ALLOOOOOOOOOOOOOOO, Y A QUELQU'UN ?
Et non, vous n'êtes pas victimes d'une HALLUCINATION COLLECTIVE, me voici belle et bien de retour et avec une toute nouvelle fic concernant un couple "insolite" ! Nouvelle fic que je ne terminerai sans doute jamais, comme toutes les autres d'ailleurs. (LOL, humour, on se détend !) Non mais en vrai, ça me fait plaisir de revenir en ces vertes contrées après une absence longue d'un an et demi... On va essayer de ne pas remettre autant de temps à poster cette fois.
L'envie de me lancer m'est venue en tombant sur le SEUL DOUJINSHI DE TOUS LES INTERNETS où Haizaki n'est pas un salopard qui viole Kise !
Pour les curieuses, le titre de cette fanfiction vient de la chanson éponyme d'Alice Cooper.
J'espère que vous aimerez ma nouvelle proposition et que je n'ai pas perdu la main... Je m'excuse par avance s'il peut rester quelques fautes/coquilles qui seraient passées entre les mailles du filet lors de ma relecture...
ENJOY !
Il empestait.
Ce parfum… entêtant. A quatre-vingt quatre dollars la bouteille de trente millilitres.
Deluxe Gigolo.
Ce parfum qu'il avait en horreur et qu'un autre homme que lui adorait pourtant.
Kise ne pouvait plus supporter cette odeur puissante qui lui agressait les naseaux.
Bombers de travail sur le dos, Aomine s'apprêtait à sortir, non sans s'être copieusement aspergé dudit parfum juste avant… Et on pouvait dire qu'il avait eu la main lourde, embaumant tout leur espace de vie !
Kise grimaça et son nez se retroussa par réflexe de survie, tel un escargot se recroquevillant dans sa coquille.
« Tu sors ? » S'entendit-il demander en levant les yeux de son magazine de mode, même si la réponse était pourtant évidente.
Le brun marqua un temps d'arrêt sur le pas de la porte, hésitant quant à la façon de répliquer. Comme s'il avait espéré que Kise ne remarque rien. Il fuyait comme un voleur… Apparemment, il avait quelque chose à se reprocher…
« Ouais, c'est l'heure de mon shift. »
Mensonge.
Kise reposa calmement son Vogue et il observa son colocataire de son regard en amande.
« Oh. J'ignorai que tu travaillais ce soir. Mais également que tu étais de nuit toute cette semaine... »
Aomine avait pourtant bossé de jour toute la semaine et aujourd'hui était justement son jour de repos. Kise le savait avec certitude puisque le basané avait pour habitude d'afficher son emploi du temps sur la porte du frigo, à l'aide de deux petits magnets en forme de ballons de basket… « Pour ne pas oublier ! » S'était-il justifié devant le regard interrogateur d'un Kise plus que dubitatif quant à la méthode employée. Ne pouvait-il pas simplement se mettre une alerte sur son téléphone, à l'image du reste du l'humanité ayant accès à la pointe de la technologie ?
Alors, qu'allait-il bien pouvoir répondre à cette affirmation ? Kise était curieux de le savoir…
« Ah mais c'est parce que je dois aller remplacer au pied levé un de mes autres collègues maître chien lui aussi ! Tu vois ? » Demanda t-il en brandissant son smartphone de fonctions sous le nez de Kise comme pour se justifier.
L'une des diodes lumineuses dudit appareil clignotait effectivement pour signaler que son propriétaire venait bien de recevoir un appel mais…
… Rien ne prouvait que cet appel était effectivement de nature professionnelle…
Au contraire, même. Car sous couvert de plus de « discrétion », Kise savait parfaitement QUI avait l'habitude de joindre l'ancien as de Too par ce biais…
Et cette personne n'était autre que Kagami Taiga. Leur ancien rival et actuel ami, lui aussi installé à Los Angeles, mais depuis plus longtemps qu'eux. Et pompier de son état, officiant à la caserne située à seulement deux pâtés de maisons, coïncidence que Kise avait toujours trouvé étrangement accommodante. Coïncidence qui n'avait sûrement rien à voir avec le choix par Aomine de l'emplacement de leur appartement, non riiiiiien à voir du tout bien entendu !
« Quel parano tu fais mon pauvre Ryota… » Se flagella mentalement le blond sans grande conviction cependant.
Enfin ça… c'était sans doute ce qu'Aomine lui aurait reproché, si Kise avait cherché à le mettre devant le fait accompli.
Et à bien y réfléchir… il semblait justement au mannequin que Kagami, lui, travaillait effectivement de nuit cette semaine… Kise jeta donc un regard sur l'horloge accrochée juste au dessus du réfrigérateur et qui affichait fièrement « 23h35 », afin de confirmer son intuition. Kagami finissait en effet à vingt-trois heure trente tapantes lors de ses horaires nocturnes. Le temps qu'Aomine le rejoigne et que le rouge se change, il était en effet l'heure pour le bleu de partir. Et puis… Kagami incarnant bien la seule chose pour laquelle Aomine n'était JAMAIS en retard.
Tout concordait.
MeNTeuR, mENTeUr… !
Mais il ne suffisait pas au mari volage d'enfiler son attirail de travail, pour réussir à faire avaler de telles couleuvres à sa femme trompée…
« Satisfait ? Bon, bah j'y vais ! M'attends pas au fait, j'risque d'rentrer à l'aube ! »
La porte d'entrée claqua sèchement derrière le brun qui s'était hâté de déguerpir sans doute par crainte de l'interrogatoire digne d'un film policier qui lui pendait au nez s'il avait choisi de trop s'éterniser. Ou tout simplement était-il pressé de rejoindre sa dulcinée…
Mais Kise n'était pas dupe…
Il soupira, se tournant alors vers le second occupant du sofa.
« Ton maître me prend vraiment pour un con… »
Comprenant qu'on venait de s'adresser à lui, le doberman à la robe rouge confortablement installé sur un coussin releva la tête, oreilles parfaitement dressées en signe d'alerte et laissa échapper un léger couinement interrogatif.
Aomine, qui partait soi-disant bosser sans son « outil » de travail et fidèle compagnon, aka Tora, adorable molosse de son état, mais biiiiiien-sûr, c'était pourtant parfaitement logique ! M'enfin, puisqu'on vous le disait !
Toujours était-il que Kise se sentait las. Las d'entendre toujours les mêmes excuses, las des cachotteries d'Aomine et encore plus las que Kagami prenne toute la lumière…
Car au fil des mois, le rouge s'était en effet mué en principal centre d'intérêt du bleu.
Kise n'était pas stupide. Evidemment, au début, Aomine lui avait fait croire ainsi qu'à ses amis et à sa famille, que la raison pour laquelle il avait décidé de s'expatrier aux Etats-Unis résidait dans une prometteuse carrière de basketteur professionnel. Cependant, il était rapidement devenu clair pour tout le monde (excepté les deux principaux concernés) que le basket ne constituait qu'un vulgaire prétexte, l'arbre qui cachait la forêt dénommée Kagami Taiga…
Et oui… mais le plus risible dans toute cette ubuesque situation résidait sans doute dans le fait que Kagami était complètement AVEUGLE (ou carrément insensible, mais connaissant la nature empotée du rouge en matière de sentiments amoureux, Kise penchait davantage pour la première option…) au manège pourtant pas très subtil de la panthère…
Quant à Aomine, il ne valait probablement pas mieux car rien n'y faisait : il semblait physiquement incapable de déclarer sa flamme à l'homme de ses pensées. Non pas qu'il ait déjà essayé, mais Kagami était tellement premier degré que le seul moyen de se frayer un chemin vers son cœur (en dehors de passer par son estomac…) serait de formuler concrètement et sans ambigüité son attirance pour lui, de préférence avec des mots simples et parfaitement intelligible par son cerveau quelque peu… lent.
Et ce n'était pourtant pas faute d'avoir multiplié les sous-entendus plus ou moins graveleux devant les deux fauves en question (Kuroko en particulier, excellait à la manœuvre.), mais sans le moindre résultat. Les deux rivaux ne semblaient pas encore disposés à faire progresser leur relation à l'étape suivante…
Et pour être complètement honnête et transparent, cette insupportable manie de tourner autour du pot qu'avaient Aomine et Kagami, commençait à rendre fou Kise.
Parce que oui… au milieu de ce mauvais vaudeville, il y avait lui, Kise Ryota, éternel admirateur pas si secret que ça d'Aomine Daiki…
Même l'objet de son affectation était au courant des tendres sentiments qu'il lui portait, mais cela ne l'avait pas empêché de le repousser. Non sans ménagement, certes, Aomine n'étant pas le goujat que beaucoup de gens se représentaient à tort. Mais les faits étaient là et malheureusement, bien que le brun y ait mis les formes et se soit montré extrêmement précautionneux dans sa démarche, cela n'avait pas suffi à épargner la sensibilité de Kise…
A un moment, il y avait cru…
Il avait pensé que peut-être… quelque chose de plus fort que de l'amitié serait possible avec le prodige du basketball japonais… Etait-ce lui qui avait mal interprété les attentions du brun ou était-ce simplement Aomine qui avait finalement commencé à répondre (bien que timidement) à ses avances ?
Impossible à affirmer, mais il lui avait pourtant semblé que…
Kise soupira à nouveau et il se leva. Il n'avait ni l'envie de fondre en larmes à nouveau en ressassant des souvenirs douloureux, ni envie de se monter le bourrichon tout seul quant à d'hypothétiques sentiments qu'Aomine aurait pu avoir pour lui à un instant T. C'était complètement stérile de se repasser en boucle les événements qui avaient animé leur cohabitation ces derniers mois… Naïvement, Kise avait pensé qu'en suivant Aomine à l'autre bout du monde et en vivant avec lui, le brun finirait par le remarquer et par lui retourner son amour, un amour qui ne s'était jamais démenti depuis l'adolescence…
Et voici où il en était rendu à présent : il voyait tous les jours l'homme qui ne posséderait jamais, celui qui lui avait brisé le cœur par son rejet et il assistait impuissant à sa parade amoureuse appuyée envers un autre que lui… C'était son fardeau quotidien. Celui qu'il avait accepté inconsciemment de porter en abandonnant une carrière florissante de mannequin dans leur pays natal, alors que son histoire avec Aomine n'avait pourtant jamais eu la moindre chance de s'épanouir… Depuis le départ, elle était condamnée, ayant pour ainsi dire été tuée dans l'œuf, au moment même où Aomine avait posé le regard sur ce maudit émigré américain à l'allure sauvage et indomptable. Ce même américain qui avait réalisé l'exploit de ramener Aomine dans le monde des « vivants », en le sortant de sa profonde dépression là où tous les amis de la panthère avaient lamentablement échoué.
