Noxia - Chapitre 13
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- Encore ? demanda Daphné.
Harry s'arrêta net dans son mouvement, abaissa sa baguette, laissant le cadre qu'il dirigeait retomber avec légèreté sur le sol.
Quelque chose dans la voix de Daphné l'intriguait. Ce n'était plus une simple question. Il y avait de l'agacement, de la lassitude et peut-être même une pointe de mécontentement dans ce "encore" si spontanément dévoilé.
- Tu ne veux pas que je l'accroche ? demanda Harry.
- Et bien c'est juste que… c'est ce regard… je…
- Tu n'aimes pas ce dessin ?
Harry fronça les sourcils. La première fois que Daphné l'avait vu dessiner la bouche de Parkinson, elle s'était émerveillée, disant qu'il était un grand artiste, qu'il devait l'exposer. Il l'avait crue. Il s'était empressé d'encadrer ses travaux et de les accrocher sur les murs de l'appartement.
Six semaines plus tard, Parkinson était partout. Parfois de dos, sa tresse emmêlée flottant au vent. Parfois juste sous la forme d'un de ses yeux, de l'angle de son épaule ou de la courbure de ses reins. Harry la dessinait sans relâche, n'ayant d'inspiration que par ses courbes.
L'avoir sur le papier lui donnait l'impression de la retrouver physiquement, dans chaque pièce de la maison.
- Si, bien sûr que j'aime ce dessin. Cette femme est magnifique, elle est… elle est parfaite, soupira Daphné en baissant la tête.
- Je ne comprends pas ce qui te déplait, alors ?
Harry avait l'impression d'avoir achevé une de ses toiles majeures. D'un mètre cinquante par quatre-vingt centimètres, Parkinson s'étendait gracieusement sur un lit. Sa peau nue semblait refléter l'éclat velouté de la lune et les drapés de soie qui l'entouraient ne parvenaient qu'à peine à recouvrir l'envoûtement de sa chair.
Harry était fier de son œuvre. Pour la première fois, il parvenait enfin à trouver un sens à l'une de ses toiles. Parkinson était une déesse sur ce parchemin. Une déesse qui l'invitait, à travers le papier, à le rejoindre, dans l'intimité de leur monde.
Mais Daphné grimaçait.
- Qui est cette femme ? demanda-t-elle finalement après quelques minutes de silence à fixer le dessin.
- Elle… je… personne. Enfin, je crois. Je ne sais pas, c'est seulement une femme, bégaya Harry.
Et que pouvait-il lui répondre d'autre ?
Tu te souviens de Pansy Parkinson ? Elle vit dans ma tête, maintenant. Elle m'obsède tellement que je n'ai de cesse de la dessiner, chaque jour avec plus d'ardeur. C'est comme ça que je l'imagine. Jolie, non ?
- Tu devrais peut-être lui dire ça, glissa Parkinson, sans même tenter de dissimuler le grain de fierté dans sa voix.
- Qui est cette femme, Harry ? insista Daphné, sa voix commençant à trembler.
- Personne, ma chérie !
Mais Daphné ne semblait pas convaincue. Déjà, les larmes commençaient à perler dans ses yeux et Harry, le cœur serré, s'empressa de vouloir la prendre dans ses bras.
- Et voilà qu'elle va se mettre à chialer, grommela Parkinson. Du grand Daphné Greengrass ! Quelle performance, trois larmes, un air de petite fille sage et madame obtient tout ce qu'elle veut. Ne te fais pas avoir, Potter. Cette technique-là, elle la développe depuis l'enfance.
Pourtant, Daphné le repoussa quand il arriva près d'elle et rien dans son visage ne laissait penser qu'elle feignait quoi que ce soit.
- Est-ce qu'il y a une autre femme ? demanda-t-elle, laissant rouler une larme le long de sa joue.
- Bien sûr que non ! s'exclama Harry, si convaincant qu'il la fit sursauter.
- Et bien Potter, je ne te savais pas si bon comédien ! se mit à rire Parkinson.
- Alors qu'est-ce que tu fais, toutes ces heures où tu disparais pour revenir les bras chargés de nouveaux croquis ? Tu la dessines elle, c'est ça ? demanda Daphné en pointant un portrait de Parkinson d'un doigt tremblant.
