'est illégal d'insulter la police en Allemagne. " Il agita un doigt pour renforcer son argument. " Ne jamais, jamais, jamais insulter la police. Soyez polis avec eux, ils seront polis avec vous. " Il soupira et passa la main dans ses cheveux, détournant les yeux avec une timidité nerveuse. " Il m'a fallu des années avant de dire la vérité à ma famille. Papa Bashalde m'aurait tué. "

" Je suppose qu'Anshelm a réussi ? " demanda Scott.

" Oui, mais pas la première place. Ça a été pour Robocop, pour le travail technique. Il était très content, cependant. Il a eu un contrat d'apprentissage l'année suivante chez une compagnie locale d'effets spéciaux. On a peu à peu arrêté de se contacter par la suite. Je ne sais pas exactement quand il est parti aux Etats-Unis. "

" J'adorerais voir la vidéo. " commenta Ororo.

Kurt soupira. " Peut-être que je pourrai me la faire envoyer d'Allemagne. Je ne l'ai pas emmenée avec moi. "

" Peut-être qu'Anshelm aura une copie. Pourquoi tu ne lui demandes pas ? " Ororo sourit. " Et puis, personne ne te croira si tu leurs racontes ça. Même moi, j'ai du mal. "

Kurt sourit et fourra dans sa poche lettre et enveloppe. " Je vais essayer. "

SAUT DE PARAGRAPHE

Ecrire la lettre était à la fois plaisant et horriblement difficile. Alors qu'il était bon de parler à son vieil ami depuis si longtemps, comment pouvait-il expliquer à Anshelm ce qui s'était passé à la Maison Blanche ? Même Kurt ne savait pas. Xavier suggéra qu'il dise la vérité, à mots choisis ; c'était un coup monté magistral, et il n'avait rien pu faire pour le prévenir. Ce n'était pas parfait, mais ça pouvait servir.

Il posta la lettre et l'oublia rapidement, occupé comme il l'était. Il fut assez surpris en recevant un petit paquet une semaine plus tard. Il était dans le couloir vide ; il ouvrit l'enveloppe et trouva plusieurs pages manuscrites et un disque. Anshelm lui avait tout mis sur DVD.

Malicia arriva à ce moment du couloir et vit ce qu'il avait dans les mains. Son visage s'éclaira et elle courut vers lui.

" C'est ce que je pense ? " demanda-t-elle. " Ton copain t'a gravé un disque de ce truc en costume ? "

" Gravé ? " demanda Kurt, qui comprenait mal la phrase.

" Il t'a fait une copie ? " éclaircit Malicia.

" Attends une minute ! Comment sais-tu cela ? "

Elle lui fit un sourire un peu grimaçant. " J'étais près de la Salle des Dangers l'autre jour. Je me suis approchée et j'ai tout entendu. " Elle attrapa soudain le disque et partit en courant, criant " Bobby ! Kurt a le truc d'Alien sur un disque ! "

Kurt sourit, secoua la tête et la suivit, sans vouloir l'arrêter.

" C'est tout en allemand, tu sais. " lança-t-il. " Tu auras besoin d'un traducteur ! "

Il se téléporta au plafond du foyer et attendit que Malicia arrive. Elle entra avec pas mal d'autres étudiants, Ororo et Logan dans leur sillage. Kurt sauta devant elle, la faisant sursauter, et prit le disque de sa main gantée.

" Tu agis comme si je ne te le montrerais pas. " la réprimanda-t-il gentiment en sortant le disque de sa boîte. " Pourquoi est-ce que j'aurais honte de mes propres performances ? "

Il glissa le disque dans le lecteur DVD alors que les autres réquisitionnaient chaque siège disponible. Alors que Kurt s'installait par terre devant le canapé, l'écran plat s'alluma. Tout était filmé au caméscope, mais la main d'Anshelm était très stable. Sur les premières scènes, Kurt était habillé entièrement en noir, même sa queue et sa tête, dans ce qu'il leur dit être un test de couleur et d'action (T/N : vous remarquerez que je ne suis pas une pro du vocabulaire cinématographique. Si quelqu'un connaît le terme technique exact, ça m'intéresse). Après ça, les spectateurs purent voir Anshelm lui-même pour la première fois, aidant Kurt à enfiler le costume. Kurt semblait plus jeune, sans doute 18 ou 19 ans, et il n'avait pas encore de tatouage sur les bras, ce qui était clairement visible car il ne portait qu'un maillot de bain. Cela provoqua des sifflements chez les filles.

Mais après le travail préliminaire, que Kurt traduisit dûment mot pour mot, ils purent voir la représentation dans l'auditorium sombre. C'était filmé professionnellement. A part Kurt et Logan, toute la pièce poussa un cri de surprise quand Kurt apparut. Ils sursautèrent deux fois. Kurt se contenta de sourire largement. C'était bon de voir que ses vieilles performances fonctionnaient toujours.

" Kurt, tu es vraiment trop doué à ça " dit Ororo. " Promets-moi que tu n'as pas l'intention de porter ce truc ici. "

Finis.