Seul Kagami était parvenu à susciter de l'intérêt chez Aomine et à le sortir de sa noire torpeur… Kise en avait bien conscience et s'il se sentait reconnaissant et même redevable envers Kagami, il ne pouvait décemment pas nier que la dualité des sentiments qu'il éprouvait envers roux, se bousculait perpétuellement lui. Car comment ne pas être jaloux de la tendresse que lui portait son premier amour ? Et d'autant plus lorsque Kagami était sourd au comportement plus qu'équivoque de son rival. Comment faisait-il pour ne pas le voir, ne pas le comprendre ? De l'avis de Kise, c'était impossible. Même Kagami n'était pas aussi bête au point d'ignorer les intentions d'Aomine.
Ce serait tellement plus simple pour tout le monde que Kagami accepte ENFIN l'amour débordant d'Aomine à son égard. Comme ça, plus de fausses espérances et Kise serait en capacité de tourner la page en tirant un trait définitif sur le basané… Du moins, il pourrait enfin essayer de passer à autre chose. Mais non. Tant que Kagami ne remarquait pas Aomine, ni ne prenait position quant aux sentiments de l'autre, c'était peine perdue. Kise continuerait à se raccrocher au maigre espoir que, peut-être, un jour, Aomine finirait éventuellement par lâcher l'affaire et revenir ainsi dans son giron. Comment Aomine pouvait-il se résoudre à l'explicite indifférence que Kagami lui témoignait avec une constance qui ne s'était jamais démentie ? Mais ce serait bien mal connaître l'entêtement et la détermination d'Aomine. On ne balaie pas d'un revers du poignet quinze ans d'assiduité amoureuse… et il était le mieux placé pour le savoir, hélas.
Toujours était-il que… Kise avait atteint ses limites. Ca avait pris du temps.
Mais ce soir, ç'en était trop.
Il devenait urgent qu'il s'aère l'esprit, et tente au moins de penser à autre chose et le seul moyen d'y parvenir était de sortir. Tout ici lui rappelait inévitablement Aomine. Cet appartement qu'ils avaient décoré ensemble, à défaut de le choisir de concert, puisque ce choix relevait uniquement d'un caprice du brun dans le but à peine voilé de se rapprocher géographiquement de son ancien rival. « Cet endroit est assez spacieux pour nous deux et en plus, il est stratégiquement bien placé ! Y a plein de restaus dans le coin et le plus important, il y a un terrain de streetball juste en bas de la rue ! » avait alors insisté Aomine, pour donner le coup de grâce. Et Kise de le croire stupidement, avant de réaliser que c'était surtout la caserne de Kagami qui constituait leur voisinage immédiat…
« Abruti… comment as-tu pu croire que… »
Oui, il allait devenir fou s'il restait ici…
Une douleur aigüe comprima d'ailleurs soudainement sa poitrine, comme pour matérialiser ses craintes. Merde… ce n'était pas le moment de faire une crise de panique ou de nerfs, seul et au beau milieu du salon…
« Putain… manquait plus que ça… » Pesta le blond en pressant la main contre son cœur.
Il essaya de se calmer, se dirigeant en titubant vers leur kitchenette américaine sobrement aménagée, pour aller s'y servir un verre d'eau fraîche. Puis, portant le breuvage cristallin à ses lèvres, il fixa le chien qui l'observait toujours sans détourner le regard, semblant en permanence juger les humains qu'il côtoyait de son air fier et impassible. Ce brave canidé valait sans mal mieux qu'eux tous réunis… Lui au moins, embrassait son côté animal et laissait sa vie être régie par des besoins primaires, sans jamais chercher à les réfuter. Il n'avait qu'à laisser libre cours à leur assouvissement et cela suffisait à son bonheur. Aucune conscience morale ne venait entraver la pureté de ses désirs.
Les yeux humides, le blond s'adossa à l'évier pour s'adresser à Tora.
« Je vois d'ici la scène : si je n'arrive pas à me calmer dans les prochaines minutes, j'risque de faire un malaise et avec la chance que je me paie en ce moment, je serai prêt à parier que ton maître t'a appris à composer le numéro des secours avec ta truffe. Et à tous les coups, c'est encore l'héroïque Kagamicchi en personne qui va se pointer pour me faire du bouche-à-bouche, accompagné de son fidèle prétendant bien entendu… Et suite à ça, Aominecchi ne voudra plus jamais me parler, car il m'accusera d'avoir goûté les lèvres de son tigrou d'amour avant lui… »
En effet, impossible qu'Aomine accepte que Kise ait la primeur d'un baiser du roux.
Mais bon, remarque, si un petit évanouissement des familles ni vu ni connu pouvait interrompre leur date secret… ce serait toujours ça de gagné, non ?
Un léger gloussement lui échappa à cette pensée… mais il la regretta aussitôt, la douleur à peine soulagée dans sa poitrine se réveillant à nouveau. Bon sang, c'était comme si son propre corps et les forces cosmiques de l'univers s'étaient ligués contre lui pour avoir osé souhaiter semer la discorde au sein du couple idéal !
Dans tous les cas, cela lui confirmait qu'il ne pouvait plus rester ici… il en avait assez de cet endroit, il ne pouvait plus le voir en peinture, là, tout de suite ! Et afin de préserver son intégrité physique ainsi que sa santé mentale, il ferait mieux de quitter les lieux au moins pour quelques heures, le temps de faire le point et de digérer l'énième mensonge d'Aomine.
Evidemment, Kise savait pourquoi Aomine se comportait de la sorte. Ce n'était pas par honte, ni même par culpabilité. Au contraire, il s'agissait plutôt de sa façon à lui de préserver Kise en ne le blessant pas davantage. Cependant, il ne semblait pas réaliser que ses cachotteries ne faisaient que pousser chaque jour un peu plus Kise vers le bord du précipice… Pourquoi ne pouvait-il tout simplement trancher et dire les choses de manière franche ? D'après Kise, c'était l'indécision et le manque clair de prise de position de son compagnon qui envenimaient la situation et pas autre chose… Non, ce n'était par exemple pas du tout le fait que le blond continue à se faire des illusions à se pâmer d'amour pour le brun qui était responsable de ses tourments intérieurs…
Dehors, le ciel était menaçant.
Il devait s'éloigner de cet endroit maudit et vite, avant qu'il n'ait plus la force de le faire…
… Parce que lorsqu'il fit l'erreur de se retourner pour prendre son manteau dans l'entrée, le regard de Kise se posa malencontreusement sur le fauteuil qui se trouvait à droite du canapé et…
Ce même fauteuil où il avait échangé un baiser avec Aomine, à peine deux semaines plus tôt et qui avait semé le trouble entre eux depuis. Enfin, de façon encore plus nette que d'habitude quoi, mais surtout, qui les avait conduits à…
Quelle foutue erreur… et aujourd'hui Kise la payait cher.
Après s'être mordu la lèvre inférieure pour la quatrième fois de la soirée, (signe d'intense nervosité chez Kise) il se dépêcha d'extraire de ce cocon suffoquant chargé de souvenirs lourds, fermant même les yeux comme pour se donner plus de courage et empêcher toute image mentale du brun à moitié nu sur lui d'assaillir son esprit déjà bien fragilisé.
A tel point qu'il en oublia de prendre son manteau dans la foulée.
Kise ne savait pas combien de temps il avait marché ou plutôt, erré sans but dans les rues de Los Angeles. Mais au vu de la sensation de brûlure qui lui tiraillait les pieds, cela devait se compter en heures plus qu'en minutes. Pour être franc, il s'était laissé porter par ses jambes, le plus loin possible et sans jamais se retourner. Los Angeles… la fameuse Cité des Anges… elle ne lui avait jamais paru plus mal mériter son nom qu'en cet instant… Les ruelles étaient bondées de démons qui sortaient aux premières lueurs de la nuit en quête de proie. Le blond ne se sentait plus en sécurité à présent qu'il avait pénétré sur leur territoire, en quittant le sien, les quartiers plus favorisés…(type Malibu ou Venice Beach...)
Car grâce à son confortable salaire de mannequin ou plutôt, grâce à ses économies sagement amassées à l'époque de sa carrière prolifique au Japon, Kise et Aomine vivaient bien. Sans mener grand train, ils avaient largement de quoi assurer leurs besoins et même ceux occasionnellement plus luxueux. Mais cela ne durerait probablement qu'un temps alors autant en profiter, car dernièrement les contrats se faisaient plus rares aux Etats Unis. Il fallait voir la réalité en face : Kise ne jouissait absolument pas de la même popularité ici qu'au Pays du Soleil Levant. Ici, il était un quasi inconnu et les mannequins asiatiques qui parvenaient à percer se comptaient sur les doigts d'une seule main... de Mickey. (Et je vous rappelle qu'elle ne contient même pas cinq doigts…)
C'était dire s'il y avait beaucoup d'appelés pour vraiment très, très peu d'élus…
Et à l'heure d'aujourd'hui, Kise n'en faisait malheureusement pas partie, malgré son physique plus qu'avantageux. Son agente avait un mal fou à lui décrocher des contrats convenables au regard des nombreuses années d'expérience et du grand professionnalisme de son poulain. La plupart du temps, Kise « cachetonnait » donc dans des publicités quasi anonymes et des projets sans grande envergure. Heureusement pour lui, il avait eu la présence d'esprit de garder de bonnes relations avec sa précédente agence au Japon, qui le contactait encore de temps en temps pour des contrats intéressants. Et puis en plus de lui remplir les poches, cela lui donnait l'occasion de retourner au Japon pour voir ses amis, ses parents et ses deux sœurs aînées.
Saviez-vous que c'était d'ailleurs l'une d'elle qui avait initié Kise à l'art du mannequinat ?