Oui.
Oui, je m'éclipse dans un bois, une auberge ou au bord d'un lac. Parfois quelques heures, parfois toute la nuit. Je ris avec elle. Je ris si fort que j'en pleure souvent.
Je fume. Beaucoup. Beaucoup trop. Et elle me vole mes clopes en glissant sa langue sur mes lèvres. Elle me souffle la fumée au visage en me répétant que je ne suis qu'à elle, qu'un pantin qu'elle mène du bout de ses doigts. Elle me fait bander d'un claquement de langue et je la baise, encore et encore, contre un arbre ou au milieu de l'eau glacée. Je la baise si fort que le calme de la nuit peine à s'en remettre.
Quand je jouis, en elle, sur ses cheveux ou dans sa bouche, je ne pense plus qu'à une chose : lui faire voir ce moment. Alors je l'embrasse, une dernière fois, et je cours récupérer un fusain pour croquer ma réalité. Celle qui se passe, au creux de mes songes, quand elle pose ses lèvres sur ma queue.
Mais ne t'inquiète pas Daphné. Ceux-là, ceux-là tu ne les verras pas.
Quand elle me regarde, les yeux mouillés et les lèvres dégoulinantes de sperme. Quand je suis en elle, son dos courbé par le poids de mes assauts. Quand sa tête se révulse en arrière, arrachée au reste de son corps par ma main tirant ses cheveux.
Ces dessins-là, Daphné, tu ne les verras pas. Ils sont cachés, là où tu ne les trouveras jamais. Tout ça pour quoi ?
Parce que je t'aime, Daphné. Parce que je sais que tu souffrirais d'apprendre qu'elle fait partie de ma vie. D'apprendre qu'elle m'offre ce que tu ne peux pas me donner.
Mais c'est toi que j'aime, Daphné. Que j'aime si fort que je protège de tous mes travers, de toutes mes folies. Tu n'auras rien à subir, pas même à souffrir, Daphné. C'est promis.
- Tu n'auras jamais les couilles de lui dire ça.
- Harry, réponds-moi, insista-t-elle. Qu'est-ce que tu fais, pendant tout ce temps ?
- Je dessine, répondit-il simplement. Je m'isole pour dessiner.
- Alors tu ne l'avoueras pas, n'est-ce pas ? demanda Daphné, plus brisée encore.
Harry ne répondit rien et elle finit par hocher la tête, lentement, le cœur brisé, avant de retourner dans la cuisine pour terminer la vaisselle.
Voilà à quoi ressemblait désormais leur vie.
Harry aimait Daphné, la comblait d'attention jusqu'à ce que le manque de Parkinson devienne insupportable. Il pensait être discret quand il partait. Il pensait qu'elle ne le remarquerait jamais.
Mais Daphné voyait son humeur changeante au quotidien. Elle l'entendait rire aux éclats dans la salle de bain, sans comprendre ce qui pouvait bien l'amuser autant. Daphné voyait tout sans ne rien pouvoir affirmer. Alors, elle acceptait, passive et bienveillante, les secrets de son compagnon.
- Tu sais que tu peux être un gros connard, quand tu veux ? demanda Parkinson alors qu'Harry s'isolait sur le balcon pour fumer une cigarette.
- Attends, quoi ?
- Elle est complètement soumise et tu en joues.
- Et ça te pose un problème ? A toi ? Et puis d'abord, elle n'est pas soumise, tu dis n'importe quoi.
- Oh je t'en prie, Potter ! Elle sait que tu as quelqu'un d'autre. Elle n'est pas complètement idiote. Et toi, tu ne cherches même pas à te trouver un alibi.
Harry inspira une grande bouffée qu'il laissa s'expirer en un nuage de fumée.
- Techniquement, je n'ai pas vraiment quelqu'un d'autre, tenta-t-il pour se dédouaner.
- Ne joue pas à ça avec moi, dit-elle d'une voix ferme et dure.
- Qu'est-ce que tu veux que je fasse ? soupira Harry. Tu sais aussi bien que moi que je ne peux pas lui dire la vérité.
