Notes de l'autrice : Eh oui, deuxième chapitre ! Ce qui avait commencé pour moi comme un petit passe-temps marrant est maintenant une histoire à part entière sur FFnet, rayon La Momie, étagère "français" :o) Sérieusement, je me suis vraiment amusée à traduire cette histoire, même si bien rendre en français la 'voix' de ce cher Jonathan, plus la classe d'Evy et l'accent de Rick, c'était pas du gâteau. Du tout :D

Et pour Aurélie, qui a posé la question, l'histoire se passe juste après La Momie, donc au Caire, en 1926. Et George Santayana est un poète philosophe américain du XIXème siècle. Voilà ;o)

Disclaimer, parce qu'on n'y échappe pas – les personnages de La Momie appartiennent à Stephen Sommers et Universal, et l'histoire elle-même appartient à Eve / robot_iconography (moi je l'ai juste traduite). Maintenant, pour ceux qui auraient la flemme de chercher l'originale, voilà l'adresse: [fanfiction point net/s/1167401/1/]


DE L'IMPORTANCE DES PREUVES INDIRECTES

Eve / robot_iconography

(Traduit de l'anglais par Belphegor)

d'après Circumstantial Evidence

2.

J'ai tenu ma promesse, et je ne suis pas sorti prendre un verre avant midi. J'ai pris un bain, sorti mon smoking de la naphtaline, et me suis envoyé le reste de la carafe à vin. Puis je suis allé déguster paisiblement un gin and tonic (ou quelques uns) au troquet local. Vers deux heures, j'étais plaisamment détendu et de bonne humeur. Ce serait le moment idéal, raisonnai-je, pour aller flanquer un peu la frousse à Evy. Elle l'a bien mérité, en partie pour m'avoir ignoré si souvent ces temps-ci, mais principalement parce qu'elle est ma petite sœur et, en plus, une sacrée casse-pieds.

Je me suis introduit discrètement dans le musée par la porte de derrière, devant le gardien qui dormait, et je suis allé là où je savais qu'Evy serait. À l'intérieur, la disposition de la bibliothèque du musée avait quelque peu changé depuis ma dernière visite. Ceci bien sûr était dû au fait que ma gaffeuse de sœur avait réussi je ne sais comment à faire tomber tout ce qui tenait debout dans la pièce. Il fallait maintenant réorganiser complètement les étagères, un travail qui l'occuperait probablement pendant les cinq décennies à venir.

Je l'entendais déjà au coin d'une étagère, près du catalogue à tiroirs, en train de bavarder toute seule, comme d'habitude. Cette fille ne s'arrête jamais de parler, même quand il n'y a personne pour l'écouter. Lorsqu'elle était petite, elle rassemblait toutes ses poupées pour des goûters de marathonien. Elle avait toute une cour d'adorateurs en porcelaine – sans doute l'hôtesse la plus entourée depuis Marie-Antoinette. Et quand cela ne lui suffisait pas, elle me suivait partout en babillant à n'en plus finir. Je n'entendais jamais ce qu'elle racontait, et je n'ai jamais pensé à lui demander ce n'est que lorsqu'elle a un peu grandi que j'ai commencé à lui trouver un tant soit peu d'intérêt. Bref, toujours est-il que l'entendre jacasser a constitué le bruit le plus familier de mes années formatrices. Je le reconnaîtrais entre mille.

Guidé donc par le son bas de sa voix, je marchais à pas de loup, sans oublier de m'arrêter çà et là pour remuer un livre, traîner des pieds, ou fabriquer toute sorte de bruit inquiétant qui serait de circonstance. J'imagine que c'était assez crétin de ma part de jouer à lui faire peur comme ça, surtout après tout ce qu'elle a enduré ces derniers temps. Mais c'est moi le grand frère, après tout c'est mon boulot.