On pouvait presque dire que c'était devenu une tradition familiale à présent. La grand-mère maternelle de Kise, d'origine Suédoise, avait été une pin up réputée à son époque et bien que plus modeste que sa propre carrière, celle de sa sœur avait également été assez fructueuse en Europe. A tel point que Ryoko n'avait pas attendu que sa fille unique fête ses quatre ans pour déjà lui faire courir les castings pour enfants les plus prisés de tout l'archipel et avec succès. Et Kise se sentait extrêmement fier que sa petite nièce perpétue avec brio l'héritage familial, en marchant dans les pas de sa mère et de son tonton. Quant à son autre sœur, celle du milieu et dont il était le cadet de seulement deux ans, cette dernière bien que très belle, n'avait jamais été intéressée par le mannequinat et préférait consacrer sa carrière à ses sujets un peu plus… intellectuels, dira t-on… Elle était en effet vétérinaire dans une clinique dernier cri à Tokyo, mais de base, elle possédait également un doctorat en biologie marine.
Et oui, rien que ça ! Adorant lui-même les animaux, Kise était également très fier d'Irumi bien qu'elle ait suivi un chemin différent de lui et de leur soeur aînée. Mais n'ayant pas la passion du mannequinat en commun avec elle, il se sentait forcément moins proche de la brune, qui avait pris davantage du côté de leur mère. Ryoko quant à elle, ressemblait plus à une caucasienne qu'à une métisse asiatique et c'était doute l'une des raisons de son succès à l'international. Finalement, seul garçon de la fratrie, Ryota incarnait la parfaite combinaison de ses deux parents, le fruit du mariage équilibré entre Orient et Occident.
Et parfois… comme c'était le cas ce soir… Ses sœurs lui manquaient tout particulièrement. Elles savaient toujours trouver les mots pour le réconforter et elles avaient tendance à le materner plus que de raison. Dans ces moments-là, le blond se sentait tenté de rentrer au Japon… et d'y rester. Après tout, qu'y avait-il ici pour lui ? Rien. Absolument rien ni personne qui l'attendait. Sa carrière était un échec, qui flirtait dangereusement avec le point mort, quant à sa vie amoureuse (et même sexuelle…), ce n'était guère plus reluisant, la faute à courir après un type qui n'était pas digne de son affection de toute évidence… Alors qu'est-ce qui l'empêchait concrètement de repartir aussi vite qu'il était venu ? La honte d'avoir échoué ? Ou la peur qu'Aomine finisse par tomber amoureux de lui après toutes ces années, tandis que le blond serait déjà loin ? Bon sang… Kise se sentait tellement pathétique… et indécis. Il n'avait pas la force de couper le cordon une bonne fois pour toutes et d'enfin laisser Kagami et Aomine vivre leur histoire… Parce que… et si c'était à cause de LUI finalement qu'Aomine ne parvenait pas à se déclarer à Kagami ?
Fichu Daiki et sa fichue gentillesse…
Comme Kagami…
C'était ce qui faisait que Kise n'arrivait pas à leur en vouloir…
Et voilà où leur gentillesse les avait menés tous les trois…
A être malheureux comme des pierres en plus d'être insatisfaits, chacun de leur côté.
Merveilleuse perspective d'avenir, n'est-ce pas ?
Hélas, Kise en ressentait à présent une profonde fatigue. Il en avait marre. Marre de ressembler au chien d'Aomine, qui attendait docilement que son maître daigne lui balancer un maigre os à moelle à ronger de temps en temps… Marre que le brun pense qu'une caresse occasionnelle possède le pouvoir d'effacer toutes les fêlures comme par magie. Marre d'attendre quelque chose qui ne viendrait sans doute jamais ou alors… uniquement par dépit. Après tout, Aomine était un homme. Viendrait bien le moment où il en aurait assez de chasser le tigre sauvage et où l'appel de la libido se ferait plus fort, comme c'était déjà arrivé par le passé et ce, malgré la résistance du brun.
« Non… n'y repense pas maintenant… » S'interdit-il mentalement. « Où tu risques de craquer pour de bon et de fondre en larmes sur ce trottoir… »
Tiens, depuis quand s'était-il assis sur un trottoir d'ailleurs ? Et plus important encore, où Diable se trouvait-il à présent ? Il regarda autour de lui, tentant vainement d'identifier des immeubles vaguement familiers et le quartier où l'avaient mené ses pérégrinations, mais impossible de reconnaître l'endroit. Il n'était jamais venu ici. Et pour couronner le tout, il était parti dans une telle précipitation tout à l'heure qu'il n'avait même pas pensé à embarquer son téléphone sur lequel il aurait pu activer la fonction GPS dans le but de se repérer. Et encore pire : il avait même oublié de prendre l'argent pour pouvoir appeler un taxi et rentrer ainsi au bercail sans encombre, une fois qu'il se serait calmé.
Bordel, il n'y avait décidément que lui qui était assez bête pour se perdre comme ça dans une ville aussi immense !
Et tomate cerise sur le Maji Burger : voici qu'il commençait à pleuvoir en prime ! Et ce n'était pas la petite bruine d'été, mais belle et bien la bonne grosse mousson estivale ! Autant dire que s'il ne filait pas se mettre à l'abri dans les secondes qui suivaient, il risquait d'être plus détrempé qu'une actrice porno après un Cream Pie… Oups métaphore douteuse ! A croire que Daiki et sa passion la plus… débridée… avaient définitivement déteints sur lui ! Mais d'un autre côté… il s'en fichait. Au pire, que pouvait-il bien lui arriver ? Il allait se choper un bon vieux coup de froid et rester cloué au lit pendant une semaine ? Au moins, passer son temps à pioncer l'empêcherait de voir Aomine le temps de sa récupération. Son équilibre mental s'en trouverait sans doute rétabli en même temps que sa santé.
« Ryota… »
Il ferma les yeux… La voix profonde d'Aomine l'enveloppait si chaudement dans ses pensées…
Exactement comme ce soir-là… quand leurs deux corps emmêlés avaient basculé ensemble dans les affres de la luxure…
« Oh my God, dites-moi que j'rêve ! J'y crois pas, c'est bien toi R-yo-ta !? Kise fucking Ryota ! »
Le blond sursauta, brusquement arraché à sa rêverie. Qui donc pouvait bien s'adresser à lui sur ce ton plus que désinvolte ? Et surtout, qui, ici, pouvait bien le connaître ? Cette voix lui était étrangement familière, mais il ne la reconnut pas immédiatement sur le coup…
Mais lorsqu'il leva les yeux… il eut un mouvement de recul tel qu'il manqua de se casser la gueule du trottoir, si ce n'est qu'il était heureusement déjà assis !
Lui qui pensait justement à des démons tout à l'heure, il faisait à présent face au pire d'entre eux. Un démon issu de son propre passé et qu'il n'aurait jamais cru croiser à nouveau ! Encore moins dans ces conditions et si loin de leur terre natale !
Haizaki Shogo !
Mais que Diable faisait-il ici ? Et pourquoi… pourquoi maintenant ?
C'était un véritable cauchemar ! Sauf qu'il ne pouvait pas se réveiller...
Kise plissa les yeux pour pouvoir observer un peu plus l'autre. (et s'assurer qu'il ne s'agissait pas d'un fantôme.) Son rival avait encore changé physiquement. Décidément, ce mec tenait plus du caméléon que de l'être humain, tant il changeait de look comme Daiki changeait de playmate ! Mais Kise l'aurait pourtant reconnu entre mille... sûrement à cause de leur histoire commune… plutôt chargée, il fallait bien l'admettre.
Le brun – parce qu'il était bien resté brun couleur corbeau depuis la dernière fois qu'ils s'étaient croisés à la fin du lycée – arborait des cheveux lisses et plus longs à présent, négligemment rassemblés en un man bun désordonné dont quelques mèches s'échappaient. Son visage s'était adouci, révélant des traits plus délicats presque… féminins. Tiens, Kise n'avait jamais remarqué à quel point les yeux de son homologue étaient en bridés. Moins grands que les siens, en amande, mais… impossible de ne pas noter ses origines asiatiques. Entre ses lèvres à la teinte naturellement sanglante, se trouvait coincée une cigarette à moitié entamée. Il portait un jean noir brut, un perfecto en cuir assorti et une chemise… hawaïenne d'un rouge criard tirant vers le orange, représentant coucher de soleil et palmiers… d'un goût… disons… que la fashion police aurait sans doute fortement réprouvé !
… Chemise d'ailleurs exagérément ouverte sur son torse harmonieusement sculpté, ne laissant que peu de place à l'imagination, à part peut-être concernant les tatouages que Kise y décelait sans toutefois parvenir à en identifier précisément les motifs. Le tissu était tellement près du corps de l'autre homme, épousant amoureusement la partie haute de son buste, que Kise put même deviner (information dont il se serait au passage bien passée, n'ayant vraiment pas envie de savoir ça au sujet de son ancien tortionnaire…) que l'ancien délinquant avait développé un attrait plus que certain pour les piercings, puisque non content d'en arborer plusieurs à l'oreille gauche, l'un d'entre eux avait également trouvé refuge sur le mamelon droit d'Haizaki.
Les yeux écarquillés, Kise le reluqua ainsi de haut en bas, puis de bas en haut sans prononcer le moindre mot pendant un temps indéterminé, qui sembla à un moment donné, trop long pour Haizaki.
« Oi y a quelqu'un ? Ou t'es devenu sourd à force de trop te branler putain !? »
Toujours aussi charmant...
Kise avait toujours mis la patience déjà limitée de son rival à rude épreuve et le poids des années ne paraissait pas avoir arrangé la donne sur cet aspect précis en tout cas.
Mais pas de réponse de la part du japonais aux cheveux d'or malgré la provocation évidente lancée à son visage. Alors pour obtenir une réaction, Haizaki fut contraint de frapper plus fort. Enfin, contraint pas vraiment. Il le fit plutôt avec un plaisir évident.