- C'est malhonnête, ce que tu fais avec moi. Tu devrais peut-être admettre que tu vois quelqu'un d'autre. Sans rentrer dans les détails, sans dire qui je suis. Juste lui avouer que j'existe.
Harry se demanda si c'était le moment de rire ou bien de pleurer. Comment pouvait-elle consciemment lui demander une chose pareille ?
- Tu n'es pas sérieuse, là ? Tu sais très bien qu'elle me quitterait si elle l'apprenait.
- Je dis juste que ça vaut le coup d'essayer.
- Je ne veux pas la perdre, soupira Harry en fermant les yeux face à l'horizon.
- Ah bon ? C'est vrai ? Mais quelle surprise, je n'étais pas certaine d'avoir compris, grommela-t-elle. Alors le plus simple c'est peut-être que ce soit moi qui parte, que je te laisse avec le grand amour de ta vie ?
- Arrête, soupira Harry. Je n'ai jamais dit ça.
- Tu l'aimes, non ?
- Oui, répondit-il simplement.
- Alors voilà. Les choses sont évidentes. Tu l'aimes, tu veux lui faire tout un tas de petits bébés blonds, c'est parfait. Continue de la baiser le jour de son ovulation, ça finira peut-être pas arriver. Moi, je me casse.
- Mais qu'est-ce qui te prend, d'un coup ? soupira Harry. Parkinson ? Parkinson ?
Mais elle était déjà partie et Harry n'eut d'autre choix que d'allumer une autre cigarette.
Daphné le regardait depuis la fenêtre de la cuisine. Il sentait le poids de son regard dans son dos.
Qu'est-ce qu'il était en train de faire ? De leur faire à toutes les deux ? Parviendrait-il un jour à se faire une raison ? Et cesser d'être trop gourmand ?
Le monde n'était pas fait pour vous offrir la perfection et chaque jour un peu plus, Harry en mesurait le prix.
Il fallait qu'il rassure Daphné. Qu'il soit là pour elle et rien qu'elle. Il n'était pas assez naïf pour s'imaginer que Parkinson ne lui manquerait pas, qu'il ne finirait pas par l'implorer de revenir. Le passé avait cette faculté à faire histoire. Et Harry savait que l'histoire se répétait toujours.
Quand il se retourna, Daphné était toujours là, semblant le fixer sans le voir ou plutôt sans le comprendre. Il écrasa son mégot dans le cendrier et partit la rejoindre à l'intérieur. Une pression de sa main sur son épaule, la chaleur du souffle au creux de son cou et Daphné éclata en sanglot entre ses bras. Harry la berça pendant ce qui semblait être des heures et finalement, d'un baiser, l'histoire sembla trouver une fin.
Harry le lut dans son regard. Pour cette fois, Daphné oublierait. Pour cette fois, elle retrouverait le sourire. Mais lui, combien de temps parviendrait-il à le garder sans implorer le retour de sa voix ?
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Trois jours.
Parkinson n'était pas revenue depuis trois jours.
Ces derniers temps, ses absences étaient plus fréquentes, plus durables. Elle ne se vexait plus pour une broutille comme elle avait pour coutume de le faire. Non, elle partait simplement. Silencieusement, comme une feuille soufflée par le vent. Quand elle revenait, Harry oubliait tout. Ses soucis, son quotidien, Daphné.
Il quittait tout pour elle. Il s'empressait de lui dire à quel point elle lui avait manqué, à quel point il ne voulait plus qu'elle s'en aille.
Et puis, Daphné recommençait à avoir les yeux embués de larmes. Il réalisait alors qu'il l'avait de nouveau délaissée et embrassait son cou en lui chuchotant à quel point il l'aimait.
Et Parkinson repartait.
Depuis trois jours, Harry se demandait si sa vie resterait dorénavant ainsi, oscillant entre deux femmes, n'étant jamais pleinement satisfait. Quand Parkinson était près de lui, il se sentait revivre, comblé, jusqu'à ce que la culpabilité le rattrape. Les premières heures suivant son départ étaient des bouffées d'oxygène, se sentant enfin légitime, enfin droit. Et puis, le manque arrivait, se matérialisant en une boule d'angoisse alourdissant son estomac. Boule qui ne s'évanouissait qu'à son retour, invariablement.
