Chapitre 2

Raphaël dormait à présent depuis une heure, tandis que William, lui, était toujours assis, une tasse de thé froid en main, qu'il buvait machinalement par petite gorgées sans se rendre compte qu'il détestait ce qu'il buvait.

Soudain, trois légers coups furent frappés à la porte, suffisamment bruyants pour sortir William de sa torpeur. Il lui fallu quelque secondes pour reprendre ses esprits.

Une silhouette noire encapuchonnée, tête baissée, l'attendait devant la porte.

-Elise ? T'es folle ? Et si on t'avait vue ? demanda-t-il à voix basse d'un ton inquiet qui faisait ressortir son accent anglais, tout en s'écartant pour la laisser rentrer.

Il referma la porte après avoir jeté un rapide coup d'œil dehors, ou tout était noir et silencieux. Au loin, on voyait les feux de la tour de garde des murs de la ville.

-Pas de danger, ils sont aveugles... puis j'ai bien le droit de me promener en dehors de la ville, non ? répliqua Elise Dumoulin en rejetant son capuchon derrière ses épaules, révélant ses traits doux, ponctués de taches de rousseurs, et son visage encadré de cheveux denses d'une couleur châtain clair.

-Tu sais très bien que si quelqu'un te voit sortir des murs de la ville en pleine nuit, on va te prendre pour une sorcière et ce sera un bon prétexte pour te brûler vive...

-Oui, et toi tu sais très bien que je n'en suis pas une... et ça t'amuse de me le rappeler !

-Comme si ça les arrêtait... dit William d'une voix lasse...

-Ho Will excuse moi ! Je suis désolée, je suis vraiment à cran ces temps-ci... Ca... ça va ?

La jeune fille s'était soudain rendue compte que William venait de passer une des épreuves les plus dures de sa vie. Et que c'était d'ailleurs pour ça qu'elle était là !

William eu l'air complètement déboussolé par la question, ce qui fit un choc à Elise, elle n'avait pas l'habitude de le voir aussi abattu. Il s'assis et resta un moment silencieux. Elise s'assit en face de lui et pris ses mains dans les siennes.

Un cri retentit dans le coin ou était installée la paillasse. Raphaël avait les yeux ouverts et bougeait violement, en hurlant des propos insensés dans lesquels le mot « Lisa » revenait souvent. Cela terrorisa William. Les événements de la soirée l'avaient poussé à bout, et voir son ami dans un tel état le bouleversa. Une larme silencieuse coula le long de sa joue et il recula lentement, comme terrorisé. Elise resta calme, même si intérieurement elle souffrait pour les deux jeunes hommes. Elle s'approcha de la paillasse et posa sa main sur le front de Raphaël. Celui-ci la repoussa violement, et elle lui épongea le front tout en lui murmurant des paroles apaisantes. Il se calma enfin et replongea dans un profond sommeil, des larmes coulant abondamment de ses yeux clos.

Elise se retourna et fixa William, qui tomba lourdement sur la chaise qu'il avait quitté quelques secondes auparavant et éclata en sanglots. Elise s'assit sur la table, prit sa tête sur ses genoux et le berça doucement jusqu'à ce que ses tremblements se calment. Il se redressa et fixa la jeune fille. Elle n'avait que dix-sept ans et une maturité étonnante pour une adolescente. Elle n'appartenait pas au monde de la magie, puisqu'elle n'était pas sorcière, mais la plupart de ses amis étaient des sorciers, et sans que personne ne sache pourquoi, elle n'avait jamais partagé la haine de ses semblables vis-à-vis des sorciers. William avait essayé plusieurs fois de la questionner, mais elle restait toujours très discrète a propos de sa famille et des raisons qui la poussait à fréquenter des sorciers. La seule chose dont William était sur, c'est qu'aucun des membres de sa famille étaient ou avaient été des sorciers. Ce qui rendait sa position encore plus difficile à comprendre.

