Disclaimer : Poudlard, Severus Rogue, Albus Dumbledore, Vous-savez-qui, les Mangemorts, le Chemin de Traverse appartiennent à J.K. Rowling, et je ne les emprunte pas à des fins douteuses... Mais l'histoire et l'anguille récalcitrante sont à moi !


Réponses aux reviews :

Falang : excellente idée à proposer aux étudiants en littérature ou en philo ! C'est tout un mythe, ce Dumbledore !

Bohemio: merci ! JK Rowling ne l'a pas encore révélé dans ses livres, mais c'est vrai : Dumbledore adore arranger des couples et jouer les entremetteurs… Mais il aime quand même moins ça que les esquimaux au citron !

Dilly : Dumbledore n'a QUE des bonnes idées ! C'est d'ailleurs pour ça qu'il est directeur de Poudlard, ordre de Merlin première classe, etc…

Docteur Gribouille : merci ! Mais, en toute sincérité, je pense que notre Dumbledore vénéré devrait penser à voir un endocrino, au cas où toutes ces sucreries auraient provoqué un diabète de type II…

Bonne lecture à toutes les admiratrices du mystérieux professeur Rogue et aux amateurs d'anguille, sous toutes ses formes !!

Épisode 7 : "La peau de chagrin"

"La peau de chagrin" est un roman plus ou moins fantastique de Balzac, plus connu pour faire partie du courant "réaliste". C'est l'histoire d'un homme qui possède un morceau de peau appelée "peau de chagrin" qui lui permet de faire des voeux. Mais, à chaque voeu, la peau rétrécit, jusqu'à disparaître. C'est un peu le même principe que "Le portrait de Dorian Gray" d'Oscar Wilde.

J'ai choisi ce titre parce que j'ai l'impression que la Marque des Ténèbres agit comme une peau de chagrin. Elle permet d'assouvir une certaine puissance, mais elle consume progressivement celui qui la porte, au point de l'anéantir.


- Oh, c'est vous…

Blanche ne savait plus si elle pouvait continuer à rire ou pas. Dans le doute, elle arrêta. La situation aurait pu être comique : elle, affalée sur cet homme qu'elle avait maladroitement renversé. Oui, la situation aurait pu être comique, si cet homme n'avait pas été Severus Rogue.

- Oui, c'est moi, grinça-t-il, en la fusillant du regard.

Elle s'empressa de se dégager, réprimant un sourire malicieux. Ce qu'il pouvait être coincé !

Il se dépêcha de se relever, époussetant ses robes en maugréant. Ce qu'elle pouvait être futile !

- mais qu'est-ce que vous faites là ? demanda-t-elle avec curiosité.

- Mais qu'est-ce que ça peut bien vous faire ? répliqua-t-il sans cacher sa colère.

Un voile d'exaspération passa sur le visage de Blanche. Ce type était si… Elle ne trouvait pas le mot.

- C'est le professeur Dumbledore qui m'envoie ici, ajouta-t-il sans trop savoir pourquoi.

Peut-être qu'il voulait simplement avoir la paix…

Blanche tourna son charmant minois vers lui et lui sourit.

- Quelle coïncidence ! s'exclama-t-elle. Il m'a aussi envoyée ici pour que je lui achète des esquimaux au citron !

Rogue écarquilla les yeux.

- Des… Des esquimaux au citron ? répéta-t-il.

- Oui, vous savez, ce sont ces glaces que les Moldus…

- JE SAIS CE QUE C'EST ! hurla-t-il.

Lui-même n'aurait su dire s'il est plus furieux contre Dumbledore d'aimer les esquimaux au citron ou contre elle d'être si… Il ne trouvait pas le mot.

La porte de la boutique s'ouvrit brusquement, dans un tintement aigu de carillon, coupant cours à ses réflexions.

- Euh… 'Scusez-moi, mademoiselle, commença le vendeur d'un ton accablé et laconique. Si vous pouvez attendre jusqu'là, je recevrai des esquimaux au citron en fin d'soirée, vers 22h…

Blanche regarda son collègue, mais celui-ci détourna les yeux, complètement indifférent.

- Bien ! répondit-elle joyeusement. Gardez-nous en une boîte, nous repasserons plus tard !

Stupéfait, Rogue la regarda en écarquillant les yeux.

- N'est-ce pas, professeur Rogue ? ajouta-t-elle.

Il pinça fermement les lèvres, si bien qu'elles blanchirent. Ses yeux flamboyèrent de fureur et il se contenta de hocher faiblement la tête.

Le vendeur eut un sourire fatigué puis rentra la tête dans sa boutique.

- Bien ! reprit Blanche avec un sourire ironique. Qu'est-ce qu'on fait maintenant ?

