Première semaine - Mai 1997
La sieste de l'après-midi est un de mes moments. Pas le seul. Il y a le matin quand je vais courir alors que Poudlard se réveille. Un moment où je me sens vivante, en contrôle de mon corps et sacrément libre. Quel que soit le temps. Il y a la sieste des petits. Un moment à moi où je peux lire, écrire à Dawn, appeler ma mère, travailler mes sortilèges - généralement sans interruption. Et je sais bien que j'ai la chance d'avoir une armée d'elfes qui s'occupent de l'intendance et un époux qui pense qu'élever des jumeaux est un privilège et non une corvée. Je n'ose pas imaginer quel temps j'aurais sinon.
Quand j'ai pris la décision de tomber enceinte, je me disais que ça me laisserait le temps de réfléchir à pourquoi je retournerais suivre des ordres dont je ne partageais qu'à moitié l'esprit. La vérité est que notre positionnement collectif - le clan Lupin, comme certains l'appellent, comme l'Ordre du Phoenix - a fini de rendre ce retour impossible. Pouvais-je revenir à la Division alors que j'avais effacé de la mémoire de ma folle de tante toute la compréhension qu'elle avait acquise de la personnalité de Cyrus ? Je n'arrivais même pas à reconnaître l'intégralité des faits devant Dawn, Carley ou Kingsley, alors aller mentir de réunion en réunion avec ça dans un coin de ma tête...
Ma nouvelle maternité a permis à tout le monde de se cacher dans la fable d'un choix qui n'avait rien d'une distanciation politique. Ça permet au Commandant Scrimgeour et à son lieutenant préféré, Abundius Crickerly, de me saluer poliment quand nos agendas mondains se croisent. Ils peuvent dire que la porte de la Division m'est ouverte si je décidais de revenir. Je peux faire semblant de l'envisager alors qu'ils seraient toujours prêts à suivre les ordres de Fudge voire d'Ombrage. Une belle fable qui arrange tout le monde.
Une fable qui attriste quand même au moins trois personnes qui comptent pour moi. Kingsley Shacklebolt, d'abord, qui avait vu en moi "son héritière", celle qui serait son alliée, qui suivrait ses choix, voire les amplifierait. Lui a bien compris que ma décision de ne pas revenir alors que les jumeaux ont bientôt deux ans tient à plus qu'une vocation maternelle découverte soudainement. Il n'est pas loin de prendre ça comme une critique de ses propres choix. Et puis il a bien compris que je ne lui avais pas tout dit.
Il y a aussi ma vieille copine Dawn qui doute finalement, elle, que ce soient les motivations politiques qui justifient totalement mon retrait. Elle m'écoute bien sûr quand je dis ça, mais le passe au filtre de ses propres inquiétudes : mener de front une carrière d'Auror et devenir mère est impossible. Il y a enfin, mon tout aussi vieux copain, Carley qui pense que c'est du gâchis. Quelles que soient mes raisons. Sans compter que ça met des idées dépressives et circulaires dans la tête de son épouse, Dawn. Des idées qu'il n'arrive pas à combattre. Ce qui finit de l'agacer.
Bon, toute cette tristesse ne les empêche pas de faire carrière. Carley avec son assurance un peu innée va plus vite que Dawn, mais les deux grimpent les échelons. Ils sont Rangs Trois tous les deux et je peux lire leur nom de loin en loin dans les récits judiciaires - que je lis tous, toujours scrupuleusement. Là, en page quatre de la Gazette, on dit par exemple que Dawn a arrêté, à Londres même, une femme qui aurait massacré toute sa famille, qui elle-même l'aurait maltraitée. Tout ça est dit à demi-mots, mais j'ai la culture pour décoder. Comme à chaque fois que je lis un truc sur mes potes, je ne peux pas m'empêcher de me demander ce que je ferais à leur place ; si j'aurais su, si j'aurais été chargée, si... Des pensées inutiles, un peu désagréables, et pourtant.
Et ne parlons pas de Kingsley, qui malgré toute sa défiance, tout son double jeu, ou peut-être à cause de lui, est aujourd'hui au poste envié de deuxième lieutenant de Scrimgeour. Sachant que c'est un poste que ce vieux malin de Rufus vient d'ouvrir pour lui, puisque depuis qu'il était commandant, il avait professé qu'il n'avait besoin que d'un seul adjoint. Je me demande sincèrement si le sourire de Crickerly, encadrant Kinsgley avec Scrimgeour sur la photo qui accompagne l'article de la Gazette sur la nomination, cache des pensées moins avouables. Est-ce qu'il voit le travail qu'il pourra déléguer ou la compétition ouverte ? Est-ce qu'il espère contrôler Kingsley ?
