Disclaimer : MFB ne m'appartient pas.
Désolée pour le retard. J'ai fait un blocage sur la réécriture et la correction du chapitre. C'est la première fois que ça m'arrive et c'est super bizarre (le syndrome de la page blanche, je connais, mais ça ?).
Chapitre 2 : Oasis
Ginga se dirigeait tranquillement vers les bureaux japonais de l'AMBB. Un sourire flottait sur ses lèvres. Il ne se souvenait pas de la dernière fois qu'il s'était senti aussi détendu. Cette heure – peut-être un peu plus – passée en compagnie de Kyouya lui avait fait un bien fou ! Il se sentait prêt à affronter le reste de la journée.
Ginga ouvrit la porte des bureaux et en franchit le seuil. Il répondit aux salutations des employés qu'il croisa dans le couloir. Il n'avait pas besoin de se forcer à sourire. Kyouya et lui avaient passé du temps ensemble et ils se reverraient dans une semaine – pour des cours de mathématiques et de sciences, certes, mais pour passer du temps avec son rival, ça en valait largement la peine.
Incroyable comme ce petit changement transformait sa manière d'appréhender son quotidien.
Ginga se faufila dans l'ascenseur. Les autres passagers descendirent au premier puis au deuxième étage. Ginga se rendit au dernier étage, où se trouvait le bureau de son père. Il y avait moins de monde ici. À croire que, quand il ne convoquait pas tous les bladers possible pour accomplir une mission, lui et Hikaru travaillaient seuls.
Ginga jeta un regard à travers la porte vitrée et se figea. Son père était assis derrière son bureau, lisant une liasse de papiers qu'il soutenait d'une main. Ginga n'avait pas l'habitude de le voir dans son environnement professionnel. Il avait encore moins l'habitude de le voir aussi sérieux – quand le monde n'était pas menacé en tout cas.
Est-ce que le monde était en danger et qu'il ne les avait pas encore informés ?
Cette idée l'inquiétait... mais elle allumait également une étincelle d'impatience et d'enthousiasme en lui. Ginga l'écrasa sans ménagement. Ce n'était pas ainsi qu'on devait réagir à ce genre de nouvelle.
Il toqua trois coups à la porte. Étant donné que son père n'était pas en réunion, il supposait qu'il pouvait le déranger.
Ryuusei leva la tête et lui sourit.
- Entre.
Ginga obtempéra.
- Re-bonjour Papa.
Il referma la porte derrière lui et vint s'asseoir en face de son père de l'autre côté du bureau.
- Qu'est-ce qui t'amène ?
- Je suis désolé pour tout à l'heure.
Ryuusei ne semblait pas comprendre de quoi il parlait. Ginga devait se montrer plus précis.
Une vague de malaise enfla dans son ventre. Il détestait se disputer avec son père, et ne voulait pas y repenser. Il ignora cette sensation et reprit la parole.
- Je n'étais pas en colère contre toi. C'est juste...
La gorge de Ginga se serra. Il baissa les yeux sur le bureau, encombré de papiers et d'un ordinateur.
- Je ne peux pas être séparé de Pegasus.
Ginga se débattit avec lui-même, rassembla son courage et releva la tête. Le regard de son père s'était empli de compréhension.
- Tu n'étais pas si en colère.
Parce que Ginga faisait de son mieux pour cacher ce genre d'émotion. Il gardait la colère à l'intérieur, n'offrant qu'une façade lisse – si possible joyeuse – pour le reste du monde. Il ne pensait pas avoir aussi bien réussi à se dissimuler cette fois. Il avait senti la colère bouillonner en lui jusqu'au moment où il avait croisé Kyouya.
- Je vais faire des efforts pour les sciences, déclara-t-il, changeant de sujet Ginga. Mais, même si je n'y arrive pas, je ne me séparerai pas de Pegasus.
Ses dernières paroles avaient sonné avec plus de dureté et de froideur qu'il n'en avait eu l'intention. Il ne pouvait rien y faire. Pegasus était tout pour lui. Le prendre... ce serait comme se voir arracher un morceau d'âme.