« Je sais que tu m'as toujours trouvé incroyablement sexy, mais reprends-toi bordel ! Tu baves à force de me déshabiller du regard et ça commence à devenir gênant… D'ailleurs, aussi émoustillé que je puisse l'être par ton petit matage en règle, je me dois de préciser que m'adonner au pelotage intensif sous une pluie glaciale n'fait toujours pas partie d'mes kinks. Même lorsqu'il est question de toi. »
« M-mais moi non plus qu'est-ce que tu crois !? » Répondit du tac au tac le blond, sortant ainsi de son inquiétant mutisme. « Et puis d'abord, comment t'as fait pour apparaître juste ici ? J'suis encore parfaitement sobre pourtant ! »
… « Et surtout, j'ai rien fait pour mériter qu'un fantôme du passé dont je me croyais définitivement débarrassé, revienne me hanter… »
« Hinhin… » Ricana l'autre d'un air arrogant. « Alors comme ça, tu crois vraiment que j'suis une hallucination ? Remarque, c'est p't'être le cas, va savoir… »
« Nan impossible… tu me tapes déjà bien trop sur les nerfs pour ne pas être réel. »
« Oh… mais c'est qu'il sort les griffes le chaton ! Je constate avec joie que tu n'as rien perdu de ton… « mordant ». Tu noteras que je m'apprêtais à dire de ton côté « connasse de service », mais… le temps m'a également appris à savoir tenir ma langue lorsque la conjoncture l'exigeait… »
Langue qu'il tira d'ailleurs sans faire tomber sa cigarette en même temps.
… et langue elle aussi piercée.
« C'est pas possible, ce mec est plus criblé de trous qu'une cible de tir de la NRA… » Ne put s'empêcher de noter sarcastiquement Kise.
Mais il fallait tout de même lui reconnaître que… et bien… il portait ses nombreux piercings plutôt… avantageusement… ? C'est que ça n'allait pas à tout le monde toute cette quincaillerie et on avait tôt fait de ressembler au présentoir d'une bijouterie fantaisie. Mais pas Haizaki… non, ça allait avec son style global… ce style de « méchant garçon pas très fréquentable » qu'il semblait avoir conservé… Vous savez, le genre de mecs sur lesquels on a toutes eu un crush à l'adolescence et avec lesquels on sort pour faire enrager les parents, mais qu'on n'oserait jamais présenter officiellement au tonton homophobe et raciste lors du sacro-saint repas dominical.
Erf… venait-il d'adresser un compliment (bien que muet, ouf !) à Haizaki ? Heureusement qu'il ne l'avait pas formulé à voix haute parce que sinon, le brun ne l'aurait plus jamais lâché avec ça !
« Bon alors tu vas enfin m'dire ce que tu fous ici tout seul, sous la flotte ? Ta douche est en panne ou quoi ? »
« Il me semblait t'avoir posé la question en premier. »
« Oh et donc d'après le manuel des conventions sociales, c'est d'abord à moi de répondre, c'est bien ça ? » Mais face à l'insistance de Kise qui soutenait son regard sans flancher, le brun céda le premier. « Bon, bon, ok, t'as gagné ce round. Figure-toi que c'est un truc de fou absolument incroyable, mais pourtant vrai… Car accroche-toi bien, tu ne vas pas en revenir : il se trouve que j'habite près d'ici ! Alooooooors, avoue que tu l'avais pas vu venir celle-là ! »
« Wow quelle révélation. J'espère que tu m'excuseras de ne pas en tomber à la renverse, mais sache que le cœur y est et je t'assure qu'il en aurait été tout autrement si je m'étais trouvé debout… »
L'ange blond avait légèrement gonflé les joues et croisé les bras sur son torse en signe de défense, comme pour se conférer un air réprimateur. Sans succès. Le sourire narquois qui trônait sur le visage d'Haizaki ne fit que s'étirer davantage. Il savait bien que sa réponse ne risquait pas de satisfaire Kise. Mais c'était pourtant la vérité vraie qu'il venait de lui énoncer.
« Oh et puis après tout, je m'en fiche pas mal de ce que tu peux bien fabriquer ici… »
Bon ça par contre, ce n'était pas totalement la vérité véritable… Dans le fond, Kise était curieux. Il n'y pouvait rien, c'était plus fort que lui et ce comportement ne concernait pas qu'Haizaki, mais toute personne se trouvant à proximité immédiate de lui. Ou non.
« Hmm… tu n'm'aimes vraiment pas beaucoup hein ? »
Sacré euphémisme et question essentiellement rhétorique.
« Sans déconner ? Et tu ne le réalises que maintenant ? Enfin, mieux vaut tard que jamais comme on dit... »
« Well… It can't be helped I guess… On n'peut pas dire que j'ai été vraiment tendre envers toi au collège ou au lycée, alors il faut croire que je le mérite. »
« Pardon !? » S'étonna Kise.
Haizaki qui admettait SINCEREMENT ses torts, sans chercher à se défiler, ni même à se justifier !? Mais quelle était donc cette grave HERESIE !? Se pourrait-il… ? Nan impossible… que l'ancien délinquant ait MURI et qu'il puisse chercher à faire amende honorable auprès de lui ? Et comme si son ex-bourreau possédait le pouvoir de lire dans ses pensées à ce moment précis, il tendit au-dessus de sa tête son parapluie. Ah oui, voilà, c'était donc pour cela que le brun n'était pas mouillé depuis tout à l'heure, ça ne frappait Kise que maintenant…
« … Je vais finir par croire qu'on t'a piercé des trous dans le cerveau aussi... » Marmonna Kise, boudant à présent de manière tout à fait adorable.
Mais à sa décharge, c'était juste trop bizarre de voir Haizaki se conduire aussi gentiment ! Même le ton sur lequel il s'adressait à lui n'était pas agressif ! Comment Kise allait-il bien pouvoir s'en sortir, si même son ennemi mortel se mettait à le prendre en pitié et devenait soudainement amical ? Manquait plus que l'ancien tressé se mette à lui présenter des excuses et ce serait le pompon sur la rivière Sumida-gawa !
« Ahaha nan… j'ai subi aucune trépanation, rassure-toi. Disons juste que j'ai… changé. Tout simplement. Il était temps, non ? »
C'était EXTREMEMENT difficile à croire, connaissant le tempérament belliqueux de l'animal… et pourtant, Kise devait se rendre à l'évidence : Haizaki semblait… différent. Pas seulement moralement, mais physiquement aussi. Son visage moins crispé et moins marqué par ses occasionnelles envies de meurtre envers le blond, le rendait même plus… plus…
Heu…
… beau ? Attirant ?
NON PAS DU TOUT ! C'était juste cette soudaine gentillesse à laquelle Kise n'était pas habitué, qui lui faisait perdre ses repères ! (oui, la gentillesse était décidément LA qualité qui le faisait craquer !) C'était son point faible, en amour comme en amitié…
« Alors, tu veux bien daigner me répondre maintenant que je t'ai prouvé que mes intentions n'étaient pas mauvaises ? »
« J'en sais rien. A vrai dire, je ne sais pas quoi te répondre, puisque j'ignore comment j'me suis retrouvé ici. Tout ce dont je me rappelle, c'est que je suis sorti et que j'ai marché droit devant. Et qu'à cause de ça, maintenant je suis perdu. Et dans la précipitation, j'ai pas pris ni clés, ni argent, ni téléphone. C'est ballot hein ? »
« Et pas de parapluie non plus. Et pas de veste. Résultat, t'as le cul posé sur un caniveau comme un clodo et t'es trempé jusqu'aux os en prime. » Constata Haizaki en tendant davantage son parapluie au dessus de la tête blonde, afin de la préserver des gouttes d'eau qui continuaient à tomber.
« C'est bon Shogo-kun. Pas la peine de continuer à faire semblant, j'sais qu'tu meurs d'envie de te foutre de ma gueule, alors vas-y, fais-toi plaisir et ne t'en prive surtout pas ! Je préfère encore ça plutôt que… »
« Plutôt que quoi, Ryota ? » Le coupa sèchement l'ex joueur vedette de Fukuda. « Que je te fasse la charité ? Tu crois réellement que j'suis en train de jouer la comédie là ? Et tu peux m'dire dans quel but j'ferai ça ? Celui de te piéger peut-être ? Moi, j'ai changé, mais toi, de toute évidence… t'es resté bloqué dans une faille temporelle datant du lycée... »
Piqué au vif, Kise se releva d'un bond. Il entrouvrit la bouche pour à répliquer quelque chose, mais aucun son ne vint. A la place, il préféra tourner les talons et s'éloigner, reprenant sa marche sous la pluie battante. Oui, il devait mettre de la distance entre son ancien rival et lui. Parce que… et si… Haizaki avait raison ? Et s'il n'avait pas du tout évolué durant toutes ces années, comme le clamait l'autre ?
Ca expliquerait bien des choses en réalité… Comme la fixette qu'il faisait sur Aomine, pour commencer. Qu'il n'ait jamais changé de métier, également, ni même cherché à le faire. Ou encore… le fait qu'il continue à fréquenter les mêmes personnes que depuis l'époque du collège et du lycée ensuite. Sa situation personnelle était toujours la même. Il faisait du surplace. Il tournait en rond. Comme un serpent qui se mord la queue et s'étouffe dangereusement avec… jusqu'à l'asphyxie totale…
Et puis… ce fut à cet instant que le choc se produisit…
« C'est à cause de Daiki, c'est ça ? »
Kise se figea.
« ! »
Comment… comment ce… cet odieux personnage s'y prenait-il pour deviner toutes ses pensées les plus intimes et secrètes ? Celles qu'il s'efforçait de cacher derrière un sourire hypocrite. Comment était-il parvenu à déterminé avec une telle précision… à qui était lié son état actuel ?
« Qu'est-ce que tu racontes encore ? Tu n'en as pas marre de… ! »
« Arrête de fuir et de mentir, j'ai horreur de ça. Tes petits mensonges marchent peut-être avec les autres, mais ça ne prend pas avec moi… » Le coupa l'ancienne racaille.
« Bon sang, mais qu'est-ce que tu cherches à la fin !? Pourquoi… pourquoi tu ne me laisses pas tranquille ? Pourquoi tu ne peux pas faire comme si tu ne m'avais pas vu ce soir, assis pathétiquement sur ce satané trottoir à me morfondre sous la pluie, loin de chez moi… ? Pourquoi.. pourquoi… pourquoi… pourquoi !? Tu prétends avoir changé, mais c'est faux… parce qu'au final, tu aimes toujours autant me tourmenter, exactement comme avant… People never change Shogo-kun… »
« Hey, je t'interdis de me coller dans le même panier que toi ! C'est pas parce que toi t'arrives pas à tirer un trait sur le passé que moi j'en suis forcément incapable… »
Il en profita pour combler la distance qui les séparait et il enleva sa veste qu'il posa sur les épaules de Kise. Le blond pouvait sentir son poids rassurant et cette moiteur étrange qui en émanait. Haizaki… dégageait vraiment beaucoup de chaleur corporelle et ce, même sous cette pluie rafraîchissante.