J'en suis à planifier mentalement un petit dîner avec Carley et Dawn pour en savoir plus quand Remus entre dans le salon. L'heure, le pas, la nervosité de ses gestes, tout dit qu'il se passe quelque chose d'inhabituel et je me redresse sur mon canapé.
"Les petits dorment ?", il vérifie.
J'opine, mais la tension dans sa voix m'a mise en alerte. Comme une confirmation inutile, il passe maintenant une main nerveuse dans ses cheveux. "Bon, il n'y a pas de meilleur moyen de t'expliquer que d'aller droit au but. Cyrus a réussi à faire une assez belle connerie que le directeur de Poudlard ne peut pas laisser passer… Minerva demande son exclusion temporaire… Je pense dire un mois afin de bien marquer le coup…"
"Un mois ?", je répète, atterrée. Et, non, je ne m'inquiète pas alors en priorité de la continuité pédagogique de mon fils adoptif puîné. On sait tous qu'il aura ses examens finaux de Poudlard pour la bonne raison qu'il les a déjà eus dans le passé. Et d'après Remus, Cyrus a plutôt un niveau plus élevé en théorie magique, toutes matières confondues, que Sirius qui était déjà dans le top du classement de toute l'école à son époque. Je pense, à ce moment-là, avant tout à ce que veut dire un mois avec un adolescent qui n'a nulle part où aller de toute la journée. Pas n'importe quel adolescent.
"Je sais, ça va être dur pour toi… pour nous tous, mais pour toi en particulier. En venant, je me suis dit que je pouvais le prendre les après-midis pour encadrer un bon bout de ses devoirs", me confirme Remus, embarrassé.
"Il va falloir surtout lui trouver des exutoires physiques parce qu'il va vite monter aux murs !", je souligne.
"Je sais", regrette Remus mais, visiblement, il n'a pas d'idée.
De mon côté, je mesure bien que voler ou toute autre activité de détente habituelle va être impossible. Dire qu'il y a deux ans, je m'angoissais à l'idée même de devoir reprendre Cyrus ou Harry au point de souvent chercher à être leur copine et leur alliée plutôt que d'endosser la moitié de l'autorité parentale. On peut dire sobrement que j'ai fait du chemin, là encore.
"Je peux l'emmener courir avec moi le matin", je propose.
"C'est ambitieux", remarque prudemment Remus.
"On ne lui laisse pas le choix", j'affirme. "Ça fait partie du paquet… Si tu me soutiens, c'est peut-être jouable… et y a rien de mieux que de la fatigue physique pour réfléchir autrement aux choses !"
"Je ne me rappelle pas qu"à son âge, tu aies autant apprécié les efforts de ton père", il n'arrive pas à se retenir de me faire remarquer. "Mais tu as mon soutien entier et inaltérable", il s'empresse de préciser.
Il y a des choses qu'on a dû beaucoup discuter pour trouver un équilibre, Remus et moi. Mais il y a un domaine où il n'y a pas eu à débattre : si je me fâche contre les garçons, il est là, juste derrière moi. Presque trop, mais c'est une autre question. Je n'ai noté qu'une chose dans son propos.
"Mon père", je répète avec enthousiasme. Remus a l'air prudemment surpris de ma réaction.
"On lui envoie Cyrus le week-end et il le fait bosser dans les écuries. D'abord, ça lui évitera d'avoir envie d'aller voir Gin et ses copains dans notre dos. Ensuite, ça nous fera des vacances, et mon père sera content, au fond… d'avoir de l'aide et de la compagnie..."
"Bonne idée", admet Remus quand il a intégré l'idée. "Tu es redoutable, ma chérie !
"J'ai quand même une petite expérience en application des lois", je lui rappelle en espérant que ma voix sonne aussi joueuse et légère que je le veux.
"Et en procès", il concourt, a priori, sans arrières-pensées. "Et ça tombe assez bien parce qu'il va aussi falloir que tu viennes nous représenter…. et écouter la sentence", il soupire. "Je ne peux pas être des deux côtés de la table, ni demander à mes collègues de prendre ma place…"
"Tu ne m'as pas dit ce qu'il a fait", je souligne dans un soupir résigné.