Ryuusei soupira. Il se pinça l'arrête du nez. Les épaules de Ginga se raidirent. Il se demanda s'il venait de franchir une limite.
Ryuusei laissa sa main retomber sur le bureau.
- L'AMBB a pris une mauvaise décision. J'essaie de corriger leur erreur mais les bureaucrates s'y accrochent. Ils mélangent tout. Le Beyblade n'a pas rien à voir avec les résultats scolaires. C'est honteux de faire ce genre de chantage à un blader.
Ginga se détendit. Voilà qui ressemblait plus au père qu'il aimait. Son annonce l'avait tellement angoissé qu'elle avait obscurci son jugement et qu'il l'avait jugé pour des actions qu'il n'avait pas commises – et auxquelles il n'avait même pas pensé.
Comme si Papa empêcherait un blader de jouer au Beyblade.
Les doutes de Ginga étaient une trahison. La culpabilité lui tordit le ventre – et il avait la certitude qu'elle l'accompagnerait longtemps.
Mais il n'était plus question de lui. Il était question de son père et des problèmes qu'il rencontrait à l'AMBB pour défendre les bladers.
Il lui adressa un sourire encourageant.
- Je suis sûr que tu vas y arriver.
Le sourire que son père lui retourna n'était qu'une pâle imitation. On voyait dans chacun de ses détails qu'il le forçait.
Ginga se demanda à quel moment leur façon de réagir étaient devenues différentes. Son père avait toujours été son modèle. Il avait passé son enfance à vouloir devenir comme lui.
- Merci, dit Ryuusei, interrompant ses pensées. Et bravo pour ta décision. Je sais à quel point tu détestes les sciences.
- C'est réciproque, marmonna Ginga.
Son père rit. Ginga avait été sincère, mais ce n'était pas une conséquence déplaisante.
- Comment tu vas faire ? Tu vas demander de l'aide à Madoka ?
Ginga ne put s'empêcher de grimacer. Les sciences étaient horribles, et son amie parvenait à les rendre encore pires.
- Déjà essayé et... mes résultats étaient pires.
Ryuusei parut choqué, aussi Ginga s'empressa-t-il de préciser :
- Madoka adore les sciences et tous ces trucs-là. Ça la rend enthousiaste et elle se met à parler de théories compliquées, sans rien expliquer.
Des théories si compliquées qu'ils n'en avaient pas besoin pour les cours.
- Oh, je vois, commenta son père d'un air déçu. Tu vas essayer de te débrouiller seul ou tu vas demander à tes amis ?
- Kyouya m'a proposé son aide.
Ginga n'avait pas eu l'intention d'en parler – Kyouya et Ryuusei ne s'appréciaient pas – mais il essayait de ne pas mentir à son père.
Le visage de Ryuusei se ferma.
- ...Je vois.
Le silence qui suivit fut tendu. Dommage. Ginga avait rendu visite à son père pour arranger les choses. Ça avait fonctionné pour un temps, mais ils allaient se quitter sur un autre désaccord.
Ginga ne savait pas pourquoi son père et Kyouya ne s'appréciaient pas, et il ne leur demanderait pas. Il ne voulait pas savoir. Surtout, il ne voulait pas fragiliser – voire détruire – leur froide tolérance.
Être avec les personnes que l'on aimait, sans les voir se déchirer, faisait partie des plaisirs de la vie.
Ginga n'avait rien à ajouter. Il se leva.
- À plus tard.
- À bientôt fiston.
Il quitta le bureau.
XXX
Les jours qui suivirent, Ginga alterna entre des états de sérénité absolue et d'agitation désagréable. C'était épuisant. Il passait un peu de temps avec ses amis pour éviter de les inquiéter et constatait à quel point ils étaient heureux, plus qu'ils ne l'avaient été pendant leurs aventures. Cette vie leur convenait. Elle était faite pour eux. Les côtoyer donnait à Ginga une conscience aiguë, presque douloureuse, de ce que cette vie lui arrachait. Il restait le plus souvent seul, ne cessant de se répéter qu'il trouverait une solution, un moyen, qu'il s'adapterait.