Soudain, il eu besoin de se confier à Elise, et il lui déballa tout, tout ce qu'il avait vécu ces dernières heures, toutes les émotions de tristesse, de haine, de peur qui se bousculaient dans son esprit. Elle l'écouta pendant près d'une heure, et cela lui fit le plus grand bien. Quand il eu fini, il ne devait pas être loin de midi. Ils n'avaient pas mangé, ni l'un ni l'autre, depuis la veille au soir, et n'avaient pas dormi depuis deux jours. Tous deux commençaient à ressentir la faim, et Elise leur servit un bol de la soupe qui mijotait sur le feu. Apres le repas, William s'étendit aux cotés de son ami, qui n'avait toujours pas ouvert les yeux et s'enfonça dans un sommeil réparateur. Elise quitta la chaumière et se dirigea d'un pas lent vers sa propre maison.

Elle poussa la porte en serrant les dents, se préparant à l'orage qui allait s'abattre sur elle. Et sur ce point, elle ne fut pas déçue.

Quand William se réveilla, au milieu de la nuit, Raphaël n'était plus à ses cotés. Il se dit qu'il était sans doute parti faire un tour, que de toute façon il était trop fatigué pour se poser cette question, et qu'il verrait ça avec lui demain matin, puis il se rendormi.

Au petit matin, Raphaël était là, il avait préparé le petit déjeuné et mastiquait d'un air sombre.

-Bien dormi ? demanda-t-il quand il entendit son ami s'étirer

-Pas mal... par contre, toi, tu n'as pas passé la nuit ici. Où étais-tu ?

-Je te dois des comptes maintenant ? Aboya Raphaël.

Puis il pris sa figure dans ses main et dit :

-Excuse-moi, Will, je suis désolé, je ...

Sa main se mit à trembler violement, il laissa échapper sa tasse qui se brisa sur le sol.

-J'étais chez nous, reprit-il en relevant la tête brusquement, d'un ton dur qui tranchait avec son attitude.

-Chez vous ?

-Chez Lisa et moi ! Ajouta Raphaël de ce ton qui ne lui allait pas.

William soupira. Il savait que les blessures de son ami seraient lentes à guérir, mais il comptait sur la force dont il avait toujours fait preuve pour l'aider à y parvenir.

-Je vois... di William. Raphaël, tu sais que tu es le bienvenu chez moi pour quelques temps... si... si tu ne veux pas rester seul...

-C'est gentil, Will, mais je n'ai pas besoin d'aide. Je vais te laisser, j'ai un rendez-vous.

-Un rendez-vous ? Aujourd'hui ?

-Oui, j'ai...j'ai besoin d'ingrédients de potion, ma réserve est presque à sec et... j'ai pris un rendez-vous avec M. Gobe pour en racheter.

-Ok ben vas-y. Je dois retrouver Elise à l'entrée du bois, de toute façon.

-Hum... vous êtes de plus en plus proche, vous deux, je me trompe ?

-Non, Elise est une jeune fille fantastique, mais rien de plus qu'une excellente amie.

-Bon, ben bonne journée. Je vais être en retard.

Il se leva, prit sa veste et sorti d'un pas énergique, pendant que William le regardait s'éloigner en lissant son sourcil de l'index, un mauvais pressentiment lui traversant l'esprit. Son meilleur ami mentait bien mal...

Une heure plus tard, William sortait de chez lui, un épaisse cape en laine couvrant ses épaules, un capuchon rabattu sur son visage mince. Quand il arriva en vue de l'endroit ou Elise et lui avaient rendez-vous, il fut heureux de reconnaître au loin la silhouette menue de la jeune fille, mais beaucoup moins enchanté de voir avec elle une personne imposante que, de toute évidence, il ne connaissait pas.

Quand il arriva à leur hauteur, il entendit l'inconnu dire :

-Bien, Melle Dumoulin, au plaisir de vous revoir très bientôt.

-Au revoir ! Lança la jeune fille en agitant la main.

-Qui était-ce ? demanda William dès que l'inconnu se fut éloigné

-Ben je n'en sais rien... Il sortait de la forêt quand je suis arrivée, il s'est mis à me faire la causette. Il a l'air plutôt pauvre, mais parle comme un gentilhomme... C'est vraiment un homme étrange.