"Il a trouvé, Merlin sait où, un scooter et l'a planqué dans une des serres désaffectées… Pomona est tombée dessus par accident… Il a commencé à le réparer et le transformer, si tu poses la question, pour qu'il vole..."
"Vol, détournement d'artefact moldu et, certainement, sortie non autorisée du parc ?", je résume.
"D'où le renvoi d'un mois", il confirme. "Et certains diront que je suis laxiste…"
oo
Je ne crois pas que Cyrus trouve le directeur de Poudlard ou la directrice de sa maison laxistes. Si on prend la peine de l'écouter, il les trouve hypocrites, et moi avec eux.
"Mais quel cirque… Tout ça pour un tas de ferraille dont je n'arrivais rien à tirer !", il commente comme nous sommes revenus à l'appartement tous les deux.
Il faut sans doute remercier Cerridwen qu'il n'ait pas exprimé cette déception précise dans le bureau de Remus.
"Il sort d'où ce tas de ferraille ?", je saisis l'opportunité de demander.
"Trouvé", il prétend avec un geste vague.
"Donc quelqu'un l'avait perdu", je souligne.
"T'as vu l'état ? Personne ne veut récupérer ça, Mãe !"
"Non, je ne l'ai pas vu, mais j'ai l'impression que tu te racontes une histoire bien commode", je réponds.
"À t'écouter, je l'ai volé", il proteste avec plus de véhémence qu'il n'en a osé dans le bureau directorial, disons-le.
"Tu ne l'as certainement pas rendu à son propriétaire."
"T'es sérieuse là ?", il questionne alors qu'on a atteint le salon. Linky nous regarde et les petits se tournent vers leur grand-frère, contents de le voir.
"Je suis assez sérieuse", je confirme sobrement. "Tu peux t'installer au bureau de ton père."
"M'installer ?"
"Faire tes devoirs là où on peut en être sûrs", je confirme sobrement.
"Mes devoirs ?"
"Je suis certaine que tu connais le mot et même la pratique associée."
Je perçois que Linky a retenu les petits de s'élancer vers nous.
"Tu n'as pas manqué l'information selon laquelle je ne vais pas mettre les pieds dans une salle de classe d'ici un mois !?"
"Et tu crois que tu vas être en vacances ?"
Quand je le vois ravaler sa première réponse, je me rappelle combien il a grandi malgré tout. Malgré cette dernière connerie. Ça me donne du courage pour la suite. Parce que je sais que le plus dur ne va pas être ce soir, mais la répétition du rapport de force pendant un mois.
"Ok, vous allez être sur mon dos pour que je les fasse", il admet avec un bref soupir de commisération pour lui-même. "Mais là ce soir… franchement… Mãe..."
"Je n'ai pas spécialement envie d'être gentille ou compréhensive, Cyrus", je le coupe." Et je crois même que si tu peux montrer des devoirs faits à ton père tout à l'heure, ça pourrait être un effort diplomatique bien vu de ta part…"
"Vous avez quoi en tête ?", il commence à s'inquiéter.
"Toi qui aimes tant les surprises, je t'invite à prendre ton mal en patience. Et à me donner ta baguette. Et à faire tes devoirs", je répète. Ma main droite se tend vers lui et ma main gauche désigne d'un geste le bureau de Remus. "Les elfes ont ramené tes affaires, mais s'il manque quelque chose, dis-moi"
J'avoue que je n'étais pas totalement certaine que ça allait fonctionner. Remus est l'autorité suprême pour les garçons, je le sais bien. Je ne dis pas qu'ils ne me respectent pas, qu'il soit là ou pas, mais ce n'est pas la même chose. Peut-être que c'est parce que Cyrus sait qu'il va venir et qu'il s'en inquiète, mais le fait est qu'il finit par me tendre sa baguette en détournant les yeux.
"Je peux quand même les embrasser ?", il fait mine de demander en montrant les jumeaux qui observent la scène depuis les bras de Linky les yeux écarquillés.
"Bien sûr", je confirme en me retenant de toute fine sortie.