C'est alors qu'Haizaki l'attira soudainement dans ses bras, tout contre son torse, comme pour l'emprisonner. Et ce fut à ce moment-là que toutes les dernières réticences de Kise volèrent en éclat et qu'il s'autorisa à fondre en larmes, ne pouvant de toute manière les retenir plus longtemps…
Pour s'abriter de la pluie battante, les deux anciens lycéens avaient fini par échouer dans un bar situé non loin de là. Un pub irlandais traditionnel aux murs verts et au comptoir en chêne massif qu'Haizaki lui avait dit fréquenter régulièrement, parce que l'endroit avait le mérite de proposer des pintes de bière à moins de quatre dollars et de ne pas se trouver très loin de chez lui. C'était d'ailleurs le lieu vers lequel il se dirigeait justement avant de tomber sur Kise au détour d'une ruelle.
Et cela faisait donc plus de quinze minutes que Kise n'avait plus décroché un mot. Un exploit absolu pour quelqu'un d'aussi bavard que lui d'ordinaire.
Le renard fixait sa bière depuis que la serveuse l'avait posée là et son niveau n'avait pas diminué d'un iota au grand dam d'Haizaki, qui ne se gêna pas pour soupirer d'exaspération. Il voulait bien être patient, mais encore une fois, sa patience, surtout vis-à-vis du blond, avait ses limites. Cependant, cela ne suscita pas la moindre réaction de la part de Kise qui semblait comme déconnecté, les yeux encore rougis par la quantité de larmes qu'il avait précédemment versée.
Et pour être honnête, Haizaki n'avait jamais vu quelqu'un chialer autant. Il ignorait même que c'était physiquement possible. Le blond avait en effet pleuré plus de quarante minutes sans interruption et dès qu'il avait daigné s'arrêter, (sans doute le temps de recharger ses glandes lacrymales pour une seconde tournée.) Haizaki s'était empressé de vérifier sur un fameux forum médical que son compagnon ne risquait pas de mourir de déshydratation pour avoir trop chouiné.
« Tu veux peut-être boire un truc chaud à la place… ? » Proposa Haizaki d'une voix plus douce qu'à l'accoutumée.
Sans davantage parvenir à capter l'attention de Kise.
Argh ! L'inquiétant mutisme du blond commençait sérieusement à irriter son hôte… tant et si bien qu'Haizaki se retrouva en train de chercher une blague pour le faire sourire, tapotant frénétiquement sur son malheureux smartphone déjà bien malmené.
« Ah ! Pas mal celle-ci ! Hey Ryota, tu connais le point commun entre la sodomie et les épinards ? Alors, tu trouves ? Elle pas facile hein… » Il laissa quelques secondes au blond pour réfléchir, mais face à son absence de réponse, il enchaina : « Alors attention, t'es prêt ? Aucune : même avec du beurre, les enfants n'aiment pas ça ! » Enonça t-il dans un rire un peu sinistre.
… Heureusement qu'il l'avait racontée en Japonais celle-là n'empêche…
Parce qu'elle n'aurait probablement pas été au goût de tous les occupants du bar…
En tout cas, Kise, même s'il n'avait pas ri et lui jetait à présent un regard mi-blasé, mi-assassin, avait finalement réagi. MISSION ACCOMPLIE !
« Elle était vraiment nulle ta blague… » Marmonna celui qui aurait sans doute prévenu la Brigade Anti-Pédophiles si seulement avait pensé à amener son téléphone…
« N'importe quoi ! Elle était super marrante, avoue juste que c'est toi qui n'as pas d'humour ! »
Seigneur, mais décidément, qu'avait-il fait pour mériter ça… ?
« Pfff… Le pire, c'est que je la connaissais déjà en plus… »
« Ah ouais ? Et je peux savoir où tu l'avais entendue ? Ohhh attends, laisse-moi deviner : encore ce cher Daiki je présume ! »
« Pourquoi est-ce que tu tiens tant à tout ramener à lui ? »
« En tout cas, tu n'as pas nié ! En même temps c'était couru d'avance, y a vraiment que lui pour oser des blagues aussi trashouilles, en dehors de moi j'entends. Mais c'est bien, au moins on avance, même si c'est juste un peu ! »
Kise leva les yeux au ciel. Mais malgré son exaspération, il était conscient qu'Haizaki avait mis dans le mille. Alors à quoi bon continuer à lui cacher la vérité ? Haizaki avait déjà tout compris de toute façon…
… A moins qu'il ne lui soit encore possible de se défiler…
Oui, peut-être que... il n'était pas encore trop tard.
« Shogo-kun… » Commença t-il en dégainant son célèbre regard de biche. Celui auquel personne ne résistait en temps normal, pas même Daiki notamment ce fameux soir fatidique… « J'ai très, trèèèès envie… » Emphase absolue sur le mot « envie ». « … De jouer à… » Il se leva pour venir s'installer sur la banquette juste à côté d'Haizaki et il susurra sensuellement droit dans son oreille. « … cette borne d'arcade là-bas ! »
Et à la tronche déçue dont le gratifia Haizaki, Kise comprit que son ancien rival s'attendait à une toute autre proposition, de nature bien plus… indécente. Mais hélas Kise ne lui laissa pas le temps de se défiler et il lui attrapa le poignet, le tirant avec entrain vers ladite borne. Kise ne savait même pas quel genre de jeu elle contenait. Il avait espéré qu'il s'agirait d'un de ces jeux de danse tellement à la mode, avec tapis de couleur au sol pour indiquer où poser ses pieds au rythme de la musique, mais elle semblait trop ancienne pour cela. Dommage, ça l'aurai bien arrangé, il était imbattable à ce genre de jeux, mettant littéralement à l'amende tous les autres membres de la Génération des Miracles. Même Momoi, qui le tannait pourtant de près.
S'agissait-il alors d'un jeu de baston ? N'importe lequel ferait l'affaire, pourvu qu'on puisse s'y adonner à deux ! Sans sous-entendu déplacé, bien entendu… Hmm… « s'affronter » était sans doute un terme plus adéquat et moins subversif !
« Dis oui, dis oui, dis oui ! Steuplé, steuplé ! » Supplia t-il en sautant sur place comme un gosse turbulent qui fait un caprice devant son père.
Haizaki observa la borne. Pas de manette, pas de pad. Mais deux appareils qui ressemblaient à des selles de moto y étaient reliés. Un sourire prédatorial lui échappa l'espace d'un instant. Ouais… il maîtrisait bien ce jeu-là en particulier… mais son petit doigt lui signala qu'il valait mieux taire cette information pour le moment…
« T'es sûr Kitsune ? »
D'abord « chaton » et maintenant « Kitsune » ? Non mais c'était quoi ce délire autour des surnoms ringards ? C'était quoi le prochain sur la liste ? « Bébé » ?
« Alors bébé ? »
ARGH.
« Ne m'appelle pas comme ça, ça me file la chair de poule ! » Se rembrunit immédiatement Kise.
« Pourquoi ? T'as un visage de bébé pourtant. Et j'suis sûr que même tes fesses sont aussi douces que celles d'un béb-… »
Nul doute que si c'était Aomine qui l'avait affublé d'un surnom pareil, le blond l'aurait déjà récompensé d'un gloussement approbateur… Et le bleu aurait sûrement ajouté que Kise n'aimait pas téter que des biberons... Mais là, on parlait d'Haizaki. Haizaki qui ne bénéficiait malheureusement pas de cette même affection…
On était encore au niveau de la blague pédo de tout à l'heure...
« Ne. Termine. Pas. Ta. Phrase. Ou cette image mentale va me hanter toute la nuit... »
Et afin de parer à toute possibilité de réplique, Kise enfourcha la bécane de couleur jaune pétard, pour ne pas laisser le choix à Haizaki de se rétracter.
« Désolé… comme tu le sais déjà, j'ai oublié mon portefeuille chez moi, mais je te rembourserai, promis. Et pour la bière aussi. »
Haizaki soupira avant de fouiller la poche de son jean et d'en sortir une petite pièce qu'il s'empressa d'insérer dans la fente de la machine infernale.
« Bon, tu m'expliques maintenant ? C'est quoi cette soudaine envie de grimper sur le premier gros engin qui passe ? Si tu y tenais tant que ça, tu aurais du le dire plus tôt, parce qu'il se trouve que je suis justement en possession de celui qu'il te faut deh-… »
« Laferme mon cœur n_n ! » Sourit trèèèèès cruellement Kise.
« Ouaaah flippant… » Frissonna Haizaki.
Et quand il était dans cet état, Kise n'avait rien à envier à Akashi. C'était d'ailleurs l'une des raisons principales pour lesquelles Haizaki aimait tant le pousser à bout avant. Parce qu'il savait mieux que personne que derrière le costume de Bisounours que le blond arborait au quotidien, se cachait un grizzli sauvage qui ne demandait qu'à s'exprimer. Et ça avait le don d'exciter Haizaki plus que de raison. Déjà à l'époque, c'était l'un de ses turn on inavoués. Et quand Kise commençait à sortir les petits surnoms affectueux, c'était la preuve ultime que le brun touchait au but.
S'exécutant donc, il grimpa à son tour docilement sur la selle. Kise prit alors la parole.
« Etant donné que mon envie de te parler d'Aominecchi est actuellement proche de la température en Alaska en plein mois de décembre et que je sais pertinemment que tu vas continuer à me harceler si je persiste à garder le silence, voici ce que je te propose : on va décider de ça lors d'une course de moto. Ca te va ? »
« T'aurais juste pour le dire que t'avais envie de te défouler sur un loisir bien de chez nous Kitsune… Ca nous aurait fait gagner du temps. »
« … Toi, t'as rien écouté de ce que je viens de te dire, avoue… ? » Pesta à nouveau Kise.
Et comme l'ex joueur de Kaijo menaçait encore de lui glisser entre les doigts, Haizaki opta pour se montrer plus coopératif.
