Notes de l'autrice(2019) : J'ai fait la révision des 15 ans sur cette histoire (et mes deux autres sur La Momie, d'ailleurs) j'ai changé quelques petits trucs de formatage et une ou deux expressions que je n'avais pas bien comprises en 2004. Bonne lecture ! (et si, en fait j'ai complètement abandonné les Chroniques des Maraudeurs – l'histoire ne tient pas la route et elle est pleine d'incohérences à la fois par rapport à l'univers et aux personnages et par rapport à l'intrigue en elle-même. Je mettrai peut-être un dernier « chapitre » un jour avec mes notes du reste de l'histoire si j'arrive à les retrouver…)
Notes de l'autrice : Non, je n'ai pas complètement abandonné les Chroniques des Maraudeurs, je l'ai juste mis en stand-by parce que pour l'instant je n'arrive pas a) à retrouver les notes que j'avais prises pour les chapitres suivants et b) à revenir dessus pour le moment, mais ça viendra. En attendant, voici la traduction d'une histoire absolument géniale, Circumstantial Evidence, par Eve – j'ai fait de mon mieux, mais la version originale est bien plus savoureuse à mon goût. Allez la lire, anglophones, et dites-moi :o)
Les personnages de La Momie ne m'appartiennent pas – je crois qu'ils sont à Stephen Sommers, ou à Universal ; la fanfiction d'origine, Circumstantial Evidence, ne m'appartient pas non plus, je l'ai juste traduite en français pour la rendre accessible aux non-anglophones, parce que j'aime beaucoup cette histoire et voulais la faire partager à ceux qui autrement n'en aurait jamais entendu parler. Et comme Eve m'a très gentiment donné sa bénédiction, la voilà !
DE L'IMPORTANCE DES PREUVES INDIRECTES
Par Eve / robot_iconography
d'après CIRCUMSTANTIAL EVIDENCE
(Traduit de l'anglais par Belphegor)
La famille est l'un des chefs-d'œuvre de la nature.
––––––George Santayana
1.
Bon, je ne m'aventurerai pas à détailler les raisons de ma présence cette nuit dans une prison militaire. Je dirai simplement qu'un officier avait perdu sa montre dans la casbah et que l'objet fut retrouvé sur ma personne. Ceci, n'importe quel avocat digne de ce nom vous le dira, est communément appelé une « preuve indirecte ».
Pour tout vous dire, je n'avais pas volé la montre de cet officier. Je n'avais absolument rien à cirer de ce fichu machin (dont la qualité était plus que médiocre) et le fait qu'il ait été trouvé dans une de mes poches n'a rien de bien glorieux. Il se trouve que j'étais au bar, en train de garder cette montre pour une de mes connaissances, qui était censé passer et venir la chercher. Au lieu de cela, c'est l'officier en question qui est arrivé, avec ses sbires, et c'est moi qu'ils ont trouvé.
Je ne sais pas pourquoi ils ont tenu à m'enfermer dans la prison militaire. Je ne suis même pas certain que ces types-là ont le droit ce faire ce genre de coup tordu à un civil, surtout à un civil moyennement riche et de bonne famille, qui plus est. Mais étant donné qu'ils étaient quatre – quatre grosses brutes, et tous plus grands les uns que les autres – j'ai fait ce qu'on me disait de faire et évité de poser des questions qui justiferaient l'emploi de violence physique. Je n'ai jamais été très doué pour la bagarre. Je crois en la valeur d'une discussion calme et rationnelle. Ce qui explique pourquoi, lorsqu'Evy est venue me chercher, j'étais calmement et rationnellement en train de taper sur les barreaux avec une assiette en fer tout en hurlant que je voulais sortir.
– Jonathan ! hurla-t-elle, les mains sur les oreilles.
Je cessai immédiatement de taper et de hurler et tendit mes bras à travers les barreaux aussi loin que je pouvais.
– Sœurette !
Elle fit une drôle de grimace et recula délibérément pour éviter mes bras. Puis elle se mit les mains sur les hanches pour me sermonner, position familière s'il en est.
– Tu as fait les poches d'un officier, Jonathan ?
Ma sœur est malheureusement née avec un défaut héréditaire congénital auquel il se trouve que j'ai échappé par miracle. Elle a une conscience. Ce qui peut se révéler fichtrement incommode parfois. Mais je ne peux m'empêcher d'aimer cette drôle de fille, surtout dans des moments comme celui-là où elle veille sur moi, comme j'ai toujours veillé sur elle.
– Je suis innocent, je te dis.
Evy marmonna quelque chose de désagréable.