On ?

- Pardon ? lança Rogue.

- Ben oui, répondit Blanche. Ca ne vaut pas le coup de rentrer à Poudlard si c'est pour revenir dans quelques heures. A moins que vous n'ayez pas l'intention de repasser…

- Le directeur m'a demandé de lui rendre un service et je lui obéirai, répondit fermement Rogue.

Il lui lança un regard de défi, qu'elle soutint sans problème.

- Dans ce cas, nous devrions peut-être…

- Ne comptez pas sur moi ! l'interrompit-il. Au revoir.

Il tourna les talons sans le moindre signe de politesse.

- Attendez ! s'écria Blanche.

Rogue soupira bruyamment.

- Quoi encore ?

- Il faut que je vous parle…

Il ne répondit pas, semblant attendre la suite, en fixant son interlocutrice.

- Et bien ? finit-il par lâcher avec impatience.

- Pas ici. Vous devez bien connaître un coin isolé et discret dans l'Allée des Embrumes ? demanda-t-elle avec un sourire ironique.


"L'Anguille Récalcitrante" était un minuscule restaurant, connu seulement de quelques habitués au goût douteux. Il faisait le coin entre le Chemin de Traverse et l'Allée des Embrumes. Dans l'obscurité de cette tiède soirée de printemps, la devanture passait presque inaperçue. Le sort qui était supposé rendre lumineuses les lettres ternies de l'enseigne s'était affaibli avec les années, sans que le propriétaire songe à le renouveler. La façade mal entretenue, les vitres fumées et l'odeur lourde de friture qui s'échappait des cuisines, tout contribuait à créer une atmosphère pour le moins peu accueillante. Et c'était pour cela que Severus Rogue avait choisi ce restaurant.

Mais ce qu'il n'avait pas prévu, c'était que son "invitée" allait faire joyeux visage. Les frasques culinaires à l'huile ne semblaient pas lui déplaire.

Elle s'assit à une table, dans un coin particulièrement reculé et sombre, toujours souriante.

- Alors ? demanda Rogue, en jetant un regard hésitant à son assiette. Que me voulez-vous ?

Il était pressé d'en finir avec cette soirée stupide qui ne présageait rien de bon.

Blanche reposa ses couverts dans son plat de beignets d'anguille.

- Je suis allée voir Dumbledore, dit-elle comme si c'était le dernier scoop.

- Génial, répondit Rogue sans montrer le moindre intérêt pour la conversation. Je suis ravi pour…

Elle l'interrompit :

- Je suis allée le voir à propos de la Marque des…

- Chut !!! N'en parlez pas si fort ! s'indigna-t-il.

Il jeta des regards affolés autour d'eux. Heureusement, la salle de restaurant était pratiquement vide. Seul un homme âgé était attablé relativement près d'eux, mais il ne levait pas le nez de son verre et paraissait passablement ivre.

- Que vous a-t-il dit ? demanda Rogue à voix basse.

- Rien.

- Rien ?

- Rien ! s'écria-t-elle avec force.

Il lui fit signe de parler moins fort et lui jeta un regard noir.

- Il m'a simplement conseillé de m'adresser à vous…

Il soupira et baissa les yeux sur son assiette.

- Je n'ai rien à vous dire.

- Non, bien sûr. Mais je peux vous dénoncer au Ministère…

Il éclata de rire, ce qui la surprit au plus haut point.

- J'ai déjà été jugé, si c'est ce qui vous préoccupe.

- Par le Ministère ? Vous voulez dire que tout le monde sait que vous avez été… que vous en avez été un ? Et vous êtes autorisé à enseigner à Poudlard ?!

- Le professeur Dumbledore est ma garantie.

Il eut un petit sourire, presque imperceptible. Le directeur avait beau être atrocement espiègle, condescendant et invivable pour un personnage aussi austère que le sombre maître de potions, il était la personne pour laquelle il avait le plus de respect.

- Pourquoi ? demanda Blanche.

- Parce qu'il est le seul à connaître la vérité.

- Qui est…

- Bien essayé. Mais je ne vous dirai rien.

- Évidemment… soupira-t-elle. Vous ne voulez vraiment pas…

- Non.

Elle hocha la tête, visiblement déçue, mais un peu rassurée. Elle avait suffisamment confiance en Dumbledore pour ne pas remettre en doute ses choix. Mais quand même…

Rogue, lui aussi, regardait ailleurs. Il y eut un long gêné, interrompu seulement par les ronflements du vieil ivrogne qui s'était effondré sur sa table, en renversant son cocktail à base de jus d'anguille et d'alcool à 90.