« Ok, ok, c'est bon, t'énerve pas je plaisantais. A vrai dire, c'est plutôt une bonne idée je trouve de nous départager comme ça, vu qu'toi et moi on n'est pas du genre à céder sans s'être livré à une bonne guerre totale avant… Et puis… » Il enleva momentanément l'élastique qui tenait ses cheveux avant de refaire proprement son bun comme pour empêcher toute mèche récalcitrante de le pouvoir le gêner, signe qu'il prenait ce défi très au sérieux. « … Tu sais à quel point j'aime me frotter à toi. Au sens propre, comme au figuré… » Son regard en direction de Kise était d'ailleurs plus qu'équivoque…
« Incroyable. Tu me dragues OKLM alors que tu dois littéralement être la seule personne sur Terre à ignorer que je te déteste littéralement depuis le jour où on s'est rencontré. »
Il riva les yeux sur l'écran en signe de résignation et des mots familiers résonnèrent dans son esprit…
C'était bien-sûr un mensonge qui ne trompait que lui…
« Shogocchi j'ai peur du noir… Dis, tu veux bien m'accompagner aux toilettes ? J'ai peur d'y aller tout seul… »
« Putain Ryota, mais il est trois heures du matin ! T'as qu'à te démerder ! Pourquoi tu n'demandes pas à ton cher Daiki de venir avec toi pour te tenir la bite, plutôt ? » Ronchonna l'argenté, sans toutefois élever trop la voix.
« Maiiiis j'peux pas, il dort ! »
« … »
Ah oui d'accord. Donc laisser Ao roupiller, c'était ok, mais lui par contre, aucun problème pour le priver de son précieux sommeil !
« Shogocchiiiii pretty please ! Y a plein de bruits bizarres dans les bois ! J'suis sûr que c'est… c'est des insectes géants ! »
« C'est ça ton excuse ? Bah figure-toi que moi aussi j'dormais avant que tu n'me réveilles ! Et j'aimerai bien continuer, alors maintenant, arrête tes jérémiades et retourne te coucher ! »
« Pitié ! Je ferai tout ce que tu voudras ! Même laver ton maillot d'entraînement plein de transpiration à la main pendant un mois entier ! »
« … Tu m'prends vraiment pour un con, tu vas refiler la corvée à ta mère c'est ça ? »
« Non même pas... » Commença par nier le blondin, avant de se rétracter aussitôt. « … Oui, bon, d'accord, c'est vrai, mais au fond qu'est-ce que ça change ? Au final, ce qui compte, c'est qu'il sera propre et qu'il sentira bon la lessive ! »
« T'es vraiment casse-couilles, tu l'sais ça ? »
« Ben oui, tu m'le répètes tout le temps, j'vois pas comment j'pourrai l'ignorer, à force...? »
Haizaki se frotta les yeux et il se redressa dans son futon. Sa tente était si minuscule qu'ils peinaient à tenir à trois dedans… il fit alors signe à Kise de parler moins fort sous peine de réveiller le troisième et terrible occupant, qui roupillait paisiblement juste à côté du gris…
« Fais moins de bruit abruti ! Si on réveille le capitaine, il va nous tuer et ta vessie n'te servira plus jamais à rien ! Bon… suis-moi… » Ordonna t-il en se levant de son sac de couchage une seule place.
Pas qu'il était franchement enchanté à l'idée de partir pour une petite expédition nocturne en pleine forêt, mais c'était le seul moyen que ce satané blondin lui fiche la paix !
Il fit donc glisser la fermeture éclair de la tente et il sortit, Kise collé à son train comme un petit poussin derrière sa mère poule. A tel point que lorsqu'Haizaki marqua un temps d'arrêt dans les bois pour tenter de se guider avec la fonction lampe de son téléphone, Kise lui rentra dedans, se cognant le nez à son dos. C'était ça de faire la même taille ! Heureusement, Haizaki se retourna à temps pour plaquer sa main sur la bouche du blond, avant que celui-ci ne réveille tout le camp en lâchant un cri de douleur.
Suite à cet incident, Kise décida de le suivre en laissant une distance de sécurité cette fois, bien accroché qu'il était au bas du débardeur de l'argenté, afin de ne pas le perdre dans la pénombre. Et une fois la petite commission faite et s'être essuyé avec autre chose que des feuilles de plantes non identifiées, (Kise ayant eu la présence d'esprit d'emprunter du papier toilettes à Midorima, seul membre prévoyant de la troupe, à moins qu'il n'eut plutôt s'agit de son objet chanceux du jour…) le blondinet fut pris d'une angoisse subite en entendant un bruit suspect derrière lui et il attrapa la main d'Haizaki par réflexe pour se rassurer…
Les deux collégiens rebroussèrent ainsi chemin, malgré les protestations du plus jeune des deux. Mais malheureusement pour son cadet, Kise possédait une poigne insoupçonnée dont seul un Murasakibara souffrant d'hypoglycémie sévère aurait pu se défaire et il fut donc contraint de faire la route du retour, en sentant les doigts fins de Kise entrecroisés avec les siens… Ah ça, ils avaient l'air sacrément malins ! Autant dire que si quelqu'un les croisait à cet instant, ils risquaient de se faire taxer d'homos refoulés ou de fillettes pour le reste du séjour ! Et Haizaki hésitait encore quant auquel des deux qualificatifs était le vexant…
Mais brusquement, la voix grave de son rival le sortit de ses réminiscences. Et d'ailleurs, pourquoi avait-il repensé à cela tout à coup… ?
« Ahhh oui… c'est ça Ryota… Si ça peut te soulager, vas-y… déteste-moi… extériorise toute cette haine qui te bouffe depuis si longtemps et passe ta frustration sur moi si ça te chante, j'te garantis qu'tu trouveras pas mieux qu'moi pour encaisser… »
Préférant ignorer cette énième provocation malsaine avant qu'elle ne devienne celle de trop, Kise se concentra sur le compte à rebours de la course qui venait de se lancer. Quand le feu passerait au vert, il faudrait démarrer en trombe et de cette capacité à partir sur les chapeaux de roue dépendrait en grande partie la suite de la course. Haizaki… Ce type… avait toujours le don de le rendre chèvre et de réveiller en lui une agressivité enfouie insoupçonnée. Et ça n'avait rien à voir avec la rivalité amicale qui s'était tranquillement installée entre Kagami et Aomine. Non, lui, il n'éprouvait que du dégoût pour le brun et rien d'autre. Même de la haine ce serait bien trop positif pour Haizaki, tout bien réfléchi… Et son comportement agaçant confirmait à Kise que malgré ses belles paroles, Haizaki n'avait absolument pas changé…
Une sonnerie retentit alors pour signaler le départ de la course et Kise partit comme une fusée. A côté de lui, il entendit le malveillant brun pester. Lui, avait complètement foiré son démarrage. Il avait carrément calé ce con. Pas étonnant, après tout Haizaki n'avait que de la gueule comme d'habitude et il était parfaitement incapable de rester focalisé sur son objectif au contraire de Kise.
« J'en étais sûr. All talk and no action. »
C'était pour cela que lors de leurs multiples affrontements, Haizaki était le plus souvent ressorti perdant. Et Kise n'aimait pas les perdants. A l'image d'Akashi, l'ancien scoreur de Kaijo exécrait la médiocrité. Et même si Kise n'avait jamais couché pour réussir, c'était la raison pour laquelle tous ses amants étaient des personnes à la réussite professionnelle et sociale éblouissantes. L'élite de ce monde. Une raison supplémentaire pour lesquelles il aimait Aomine. Car on ne regarde que les premiers et l'Histoire ne retient jamais les seconds. Haizaki allait l'apprendre à ses dépends…
Une perle de sueur froide coula sur sa tempe. Kise était effondré sur sa selle.
« Comment a-t-il… ? »
La course venait de s'achever brutalement.
Et Haizaki l'avait battu à plate couture, sans avoir donné l'impression de particulièrement forcer. Le blond releva un regard affolé vers son adversaire. C'était… de la sorcellerie ou quoi ? Comment avait-il réussi à combler son retard aussi rapidement et à franchir la ligne d'arrivée en première position, avec une telle avance sur lui ?
« Heureusement qu'on n'avait pas parié ton cul… LOL. » Annonça Haizaki d'un air triomphant.
Mais Kise était bien trop choqué pour trouver quoi lui répondre. Comment avait-il pu perdre ? A présent, il allait être obligé de parler de Daiki, ce qu'il redoutait plus que tout. Allait-il… seulement être capable d'en discuter ? Qu'allait-il bien réussir à dire à Haizaki ?
Cependant, il n'avait qu'une parole. Ça lui apprendrait à se montrer trop sûr de lui. Or, c'était le problème récurrent de sa vie… Sous-estimer les autres. Constamment, continuellement. Exactement comme il avait eu le tort de sous-estimer Kagami lors de son arrivée au Japon, uniquement parce que c'était un parfait inconnu sans palmarès. Et il l'avait ensuite amèrement regretté et à plus d'un titre… Ce qui ne l'avait pas empêché de répéter à nouveau cette même erreur lors du second match contre Seirin, pendant la demi-finale de la Winter Cup. A ce moment-là, il s'était cru supérieur et avait pris Kuroko et son partenaire de haut parce qu'il avait réussi l'exploit de copier les mouvements signature de tous les autres Miracles sans exception. Et encore une fois, il avait fait les frais de sa propre arrogance en essuyant une cuisante défaite…
Bien sûr, Kise était indéniablement bon au basket, mais il lui manquait l'essentiel : la passion. En réalité, il n'avait pas choisi ce sport par vocation, mais bien par ennui. Parce que c'était le seul qui lui résistait un tant soit peu et pouvait encore réussir à lui prodiguer des adversaires dignes de ce nom. Sauf que contrairement à Kagami, il avait très vite réalisé que ce qu'il préférait, c'était jouer AVEC et non CONTRE Aomine… Pouvoir évoluer à ses côtés et lui servir la gloire qu'il méritait sur un plateau d'argent, Kise ne demandait pas mieux dans le fond… Mais Cupidon en avait décidé autrement… Et Aomine avait besoin de quelqu'un comme Kagami, qui le tirait vers le haut et non d'un boulet comme lui… qui s'accrochait en pleurnichant à sa jambe, à la recherche d'un semblant d'attention… Mais malgré tout, il n'arrivait pas à se persuader d'en vouloir au tigre d'avoir pris la place qui lui revenait de droit. Tout serait tellement plus facile de cette manière, pourtant…
« C'est bon, puisque t'as gagné à la loyale, je vais tenir mon engagement initial et te raconter ce que tu crèves d'envie de savoir. Après tout, ce n'est pas comme si on allait continuer à se fréquenter après ce soir… »
Le brun sembla tiquer un peu à ces paroles. Mais pourquoi ? Cette issue paraissait pourtant évidente à Kise : quelle raison pourraient-ils bien avoir de continuer à se fréquenter ultérieurement ? Ce soir, c'était différent, le hasard et la nécessité avaient fait que. Mais pas question de poursuivre cette mascarade dans un futur plus ou moins proche. Pas la peine de faire semblant, ils n'avaient rien en commun à part un insurmontable passif bien trop profondément ancré en eux pour pouvoir être soldé.