La vérité est qu'il leur fait un câlin rapide, leur promet de leur lire une histoire plus tard et leur parle de devoirs à faire avant de s'installer au bureau de son père et de gratter sur des parchemins. Je décide de rester sur cette victoire et de ne pas creuser sur la teneur de ses écrits.
oooJogging
Notre premier jogging se passe aussi mal qu'on pouvait le craindre. Du moment où je le réveille à notre retour pour petit-déjeuner, je compte que Cyrus prononce au moins vingt-six fois la question "T'es pas sérieuse, hein ?" - à propos de l'heure de cet exercice, sa longueur, sa teneur, et le fait que je prétende que ça se répète tous les jours. "Sauf les week-ends." Sa réponse furieuse à ce rappel est sans surprise.
"Je vois que tu ne sembles pas tellement défoulé", juge son père à notre retour.
"Vous êtes deux grands malades !"
"C'est toujours dur la première fois", je commente avec obstination. "Tu vas t'améliorer et tu vas finir par bien aimer…"
"Je préfère ne rien dire", lâche Cyrus en se laissant tomber à sa place pour le petit-déjeuner.
"Sage décision", commente Remus en nous tendant tour à tour un verre de jus de citrouille. Il attend que Cyrus en ait bu une gorgée pour rajouter : "Il serait également souhaitable que tu ne fasses pas tourner Dora en bourrique. Donc, je répète : si tu sors d'ici, c'est avec Linky pour venir me rejoindre. Sans détour ou autre bonne idée."
"On dirait que j'ai neuf ans !", proteste Cyrus sans surprise.
"Je pense que tu sais ce qui se serait déjà passé si c'était encore le cas", lâche Remus glacial.
Cyrus met exactement une seconde de moins que moi à comprendre l'allusion. On peut même dire que c'est quand il baisse les yeux que je suis sûre.
"Je ne te demande pas de travailler toute la matinée, mais on va finir ensemble ce que tu dois rendre ce soir. Je te laisse juge de ce que tu veux avancer", reprend Remus d'une voix plus égale.
"Tout ça pour une pauvre petite maraude !"
Le geste de Remus est trop rapide pour que je puisse dire que je l'avais vu venir. Il s'est levé et a tiré Cyrus à lui et ils se font face, les yeux dans les yeux. Ce n'est pas parce que Cyrus est légèrement plus grand qu'il n'a pas l'air intimidé.
"Ne crois pas que tu puisses impunément acheter mon indulgence en évoquant une nostalgie mal placée ! Tu me trouves hypocrite ? À ton aise, mais j'en ai autant à ton service. Tu connais le contrat. Je ferme généralement les yeux - sauf si j'estime que tu te mets en danger. Mais si tes professeurs signalent ton comportement ou si tes notes ne suivent pas, j'interviens. Si j'interviens, ce n'est pas à moitié. Tu le sais. C'est vrai aussi pour ton frère. Je ne te prends pas en traître. Alors oui, on est durs. Alors oui, tu vas serrer les dents et gagner par ton comportement exemplaire le droit de retrouver ta liberté, de voir tes amis et de bénéficier de notre confiance."
Je vois l'effort que fait Cyrus pour ne pas craquer physiquement. Il ouvre la bouche et renonce. Il opine juste.
Remus le lâche, regarde l'heure et grimace. Je l'accompagne jusqu'à la porte. Il me redit que si ça se passe mal, je dois l'appeler. Je lui répète qu'on va s'en sortir. Et, dans les faits, on survit à cette première journée. Mais elle a donné le ton.
Les jours suivants, Cyrus alterne une espèce de réserve diplomatique contrainte, s'efforçant plutôt de faire ses devoirs et de se plier à nos règles, entrecoupée de sorties définitives sur notre tyrannie hypocrite. Je note néanmoins qu'il s'abstient, même en l'absence de Remus, de toute comparaison avec les activités historiques des Maraudeurs. Comme souvent, je me demande ce qui tient de la décision de Cyrus et de celle de Sirius en la matière, mais il me semble peu sage d'ouvrir ce débat-là. Attirer Sirius n'est jamais totalement un service à rendre à Cyrus.
Parfois, notre voleur de scooter oublie néanmoins qu'il est fâché pour s'allonger sur le tapis avec les jumeaux avec cet enthousiasme contagieux qu'il sait mobiliser. Une fois, il met plusieurs minutes à se rendre compte que Remus est rentré - en fait, quand Kane s'en rend compte et court sur ses petites jambes vers leur père, il a l'air sincèrement embarrassé d'avoir l'air de prendre du bon temps et propose immédiatement de montrer ses devoirs.
