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Mistral. Centre culturelle de Remnant, capitale des arts en tous genres, mode, architecture, théâtre, le plus grand regroupement de célébrités et de riches propriétaires après Atlas …
Mais ce luxe ne s'étendait pas sur tout le Royaume, ni même sur toute la ville. Plus vous descendiez, plus vous plongiez dans les ténèbres du monde criminel. En effet, si le haut de la montagne était l'incarnation parfaite de la réputation de la ville, les bas-fonds de Mistral abritaient le plus grand marché noir de Remnant. Pour peu que vous en ayez les moyens, et le courage de vous y aventurer, vous y trouverez tout ce que vous cherchez, objet comme service, légal ou non.
Dans une ruelle, la porte d'une auberge s'ouvrit, et une silhouette de petite taille entra précipitamment avant de refermer derrière elle. Il pleuvait à torrents dehors, et le vent n'était pas beaucoup plus amical. Toutes les personnes présentes dans la pièce tournèrent la tête vers la nouvelle arrivante, alors que cette dernière retirait la capuche de son long manteau de pluie noir, libérant une grande masse de boucles dorées. Sans prêter attention aux regards des différents tueurs-à-gage, trafiquants et mafieux en tous genres, la petite fille se dirigea vers le comptoir avec une démarche calme, un peu timide, et tapa du doigt contre le comptoir pour attirer l'attention de la jeune fille brune aux cheveux longs, un peu trop maquillée, avec un décolleté si grand qu'un soutient-gorge cacherait sûrement plus de surface, qui attendait en se limant les ongles.
La réceptionniste ne leva même les yeux de sa tâche pour regarder sa cliente.
-C'est pas la maternelle ici, t'as dû te gourer d'adresse.
-Je veux juste prendre une chambre pour la nuit.
-T'as de l'argent ?
-Euh … Un petit peu …
La jeune fille l'ignora et rangea sa lime-à-ongles dans une poche de sa robe pour en sortir ensuite un vernis rouge foncé. Alors qu'elle posait sa main sur le bois pour la garder immobile, elle entendit les pas de la petite s'éloigner du comptoir, et soupira à la naïveté de l'enfant. Oh et puis, ça ne la regardait pas, elle devait se faire belle pour les clients de son travail de nuit.
La plupart des clients de l'auberge étaient retournés à leurs activités, dînées, parties de poker, et négociations commerciales douteuses, mais plusieurs jetaient encore des regards méfiants à la petite fille blonde. Pour une enfant qui ne devait pas avoir plus de onze ans, elle était beaucoup trop à l'aise dans un endroit comme celui-ci, elle marchait innocemment dans la salle en regardant autour d'elle, comme si elle se baladait dans un magasin de bonbons. Ses grands yeux rouges s'arrêtèrent sur un groupe de quatre personnes personnes, une femme avec une robe rouge et blanche richement décorée était assise en face d'un homme d'affaires en costume noir coûteux avec un haut-de-forme, derrière la femme se trouvait un grand homme baraqué avec une massue attachée à la hanche, tandis que le garde du corps de l'homme était de taille normale, portait plusieurs épaisseurs de vêtements ternes, et avait une grande écharpe verte qui lui recouvrait la tête et le bas du visage, ne laissant découverts que ses yeux, sans arme apparente.
La petite fille se dirigea vers eux et s'arrêta juste devant leur table, les coupant dans leur discussion. Et alors qu'ils la fixaient avec méfiance, elle afficha un regard perdu et désespéré qui ferait fondre le cœur de n'importe quels parents dans les Royaumes.
-Bonsoir …
Les deux adultes se regardèrent un instant, puis la femme tourna la tête avec dédain en s'éventant, tandis que l'homme se penchait vers l'enfant avec un faux sourire amical.
-Je peux faire quelque chose pour toi jeune fille ?
-Je cherche du travail.
La réceptionniste derrière son comptoir étouffa un rire. Son patron avait bien du boulot pour la petite, mais la pauvre ne savait absolument pas dans quoi elle venait de s'embarquer. Si mignon.
-Oh. Eh bien j'ai bien quelque chose à te proposer-…
-Oh c'est vrai ?!
-Oui, mais j'aimerais d'abord que tu me laisses finir de parler avec mon associée, nous sommes en train de discuter de choses très importantes.
-Oooooh ! D'accord !
Et elle repartit en gambadant pour s'asseoir à une table un peu plus loin, complètement inconsciente des regards malsains et des rires moqueurs qui lui étaient adressés. Elle sortit même une poupée en porcelaine délabrée de son manteau pour jouer avec.
Voyant cela, l'homme fit signe à la réceptionniste d'apporter un plat à la petite pour la faire patienter. Avoir des filles en excellente santé faisait partie de sa réputation après tout. Certes, celle-ci était un peu jeune, mais il aurait tout le temps de la former, il manquait de blondes de toutes façons, et les clients s'arracheraient des yeux rouge vif comme les siens. Il pourrait même en profiter pour s'amuser un peu avec elle aussi …
-Bon, excusez-moi très chère, où en étions nous ?