Il avait beau réfléchir, il ne savait pas comment se libérer du poids qui l'entravait. Mais il ne perdait pas espoir. Il s'accrochait de toutes ses forces car il refusait de sombrer.
Sept jours passèrent et il fut enfin temps pour lui de revoir Kyouya.
XXX
Ginga marchait d'un pas décidé vers le sud-ouest de Bey-City, ne laissant rien ni personne le ralentir. Ginga ne comptait pas perdre une minute de sa rencontre, même si c'était une réunion pour les sciences.
Il marcha jusqu'aux docks où ils avaient parlé la semaine dernière et où son rival lui avait donné rendez-vous. Ginga trouvait que c'était un excellent choix : il aimait le calme de cet endroit, que presque personne ne fréquentait, et se tenir aussi près de la nature.
Il atteignit les quais gris de goudron. Un regard lui suffit pour réaliser que son rival n'était pas encore arrivé. Il n'en fut pas surpris. Kyouya adorait aller à son rythme.
Ginga s'adossa au grillage qui séparait les hangars des quais et attendit, le regard tourné vers l'océan. Il n'y avait rien jusqu'à l'horizon. C'était tellement paisible. Il régnait le même genre de sérénité à Koma. On savait, lorsque l'on se trouvait dans le village du Beyblade, qu'il existait quelque chose au-delà des montagnes, mais cette réalité avait quelque chose d'abstrait, comme si le reste du monde se situait dans un univers différent. Bouger suffirait à briser l'illusion, mais Ginga se plaisait à l'entretenir en restant immobile et en gardant ses yeux rivés sur un point précis.
Des pas familiers le sortirent de sa méditation. Ginga tourna la tête et vit Kyouya s'approcher. Il s'arrêta à deux mètres de lui, trop loin pour que Ginga puisse le toucher – non qu'il aurait essayé de toute façon.
- Bonjour Kyouya.
Le nom roula sur sa langue, toujours si agréable à prononcer.
- Ginga.
Sa voix s'imprima dans ses os. Il retint un soupir satisfait.
Kyouya se dirigea vers l'un des quais. Ginga le suivit. Kyouya posa le sac qu'il tenait par terre. Il s'assit à même le sol. Ginga prit place en face de lui.
- C'est quoi ?
- Les manuels de sciences et de math de cette année.
Ginga avait beau savoir qu'ils se retrouvaient pour cette raison, il ne put retenir une grimace. Kyouya ouvrit son sac et en sortit les objets de torture, ainsi que des feuilles et un stylo. Il tendit ces derniers à Ginga.
Quand faut y aller...
- On commence par quoi ? demanda Ginga en prenant les feuilles et le stylo.
- Un truc facile.
Ginga renifla de dédain. Rien n'était facile dans les sciences.
Kyouya ramassa le manuel de sciences et le feuilleta, fronçant les sourcils.
- Pourquoi tu n'as pas pris tes lunettes ?
Kyouya lui jeta un regard assassin avant de reporter son attention sur le manuel. Ginga trouvait sa question légitime pourtant.
Il ne lui restait qu'à espérer que Kyouya ne se vengerait pas de son offense – quelle qu'elle soit – en lui imposant un exercice difficile.
Son rival finit par se décider pour un sujet et lui tendit le manuel. Ginga ne retint pas son soupir cette fois.
La séance de torture pouvait commencer.
XXX
Ce fut moins pire que ce que Ginga avait craint.
Évidemment, ce que Kyouya considérait comme facile lui avait posé quelques difficultés, mais son rival était venu au bout de chacune avec des explications claires. Qui aurait cru qu'il soit un tel pédagogue ? Ginga avait toujours que sa solution préférée au Beyblade – tout détruire avec Leone et voir les conséquences après – n'avait pas de rapport avec ses capacités, mais avec ce qui l'amusait.
Il supposait que Kyouya ferait tout ce qui était en son pouvoir pour que Yuu n'apprenne jamais cet aspect de sa personnalité.
Ginga réussit l'exercice du premier coup. Kyouya n'avait rien à corriger. Il fixa bêtement la feuille et le petit cent souligné à côté.
- C'est la première fois que je comprends des sciences aussi vite.