"Si c'est une manœuvre pour me faire dire 'non, merci, pas maintenant', c'est bien joué", tente Remus qui a maintenant les deux petits dans les bras.
"Tu crois que je ferais ça ?", lâche Cyrus avec humeur.
"Non", soupire Remus. "Il semble que mon humour ne soit pas le bienvenu."
"Je n'ai pas l'impression que tu fasses beaucoup d'effort pour comprendre le mien."
Je vais m'interposer et Remus le voit. Nos yeux se rencontrent. Je m'arrête, il soupire. Nos trois enfants semblent avoir arrêté de respirer pour nous observer.
"Dora, si tu veux prendre la situation en main, je t'en prie. Là, je ne peux pas promettre d'être à la hauteur."
"Cyrus, ne nous pourris pas la soirée", je finis par articuler. "Si c'est impossible, merci d'aller t'agacer dans ta chambre, parce qu'on a peu de temps avant qu'il faille coucher les petits..."
Je grimace parce que je crains bien d'être totalement ridicule, mais Remus se contente de s'asseoir sur le tapis avec les jumeaux et de reprendre les jeux, là où Cyrus les a laissés. Ce dernier les regarde sombrement par derrière sa mèche et je me dis qu'il va ajouter la jalousie aux sentiments négatifs qu'il arbore contre nous. Les secondes me paraissent interminables. Iris prend une licorne en peluche et lui apporte parce qu'ils jouaient ensemble avec avant. Il l'accepte et me regarde avec des yeux un peu trop brillants.
"Mais tout le monde sera content si tu restes", je tente. Je crois un instant qu'il va m'entendre, mais il secoue lentement la tête et s'enfuit dans sa chambre. Avec optimisme, Iris estime qu'il va faire un câlin à la licorne.
ooo
Quand le vendredi matin, on lui annonce qu'il part chez mes parents pour un week-end de corvées dans les écuries, Cyrus serre les dents davantage que je l'aurais parié. Il se montre cordial avec mon père qui vient le chercher - parce que c'est toute une logistique pour moi et aussi parce que Remus pense qu'il faut lui "laisser de l'air avant qu'on finisse par aller trop loin l'un ou l'autre".
J'avoue que je passe le week-end à me demander si je dois m'inquiéter du silence de mes parents, mais Remus me répète avec une philosophie têtue que "tant qu'un Auror ne nous appelle pas, tout va bien". On doit quand même essuyer la sidération de Harry quand on lui explique où est son frère à qui il est venu rendre visite et sans doute apporter des lettres de Ginny.
"Nettoyer les écuries de grand-père Ted ?"
J'imagine que Harry a sa propre prévention pour le lieu après sa rencontre regrettable avec les Cristaux de Neelps lors de notre premier Noël là-bas.
"Une idée de ta mère adoptive, Harry", confirme Remus, l'air prodigieusement amusé de pouvoir apporter cette précision. C'est une de ces fois où je me demande bien ce qui l'amuse réellement. "Une idée superbe et inspirante, tu ferais mieux de te méfier."
"J'espère bien qu'on n'aura pas d'autres raisons d'envisager un truc pareil !", je proteste.
Harry s'abstient prudemment de tout commentaire. Nous faisons semblant de ne pas voir qu'il a caché des lettres de Ginny sous le matelas de Cyrus.
Quand mon père le raccompagne le dimanche soir assez tard pour ne pas risquer de croiser trop d'élèves ou de professeurs, Cyrus n'a pas l'air d'avoir passé un mauvais week-end, mais il ne nous saute pas au cou non plus. Il se prétend fatigué et s'enfuit dans sa chambre après avoir poliment dit au revoir à mon père. On offre à ce dernier un verre de cherry qu'il accepte avec un fin sourire qui dit bien qu'il sait déjà ce qu'on va lui demander.
"Ça se passe bien. Ne me demandez pas un compte rendu, mais c'est un gentil garçon. C'est une bonne idée que vous avez eue là. Parce que nous, ça nous permet de le connaître mieux et, lui... ça lui permet de sortir de Poudlard... Mais je ne vous apprends rien. C'était tout votre raisonnement. Ne doutez pas, soyez patients. Comment vont mes autres petits enfants ?"