Blanche reprit sa fourchette et dit :

- Excusez-moi mais…

Elle hésita puis poursuivit, avec un charmant sourire :

- Puis-je goûter à votre anguille à l'étouffée, s'il vous plait ?

Rogue poussa un profond soupir particulièrement déprimant.

- J'étais jeune, dit-il dans un souffle. C'était sans doute stup… Ce n'était peut-être pas une bonne idée. Mais ça a au moins servi à quelqu'un…

Blanche releva la tête de l'assiette de son interlocuteur, la fourchette en suspens et l'oreille aux aguets. Pour quelqu'un qui ne devait rien dire, il était plutôt mal parti.

- A Vous-savez-qui ? demanda-t-elle comme si elle parlait d'une vieille légende.

- Oh non ! s'empressa de répondre Rogue. Je ne crois pas lui avoir été d'une quelconque utilité. Je parle de… d'Albus Dumbledore.

Blanche lui lança un regard interrogateur. Rogue soupira à nouveau, partagé entre son besoin de se confier à n'importe qui, son désir de conserver une image sévère et inflexible et son dégoût face aux morceaux d'anguille calcinés que Blanche picorait de bon appétit.

Cette fille était curieuse à son goût. Trop superficielle et trop confiante aussi. Mais il avait envie de parler et elle seule était là. De plus, elle semblait disposée à l'écouter.

- Je voulais me faire valoir, me rendre utile. Je n'ai rien trouvé d'autre…

Il fit une pause, s'attendant à un commentaire désobligeant, mais rien ne vint. Il prit quelques secondes de réflexions avant de continuer. Il n'avait jamais raconté ça à personne, et les mots ne venaient aussi facilement qu'il l'avait pensé.

- J'étais en septième année. A l'époque, c'était incroyablement facile de devenir M… d'en devenir un. Le "recrutement" s'effectuait en masse. Il suffisait de vouloir. Et de le montrer. J'ai pensé que ce serait un atout indiscutable pour le directeur d'avoir une sorte d'espion dans l'autre camp. Je n'avais pas tort.

Il s'arrêta à nouveau. Blanche continuait de le fixer attentivement.

- Et ensuite ? demanda-t-elle en reposant sa fourchette.

Rogue tressaillit au son de sa voix. Une mince et pâle lueur vacilla furtivement dans ses yeux.

Ensuite…

Ensuite, il avait "sign", il avait été marqué, il était devenu un Mangemort. Contraint et forcé, peut-être. Pour une noble cause, sans doute. Mais un Mangemort malgré tout. Et son bras douloureux, brûlé, torturé, supplicié, le lui rappellerait éternellement.

La magie noire l'avait fasciné. Il s'en était méfié, d'abord, sur les conseils de Dumbledore. Puis, peu à peu, la puissance de ces techniques l'avait irrésistiblement attiré. Il s'était penché sur les théories, puis s'était intéressé aux pratiques, jusqu'à atteindre un excellent degré de maîtrise. Jusqu'au point de non-retour…

Quant au "personnage"… Le Seigneur des Ténèbres, ainsi qu'il se faisait appeler, avait un charisme étonnant de la part d'une personne aussi sombre. Et pourtant, il attirait indéniablement une certaine catégorie. Catégorie dont il faisait partie, à son plus grand dam. Le Seigneur des Ténèbres effrayait le sorcier moyen, mais les Mangemorts l'aimaient. Ils l'aimaient vraiment… Comme un maître, comme un mentor, comme un messie parfois. Chacun à leur façon, ils l'aimaient pour ce qu'il était susceptible de leur apporter.

Lui l'avait d'abord méprisé et détesté, comme son bon sens lui disait de faire. C'était un être foncièrement mauvais et haïssable, même pour un Serpentard comme lui. Mais comment continuer à mépriser une personne aussi docte et puissante, aussi prometteuse ?Le Seigneur des Ténèbres savait et pouvait. Il savait tout et pouvait tout, ou presque. Il rivalisait de pouvoir avec Dumbledore. En tous cas, aux yeux de Severus Rogue.

Mais Albus Dumbledore était la cause qu'il avait choisi de servir, dans le but unique d'obtenir sa confiance, son respect, avant même qu'une quelconque notion de bien ou d'honneur intervienne. Il voulait être estimé par l'homme qu'il estimait le plus. Jusqu'à ce qu'il rencontre le Seigneur des ténèbres.

Alors, une longue période de doute s'était installée en lui, pendant laquelle il s'était senti plus incapable et inutile que jamais. Il n'était pas suffisamment sûr de lui, il hésitait trop pour savoir quel camp choisir.