Et alors que l'autre homme s'apprêtait sans doute à lui asséner l'une de ses célèbres répliques bien senties, une jeune femme qui s'était discrètement approchée d'eux durant leur affrontement dantesque, interrompit Haizaki avant qu'il n'ait pu prononcer la moindre parole. Ils n'avaient même pas remarqué que leur joute avait attiré les regards de tous les badauds présents… Il fallait tout de même dire pour leur défense que ce n'était en effet pas tous les jours que le record du meilleur temps de course tombait aux mains d'un amateur de passage… (ce qui, à en croire les scores affichés par la vieille machine, n'était pas arrivé depuis 2004 et le patron du bar semblait d'ailleurs sur le point de déboucher une bouteille de champagne pour marquer le coup…)
« Bonsoir… ça fait un petit moment que je vous observe tous les deux et je me demandais si l'un d'entre vous accepterait de m'offrir un verre, histoire de faire plus ample connaissance ? »
Cette fille culottée était plutôt grande et ses longues jambes fines étaient mises en valeur par un short en jean déchiré si minuscule que Kise était persuadé que même le mot « micro » n'aurait probablement pas suffi à le qualifier. « Taillé dans un mouchoir » fut la seule image à peu près fidèle qui lui vint à l'esprit. Elle portait également un crop top moulant dévoilant sans vergogne son ventre plat au nombril piercé.
« Mais depuis quand L.A. héberge la Confrérie du Piercing !? »
Enfin… « jetant en pâture au regard libidineux de tous les membres de sexe mâle présents ce soir » serait plus proche de la réalité… Dire qu'elle n'avait pas grand-chose à cacher serait un doux euphémisme : même ses seins d'une rondeur aussi insolente que parfaite (et visiblement refaits) menaçaient de ne pas rester dissimulés encore bien longtemps à l'intérieur de son mini T-shirt, qui avait décidément bien du mal à les contenir tant il semblait sur le point d'exploser à tout moment. Pour couronner le tout, ses longs cheveux bouclés d'un blond californien cascadaient sur ses épaules fines, couvrant légèrement (et j'ai bien dit légèrement) cette opulente poitrine que l'on ne saurait ne pas voir…
« Tout à fait le genre de nana dont raffole Daikicchi… » Ne put s'empêcher de commenter mentalement Kise.
Parce que voyez-vous, le top model parlait l'expérience personnelle. Il avait en effet déjà assisté impuissant aux œillades aussi énamourées que criardes qu'Aomine jetait à ce genre de créatures… Or, fait troublant s'il en était, même Kagami ne parvenait pas à déclencher de tels regards à ce point nimbés de libido pure. Parfois, il arrivait que ces déesses à gros poumons se laissent approcher et acceptent que l'as du basket leur paye à boire. Mais cela n'allait jamais plus loin, heureusement pour Kise d'un côté, puisque cela signifiait que son sommeil ne se trouverait jamais perturbé (et étant mannequin de profession, sa peau avait besoin de ses 8 heures de sommeil par nuit !) par le bruit des ébats de son ami avec l'une de ces filles… Cependant, d'un autre côté… cela prouvait également le sérieux des sentiments du bleu pour le rouge, puisqu'Aomine semblait considérer que s'adonner à la chose avec quelqu'un d'autre relèverait purement et simplement de l'adultère envers Kagami…
Heureusement, cela avait quelques autres avantages insoupçonnés comme par exemple le fait de provoquer une envie subite de porno chez l'ancien as des Miracles ! Et donc de déclencher une séance de visionnage intempestif en compagnie de Kise. Parce que oui, c'est bien connu : certains mecs adorent s'adonner au matage en présence d'autres compagnons masculins. Et puisque Kagami n'était pas un grand consommateur du genre contrairement à sa moitié et que Kise avait la chance d'être son colocataire, le blond avait souvent le privilège d'être convié aux sessions de paluchage compulsives d'Aomine Daiki. Et si Kise n'avait en aucun cas le droit de toucher, il avait en revanche le droit de regarder. Et pas que l'écran, c'était déjà ça de gagné. C'est qu'il avait besoin lui aussi de carburant pour alimenter et pimenter ses fantasmes à défaut de partager une vie sexuelle avec la panthère !
Kise reporta alors son attention vers Haizaki, attendant sa réponse, mais ce dernier eut une réaction pour le moins insolite. Du moins, pas du tout celle à laquelle s'attendait le mannequin de Kaijo.
« Désolé ma belle, non pas que tu ne sois pas à mon goût et crois-moi, ce serait même tout le contraire, mais… ce soir j'ai juste envie de passer un moment tranquille entre mecs. » Et d'attraper Kise par le cou en enroulant son bras autour de lui tel un boa constrictor pour marquer ses mots. « Tu comprends, ça fait super longtemps que j'avais pas vu mon pote ici présent et… on a pas mal de temps perdu à rattraper. »
Pote...?
Attends, Haizaki était vraiment en train de repousser cette créature de rêve pour… pour pouvoir passer plus de temps seul avec lui… ? Réellement ? Sérieusement ? Même Aomine avait tendance à le délaisser dès qu'une de ces sirènes se retrouvait miraculeusement prise dans ses filets…
« D'accord, une prochaine fois alors. » Sourit-elle poliment avant de se résigner à regagner le bar.
Et à cause de leur soudaine proximité, Kise sentait à présent un doux effluve lui chatouiller les narines. Un parfum sucré, légèrement épicé, se mariant à merveille avec le PH de la peau légèrement hâlée du brun. Un parfum enivrant qui commençait d'ailleurs à tourner la tête de Kise.
« Tu peux encore la rattraper, tu sais. Il n'est pas trop tard. »
« Pourquoi tu m'dis ça ? Ca t'fait pas peur que je change d'avis et que je t'abandonne ? »
« Parce que tu crois peut-être que je préférerai que tu restes avec moi ? Et pourquoi j'en aurai envie d'abord ? » Rougit le blond, à nouveau sur la défensive.
Ca faisait longtemps, tiens. Déterrage record de hache de guerre aussi… Mais c'était plus fort que lui, Kise ne pouvait pas s'en empêcher. Chassez la méfiance naturelle et elle revient au galop.
« Ecoute Ryota » Entama t-il d'un ton sérieux. « J'ai pas l'intention de te forcer à parler d'un sujet dont tu ne souhaites pas discuter. Et au cas où ce ne serait toujours pas assez clair à l'heure qu'il est pour toi : non, je ne t'ai jamais détesté. Bon d'accord… si, peut-être un peu quand j'me suis fait virer de l'équipe à ton profit, mais je veux dire, c'est du passé maintenant et y a prescription depuis toutes ces années. On avait tous les deux de bonnes raisons, du moins, qui nous paraissaient parfaitement légitimes de ne pas pouvoir se blairer et l'époque. Mais tout ça, c'est derrière nous à présent. Et j'aimerai vraiment… dans la mesure du possible évidemment… qu'on reparte sur de bonnes bases tous les deux. Enfin, si tu en es d'accord. »
Sous le choc de cette déclaration impromptue, les yeux de Kise devinrent ronds comme les boules du billard voisin. Est-ce qu'il… avait bien entendu là ? Son ouïe était en train de lui jouer des tours, non ? C'était la seule explication plausible, parce qu'il était tout bonnement impossible que son ancien rival et ennemi même, puisse prononcer de telles paroles. Même ivre. Ce qu'il n'était pas, au passage.
« … Ok j'y suis maintenant : le barman a dû mettre un truc louche dans ton verre sans qu'on s'en aperçoive, bouge pas, je reviens. Je vais juste lui toucher deux mots sur ses méthodes ! » Tenta vainement de se libérer le blond.
Mais peine perdue, car son tortionnaire ne fit que resserrer son étreinte.
« Non mais il a rien mis du tout dans ma bouteille ! Rappelle-toi, il l'a même ouverte devant nous. Tu l'as vu faire tout comme moi. Et puis qu'est-ce qu'il pourrait bien y avoir mis, j'te l'demande ? »
« Qu'est-ce que j'en sais moi ? Peut-être qu'il s'agit d'une toute nouvelle drogue de synthèse indétectable pas encore sur le marché, capable de rendre instantanément gentil quiconque la boirait, va savoir! »
... Et si un truc pareil existait, Kise était convaincu qu'Akashi serait intéressé en premier lieu !
« Oh dans ce cas… tu devrais t'estimer heureux que le sort soit tombé sur moi. Ca me rend plus docile et attentionné envers toi... profite-en tant que ça dure... »
« Mais à quoi tu joues bon sang ? Et à qui espères-tu faire gober ces belles paroles ? Tu perds son temps imbécile, je vois clair dans ton jeu ! »
« Haizaki… »
« Quoi ? C'est plus « Shogo-kun » ? »
« Hmpff… tu me serres trop fort… et je crois que tu commences à avoir un sérieux coup dans le nez en plus… »
« … Dis celui qui roulait en zigzag pendant la course de moto et qui s'invente des drogues qui n'existent pas… »
« Hmm… Lâche-moi maintenant tu me fais mal… »
« Et si j'en ai pas envie ? » Murmura t-il au creux de son cou. « Parce que... j'en ai pas du tout envie, là... »
« Alors tu ne me laisseras pas le choix : je serai obligé de raconter dans un anglais impeccable à toutes les personnes ici présentes que tu avais peur d'aller faire pipi tout seul dans la forêt pendant le stage d'été de cinquième ! Et laisse-moi te dire que ce ne serait pas très bon pour ton image de bad boy ! » Bluffa Kise.