Le problème, c'est qu'au moment précis où j'allais bondir de derrière l'étagère, c'est moi qui ai reçu le choc de ma vie lorsqu'une voix de baryton impressionnante se fit entendre de l'autre côté. Mazette. Apparemment Evy ne parlait pas qu'aux piles de bouquins, après tout.

Quand ma sœur se remit à parler, je ne compris que la fin de sa phrase – mais je n'avais pas grande envie d'entendre le début de toute façon, car ça m'avait l'air assez écœurant.

– …tellement contente que tu sois venu, mon cœur.

Enfoiré d'O'Connell.

– Mais il faut vraiment que je travaille, continua-t-elle. Je dois absolument finir tout ça, et j'ai perdu suffisamment de temps à sortir Jonathan de prison.

– Je parie que c'était pas la première fois.

– Non, en effet.

Je n'y crois pas, quelle traîtresse ! Ça fait seulement la deuxième fois que je lui demande de me tirer de là. En Égypte, en tout cas.

– Merci de ton aide.

– Y a pas de quoi.

Pour une fois, j'étais complètement d'accord avec O'Connell. Il n'y avait vraiment pas de quoi en faire une histoire. Il y eut un moment de silence, ponctué de bruissements de tissu, et je décidai que pour moi, la meilleure chose à faire était de s'en aller tranquillement pendant qu'ils étaient occupés. J'étais juste en train de m'éloigner sur la pointe des pieds, quand j'entendis quelqu'un prononcer mon nom. Ma foi, écouter aux portes quand son propre intérêt est en jeu, en voilà une autre paire de manches !

– Alors, tu as parlé à Jonathan du, euh…

Pourquoi, je vous le demande, ma sœur si intelligente et si savante voudrait se fourvoyer avec un homme qui ne parvient même pas à terminer une simple phrase ? Il n'est même pas riche… Pas plus que nous, en tous les cas.

– Pas encore, répondit Evy. Je vais lui en parler ce soir. J'ai décidé qu'il m'emmènerait danser.

Petite futée.

– Eh ben, il est plus courageux que ce je cr… Aïe !

Bien joué, sœurette, me dis-je, en espérant qu'elle lui avait filé un coup de pied. Ou bien qu'elle l'avait pincé – Evy est une championne à ce jeu-là, d'autant plus qu'elle a des ongles petits mais diablement bien affûtés.

– Bien fait pour toi, lui dit-elle sévèrement. Et je recommencerai si tu n'es pas plus gentil avec moi.

– Ah ouais ?

– Ouaais, répondit-elle en imitant son accent Américain traînant.

Un autre silence s'ensuivit, plus bref que le premier – heureusement pour tout le monde. Bon, d'accord, heureusement pour moi tout seul, peut-être.

– Tu crois qu'il sera furax ? demanda Rick. Du coup, je dressai l'oreille. Qu'est-ce qu'ils ont bien pu faire qui me donne une raison d'être en colère ? Je me demande si elle a laissé O'Connell conduire ma voiture. Je lui ai expressément interdit de l'utiliser après toute cette histoire avec ces espèces de zombies hypnotisés : ce type a des pieds de plomb à faire concurrence à ma sœur. Seulement lui, il les utilise pour conduire au lieu de danser.

– Je crois qu'il sera surtout vexé que je ne lui ai pas dit plus tôt, mais je ne pense pas qu'il sera fâché, dit Evy.

Bon, ça, au moins, c'est rassurant.

– Enfin, j'espère.

Eh merde, qu'est-ce qu'elle a bien pu manigancer ?

Elle éclata de rire tout d'un coup :

– Oh, c'est tout moi, ça, à me faire du mauvais sang pour rien ! dit-elle. Jonathan ne va pas me déshériter simplement parce que j'ai agi sur un coup de tête ! Il faudra bien qu'il accepte que je suis une adulte, et que j'ai le droit de prendre mes propres décisions sans avoir à lui demander son avis.

– Tu peux toujours lui proposer un pot de vin, suggéra O'Connell. Bien, bien, là ça devient intéressant.

– Quel genre ? s'enquit Evy, la voix perplexe.