- Tu veux dire que je ne t'ai pas embrouillé l'esprit comme Madoka ? rétorqua Kyouya avec un sourire fier.
Sa voix sonnait avec amusement, sans une seule trace de mépris, aussi Ginga décida-t-il ne pas le rabrouer.
- Non. J'ai tout compris.
- Alors qu'avec Madoka...
Ginga roula des yeux, amusé. Si Kyouya y tenait, après tout... Ça ne faisait de mal à personne.
- Je ne comprenais rien. Elle partait dans des discours très scientifiques.
L'expression de Kyouya était aussi satisfaite que celle d'un chat ayant dévalisé une crèmerie et que personne ne pensait à accuser.
- Madoka adore les sciences, expliqua Ginga. Elle s'enthousiasme tant qu'elle oublie tout le reste.
C'était quelque chose qu'il pouvait comprendre en tant que blader. Kyouya aussi.
- Elle est fille unique, ajouta son rival, d'un ton qui laissait penser que c'était le pire défaut de l'univers.
- Je suis fils unique aussi.
- Je sais. Ta vie n'est qu'une succession de tragédies.
Ginga se demanda si Kyouya plaisantait – il avait été témoin de choses autrement plus invraisemblables. Il leva la tête vers lui et détailla son expression, mais non. Kyouya était tout à fait sérieux. Ginga retint un soupir.
Des étincelles brillèrent dans les yeux bleus.
- Elle l'a pris comment, quand tu lui as dit que tu n'as plus besoin d'elle ?
Ginga lui adressa un regard dur.
- Madoka est mon amie. Ce n'est pas parce que je ne veux plus son aide pour les cours de soutien qu'elle va disparaître de ma vie.
Kyouya balaya ses paroles d'un geste de la main.
- Ouais, ouais. Comment elle l'a pris ?
- Pas très bien, avoua Ginga.
Madoka lui avait donné l'impression qu'on lui demandait d'abandonner les réparations d'une toupie, avec son air choqué et ses explications sur ce qu'elle pouvait arranger. Quand Ginga avait évoqué Kyouya, par contre, ça l'avait vexée. Elle ne l'avait pas jeté hors du B-Pit mais Ginga avait bien senti que sa présence n'était plus bienvenue. Il était parti pour lui laisser le temps de se calmer.
Il avait l'intention de faire un saut à la boutique aujourd'hui. Peut-être qu'elle s'était calmée et qu'ils pourraient discuter.
Kyouya eut l'air encore plus satisfait.
- Vous ne vous aimez vraiment pas, remarqua Ginga.
Kyouya haussa une épaule.
- Je n'aime pas les boulets.
- Madoka m'aide beaucoup.
Le sourire supérieur de Kyouya se mua en une expression sérieuse.
- Madoka ferait mieux de rester dans son atelier à réparer des toupies. C'est ce qu'elle sait faire.
Des paroles qui, malgré ce que pourrait croire un tiers, étaient un compliment : Kyouya reconnaissait les compétences de Madoka.
- Elle essaie à chaque fois d'intervenir dans tes aventures, continua son rival. Elle te ralentit parce qu'elle n'a pas le quart de la force physique d'un blader. Elle est faible et a besoin d'être protégée. Sa présence est un danger dans les combats que tu mènes.
Ginga voyait ce que Kyouya voulait dire. Toutefois, ce n'était pas l'entière vérité. Madoka l'avait tiré d'affaire plus d'une fois. Il voulut le faire remarquer, mais son rival reprit la parole d'une voix plus basse, comme un murmure.
- Son manque d'attention aurait pu te tuer au Labyrinthe de Brume.
Il fallut un moment à Ginga pour comprendre ce à quoi il faisait allusion : il avait poussé Madoka d'un piège, ce qui l'avait fait tomber dans un autre.
- Mais ce n'est pas arrivé.
Kyouya détourna le regard. La ligne de sa mâchoire était crispée. Une étincelle d'inquiétude naquit en Ginga.
Est-ce que Kyouya... ?
- Hey.
Est-ce qu'il se serait inquiété pour moi ?
- Tout va bien, murmura Ginga. Je suis là.
