Chapitre 2 La musique des mots
La lumière du soleil envahit lentement les couloirs de Poudlard. Une lumière encore froide. Une lumière un peu morte. Une lumière d'automne. Une lumière de novembre. Novembre. Le mois des morts. Il portait bien son nom. En ce matin trop frais, il se sentait mort. Il aurait aimé tuer la rumeur qui se frayait déjà un chemin dans les couloirs gelés. Il commençait à regretter. Tout aurait pu rester entre eux, mais le Serpentard avait insisté. Il avait insisté pour que tout le monde sache. Et comme il n'était même pas sûr de vraiment croire le blond, il avait accepté, doutant de l'existence d'une potion capable de réunir ainsi tous les esprits de Poudlard. Mais voilà, cette potion existait. Et tout était vrai. Maintenant, il se disait qu'il lui aurait suffit de lui faire un peu peur. Il aurait pu arrêter avant, mais, sur le coup, la vengeance était trop douce. Malgré le goût amer, il s'en était délecté. Le goût était maintenant atroce. Le goût n'était plus amer, il lui brûlait les entrailles comme un puissant acide. La culpabilité. Les remords. Peu importe le mot, le sentiment de profond mépris restait le même. Un mépris envers lui-même. Lorsqu'on se méprise soi-même, c'est qu'on est un peu mort, non ? En partie du moins, parce qu'il faut qu'une partie de nous reste en vie pour en souffrir. Non, décidément, il détestait le mois de novembre. Il détestait ce mois mort.
Ce matin-là, il se leva sans un mot. Il se lava sans un mot. Il s'habilla sans un mot. Il mangea sans un mot. Il regarda son absence sans un mot. Elle n'était pas descendue. On dit que les absents ont toujours tord. On dit que les contraires s'attirent. On dit aussi qui se ressemble s'assemble. On dit beaucoup de choses pour ne rien dire. On dit qui ne dit mot, consent. Le muet consent toujours alors. On dit beaucoup de choses pour se donner raison. Raison de les penser. On dit beaucoup trop de chose. Pourquoi ne pas se contenter de se taire ? Un silence vaut mille mots. Il se leva donc sans un mot et se rendit en cours de potion sans un mot. Qu'aurait-il pu dire de toute façon ? Il avait épuisé son stock de mot la veille.
Pour se rendre à son cours, il prit un détour. Il avait le temps de toute manière. Il pensa. Longtemps. Trop longtemps. Il arriverait en retard. Assez longtemps tout de même pour en venir à la conclusion que cette sensation d'acidité n'était que le repas de la veille qui avait mal passé. Il arriva tout juste à l'heure à son cours. Elle était là. Sa présence hypocrite lui confirma que le repas de la veille avait mal passé. Son visage hypocrite. Sa posture hypocrite. Sa tignasse hypocrite. Son regard hypocrite. Dit-moi ce que tu manges et je te dirai qui tu es. Elle devait manger du concentré d'hypocrisie pour être si hypocrite. Il fit alors ce que tout le monde attendait de lui : rien. Il passa à côté d'elle sans un mot. Il alla se placer aux côtés du Serpentard en une confirmation muette. Qui ne dit mot consent.
Ils n'échangèrent aucun mot. Il n'aurait pas fallu que les gens croient qu'ils étaient amis. C'était juste une entente mutuelle entre les deux ennemis. Quoi de plus normal ? Ils firent donc équipe pour le cours. La matière fut assez intéressante. Le professeur Rogue parla des différentes variantes et utilisations des potions de rêves. Harry soupçonnait le Serpent d'y être pour quelque chose. Soupçonnait. Non, il en était sûr. Les coïncidences n'existent pas avec les Serpentards. Tout est toujours prévu. Peut-être même trop. De sorte que les Lions se sentent un peu dépassés quand vient le temps de passer à l'action. Le cours passa rapidement. Harry n'en avait pas écouté un traître mot. Trop occupé à penser aux différences entre les Gryffondors et les Serpentards. Il en vint alors à la conclusion que les similitudes très prononcé entre les deux maisons, notamment leur haine mutuelle, les amenait à s'unir puisque qui se ressemble s'assemble. Ensuite, leurs différences flagrantes, à commencer par leurs priorités – l'individu pour les Lions et le sang pour les Serpents -, les amenaient indubitablement à s'unir également puisque les contraires s'attirent.
Le cours terminé, l'avant-midi l'était également. Il alla donc déjeuner en dormant puisque qui dort dîne. Arrivé dans le dortoir, il s'écroula. Sa nuit avait été courte. La prochaine le serait tout autant. Il s'endormit rapidement, rêvant qu'il dormait. Sans doute un symptôme du dîner qui avait mal passé la veille. Il se réveilla en retard, il préférait ne pas penser aux symptômes que ce repas entraînerait. Il dû cependant y penser lorsque le professeur McGonagall lui annonça qu'il devrait faire deux rouleaux de parchemin sur la transformation d'une pelote à épingle en hérisson.