Qui lui apportait le plus ? A qui serait-il susceptible d'être le plus utile ? Plus il y réfléchissait, plus il s'enfonçait dans l'ignorance. Il n'était rien d'autre qu'un pion banal et sans intérêt, pour les deux belligérants. Tous deux se servaient de lui à son propre désavantage, pour leur propre victoire, quelles qu'en soient les méthodes et les objectifs ultimes. Il s'était vendu lâchement et on s'arrachait les restés de ce qu'il avait mis aux enchères. La prise de conscience avait été rude. Il n'avait plus eu qu'à attendre qu'il y ait un vainqueur pour se ranger à ses côtés…

Et, enfin, la délivrance. Le Seigneur des Ténèbres vaincu, le monde libéré. Le sourire de Dumbledore. La douleur, le repentir. Mais aussi l'espoir. Un peu d'espoir. Une place, un camp…

Et pourtant, l'horrible marque lui cuisait toujours la peau, simplement pour qu'il n'oublie pas ce qu'il était : rien. Et cette trace ne disparaîtrait pas, le ballotterait toujours d'un camp à l'autre, rejeté comme un le traître qu'il n'avait pas pu s'empêcher d'être.

Et si jamais un jour… Mais il valait mieux ne pas y penser.

Il sortit de ses pensées, regardant obstinément les restes d'une anguille qui n'avait pas demandé à finir en papillote… Puis il perçut les deux grands yeux violets qui étaient fixés sur lui, attendant avidement la suite. Et ces yeux exprimaient autant de curiosité que de compassion. Il sentit une étrange chaleur en lui.

- Et ensuite… reprit-il lentement, d'une voix faible. Mais…

Son ton de fit brusquement plus dur, la lueur dans ses yeux redevint froide et immobile.

- Mais ça ne vous regarde pas !

Il se leva d'un mouvement si brusque qu'il renversa sa chaise. Blanche sursauta, le serveur se recroquevilla dans son coin en leur lançant un regard outré, et l'homme saoul émit un ronflement indigné, sans se réveiller pour autant.

- Je pensais simplement que vous aviez envie d'en parler… dit Blanche.

- Non ! Vous pensiez mal ! Je n'ai absolument pas envie de parler de… de ça !

Il respira bruyamment, tentant de réfréner une fureur dont il comprenait mal l'origine et l'ampleur.

- Bonsoir.

Il s'éloigna à grands pas. Blanche contempla les reliefs du repas sur la table en désordre. Puis soudain :

- Hé ! s'écria-t-elle de manière à être entendue à l'autre bout de la salle. Vous n'allez quand même pas me laisser tout payer ?!

Rogue stoppa net au moment de franchir la porte. Il revint sur ses pas. Arrivé devant Blanche, il fouilla dans ses poches et lâcha une poignée de pièces sur la table, au beau milieu des assiettes.

- Vous pouvez me remercier ! lança-t-il d'un ton qui se voulait neutre mais duquel s'échappait une exaspération sévère.

- Et puis quoi encore ? éclata Blanche. Vous êtes odieux avec tout le monde, y compris avec moi alors que je vous écoute gentiment, vous m'emmenez dans un restaurant miteux et vous voudriez que…

- Miteux ? hurla le serveur. Mais, Madame, je ne vous permets pas !

Blanche le transperça d'un regard noir et glacial qui le cloua sur place et le réduisit au silence.

- Mademoiselle ! corrigea-t-elle. Et, puis, votre restaurant est MITEUX ! Votre anguille a un goût de VASE !

Le serveur vira au rouge brique. On aurait dit que de la fumée allait sortir de ses oreilles. L'ivrogne, réveillé en sursaut par les bruits de la dispute, regardait la scène d'un oeil hagard.

Mais le serveur commença à marmonner entre ses dents et à grogner, prêt à se mettre dans une rage folle si quelqu'un émettait encore la moindre critique sur son anguille.

- Et je ne parle même pas de…

Mais elle n'eut pas le temps de terminer. Rogue s'empara de son bras et se précipita hors du restaurant, bredouillant quelques vagues excuses pas du tout sincères, avec que le serveur leur lance un maléfice.


- Vous êtes satisfaite ? hurla-t-il à l'adresse de l'infirmière lorsqu'ils furent dehors.

L'expression confuse qui flottait sur le visage de Blanche s'évapora d'un seul coup. Elle éclata de rire.

- Oh oui ! Je ne m'étais pas autant amusée depuis une éternité !

Rogue ne put réprimer un léger sourire.

- Moi non plus, pensa-t-il.


Autant vous prévenir maintenant : à partir de la semaine prochaine, mon emploi du temps va encore s'alourdir (je pensais que ça n'était pas possible, mais, à l'évidence, ça l'est…) donc j'ignore quand je serais en mesure de poster la suite. Je ferais peut-être un effort si vous m'encouragez…