– Mais je te jure que c'est vrai, petite mère, voyons ! Je gardais la montre pour un ami. Je n'avais aucune idée qu'elle venait d'être volée, Evy, je te jure.
Ça, en tout cas, c'est vrai. Quand un ami me demande de garder quelque chose, je ne demande jamais d'où ça vient. Ce genre d'histoire peut se terminer très mal.
Evy soupira, et secoua la tête. Cependant, avant qu'elle puisse vraiment me tomber dessus à bras raccourcis, un garçon impassible, propriétaire de la plus belle paire de moustaches que j'ai jamais vue de ma vie, entra et déverrouilla la porte de ma cellule.
Mon premier acte en tant qu'homme libre fut de me jeter au cou de ma libératrice. Evy était sans doute loin d'être enchantée qu'un gusse qui venait de passer la nuit dans une prison militaire se jette ainsi à son cou, mais elle endura l'épreuve avec son courage habituel. Je passai fermement mon bras sous le sien et nous nous en allâmes fièrement. Moi, en tout cas, j'étais fier. J'avais l'impression d'avoir été innocenté. Il ne fait pas de doute qu'Evy aurait été embarrassée si cette fois-ci avait été la première. Les choses étant ce qu'elles sont, elle semblait résignée, mais tout de même légèrement agacée.
– Tu as beaucoup de chance, me dit-elle tandis que nous flânions le long des rues tout en nous délectant de l'air matinal. Ils voulaient te garder plus longtemps, mais Rick a eu une petite discussion avec eux.
– Tiens donc.
Le prétendant de ma sœur, un certain Richard O'Connell, est un Américain assez costaud, et pas spécialement connu pour son sens de la diplomatie. Il ne fait aucun doute que sa « petite discussion » n'impliquait que très peu de mots proprement dit.
– Eh bien, dis-moi où, et je l'y retrouve dans une heure pour lui payer un verre.
– Jon, il est dix heures et demie du matin, dit-elle tranquillement.
– Bien, je suis content qu'il y ait quelqu'un pour me rappeler l'heure qu'il est, puisque je n'ai plus de montre…
Ceci me valut d'être frappé derrière la tête avec le livre qu'elle tenait dans la main. Que ce soit le coup ou le livre, quelque chose me remit la mémoire en place, et je m'exclamai :
– Dis donc, Evy, tu n'es pas censée être au musée ?
Personnellement, je ne comprends pas pourquoi les femmes ont décidé qu'elles voulaient travailler pour gagner leur vie. Si j'avais été une femme, j'aurais été parfaitement satisfaite d'être entretenue. Je ne pense pas que ça m'aurait répugné, en tout cas.
Elle maugréa avec impatience.
– Je ne pouvais quand même pas te laisser en prison toute la journée, non ? Écoute, j'ai laissé un mot au Dr Stuart pour dire que tu étais souffrant et que je suis passée voir comment tu allais ce matin. Alors, si quelqu'un te pose des questions, tu étais très, très malade hier soir.
Je hochai la tête. Contrairement au Dr Bey, avec qui mes rapports étaient assez déplaisants, le nouveau conservateur ne savait que très peu de choses sur notre charmante famille, et croirait probablement ce tas d'âneries.
– Je ne veux pas que tu sortes prendre un verre avant au moins midi, continua-t-elle.
À l'entendre, on croirait que c'est elle l'aînée de la famille, et pas moi.
– Tu as l'air un peu mal fichu, Jon… Enfin, plus que d'habitude. Rentre chez toi, prends un bain, fais une sieste…
– Oui, oui, bon, d'accord. C'est bon.
– Je suis sérieuse !
– Très bien, Evy. Je ne sors pas boire avant midi. Promis.
Ce qui n'exclut pas la petite carafe à vin sur la table du salon.
– Merci.
Elle me serra légèrement le bras avec un sourire. Evy n'arrive jamais à rester fâchée avec moi très longtemps. Une fois, j'ai taillé les cheveux de toutes ses poupées en brosse, et même pas un quart d'heure plus tard elle me suppliait pratiquement pour que je l'emmène jouer au cricket avec mes copains. Aujourd'hui, elle semblait particulièrement gaie.
– Je veux que tu sois en forme pour ce soir.
– Pourquoi ? Que se passe-t-il ce soir ?
Avais-je été si ivre que ça hier ?
– Tu m'emmènes boire un verre.
– Ah, vraiment ?
Evy ne va jamais « boire un verre ». Je ne savais même pas que cette expression faisait partie de son vocabulaire. Apparemment O'Connell a une meilleure influence sur elle que ce que je craignais.
– Eh oui. Tout est arrangé.
