Titre : Où la façade se brise

Auteur : BloodCountess

Résumé : Un débat s'engage entre Severus et Lily. Il les emmènera beaucoup plus loin qu'ils ne l'auraient imaginé.

Rating : PG pour langage

Content : Drama, Angst, Romance

Feedback : Je vous souhaite un Joyeux Noël et une Bonne Année!

Sevina : Merci! J'essaie de ne pas trop tomber dans le romantisme dégoulinant de bons sentiments et c'est ce genre de commentaires qui m'encourage. Je note le « Slytherin-au-regard-qui-tue » et te promets d'en trouver d'autre.

Vengeresse : Merci, tout particulièrement pour la pub que tu me fais sur ton profil. Ça m'a beaucoup touchée. Je me suis habituée au fait que ce couple n'est pas très populaire, par conséquent, les fics qui lui sont consacrées ne le seront pas non plus. En espérant que tu continues à aimer ma fic…

Note de l'Auteur : « Le cynisme, c'est connaître le prix de tout, et la valeur de rien. »

Chapitre VII

Où la façade se brise

« Eh, Lily, où est-ce que tu vas? » demanda James Potter, lorsqu'il vit la jeune fille se diriger vers la sortie de leur Salle Commune.

« Oh, hum, à la Bibliothèque, » répondit évasivement l'interpellée. « J'ai besoin d'un livre pour finir mon devoir de… Soins aux Créatures Magiques. »

James parut surpris.

« Je croyais que nous n'avions pas eu de devoir dans ce cours!

- Ah oui? Eh bien, peu importe, j'ai un bouquin ou deux à rendre. »

Sur ce, Lily quitta la pièce d'un pas précipité, peu désireuse d'être questionnée plus longtemps par son ami. James se tourna vers Sirius Black, nonchalamment avachi dans un des moelleux fauteuils de la Salle Commune de Gryffindor.

« Elle a toujours quelque chose à faire, ces temps-ci! » pesta le garçon à lunettes. « Un cours de rattrapage dont elle n'a absolument pas besoin, un travail à terminer, un livre à rendre… » énuméra-t-il. « Elle n'est plus jamais avec nous! C'est à croire qu'elle nous évite. »

Sirius étouffa un bâillement.

« Oh, tu sais, les filles, c'est toujours comme ça. De vraies girouettes, toujours à changer d'avis sur tout.

- Ouais, t'as peut-être raison…

- T'inquiète. Elle va bien finir par revenir, Prongs.

- Oh, j'ai aucune inquiétude là-dessus, elle m'aime bien trop pour ça, » se vanta James avec un sourire bouffi d'orgueil.

-X-

« Entre et fais comme chez toi, » l'accueillit Severus lorsqu'elle entra dans la pièce.

Assis dans un fauteuil, un livre à la main, il désigna la bibliothèque d'un signe de tête.

« Prends ce que tu veux. J'ai de tout. Du romantisme à la Sand ou à la Byron, quelques Defoe, tous les Shakespeare et les Dickens, le meilleur des trois sœurs Brontë et même Paradise Lost. »

Lily acquiesça avec un hochement de tête et commença à bouquiner. Se sentant d'humeur romantique, elle finit par jeter son dévolu sur Pride & Prejudice. Elle s'installa confortablement à son tour et se plongea rapidement dans sa lecture. La Gryffindor leva les yeux de son roman lorsque Severus s'éclaircit la gorge :

« Je choisis mes amis pour leur bonne présentation, mes connaissances pour leur bon caractère et mes ennemis pour leur bonne intelligence. Un homme ne peut être trop soigneux dans le choix de ses ennemis. »1

Le jeune homme termina sa citation avec un sourire approbateur.

« Oscar Wilde est délectable. »

- Oui, mais il est si cynique! À l'écouter, rien n'est vrai et sincère dans notre monde! » fit valoir Lily, en levant le nez de son Jane Austen.

« Le cynisme consiste à voir les choses telles qu'elles sont et non telles qu'elles devraient être, » cita de nouveau le Slytherin avec une note d'amusement.

« Encore Wilde, je suppose? »

« Le seul et l'unique, » confirma Severus.

Lily poussa un soupir.

« Tout de même, ses réflexions sur l'amitié sont aberrantes!

- Je ne trouve pas.

- Alors, tu crois qu'on devrait choisir nos amis selon leur « bonne présentation »? s'enquit Lily, un sourcil relevé.

Son interlocuteur haussa les épaules avec indifférence.

« L'amitié est une notion abstraite. Il n'y a que les alliances qui existent. Elles ont toutes un début et une fin, une fin qui survient toujours lorsque l'allié en question devient inutile.