Heureusement, le cours suivant était histoire de la magie. Il pu donc prendre un peu d'avance sur la nuit à venir en dormant un peu. Le cours terminé, il alla se réfugier dans la tour d'astronomie. Il songea alors à sa journée. Elle était étrange. Sans doute à cause de ces pensées. Des pensées qui ne ressemblaient à rien. Surtout pas à des pensées.
Des pas. Quelqu'un montait les marches. Quelqu'un venait perturber ses réflexions. Pourtant, lorsqu'il le vit, il changea d'idée. Cette personne parviendrait peut-être l'aider à comprendre ses réflexions.
- Les étoiles, Potter, elles n'apparaissent que dans deux heures.
- Je pourrais te faire la même réflexion.
- Ce n'est pas les étoiles que je viens voir. C'est l'abruti qui pense passer la soirée seul ici alors que les troisièmes ont un cours ici ce soir, après le dîner.
- Quand tes gorilles n'étendent pas leur stupidité sur toi, tu pourrais presque paraître sympathique.
- Quand tu te tais, tu pourrais presque paraître fréquentable.
Il tourna les talons et franchit la porte qui menait à l'escalier. Voyant que le Gryffondor ne le suivait pas, il s'arrêta dans l'embrasure de la porte.
- Alors, tu te bouges ?
Il suivit donc le Serpent à travers les couloirs déserts du château en direction des cachots.
- Où est-ce qu'on va ?
- Dans les cachots.
- Je sais, mais pourquoi ?
- Pour parler.
- Tu pourrais pas être moins précis ?
- Tu pourrais pas te taire des fois ?
- Si tu faisais pas tant de mystère, j'aurais pas à poser toutes ces questions.
- Si tu y pensais deux secondes, tu n'aurais pas besoin de poser de question. Maudit Gryffondor.
Les cachots étaient froids et humides. Ils étaient sales et poussiéreux. Ils étaient des cachots dignes de ce nom. Un environnement parfait pour un Serpentard mais qui semblait déplacé pour un Gryffondor. Pourtant, les Serpentards, en parfaits sangs purs aurait dû exiger un minimum de confort en ce qui a trait à leur milieu de vie.
Ils s'arrêtèrent devant un miroir, crasseux comme le reste. Il était entouré d'un cadre formé de serpents. Soudain, ils se mirent à bouger. Dans le miroir apparut un autre serpent, beaucoup plus menaçant. Malefoy posa sa main sur la surface réfléchissante et le serpent du miroir alla mordre sa paume de main. Quelques goûtes de sang en sortirent. Il retira sa main et pensa rapidement la blessure. Pendant ce temps, le miroir sembla se liquéfier. Des vagues se formèrent à sa surface. Un tourbillon prit forme et le miroir liquide se mit à se rabattre sur les côtés, laissant une ouverture donnant sur une pièce.
Drago passa le premier, entraînant Harry à sa suite. La pièce était luxueuse. Elle était vaste et très bien entretenue.
- Ne la cherche pas sur la carte des Maraudeurs, elle n'y est pas.
- Comment tu sais pour la carte ?
- D'après toi ?
- Qu'est-ce qu'elle t'a dit d'autre ?
- Beaucoup de choses, mais je préfère les garder pour moi et les utiliser contre toi plus tard.
- Fallait si attendre. Mais pourquoi crois-tu que cette pièce ne s'y trouve pas, sur ma carte ?
- Parce que personne à part les sangs purs de Serpentard ne connaissent l'existence de cette pièce et maintenant, toi. Mais ce n'est pas plus grave, tu ne pourrais pas y entrer seul. Le serpent ne te reconnaîtrait pas digne d'y entrer et tu mourrais.
- Laisse-moi deviner, c'est Salazar Serpentard qui en a eut l'idée ?
- Ce que tu es perspicace aujourd'hui.
- Garde tes sarcasmes pour d'autre, tu veux ?
Pour toute réponse, Drago alla se laisser choir sur un des fauteuils face à l'immense cheminée. Harry suivit le pas une fois de plus.
- Alors, Potty, tu n'étais pas dans ton assiette aujourd'hui ?
- Si tu m'as fait venir pour m'insulter, je pars tout de suite.
- Comment ?
- Quoi ?
- Comment tu comptes partir d'ici ?
Harry regarda l'endroit par lequel ils étaient arrivés. Rien, juste un mur.
- À quoi tu joues Malefoy ?
- On dirait que les rôles sont inversés. Habituellement, c'est moi qui se fais coincer. C'est vrai que là, tu es seul et que tu n'as aucune idée de l'endroit où tu te trouves. Tu as de la chance que ça n'ait pas été un piège. Tu aurais eut l'air de quoi ?
- Qu'est-ce que tu veux, Malefoy ?
- Faire le point.
- Le point ?