Kyouya renifla avec agacement.
- J'avais remarqué.
Malgré la froideur et la dureté de sa voix, Ginga voyait que son rival luttait contre d'autres émotions. Il avait envie de poser sa main sur la sienne et de lui transmettre sa force. Il replia ses mains l'une contre l'autre. Il n'avait pas le droit de le toucher.
Qu'est-ce que je peux dire pour le réconforter ?
Il détestait voir ses amis tristes ou souffrants, mais Kyouya... C'était mille fois pire. Il avait l'impression de ressentir physiquement sa peine.
Il ne savait pas quoi dire.
Ginga y réfléchit un peu plus, mais aucun mot ne lui vint. Sa gorge était tellement serrée qu'il n'était pas sûr qu'il aurait été capable de s'exprimer, même s'il avait eu le début d'une idée.
Il rassembla son courage et tendit la main. Il l'approcha lentement de Kyouya, lui laissant tout le temps de se dérober ou de grogner. Il effleura le dos de sa main du bout des doigts. Son cœur se comprima. Il s'attendait à être rejeté à tout moment mais il s'obligea à ne pas reculer. Si Kyouya s'énervait, cela aurait le mérite de lui faire penser à autre chose.
Kyouya regarda leurs mains. Il tourna légèrement la sienne, offrant sa paume à Ginga. Le souffle de Ginga se bloqua. Il referma sa main sur celle de Kyouya.
Je suis là et je vais bien.
Les doigts de Kyouya se refermèrent sur sa main.
XXX
Ginga ne savait pas quoi faire de lui-même. Kyouya et lui s'étaient séparés quelques minutes plus tôt. Pourtant, il avait l'impression de sentir encore le contact de sa main sur la sienne.
C'était la première fois qu'ils se touchaient.
Techniquement, ce n'était pas vrai. Ginga l'avait serré contre lui quand Kyouya était venu le chercher à Koma et qu'il avait intégré Hyouma à leur groupe – Ginga en avait ressenti une telle bouffée de reconnaissance qu'il n'avait pas pu réagir autrement. Il y avait cette fois où ils avaient échangé une poignée de main, pendant l'Ultime Bataille. Et il avait agrippé le poignet de Kyouya pour l'empêcher de faire plus de dégâts après leur défaite face à Ryuuga, pendant la quête des bladers légendaires. Mais ça n'avait rien à voir. Aujourd'hui... Aujourd'hui, ça avait été délibéré.
Ginga se retrouva devant le B-Pit. Ses pas l'avaient mené là sans qu'il en ait conscience.
À défaut d'une meilleure idée, Ginga entra. La clochette retentit quand il ouvrit la porte. Il la referma doucement derrière lui et avança dans la boutique. Madoka était assise derrière le comptoir, consultant l'écran de son ordinateur. Elle releva la tête avec un sourire.
- Bienve...
Son sourire s'effaça, remplacé par une expression renfrognée.
- Oh. C'est toi.
Ginga pouvait presque entendre le "traître" à la fin de sa phrase. Il n'arrivait pas à s'en préoccuper. Son esprit était accaparé par Kyouya et lui, assis l'un près de l'autre, se tenant la main.
Il comprit pourquoi ses pas l'avaient conduit au B-Pit. S'il ne voulait surtout pas parler à Madoka de ce qui le blessait ou le mettait en colère, pour le reste, elle était une excellente confidente.
- Kyouya...
Ginga regarda sa main. Il pouvait sentir la texture de sa peau sous ses doigts et la chaleur de sa main dans la sienne.
- Oui. C'est lui ton cour de soutien maintenant, marmonna Madoka. Si tu regrettes, tant pis pour toi. Ne viens pas te plaindre.
Ginga releva la tête.
- On s'est tenus par la main.
L'expression de Madoka changea du tout au tout. Avant que Ginga comprenne ce qu'il passait, il se retrouva assis dans sa cuisine, une tasse de thé fumante devant lui. Madoka déposa un plateau où s'empilaient des biscuits de toutes formes et de goûts différents : il reconnut du chocolat, du chocolat blanc, de la rose, des fruits rouges, des haricots rouges... et il y en avait d'autres.