– Promets-lui que tu donneras son nom au bébé.

Au bébé ?

– Même si c'est une fille, ajouta-t-il en ricanant.

Au bébé !?

– Rick, tu es ignoble !

J'entendis Evy le frapper un bon coup avec un livre qui avait l'air très lourd – tout ce qu'il méritait, à parler comme ça à ma sœur ! Cependant, les mots qui sortirent ensuite de sa bouche à elle me glacèrent le sang dans les veines.

– De toute façon, j'ai déjà choisi les noms.

– Ah ouais ?

– Bien sûr. Amelia si c'est une fille, Alexander si c'est un garçon.

– Et moi, je n'ai pas mon mot à dire ?

– Écoute, ne nous égarons pas. Plus tôt j'en parlerai à Jonathan, plus je me sentirais à l'aise avec cette histoire, lui dit Evy. Oh, Rick, quelle pagaille… tout cela va me rendre folle !

Et elle ne sera pas la seule, je vous le garantis !

– C'était quoi, ce bruit ? demanda O'Connell. Le bruit en question, c'était en fait ma tête qui entrait en contact un peu violemment avec l'étagère derrière moi, et c'était assez douloureux. J'espérai qu'il n'allait pas décider d'aller voir ce qui se passait je doutais sérieusement que je serais capable d'effectuer une sortie discrète efficace sans être repéré, vu que j'avais temporairement perdu l'usage de mes membres et de mes articulations à la seule mention du mot «bébé».

– Je suis sûre que ce n'était rien. On a pas mal de problèmes avec les rats dans ce coin-là en ce moment.

– Et ça ne t'embête pas ?

– Oh, pas tellement, dit-elle d'un ton désinvolte. Menteuse. On lui donnerait le Bon Dieu sans confession. Elle reprit d'un ton taquin :

– N'aie pas peur, Rick, je te protège. Serre-toi contre moi aussi fort que tu peux, mon cœur.

Beurk. Si je continue à les écouter débiter leurs âneries à la guimauve, je vais m'attraper une carie.

– Peut-être que je devrais être là, ce soir, proposa O'Connell.

– Je crois que ce serait mieux si tu n'étais pas là. Il pourrait te le reprocher.

Et comment que je vais «le» lui reprocher ! Pendant un moment, j'ai envisagé de grimper sur l'étagère du haut et faire tomber une biographie de Champollion bien lourde sur la tronche de ce petit saligaud. Toutefois, même en mettant de côté le fait que mes jambes m'avaient lâché, je ne voulais pas courir le risque de faire mal à la future mère.

– Quand même, je t'ai un peu persuadée de faire ça.

– Ne fais pas l'idiot… Je voulais que tu me persuades. Si tu ne me l'avais pas proposé en premier, je l'aurais peut-être fait moi-même.

Seigneur. O'Connell avait profité de ma sœur, il l'avait mise dans une position embarrassante, ne semblait pas avoir la moindre intention de rendre la chose honorable… Et en plus, il avait réussi à lui faire croire que tout cela était son idée à elle !

– Tout de même, ç'a été dur – de cacher ça à Jonathan, je veux dire. J'imagine… Je crois que je pensais qu'il aurait deviné, fit-elle d'un ton pensif. Au moment où il m'aurait revue, après. J'étais certaine qu'il me regarderait, et que… qu'il saurait, voilà tout.

– Mmh, c'est vrai que tu as effectivement c't'espèce d'aura radieuse et tout…

Juste Ciel.

– Vous m'avez déjà mise dans la position où vous vouliez me mettre, Monsieur O'Connell, dit-elle, mutine. Vous n'avez plus besoin de mots doux à ce niveau de la partie.

– Pas faux.

Oui, tout à fait d'accord.

Elle lui redonna un coup sec avec le livre.

– Bon, maintenant tu t'en retournes par là où tu es venu, avant que l'on nous surprenne en pleine gaudriole derrière les étagères du fond comme deux petits coquins.