- Je suis certaine que tu ne crois pas un mot de tout ce que tu dis! »

Severus poussa un grognement méprisant.

« Eh bien, il serait peut-être temps que tu changes tes certitudes, Evans.

- Pourquoi dis-tu toutes ces horreurs?

- Horreur? Ma pauvre petite Evans encore toute illusionnée. J'entends déjà ce qui va suivre : l'amitié est un sentiment fort, enrichissant, un lien qui nous permet de passer à travers les épreuves de la vie avec succès… »

Il laissa échapper un petit rire amer.

« Ce que je dis est horrifiant parce que ce n'est que la pure vérité et que les gens ont toujours peine à accepter la vérité lorsqu'on la leur place sous le nez.

- Comment peux-tu être constamment aussi blasé par tout ce qui t'entoure?

- Comment ne puis-je pas l'être? Tu devrais plutôt formuler ta question ainsi! » répliqua-t-il avec un rictus goguenard.

« N'y a-t-il jamais rien de positif? » s'écria la Gryffindor en levant les bras au ciel.

« Je n'ai jamais été et ne serai jamais un optimiste. Les optimistes sont des faibles qui se plaisent à se leurrer sur leur futur pour oublier que leur présent est minable.

- Mais il ne faut jamais cesser d'espérer! » s'exclama fougueusement Lily.

« Pourquoi? L'espoir est stupide. C'est une perte de temps qui ne résout jamais rien.

- Rêver, croire, c'est se maintenir en vie. L'espoir est le dernier refuge du désespoir et de la misère, » répliqua-elle d'une voix remplie de ferveur.

« La chute est fatale lorsqu'on tombe de trop haut, Evans. Je méprise tout particulièrement ceux qui espèrent des choses impossibles et qui le savent consciemment. Pourquoi rêver lorsque c'est inutile?

- On doit toujours rêver, encore plus lorsque c'est inutile, » murmura-t-elle en plongeant ses yeux dans les siens.

Le Slytherin aux cheveux de jais détourna aussitôt le regard. Il y eut un moment de silence. Ce débat enflammé leur donnait matière à réflexion sur l'un et l'autre. Finalement, Lily demanda :

« Pourquoi?

- Pourquoi quoi? » dit-il à son tour, d'un ton bourru.

« Tu sais très bien ce que je veux dire.

- Non, justement. »

Elle posa sa main contre sa joue, le forçant à affronter son regard inquisiteur et répéta sa question de cette même voix douce :

« Pourquoi, Severus? Pourquoi es-tu comme ça?

- Parce que je veux dissuader les petits emmerdeurs trop curieux de venir me poser des questions comme les tiennes.

- Pourquoi? Qu'as-tu à cacher? »

Il recula vivement et la fusilla du regard.

« Je n'ai absolument rien à cacher! D'où est-ce que tu tiens ça?

- De toi, Severus. De ton comportement, de la façon dont tu repousses tout le monde, des théories absurdes que tu débites pour essayer de te convaincre de leur vérité!

- Bon, le retour tant attendu d'Evans la psy. Sujet du jour : Severus Snape, dangereux misanthrope au passé mystérieux, » se moqua-t-il.

« Et voilà, de nouveau les sarcasmes derrière lesquels tu te dissimules! » l'accusa-t-elle.

« Oh, Evans, c'est toi qui tombe dans l'absurde, à présent. N'abuse pas de ma patience. Je commence a en avoir plus qu'assez de tes hypothèses sur ma personnalité détraquée! » dit-il d'un ton exaspéré.

« Severus. Pourquoi ne me fais-tu pas confiance?

- Je ne fais confiance à personne, pourquoi commencerais-je par toi? »

- Pourquoi toute cette méfiance, alors? Pourquoi ériges-tu des murs autour de toi? Contre quoi veux-tu te protéger? »

Severus fit de nouveau quelques pas en arrière. Son calme et son assurance commençaient à sérieusement s'effriter devant les questions incisives de Lily.

« Explique-moi! Je veux comprendre! » martela-t-elle.

« Il n'y a rien à comprendre, Evans! » s'exclama-t-il violemment en se détournant d'elle.

« Qu'est-ce qui t'a rendu comme ça? Laisse-moi comprendre! »

Il eut un aboiement bref et féroce.

« Qu'est-ce qui a fait de moi un monstre insensible, Evans? C'est ça que tu veux savoir? » siffla-t-il d'un ton sinistre.