Madoka se versa une tasse de thé avant de s'asseoir en face de lui. Elle brillait tant que Ginga voyait des étincelles danser tout autour d'elle. Ginga se frotta les paupières mais, quand il ouvrit les yeux, les étincelles étaient toujours là.
Euh...
Madoka s'accouda à la table et posa ses joues sur ses mains. La dernière fois qu'il l'avait vue joyeuse, c'était quand elle parlait de ses sciences adorées.
- Tu me disais que Kyouya et toi vous êtes tenus par la main.
- ...Oui ?
Alors que ça aurait dû être impossible, ses yeux brillèrent encore plus. Elle piocha un des gâteaux sans le quitter des yeux.
- Raconte.
Ginga fut tenté de rétro-pédaler mais il craignait les conséquences.
- Eh bien... nous nous sommes vus pour le cours de soutien. Après nous avons un peu parlé et, comme Kyouya avait l'air triste, j'ai approché ma main de la sienne.
Les inquiétudes de son rival lui semblaient trop intimes pour les rapporter. Ce serait une forme de trahison.
- Et je l'ai tenue. Et il m'a tenu la main en retour. Et on est restés comme ça un moment.
- Combien de temps ?
- Je n'ai pas compté. Plusieurs minutes, c'est sûr.
Un son résonna dans la cuisine. Ginga ne comprit pas tout de suite qu'il provenait de Madoka. Il s'agissait d'un mélange de cri de joie et d'impatience, à peine réprimé.
- C'est génial !
- Génial ?
Elle se dandina sur sa chaise, les yeux fermés, enveloppant de ses mains ses joues rougies.
- Je passe tout mon temps avec des bladers. Vous êtes mes seuls amis. Je ne pensais pas qu'on tiendrait ce genre de discussion un jour. On se croirait dans un manga !
Madoka gloussa.
- Heureusement que toi et Kyouya êtes là ! Même si vous êtes un peu désespérants avec votre lenteur.
- Je croyais que tu n'aimais pas Kyouya ?
Madoka ouvrit les yeux. Elle baissa les mains et les posa sur ses genoux, le regardant avec sérieux.
- Je n'aime pas Kyouya. Il est... Il a tellement de défauts que je ne saurais pas par lequel commencer. Mais vous vous aimez, et il te rend heureux. C'est tout ce qui compte.
La gorge de Ginga se serra. Il tourna la tête, incapable de soutenir le regard de Madoka. Ses yeux le picotèrent mais il ravala ses larmes. Il ne comprenait pas pourquoi le soutien de son amie le touchait autant.
Il inspira et expira plusieurs fois. Une fois qu'il retrouva à peu près le contrôle de lui-même, il se tourna de nouveau vers Madoka.
- Tu vas un peu vite. On ne s'est pas déclarés.
Et Kyouya n'est sûrement pas amoureux de moi.
Son rival le respectait, il tenait à lui, même, mais Ginga ne pensait pas que ça allait plus loin.
Ça n'allait sûrement pas plus loin.
- Vous vous êtes tenus par la main.
- Ce n'est pas grand chose, mentit Ginga.
- J'aurais été d'accord si ça avait été quelqu'un d'autre. Mais Kyouya ? Il n'accepte pas que les gens s'approchent de lui, même si c'est Benkei ou Yuu. Il repousse toutes les démonstrations d'affection. Qu'il t'ait tenu la main veut dire quelque chose.
Le cœur de Ginga fit un bond. C'était ce qu'il avait pensé. Entendre quelqu'un le confirmer lui donnait de l'espoir. Ça transformait en peut-être une possibilité qu'il avait toujours cru hors de portée.
Il jeta un regard à sa main.
- Ne gâche pas mon plaisir avec ton déni.
Ginga rit.
- D'accord.
Il prit un biscuit au chocolat. Madoka cuisinait très bien. Malgré tout ce qu'elle lui avait appris, il était loin d'atteindre son niveau.
- Pourquoi ce goûter ?
- C'est soit ça, soit soirée pyjama. J'ai pensé que tu préférerais.
- C'est sûr !