-Je disais, tu me dois toujours deux-millions-trois-cent-mille Liens, et je commence sérieusement à perdre patience.
Le directeur de bordel sentit une goutte de sueur couler le long de son front. La femme connue sous le nom de Lady Red n'était pas quelqu'un dont on pouvait prendre les menaces à la légère.
-Je vous les rembourserai, ne vous inquiétez pas, j'ai juste besoin d'encore un peu de temps, je suis sur une bonne affaire.
-En t'ajoutant un salaire de plus à verser ?
Lady Red fit un mouvement de tête vers la petite fille qui semblait se régaler d'une soupe aux légumes.
-E-Elle ne travaillera pas avant un an ou deux, vous aurez eu votre argent d'ici là.
-Tu as déjà eu plus de temps qu'il ne t'en fallait. C'est ta dernière chance, tu payes ici et maintenant, ou ta tête roule parterre.
L'homme déglutit bruyamment en voyant le grand garde du corps se rapprocher. En même temps, son propre protecteur se plaça entre eux. Il ne payait pas de mine, mais le Green Rook était connu dans le monde criminel pour n'avoir jamais échoué dans une seule de ses missions. Et sa mission actuelle était de protéger son client durant cette entrevue, ainsi que jusqu'au lendemain matin.
Après un moment tendu, Lady Red soupira et fit signe à son gorille de revenir se mettre à sa place.
-Bien, tu as de la chance, j'ai un autre rendez-vous qui m'empêche de gaspiller mon temps ici et maintenant. Mais sache que je t'aurais prévenu.
L'homme acquiesça, et retint son souffle jusqu'à ce qu'elle soit sortit de l'auberge. Il n'avait pas les moyens de la payer sans mettre la clef sous la porte, et il ne savait pas ce qu'il avait fait pour mériter d'être si chanceux ce soir-là.
Bon, maintenant, il devait s'occuper de la gamine.
-Et voilà, bienvenue dans mon bureau. Entre, vas-y.
Un peu timidement, la petite fille entra avec l'homme dans la pièce, et entendit le bruit d'une serrure étant fermée à clef derrière elle. Le garçon au visage caché était resté dehors pour monter la garde, et il n'y avait aucune fenêtre, aucun moyen de sortir, d'autant plus qu'ils étaient au sous-sol.
-Ok, là ça devient embêtant …
-N'aie pas peur, assis-toi.
La petite acquiesça et fit ce qu'on lui demandait. L'homme s'assit derrière son bureau en souriant un peu trop à son goût.
-Alors petite, et si tu commençais par me parler un peu de toi. Quel âge as-tu ?
-Dix ans monsieur.
-Je vois. Oh, tu peux enlever ton manteau tu sais.
-Hein ? Oh oui, j'avais oublié.
Il sourit alors qu'elle gigotait pour ouvrir son manteau de pluie mouillé et bien trop grand, sortit une feuille, et se pencha dessus pour y inscrire l'âge et la description physique de sa future nouvelle employée. Cela fait, il releva la tête en souriant.
-Bien, et ton nom main-…
Avant de se stopper net dans sa phrase. Sans bouger d'un iota, il baissa lentement, très lentement les yeux sur la longue lame en Dust de Foudre dont la pointe reposait contre l'emplacement de son cœur. En regardant à nouveau devant lui, il rencontra à nouveau les yeux rouges de la petite fille, maintenant froids et calculateurs, sur son visage tout aussi sérieux, son grand manteau était posé sur le dossier de la chaise, ne cachant plus le fourreau à lames de Dust qu'elle avait à la hanche droite, sa manche longue du même côté était vide, tandis que son bras gauche était tendu vers l'avant, le manche de l'arme de Huntsman pro fermement tenu dans sa main, sans la moindre trace de pitié ou d'hésitation.
L'homme était terrorisé par son regard, si bien qu'il était incapable de crier pour appeler son garde du corps juste de l'autre côté de la porte.
-Quitte à faire un boulot pas net, je préfère ne pas être celle qui souffre.
Et sur ces mots, un léger bruit électrique se fit entendre dans la pièce, avant que l'homme ne tombe mort sur son bureau, les yeux écarquillés et la bouche ouverte bavant sur la table. La fille rengaina sa lame, et tira la feuille de sous le cadavre sans la moindre trace de dégoût. Il y avait seulement son âge et sa description physique, précisant qu'elle avait les yeux rouges, mais elle ne prendrait pas le risque. La feuille se consuma dans sa main, se transformant en cendre avant même d'atteindre le sol. Elle attrapa ensuite son manteau et l'attacha comme une cape avec les manches, afin que la capuche couvre ses cheveux et une partie de son visage, tout en lui laissant une bonne liberté de mouvement et un accès à son fourreau. Elle fit rapidement s'évaporer l'eau qui avait goutté parterre, et sortit son Scroll pour prendre une photo de l'homme, montrant clairement son visage mort.
Bon, maintenant, où est-ce qu'il rangeait son argent ?