Elle me sourit de toutes ses dents. Quelle effrontée, cette gamine. Elle s'attendait vraiment à ce que je laisse tomber tous mes projets simplement parce qu'elle me l'ordonne. Pour quelqu'un qui est censé être une « femme moderne », ma sœur a des idées assez désuètes quand ça l'arrange.
– On ira dans un endroit agréable, où on peut écouter de la musique et danser. Tu pourras te mettre sur ton trente-et-un. On commandera des martinis et on jouera aux nantis sophistiqués. Ça ne te fera pas de mal.
– Evy, comment tu sais que je n'ai pas déjà quelque chose de prévu pour la soirée ?
– Tu n'as jamais rien prévu de ta vie, répondit-elle. Comploté, oui. Prévu, non.
– Dis, et O'Connell, hein ? Tu n'as qu'à lui demander à lui de t'emmener danser, répliquai-je.
– Je suis sortie avec lui tous les soirs cette semaine.
Elle n'avait pas l'air de regretter cela c'était plutôt comme si elle faisait remarquer une évidence. Il se trouve d'ailleurs que j'étais déjà au courant de cette évidence.
– Mouais.
Comme disait notre cher vieux papa, si tu ne trouves rien de gentil à dire, alors ferme gentiment ton clapet.
– Mon cavalier préféré me manque.
Son seul et unique cavalier, jusqu'à récemment. Ma sœur peut être assez mignonne quand elle fait un effort, c'est vrai, mais plantez-la au milieu d'une salle de bal et elle se transforme en sainte terreur à talons pointus. Elle est capable d'écraser les pieds d'un gars comme c'est pas croyable. Je n'ai appris à éviter ses pieds de plomb que par des années de pratique, à force de la balader d'une réception mondaine à une autre après tout, je n'allais jamais pouvoir la refiler comme la poisse à quelque pauvre malchanceux si elle ne levait jamais le nez de son bouquin à toutes les fêtes auxquelles on allait ! Aucun homme, à part moi-même, ne l'a jamais invitée à danser plus d'une fois. Evy, fidèle à elle-même, en a déduit que c'était parce qu'elle n'était pas aussi jolie que les autres filles. Ce n'est pas le cas. Mais là n'est pas la question : même le prétendant le plus entêté n'apprécie guère d'avoir ses orteils réduits en bouillie.
Je ne répondis rien. Elle me regarda fixement d'un air suppliant. Je ne vois pas comment je pourrais lui refuser quoi que ce soit quand elle prend cet air-là.
– De plus, Rick ne veut plus danser avec moi. Il déteste ça.
Ça, ça rend de suite les choses plus faciles.
– Je vois.
Elle soupira :
– Ne sois pas mesquin, Jonathan.
– Je ne suis rien du tout, rétorquai-je. Je suis juste crevé, c'est tout. J'ai quand même passé la nuit en prison, tu sais.
C'était clair comme le nez au milieu de la figure qu'elle faisait des efforts pour me croire. Evy est une personne dotée d'une volonté si puissante et si intense que ça lui fait souvent manquer de discernement. C'est ce qui arriva dans ce cas précis.
– Tu ne bois jamais de martinis, de toute façon, ajoutai-je.
Elle sourit.
– Tu pourras prendre les miens.
De mieux en mieux. Je lui tendis la main :
– Tope là.
Elle me serra fermement la main, et on se sépara à un carrefour sans rien dire de plus. Je l'ai regardée s'éloigner. J'ai horreur d'admettre ce genre de chose, même à moi-même, mais elle me manque. Elle peut être sacrément cruche parfois, et cette satanée habitude de s'attifer comme l'as de pique et de se prendre pour la Reine Mère n'arrange pas les choses mais c'est ma petite sœur, la seule que j'aurai jamais. J'ai traversé l'enfer pour la récupérer, et maintenant je vais la perdre malgré tout.
Et il faut que ce soit O'Connell qui me la prenne.
Oh, j'ai bien compris qu'elle s'était entichée de lui au début. Il est très rare qu'Evy déclare détester quelqu'un à ce point. J'ai compris que quelque chose ne tournait pas rond quand elle a commencé à jacasser toute la sainte journée à son sujet et à quel point il était « horrible et affreux et malpoli, en plus ». Mais ce qui m'a vraiment surpris, mais alors plus que tout le reste, c'est la façon qu'il a eue de se prendre de sympathie pour elle. Ce gars est une armoire à glace – un mètre quatre-vingt-dix de muscles qui parlent, qui marchent et qui cognent – mais avec Evy, il se montrait presque tendre. Quand je le voyais essayer de parler avec elle, il y avait des moments où j'avais mal aux côtes à force d'essayer de ne pas rire. Il était évident que le pauvre garçon ne connaissait rien aux filles gentilles, et encore moins à la façon dont elles s'attendent qu'on les traite.