« Nan, désolé de te décevoir mais tu confonds : c'était toi, ça… »
« Merde il s'en est souvenu l'enfoiré, comme par hasard ! »
« Même que t'avais peur qu'un scarabée mangeur de chair vienne te dévorer la zigounette dans ton sommeil. »
« C-c'est faux ! » Rosit Kise, un peu honteux qu'il se rappelle même d'un tel détail…
« En même temps, ça t'apprendra à demander à Shintaro de te lire une histoire pour t'aider à t'endormir ! Quelle idée de merde aussi ! »
« Comme si c'était de ma faute ! Il n'était pas obligé de me réciter l'intégralité de son bouquin d'entomologie ! Tu savais toi qu'il existait des guêpes capables de pondre directement dans le corps d'autres bestioles innocentes, pour que leurs larves puissent s'en délecter de l'intérieur, garantissant une mort lente et douloureuse à leur hôte slash garde-manger ? Et après, on s'étonne que j'aime pas les insectes pfff ! »
« Pourtant, t'en es un toi aussi… »
« Ah bon ? Je croyais que j'étais un chaton. Ah et aussi… un renard ! »
Bon, il occulta volontairement le « bébé »…
« Mais tu es aussi un magnifique papillon d'un jaune éclatant comme un citron... »
« Ben voyons… et je peux savoir ce que tu es toi, Shogo-kun ? »
« Moi ? Hmm… j'en sais rien… une vilaine araignée venimeuse… ? »
« Les arachnides ne sont même pas des insectes, idiot… »
« Exact. Et ben, toi tu ne faisais pas semblant d'écouter Shintaro quand il te faisait la lecture... Mais c'est dommage, j'aurai vraiment bien aimé être une grosse araignée bien velue pour pouvoir t'emballer dans ma toile et te déguster ensuite… »
Le blond rougit de plus belle. Ca ne lui ressemblait décidément pas… il avait l'impression de retomber en adolescence, lors de ses premiers flirts débiles et maladroits où la moindre parole aux relents tendancieux suffisait à l'émoustiller.
« … Mais si je ne peux pas être une belle araignée alors… pourquoi pas un papillon de nuit ? Comme ça, on serait pareils toi et moi. » Souffla t-il chaudement, faisant légèrement frémir Kise.
« Si ça peut te faire plaisir de penser qu'on se ressemble… »
« Mais c'est la vérité, non ? On a même un talent similaire, si c'est pas un signe irréfutable du destin ça… »
« J'vois que tu prends toujours autant tes rêves pour des réalités… les papillons de jour et ceux de nuit ne se ressemblent PAS DU TOUT. Impossible de les confondre ! Les premiers sont chatoyants là où les seconds sont ternes ! Certains volent avec grâce, tandis que les autres bourdonnent comme de grosses mouches empotées ! »
« Prends garde, parce qu'à voler trop près du soleil, Icare s'en est brûlé les ailes. Vivre dans l'ombre, c'est ça le vrai bon plan. Mais bon… je suppose que le Soleil en personne n'a rien à craindre de lui-même… »
« C'est toi qui va finir par te brûler les ailes si tu continues à me faire des compliments aussi ringards. »
« T'as raison, c'est bien trop dangereux. A trop vouloir me rapprocher de toi, c'est la combustion spontanée qui me guette ! »
Et de le relâcher immédiatement.
« Un peu plus et j'vais finir par croire que tu essayes de me séduire… »
« Et ça fonctionne ? »
« Absolument pas ! » Rit spontanément Kise d'un air suffisant.
« Oh… ça tombe bien, parce que ce n'était pas du tout ce que j'étais en train de faire alors ! »
« Si tu le dis... Tant mieux pour toi. » Répondit Kise, dubitatif.
« Et sinon, ça te dirait une autre partie ? »
« La revanche ? »
« Appelle ça comme tu veux. Mais si tu gagnes, il faudra se faire la belle ensuite. Et comme j'aurai envie de prendre ma revanche à mon tour après… ça risque d'être sans fin. »
« Ouais bon, concrètement, t'es en train de me dire qu'on en a jusqu'au petit matin quoi. »
« C'est à peu près ça. » Sourit Haizaki. « Alors, ça te tente ? »
« Bah… j'étais parti pour faire une nuit blanche de toute manière… »
Ils avaient donc enchainé les courses de moto endiablées sous le regard curieux et à la fois halluciné des autres buveurs, qui avaient d'ailleurs fini par se rassembler en cercle autour d'eux afin de les encourager. C'est qu'ils n'avaient pas l'habitude de voir deux japonais enragés se tirer la bourre à ce point. Mais pour Kise comme pour Haizaki ou pour quiconque avait déjà fréquenté la fameuse Génération des Miracles, c'était quelque chose de tout à fait normal, banal même. Leur sens de la compétition s'aiguisait au contact l'un de l'autre et cela faisait bien longtemps que Kise n'avait pas éprouvé un plaisir tel à affronter un adversaire digne de lui.
Descendant finalement de leurs bolides virtuels, Kise et Haizaki décidèrent qu'il était grand temps de prendre congés vers quatre heure du matin, à la fermeture du bar. Ils se sentaient bien défoulés, peut-être même un peu excités, comme si de l'adrénaline pure coulait sous forme liquide dans leurs veines, car ils avaient retrouvé des sensations oubliées lors du passage à l'âge adulte des responsabilités…
Mais bizarrement, ils semblaient avoir passé une bonne soirée, autant l'un que l'autre...
« N'empêche… c'était pas très malin de ta part de me défier à ce jeu-là, sachant que je t'avais avoué fréquenter pas mal ce bar et que j'ai donc eu tout le loisir nécessaire de copier les techniques de tous les joueurs pro qui s'y arrêtent. »
« Pour autant, ça ne m'a pas empêché de te battre plusieurs fois d'affilée alors tu voudras bien revoir ton sens de l'observation, d'accord mon poussin ? »
« T'es bien sûr que c'est moi le poussin ? » S'étonna Haizaki en reprenant sa veste en cuir maintenant que Kise était bien sec. « Non mais t'as vu ta couleur de tifs franchement… ? »
Il dégaina une clope de son paquet déjà sinistré et il l'alluma calmement. Puis, il tira une taffe profonde et en expulsa la fumée nocive en direction de Kise.
« Mais « poussin », ça me va, j'aime bien. C'est mignon comme surnom. Dois-je donc en conclure que tu commences enfin à m'apprécier ? »
Kise piqua un fard sans s'en rendre compte. Et le principal responsable n'en loupa rien. Mais le brun avait-il tort… ? Le colocataire d'Aomine ne pouvait en effet nier qu'ils avaient effectivement passé une agréable soirée ensemble. La compagnie d'Haizaki était finalement… supportable. A tel point que Kise en avait oublié temporairement ses ennuis avec le bleu. Comme quoi, les remèdes les plus simples sont souvent les meilleurs. Il n'y a rien de tel que s'amuser pour ranger de côté tous les problèmes, même si ça ne dure malheureusement pas.
« Quand tu rougis comme ça… je sais que t'aimes pas les insectes, mais tu me fais penser à une petite coccinelle toute jolie… »
« Nan mais ça suffit avec les métaphores animales !? Garde-en un peu pour la prochaine fois ! »
« Ohhh parce qu'il y aura une prochaine fois… ? Tu m'intéresses là ! »
!
Kise termina sa quatrième bière de la soirée cul sec en détournant le regard. L'alcool commençait vraiment à lui monter à la tête pour avoir lâché une telle bombe... Mais... il était sans doute déjà trop tard pour revenir en arrière de toute façon.
« Hmm… p-pourquoi pas ? Enfin… si je trouve du temps à te consacrer entre mes nombreux shootings et mes séances de shopping ! J-je suis un homme très occupé ! » Mentit le blond de façon éhonté, toujours sans oser fixer l'autre.
Mais il ne voulait pas mettre au courant Haizaki de ses difficultés professionnelles. Parce que… même si son ancienne Némésis s'était bien comportée ce soir, (ce qu'il trouvait toujours aussi suspect malgré tout…) cela ne voulait pas dire qu'il n'attendait pas en embuscade, la bonne opportunité pour lui renvoyer ses échecs dans les dents…
« Ne recommence pas avec la parano Ryota… Laisse-lui une chance au moins. Après tout, il s'est bien comporté ce soir. Même si tu en as été le premier surpris. » S'intima t-il mentalement, avant que ses pensées ne se mettent à déraper sérieusement.
« Bon, j'te raccompagne ? A moins que tu ne préfères essayer d'appeler Dai avec mon téléphone pour qu'il passe te chercher ? Des fois que tu ne me ferais toujours pas confiance à ce stade… » Ajouta son interlocuteur en lui lançant un regard profond chargé de sous-entendus peu glorieux.
« Non, non ! Je veux dire… ça va… je te fais confiance maintenant. »
« Enfin, pour le moment... et j'espère juste ne pas avoir à le regretter... »
« Alléluia ! Je n'aurai jamais cru vivre assez vieux pour entendre ces paroles bénies un jour ! » Fit-il en se touchant théâtralement le cœur.
« … Oui enfin bon, n'en fais pas trop non plus quand même ! » Bouda un peu le blond en se dirigeant vers la sortie.
Son chevalier servant lui emboîta le pas immédiatement et Kise constata avec joie que la pluie avait cessé. L'air était redevenu assez lourd même. Resté légèrement en retrait, Haizaki écrasa sa cigarette sous son talon, puis il repassa devant le blondin.
« Suis-moi, je vais te ramener au bercail princesse. »
Ils revinrent donc en arrière, non loin de là où Haizaki avait trouvé Kise. Le brun tourna alors à l'angle de deux rues et à cet instant…
« … Non mais tu te fous de moi là !? »
… Manquant de s'étrangler de surprise, Kise venait de tomber nez-à-nez avec…
C'est fini les gooooos ! Bon bah 13500 mots, c'est plutôt pas mal pour une reprise, je dirai !
J'espère que mon Haizaki ne vous a pas paru trop OOC... Même s'il y aura une raison à cela qui viendra plus tard dans l'histoire. Je n'ai pas vraiment l'habitude d'écrire avec Kise non plus, alors j'espère ne pas avoir chié dans la colle avec lui. En tout cas, je dois dire qu'écrire avec ces deux-là n'était finalement pas toute la montagne que je m'en faisais... j'ai plutôt apprécié l'exercice et ça s'est fait assez naturellement même. Comme quoi les idées préconçues...
Voilà, j'espère que ce premier chapitre vous a plu !
N'hésitez pas à me laisser savoir ce que vous en avez pensé et surtout à me donner vos petites théories concernant la "chose" sur laquelle Kise tombe à la fin. :)
A dans pas trop longtemps pour la suite !