Le moindre détail lui rappelait son absence. Un verre de Chardonnay commandé par un inconnu au bar, le parfum d'une pensée au détour d'un parc, un rire franc et cristallin. Elle était partout quand elle n'était plus et prenait toute la place lorsqu'elle était là. Parkinson était son univers. Il vivait autour de celle qui l'habitait. Il était le corps, elle était devenue la raison d'avancer.
Mais Daphné était parfaite. Daphné était sa reine, son ange tombé du ciel. Celle pour qui tout devenait concret et possible. Celle pour qui il aurait soulevé des montagnes et décroché la lune. Son sourire valait tous les galions, sa main dans la sienne toutes les batailles.
Daphné était parfaite et Harry n'avait plus le droit de l'oublier.
- Tu es prêt ? demanda-t-elle en lui tendant sa veste.
Il hocha la tête. Leurs amis les attendaient pour boire un verre et, perdu dans ses pensées, Harry avait encore laissé le temps lui échapper.
- Il faut que je passe déposer de l'argent à Gringotts.
Daphné sourit, d'une manière si vive et lumineuse qu'il fut presque ébloui par son éclat.
- On fera un crochet par la banque, dans ce cas.
Harry venait de vendre sa première toile. Quelques jours plus tôt, il avait exposé quelques-uns de ses dessins dans une galerie qui faisait une soirée sur l'émergence. Harry n'avait pas voulu signer de son nom, laissant un simple P traîner en bas de chaque œuvre. Sa plus grande crainte était que son talent ne vale rien mais que son nom le guide au sommet.
Alors, quand un acheteur s'arrêta devant la hanche de Parkinson pendant des heures, fronçant les sourcils d'admiration, le cœur de Harry loupa un battement. Il s'était tenu en retrait, toute la soirée, agissant plus comme un passant que comme un artiste.
Quand il vit la galeriste décrocher son tableau du mur et le remettre à l'acheteur, il crut perdre pied.
Harry venait de vendre sa première toile.
Il s'était isolé sur le toit, avait décroché une cigarette de son paquet et avait appelé Parkinson. Il fallait qu'elle voit ça, il fallait qu'elle partage ce moment avec lui. Mentalement, il l'avait appelé, si fort qu'il s'en donna la migraine. Mais elle n'était jamais venue et la joie s'était évanouie, laissant place au manque.
Harry aurait cru éprouver plus d'enthousiasme à déposer sa première bourse à la banque mais sans elle, le monde perdait de son sel.
Daphné pensait qu'il gardait une réserve, ne voulant pas gonfler son égo dès la première vente. Elle était si fière de lui qu'elle trottina à ses côtés tout le chemin, lui répétant à quel point il était doué, à quel point il avait tous les talents. Harry souriait mais ses yeux restaient voilés d'amertume.
Parkinson n'était pas là.
L'architecture blanche et bancale de Gringotts s'illustra devant ses yeux mais Harry ne vit ni les colonnes, ni les passants qui faisaient la queue pour entrer. Il n'y avait qu'eux qui accrochèrent son regard et Harry se mit à suffoquer.
Hunter sortait de la banque. Il devait tout juste finir son service et ne portait plus l'uniforme réglementaire. A quelques mètres de lui, en bas des marches, Dennis l'attendait, un large sourire sur les lèvres. Hunter s'approcha, tout aussi ravi, et déposa un baiser sur les lèvres de celui qui devait être son nouveau conjoint. Harry crut qu'il allait s'évanouir.
- Tu m'attends ici ? parvint-il à articuler devant une Daphné qui hochait joyeusement la tête.
Il fallait qu'il voit ça de plus près. Comme une obsession malsaine, comme pour mettre fin à ce qui n'aurait jamais dû être. Mais Daphné ne devait rien voir, rien savoir.
Elle ne connaissait rien de son histoire avec Hunter et il était hors de question qu'elle entrevoit cette noirceur en lui.
Il galopa plus qu'il ne marcha pour les rejoindre. En le voyant, le jeune couple se figea, perdit quelque peu son sourire pour n'arborer qu'une moue gênée.