- Tu vois, j'ai été plutôt gentil aujourd'hui, mais demain je redeviendrai le Serpentard que tu as détesté pendant toutes ces années et toi, tu redeviendras le gentil Gryffondor qui m'a humilié pendant toutes ces années. Ainsi, tout rentrera dans l'ordre, mais il semblerait que tu attendes quelque chose. Quelque chose de ma part et j'aimerais savoir quoi.
- Je n'attends rien de toi. Alors maintenant, tu me laisses sortir.
- Alors pourquoi tu m'as suivit Potter ?
- Je…
- Tu sais, on s'y habituerait à cette situation. Du statut de Survivant à celui de Larve. Sincèrement, ça me ferait des vacances. Mais voyons les choses en face, je m'ennuierais. Plus personne à haïr, plus personne à tenter de démolir, en vain bien sûr mais si c'est le prix à payer pour avoir un passe-temps durable, alors allons-y pour l'humiliation. De toute façon, quand je serai devenu mangemort, j'aurai eut un entraînement et je pourrai plus facilement me venger.
- Qu'est-ce que tu veux bon sang ?
- Que tu redeviennes l'enfoiré que j'insulte tous les jours ! Bouge-toi ! Venge-toi d'elle pour de bon et reprend ta vie comme elle l'était !
- Tu trouves que je ne me suis pas assez vengé ? On a gâché sa vie !
- Pas assez pour qu'elle refuse d'aller en cours on dirait.
- Alors, ce que tu es en train de dire, c'est que tu veux qu'on se venge encore ?
- Non, que TU te venges encore.
- Pourquoi juste moi ?
- Parce que manifestement, tu es celui qui en a le plus besoin. Tu te souviens de ce qui s'est passé aujourd'hui ?
- J'ai eut Potion, Métamorphose et Histoire de la Magie.
- Je t'ai pas demandé quels cours tu avais eut, je t'ai demandé ce qui s'est passé.
- Et bien, je… Ok, tu as peut-être raison. Mais c'est normal, non ? Ma vie est détruite à cause d'elle.
- Ta vie ? Ta relation amoureuse, pas ta vie. Fais-la souffrir un peu, gâche sa vie et tout ira mieux.
- Comment veux-tu que je me venge ? Je veux dire, je ne me suis jamais vengé.
- Très bien, on a du travail côté vengeance. Je vais t'aider, mais après tu redeviens comme avant. Alors, pour commencer, tu enlèves cette tête d'enterrement. Sinon, elle va croire qu'elle a gagné. Alors, demain, tu l'ignores complètement. Tu vis ta vie comme si elle n'avait jamais existé. Tu t'arranges pour qu'elle soit seule. Accapare la belette, je crois qu'il n'a pas tout à fait compris le rêve qu'il a fait. Raconte-lui tout et, pour la suite, tu n'auras qu'à venir me voir demain. Dans la tour d'astronomie, après le dîner. Il n'y a aucun cours demain.
- Tu sais, j'ai toujours pas comprit pourquoi tu fais ça, mais je dois avouer que je hais cette impression que mon sort repose entre tes mains. Alors je vais faire ce que tu me dis de faire, juste pour que tout ça arrête. Juste pour retrouver toute ma tête. Parce que je dois avouer que je n'avais pas exactement les idées claires aujourd'hui.
- Oubli pas, demain, après dîner dans la tour d'astronomie.
- Comment je fais pour sortir d'ici ?
- C'est juste une illusion, dès que tu vas t'approcher du mur, tu vas voir la porte apparaître.
- Quoi ?
- Et oui, que veux-tu, les Gryffondors ne sont pas fait pour la subtilité, les détails qui font d'un plan un plan irréprochable.
- Je ne crois pas que tu aies de leçon à donner à qui que ce soit. Jusqu'ici, aucun de tes plans n'avaient marché.
- Oui, je sais. Mais je sens que cette année est pleine de promesses. Mais pour ça, il me faut un ennemi. Et en ce moment, mon ennemi a été réduit à l'état larvaire par une fille.
L'ennemi en question décida qu'il en avait assez de se faire insulter ainsi, sans même trouver la force de répliquer. Il se dirigea donc vers la sortie, qui apparut dès qu'il s'en approcha. Il sortit des cachots en évitant quelques Serpentards et rejoignit la salle commune des Gryffondors. Elle était assise à une table, seule. Un groupe de filles chuchotait dans un coin de la salle tout en jetant des regards furtifs à la jeune fille. Il monta dans son dortoir, se rappelant la première phase de sa guérison. Non pas qu'il l'aimait encore, mais elle lui faisait pitié. Il ne trouva aucune suite logique au fait de se venger alors qu'il avait pitié d'elle, mais peut-être que ça le remettrait vraiment sur pied. Qui ne tente rien n'a rien.
Voilà, un chapitre de fini. En ce moment, j'ai pas trop le temps, mais je vous promet les réponses aux rewiews au prochain chapitre.
Ysia