-Il ne t'a pas dit son nom ?

-Non... il ne m'a parlé que deux minutes ! Ho, ne t'inquiètes pas, ce n'est sûrement qu'un nomade de passage...

-Fait attention, Elise...On ne peut se fier à personne

-Je le sais, mais tous les gens que je croise ne sont pas des assassins !!!

-Encore heureux !

-Tu t'inquiètes trop

-Excuse moi, mais la fiancée de mon meilleur ami vient d'être brûlées vive ! dit William d'un ton ou perçait la colère et le désarroi

-Et ça ne m'arrivera pas, Will, dit Elise d'un ton apaisant en lui posant la main sur le bras, les yeux plongés dans l'océan gris clair de ceux de son ami.

-J'ai tellement peur... Nous vivons dans un monde de fous ! Les voisins se dénoncent entre eux et assistent à la crémation de leurs anciens amis, des relations se brisent, tout ça à cause de la terreur des hommes ! Nous ne sommes pas des monstres... nous demandons juste à exister...

-Je le sais, Will, et un jour ou l'autre, tous le saurons...

-Oui, si nous ne sommes pas tous morts d'ici là...

-Ben tu ne comptes quand même pas mourir dans la semaine ???

-Mr Perraut me soupçonne.

-Quoi, le vieillard qui habite près de chez toi ?

-Lui-même.

-Bah, laisse-le dire, c'est un vieux fou, personne ne le croira.

-Si c'est sa parole contre la mienne, la sienne l'emportera

-Alors, fais lui un sortilège d'amnésie

-Trop risqué. Je risque de lui briser le cerveau, ce sortilège est une nouveauté, on ne le maîtrise pas vraiment...

-Mieux vaut qu'il ait le cerveau brisé que toi la chair brûlée... Bougonna Elise

-Hum...

-Il ne faut pas qu'il te dénonce !

-S'il me dénonce, je retournerai en Angleterre, dans ma famille. Là-bas, la torture de soi-disant sorcières est interdite, ils n'iront pas me chercher jusque là... Mais j'espère ne pas en arriver là... je ne voudrais pas vous laisser !!!

-S'il te dénonce, tu n'auras pas le choix !!!

-Sans doute...

-William, si la torture est interdite chez toi, pourquoi être venu vivre ici ?

-J'ai rencontré Raphaël à Poudlard, en Grande-Bretagne. Nous sommes devenu les meilleurs amis du monde, et c'est la première personne à m'avoir parlé de ce qu'il se passe ici. A la fin de mes études, nous avons décidé de nous battre ensemble contre cela. Nous sommes comme des frères. Il est le frère que j'aurais voulu avoir. Je me suis donc installé ici, d'abord chez ses parents, qui sont des moldus. Puis ils ont découvert que leur fils n'avait jamais été dans un collège privé en Angleterre, mais dans une école de sorcellerie. Ils ont découvert notre condition à tous les deux. Ils ont pris peur et nous ont chassés, mais ils n'ont jamais eu le courage de dénoncer leur propre fils, ni moi, mais j'ignore pourquoi. Nous nous sommes donc établis ici, à Lille, et il a rencontré Lisa. La suite, tu la connais, acheva William avec un soupir.

-Et il n'a jamais revu ses parents depuis ?

-Jamais. Ils habitent à Paris. Raphaël a beaucoup souffert de ce rejet.

-Et tes parents ?

-Je vais les voir, de temps en temps. Ils approuvent ce que je fais, même si pour le moment, les résultats sont nuls, dit-il d'un ton déçu

Ils passèrent l'après-midi à se promener, parlant de tout et de rien, comme ça leur arrivait souvent. Rien ne détendait plus William que parler avec Elise, et elle était heureuse de passer du temps avec lui. Quand le jour commença à décliner, Elise déposa un baiser sur la joue de William et s'en alla en courrant vers sa maison. William, pensif, regagna sa masure d'un pas lent.