- Harry, sourit Dennis, ne sachant vraisemblablement plus où se mettre.
- Dennis, Hunter ! Quel plaisir de vous voir ! s'exclama Harry.
Décidément, ses compétences de comédien s'étaient considérablement améliorées. Harry ne devait pas leur laisser entendre que cette relation l'exaspérait. Après tout, ils ne faisaient rien de mal mais sans vraiment savoir pourquoi, Harry ne le supportait pas.
Hunter parut légèrement déstabilisé, Dennis plus encore mais bien vite, Harry perçut un soupire de soulagement s'extirper de leurs lèvres.
- Je ne savais pas que vous vous connaissiez tous les deux, feignit Harry avec innocence.
- Et bien c'est que… c'est tout récent, répondit Dennis. Tu sais, depuis le procès… Il y a eu un nouvel article et puis, une photo c'est bien mais, comme le voleur… et bien tu vois c'est que… j'ai pris le voleur de la photo, enfin le voleur en photo, enfin non, j'ai pris Hunter en photo même si… Bref, voilà comment on s'est rencontrés.
Dennis se rendait-il compte que tout cela n'avait aucun sens ? Ou était-ce simplement Harry qui, trop perturbé par cette rencontre, ne parvenait pas à comprendre quoi que ce soit ? Peu importe, de toute façon, il n'avait strictement rien à faire de la manière dont ils s'étaient rencontrés. Tout ce qu'il désirait était que cette histoire s'arrête aussi vite qu'elle avait commencé.
- Harry ? demanda doucement la voix de Daphné derrière lui.
Mais qu'est-ce qu'elle venait faire ici ? Ne venait-il pas de lui demander de l'attendre plus bas ? Agacé, Harry se retourna en soupirant, grognant un "quoi ?" qui la fit sursauter.
- Et bien, c'est que… bredouilla-t-elle. C'est que nos amis nous attendent alors, je me disais qu'il fallait peut-être que tu te dépêches ?
- Ah heu, oui, oui, tu as raison, dit-il en tentant de retrouver son calme. Je… je vais y aller. Ravi de vous avoir revu les gars !
Il prit la fuite plus qu'il ne partit, cavalant dans les escaliers de Gringotts pour rejoindre le hall. Il les laissa tous les trois derrière lui, trouvant refuge dans l'immensité marbrée de la banque. Le trajet en petit train jusqu'à son coffre lui offrit le temps de penser à sa réaction.
Pourquoi était-il si mécontent de les voir ensemble ? Bien sûr, Harry avait eu une aventure avec chacun d'eux, et alors ? Était-ce une raison suffisante pour qu'il ne veuille pas qu'ils retrouvent l'amour ? Certainement pas.
Harry était jaloux. Tout simplement.
Jaloux qu'on puisse se remettre si facilement d'une histoire avec lui.
Jaloux que deux hommes puissent s'aimer ensemble quand il n'était pas parvenu à le faire avec eux.
Jaloux qu'ils aient l'air plus heureux et épanoui que jamais alors qu'il était sorti de leur vie.
Tout ça n'avait aucun sens.
Harry vivait une histoire merveilleuse avec Daphné. Il l'aimait. Combien de fois allait-il avoir besoin de se le répéter ? Harry était amoureux de Daphné et tout allait bien.
Il allait ressortir de cette foutue banque, la retrouverait tout sourire en bas de l'escalier et irait boire un verre avec ses amis.
Et tout irait bien.
Mais quand il sortit de Gringotts, ils étaient toujours là. Tous les trois. Et Harry eut envie de faire exploser le lustre en cristal qu'il venait de dépasser.
- Dennis et Hunter n'avaient rien de prévu ce soir alors je leur ai proposé de nous accompagner boire un verre, sourit Daphné, plus heureuse que jamais.
- Mais quelle merveilleuse idée, s'exclama Harry.
Il allait l'étriper. Comment pouvait-elle lui faire ça ? Comment pouvait-elle penser une seule seconde qu'il rêvait de passer une soirée avec ses ex et sa nouvelle copine ? Etait-elle foncièrement stupide ou avait-elle seulement eu un soudain accès de bêtise ?