Mais au lieu de simplement l'envoyer paître, Evy faisait preuve d'une patience surprenante. Si ç'avait été moi qui avait volé la trousse à outils de Burns, elle m'aurait sévèrement remonté les bretelles et ordonné que je la rende à son propriétaire. Mais quand O'Connell lui a donné cette trousse, tout ce qu'elle a fait c'est glousser bêtement et le suivre des yeux avec une espèce de désir discret que je ne lui avait jamais vu auparavant. Un désir mêlé de quelque chose d'autre, que je connaissais très bien : la détermination.
Ma foi… À l'âge avancé de vingt-quatre ans, j'imagine qu'il est grand temps qu'elle sorte le nez de ses bouquins et qu'elle se mette à remarquer ceux du sexe opposé. Eux, en tous cas, ils la remarquent combien de fois j'ai dû menacer de casser la figure à un copain à moi s'il s'avisait de respirer le même air qu'Evy. Vous voyez, je choisis pour compagnie des gens avec lesquels j'ai des affinités, et je dirai très naïvement que la dernière chose que je veux est de voir quelqu'un comme moi essayer de passer du temps avec ma petite sœur adorée. Parce que je me connais. Elle mérite mieux.
Mais O'Connell ?
Je ne comprend pas. C'est une chose de se jeter dans les bras de quelqu'un au milieu du désert, après avoir échappé de peu à la mort ça, je peux comprendre. Mais une fois de retour au Caire, et après avoir partagé le trésor… Eh bien, pour être franc, je m'attendais à ce qu'O'Connell prenne la tangente avant la fin de la semaine. Je connais ce genre de gars, ils se sont pas du genre à s'attarder. Je n'en ai rien dit à Evy, bien sûr mais j'ai attendu, simplement, certain qu'un jour prochain je la retrouverai bêlante et sanglotante sur le pas de ma porte, pour me faire part du fait qu'O'Connell avait galamment foutu le camp à Delhi ou Shanghai ou je ne sais où. Mais non, le zèbre est resté et en plus, il a persisté. Il s'est pointé devant sa porte à elle avec des fleurs et des chocolats. Il l'a invitée à dîner, et l'a même accompagnée dans ses moments de folie passagère où elle est capable de dévaliser la totalité des boutiques et des étals du marché.
Il l'a même convaincue de faire l'école buissonnière, d'abandonner le musée en douce pour aller musarder Dieu sait où… Evy, mon Evy, celle qui étant enfant pleurait toutes les larmes de son corps dès que telle ou telle maladie l'obligeait à manquer un seul jour d'école !
Un matin, je l'ai vue arriver à un rendez-vous qu'on s'était donné pour le petit déjeuner avec un bracelet d'or et d'émeraudes finement ciselé accroché à son mince poignet. J'en connais un rayon sur les bijoux, si j'ose dire enfin, j'en connais suffisamment pour reconnaître la qualité quand j'en vois. Je ne sais pas où O'Connell a trouvé ce bracelet, ni comment, mais pour moi il ne fait aucun doute qu'il a soit assassiné un quidam pour l'avoir, soit déboursé une petite fortune. De plus, l'émeraude est la pierre porte-bonheur d'Evy, un détail qui laissait présager une réflexion inattendue de sa part. Ou alors une veine de pendu.
Les jours sont devenus des semaines, et les semaines ont fini par être des mois, et il s'incrustait toujours. Evy s'est mise à le voir de plus en plus souvent, ce qui eut pour résultat le fait que je la voie de moins en moins. Puis, un jour, je me suis rendu compte de quelque chose de terrible : peut-être qu'il ne va pas partir du tout. Peut-être que ses intentions envers ma sœur sont entièrement honorables.
Certes, ça faisait un bail que je savais que quelque chose de ce genre allait arriver Evy n'allait pas rester célibataire toute sa vie uniquement pour me tenir compagnie. Savoir une chose, bon mais l'accepter lorsqu'elle finit par arriver est une autre paire de manches.
Je suis resté planté à ce carrefour, les yeux dans le vague, bousculé de temps en temps par les passants, jusqu'à ce que je la voie disparaître dans le musée. Elle ne s'est pas retournée une seule fois.
Alors ? Dites-moi ce que vous en pensez ! I chapitres en tout, que j'ai déjà traduits ; je les mettrai petit à petit sur le site. Au prochain !
Bises,
Bel :o)