Rook attendait devant la porte depuis quelques minutes maintenant. Elle n'aimait pas les missions de protection, en partie parce qu'elles étaient souvent ennuyeuses, mais aussi parce qu'elle devait garder en vie les personnes les plus répugnantes de Remnant, des hommes et femmes pleins aux as qui se croyaient le centre du monde, qui considéraient les gens comme des insectes sans valeur qu'ils prenaient plaisir à écraser, ou au mieux comme des pions à utiliser. Elle préférait les missions d'assassinat, ça ne payait pas toujours aussi bien, mais elle préférait encore avoir du sang sur les mains que de devoir protéger des ordures qui méritaient de crever dans d'atroces souffrances.
Mais bon, elle n'était pas vraiment bien placée pour les juger, après tout, même si c'était pour une « bonne cause », son boulot consistait la plupart du temps à tuer de sang-froid pour rien d'autre que de l'argent.
Un bruit d'explosion résonna à l'intérieur de la pièce, faisant trembler le sol et les murs. Rook ne perdit pas une seconde avant d'enfoncer la porte à coup de pied et de sortir son arme. Son écharpe verte recouvrant pratiquement tout son visage lui évita d'être trop gênée par la poussière qui volait dans l'air. Le bruit d'un fil tendu lui parvint, juste avant qu'une étagère ne tombe du mur de gauche, plusieurs bibelots décoratifs se brisèrent en tombant. Après une ou deux secondes, la pièce redevint à peu près visible, et l'assassin remarqua alors plusieurs choses.
Premièrement, son client était mort.
Deuxièmement, l'explosion avait eu lieu contre le sol, créant un grand cratère encore brûlant parterre, mais pas de sortie puisqu'ils étaient au sous-sol.
Troisièmement, la petite fille blonde n'était plus là.
Rook se tourna vers la seule sortie de la pièce, la porte derrière elle qu'elle venait d'enfoncer, et qui était maintenant grande ouverte.
-Merde !
Sans perdre de temps, elle s'élança en courant vers l'escalier au bout du couloir, et entendit le bruit d'une porte se faisant fermer à clef au moment où elle posa le pied sur la première marche. Elle s'arrêta, et laissa ses bras pendre le long de son corps en fixant la porte avec consternation.
Le Green Rook, l'un des meilleurs assassins de Mistral, peut-être même de Remnant, connue pour n'avoir jamais failli à une mission, peu importe sa difficulté … venait de se faire avoir par une gamine blonde de dix ans. Pire, la gamine en question venait de parfaitement réussir une mission d'assassinat juste sous son nez.
Il fallait qu'elle la retrouve.
-Ouah … Alors là, je dois admettre que je suis bluffée, je ne m'attendais honnêtement pas à ce que tu réussisses, surtout après avoir vu le Green Rook avec lui.
Assise royalement sur son trône avec un verre de champagne dans une main, Lady Red remit le Scroll à l'un de ses larbins, qui le remit à son tour à la petite fille blonde en face d'elle. Elle ne s'était vraiment pas attendue à un tel succès, même après avoir vu l'excellent jeu d'actrice de la gamine. Elle savait que la fille débutait dans le métier, elle aurait entendu parler d'une assassin prodige avec des yeux brillants rouges comme les flammes de la mort, et pourtant si froids. Elle avait une belle carrière de tueuse devant elle, d'ici quelques années, elle serait le genre de personne qu'on ne veux pas se mettre à dos.
-Et dire que c'est moi qui ai déniché une telle perle. Quel dommage qu'elle travaille en autonomie.
La femme claqua des doigts, et un homme en costume apporta à l'enfant une petite boite en bois sur un plateau en argent.
-Je tiens toujours parole. Quatre-vingt-mille Liens, comme promis.
Comparé aux deux-millions-trois-cent-mille que la petite avait récupérés dans la planque de cet abruti pervers, ce n'était rien, et ça valait largement le travail qu'elle avait fourni. La petite prit son butin et le fourra dans une poche de son grand manteau. Elle n'avait pas d'arme apparente, mais Lady Red savait maintenant qu'il ne fallait pas s'y fier.
La blonde se tourna pour s'en aller sans un mot, et se dirigea vers la porte.
-Au fait jeune fille, tu ne m'as pas dit ton nom. Qui dois-je faire chercher si j'ai à nouveau besoin de tes services ?
La petite ne bougea pas pendant quelques secondes, puis se tourna pour que son regard de sang entre en contact avec celui de sa première cliente, le gravant à jamais dans sa mémoire de par son intensité et sa froideur, en dépit de sa couleur brûlante.
-Falcon.
Et me revoilà !
Non je ne mets pas un chapitre complet, juste un prologue, histoire de vous mettre dans le bain.
Encore merci pour votre soutient pendant toute la partie I, on a vu Yang grandir ensemble, et ce n'est pas terminé, loin de là.
Je ne vous en dis pas trop ici, je vous laisse vous faire vos propres théories sur cette Partie II et sur la suite la semaine prochaine.
Bisou !
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PS : J'ai décidé de baser les Liens sur les Yens pour qu'on soit tous d'accord.