– Gaudriole ? fit O'Connell en écho, d'un air de doute.

– Si tu t'attends à ce que je te fasse une démonstration, tu n'as pas de chance. J'ai du travail.

Et bien sûr, la seconde d'après, elle lui en fit la démonstration.

– Je pourrai te voir, ce soir ? demanda-t-il. Après ta discussion avec Jonathan ?

– Bien entendu.

– Et tu resteras toute la nuit, cette fois ?

– Bien entendu, répéta-t-elle, et je pouvais entendre son sourire dans le son de sa voix. Bon, à défaut d'autre chose… au moins, il la fait sourire, ce salopiaud. (Je veux parler d'O'Connell, bien sûr, pas du, euh… machin… Enfin, vous voyez.)

– Amelia si c'est une fille…

O'Connell avait l'air de réfléchir à haute voix.

– Et Alexander si c'est un garçon, termina ma sœur, triomphale. Allez, maintenant – déguerpis !

Je suis resté un bon moment, bien après qu'il ait quitté le musée, avant de me faufiler hors de la bibliothèque par là où j'étais rentré. Je me suis mis à marcher dans la rue, pas tout à fait sûr d'aller quelque part – pas sûr de quoi que ce soit, en fait. La tête me tournait, et le gin and tonic n'y était pour rien. Ma sœur allait avoir un enfant ! Un gosse illégitime, à moitié Américain, en plus ! Et le pire, c'est que toute cette sordide histoire ne semblait absolument pas l'inquiéter. Je n'y comprenait plus rien. Evy a toujours été mon thermomètre moral personnel : j'ai toujours pu évaluer à quel point les conneries que je pouvais faire étaient odieuses et infâmes rien qu'en imaginant la réaction de ma sœur. C'était un système qui marchait étonnement bien avant que cet enfoiré d'O'Connell se pointe et foute en l'air nos petites vies simples et bien tranquilles. J'ai l'impression de ne plus reconnaître Evy.

Puis l'idée m'est venue que tout ça pourrait bien être ma faute à moi. Oh, pas question d'oublier le rôle que ce sale type a joué dans tout ça, vous pouvez me croire mais je ne peux pas m'empêcher de penser que… si j'avais été un meilleur exemple pour ma sœur… Si elle n'avait pas eu constamment à se salir les mains à force de côtoyer certains aspects douteux de ma vie… Ça ne se serait pas terminé comme ça. Et puis ma propre attitude envers les femmes n'a probablement pas arrangé les choses. Ça ne m'est jamais arrivé de quitter une fille en la laissant dans une situation embarrassante – pas à ma connaissance, en tout cas – mais ça ne fait vraiment pas de moi un saint. Oh, je n'ai jamais caché mes sales habitudes à Evy la plupart du temps, j'adore même dire des choses dont je suis parfaitement conscient qu'elles vont faire pas mal de vagues dans sa conscience à elle. Mais ça ne veut pas dire que je veux la voir basculer par-dessus bord…

C'est à ce moment-là qu'une pensée plutôt désagréable m'a traversé l'esprit : chaque fille que j'ai balancée pour aller vers une autre – ou à qui j'ai payé des verres pour améliorer sa réceptivité – ou à qui j'ai menti pour coucher avec elle – ou avec qui j'ai couché alors que je m'en fichais pas mal – était, selon toute vraisemblance, la sœur de quelqu'un d'autre.

Bon, pensai-je, eh merde, il y aura au moins quelqu'un qui se comportera décemment dans cette histoire. Le fait que ce soit moi ne fait que prouver à quel point la situation est désespérée.

Je suis parti dans la direction opposée, et cette fois, je sais où aller. Je vais voir si O'Connell est chez lui et si c'est le cas, lui et moi, on va avoir une petite conversation.


Hé hé, Jon qui décide d'avoir une 'petite conversation' avec son armoire à glace de beau-frère... A votre avis, comment ça va se terminer, tout ça? :D

Bises! :o)