Il fit soudainement volte-face. Lily fut prise de court par la rage qui se lisait sur son visage : ses traits étaient tirés, ses lèvres normalement fines ne formaient plus qu'une ligne dure, mais surtout, ses yeux brillaient d'une lueur terrible. Loin de leur opacité habituelle, ils semblaient au contraire habités d'une vie propre. Une flamme trouble dansait dans les prunelles sombres du jeune homme, elle était nourrie par la haine et la rancœur, le ressentiment et la fureur.

« Alors, Evans, par quoi veux-tu que je commence? La mort de ma mère? »

Sans lui laisser le temps de répondre, il enchaîna aussitôt :

« C'est mon père qui l'a tuée. À petit feu, même, le salaud. Il fallait absolument qu'elle souffre, sinon, où aurait été le plaisir? »

Il commença à arpenter la pièce de long en large.

« Elle était déjà malade depuis longtemps lorsque c'est arrivé. Je me suis d'ailleurs toujours demandé où elle a puisé ses dernières forces à ce moment-là… »

Il releva soudainement son chandail, dévoilant ses côtés balafrées. Lily poussa un cri de stupeur, ce à quoi il répliqua par un grognement dédaigneux.

« Elle a voulu l'arrêter, cette nuit-là. Elle trouvait qu'il allait trop loin. Il faut avouer que jamais auparavant il ne s'était servi d'un couteau. »

Ses poings se serrèrent si fort que ses jointures en blanchirent.

« Elle a payé pour ça. Il n'a jamais apprécié qu'on se mêle de ses affaires et il avait bu encore plus qu'à l'habitude. »

Ses pas se firent plus rapides.

« Je t'épargne les détails. Tout ce que tu as à savoir c'est qu'il l'a égorgée sous mes yeux et que je n'ai rien pu faire. Rien. J'étais impuissant. Je l'ai regardée mourir sans pouvoir réagir. »

Le Slytherin leva des yeux tourmentés vers la jeune fille bouleversée.

« Tu comprends? Elle est morte. Par ma faute. Je n'ai même pas pu lui venir en aide. Empêcher ce bâtard de faire ça. Ou au moins abréger ses souffrances. Tout ce que j'ai fait, c'est attendre qu'elle cesse de respirer, qu'elle ne bouge plus, qu'elle devienne froide, sans vie. »

Il passa rapidement sa main dans sa masse de cheveux noirs avant de recommencer à parler du même débit rapide et douloureux :

« Voyons voir… quoi ensuite? Oh, bien sûr! Mon entrée à Hogwarts. Moi qui croyais que j'en aurais fini avec tout ça, que je pourrais fuir le Manoir pour un endroit meilleur. »

Il eut un rire amer.

« Quelle désillusion! J'aurais bien dû me douter que je ne serais pas accepté là aussi. Le bâtard aux cheveux gras et au grand nez… Potter et sa petite bande sont très imaginatifs quant à me trouver des défauts. Comme si je n'avais pas déjà assez de problèmes comme ça! Pas que je viendrais me plaindre, loin de là… »

Sa bouche se tordit en une grimace.

« J'ai appris à ne pas m'apitoyer sur mon sort. Ce doit bien être la seule bonne chose que j'aie apprise de cet enculé que j'ai pour père. Concernant Potter, j'ai vu bien pire… mais j'aimerais pouvoir être tranquille, moi aussi. Ne pas être toujours dans l'obligation de vérifier si je ne me ferai pas lancer un sort dans le dos serait agréable, de temps en temps, » ironisa-t-il.

Severus s'immobilisa, dos à elle, et enfouit son visage dans ses mains. Seule sa respiration saccadée troublait le silence tendu de la pièce. Enfin, il inhala une grande bouffée avant de s'enquérir d'un ton plein de hargne :

« Alors, Evans, contente? Tu as fait craquer Snivellus. Je voudrais que tu m'expliques à quoi ça t'a servi. Satisfaction personnelle de psychologue en herbe? Vendetta contre un sang-pur arrogant? Ou bien n'es-tu qu'un simple mouchard qui ira tout raconter à cher Potter qui sera trop ravi de savoir comment frapper encore plus bas? J'imagine qu'il sera heureux d'apprendre que… »

Il ne put achever sa phrase : Lily avait retiré ses mains de son visage avec douceur. Il regarda le visage baigné de larmes de la jeune fille avec hauteur, se drapant dans le peu de dignité qui lui restait afin de lui faire face la tête haute. Il se produisit alors la dernière chose qu'il eut pu imaginer : elle l'embrassa.


1 'I choose my friends for their good looks, my acquaintances for their good characters, and my enemies for their intellects. A man cannot be too careful in the choice of his enemies.' Dixit Lord Henry Wotton, mon personage préféré de 'The Picture of Dorian Gray'. Merci à Evene.fr pour la version française.