Il piocha un autre biscuit. Celui-ci était à la pâte de haricots rouges, et bien meilleur.
- Alors ? Qu'est-ce que Kyouya et toi allez faire ?
Ginga se figea.
- Comment ça ?
- Ce sera différent la prochaine fois que vous vous verrez.
Il avala difficilement sa bouchée de gâteau. Il n'avait pas été aussi loin dans son cheminement de pensées. Son bien-être s'était évaporé, laissant chacun de ses muscles crispés.
- Ça devrait ?
Il n'avait pas envie que ce soit différent. Leur relation était parfaite telle qu'elle était. Il avait fallu tellement de temps avant que Kyouya ne se décide à passer du temps avec lui hors des duels Beyblade.
D'ailleurs, Ginga retenait son souffle, attendant le moment où le blader de Leone se rendrait compte de la cordialité de leur relation, la réduirait en miettes et s'éloignerait pour prouver qu'ils étaient rivaux.
...Finalement, il avait peut-être trouvé un point positif au calme de leur vie actuelle. Si son aide avait été plus d'une fois indispensable, Kyouya était toujours parvenu à rester à la marge de leurs aventures. Ginga avait l'impression d'avoir passé plus de temps avec lui en un an que les trois années précédentes réunies.
- Vous avez passé un moment romantique à vous tenir la main. À ton avis ?
Ginga rougit. Ça lui avait semblé romantique, mais l'entendre de la bouche de quelqu'un d'autre rendait l'événement plus concret.
Il piocha un autre biscuit et le mâcha consciencieusement pour se donner le temps de répondre. Il était tellement tendu qu'il n'en sentit pas le goût. Le regard acéré de Madoka ne l'aidait pas à se relaxer.
- Peut-être, soupira-t-il.
- Peut-être ? répéta Madoka, incrédule.
- J'ai envie de laisser les choses se faire. Kyouya et moi...
Ginga savoura la formulation. Elle lui donnait l'impression qu'ils formaient une équipe, chose dont il rêvait depuis qu'ils se connaissaient.
- …nous avançons. Tranquillement, mais nous avançons. Ce serait dommage de tout gâcher en nous précipitant.
Surtout que ce serait plus agréable de découvrir et progresser à leur rythme.
- C'est une façon de faire, marmonna Madoka, déçue.
Ginga lui sourit.
- Je te dirais comment ça avance.
Madoka lui sourit, de nouveau enthousiaste.
- D'accord.
Les deux adolescents terminèrent leur goûter et burent leur thé. Ginga se détendait au fur et à mesure jusqu'à être parfaitement serein. Il ne détestait pas le calme. Ce genre de moment lui procurait un profond bien-être et lui rappelait pourquoi il se battait.
Ginga et Madoka quittèrent la cuisine et retournèrent dans le B-Pit.
- Merci. Tu m'as beaucoup aidé.
Madoka sourit.
- C'est normal.
Ginga se dirigea vers la porte. Il s'arrêta, la main tendue vers la poignée. Il s'était rappelé quelque chose.
Il se tourna à demi. Madoka l'observa avec surprise.
- Tu sais... Les cours de soutien fonctionnent bien avec Kyouya.
Voyant Madoka froncer les sourcils, il se dépêcha d'enchaîner – le but était de lui redonner le moral pas de la vexer.
- Il comprend les sciences, mais il ne les aime pas comme tu les aimes. Ce n'est pas sa passion. Il arrive à les expliquer avec détachement. Les sciences, pour toi, c'est comme le Beyblade pour moi : j'adore mais, à part l'esprit du blader, je ne peux rien expliquer.
Madoka cligna des yeux. Elle sourit lentement.
- C'est vrai.
Ginga lui adressa un dernier sourire avant de sortir.
Son sourire s'effaça dès qu'il franchit le seuil du B-Pit. Son cœur se serra et il tourna la tête.
L'appel de l'horizon était de plus en plus fort.
Fin du chapitre 2
J'adore écrire l'amitié de Ginga et Madoka. Un UA où ils sont vraiment frère et sœur serait génial.
Prochain chapitre dans deux semaines. Vraiment.