Non.
Il devait se calmer.
Daphné n'était pas stupide.
Daphné était merveilleuse.
Daphné était parfaite.
Et il l'aimait.
Il allait avoir besoin d'alcool. De beaucoup d'alcool. Et de Parkinson. Surtout de Parkinson.
Quand il commanda un verre de Chardonnay, il fut presque certain qu'elle apparaîtrait pour lui sauver la mise.
Si elle ne venait pas au premier, qu'à cela ne tienne, elle sera là pour le suivant.
Mais au bout de cinq verres et l'œil luisant, Parkinson n'était toujours pas là. Harry parlait beaucoup trop fort, Daphné grimaçait en rougissant, Hermione le regardait d'un drôle d'air et Ron insistait pour l'emmener prendre l'air.
Et puis il y avait Dennis et Hunter. Dennis et Hunter qui fuyaient son regard, qui, verre après verre, semblaient avoir encore plus honte de lui. Dennis et Hunter qui chuchotaient dans leur coin en le regardant de travers. Dennis et Hunter qui réalisaient, à l'instant, qu'Harry était perdu, que le Survivant n'était qu'une vaste farce, rongé par ses démons.
Ron se leva, tenta de l'emmener à l'extérieur mais Harry ne voulait pas sortir. Il la voulait elle.
Alors il commanda un sixième verre, se mit à hurler dans le bar, Daphné commençait à s'excuser à tout va, Hermione secouait la tête en le fusillant du regard, Ron insistait pour le ramener chez lui, Dennis et Hunter ne cachaient plus leur mine consternée.
Et Parkinson n'était toujours pas là.
- Mais reviens, putain ! se mit-il à hurler, sur la terrasse du bar.
Ron était finalement parvenu à le faire sortir.
Titubant, un nouveau verre à la main, Harry n'avait plus de filtres. Il ne se contentait plus de l'implorer mentalement, non, il hurlait à haute voix, faisant sursauter les clients et changer de trottoir les passants.
Harry était ivre et elle lui manquait.
- Mais à qui tu parles, bon sang ? demanda Ron juste après l'avoir empêché de tomber sur une table.
- Elle n'est pas là, se contenta de répondre Harry, un trémolo dans un voix. Elle n'est pas là.
- Qui ? insista Ron. Qui n'est pas là ?
- Reviens ! hurla-t-il de nouveau pour toute réponse.
Ron secoua la tête, soupira longuement, emmena Harry de l'autre côté du trottoir et l'assit sur un banc à l'orée d'un parc.
- J'ai besoin d'un autre verre, déclama Harry en tentant de se lever avec conviction.
Mais la poigne de Ron était trop ferme et Harry n'eut même pas l'occasion de décoller ses fesses du banc qu'il était déjà ramené en arrière.
- Je crois que tu as suffisamment bu comme ça pour le reste de la soirée, Harry.
Mais il ne voulait pas entendre raison et tenta, encore une fois, de se redresser. C'était peine perdue. Alors, il releva son verre pour essayer d'en absorber les dernières gouttes mais il avait déjà épuisé ses ressources.
- Qu'est-ce qui t'arrive, ce soir, hein ? Qu'est-ce qui ne va pas ? demanda Ron en fronçant les sourcils.
- Elle n'est pas là, murmura Harry.
- C'est de Daphné dont tu parles ? Tu veux que j'aille la chercher, c'est ça ? Je peux si tu veux mais à ta place, je préférerais que ma copine ne me voit pas dans cet état là.
- M'en fou d'Daphné, grommela Harry.
Ron secoua la tête, décidément Harry avait beaucoup trop bu.
- M'en fous, moi c'est Park's que j'veux !
Et cette fois-ci, il parvint à se lever. Ron était encore en train de tenter de comprendre de qui il pouvait bien parler, encore sous le choc de l'entendre ainsi parler de la femme qu'il vénérait tant.
Harry était suffisamment conscient pour profiter de cette absence et tituba jusqu'au bar d'à côté. Le Chardonnay ne fonctionnait pas ? Peu importe, il essayerait autre chose.
Le serveur aurait certainement mérité un plus gros pourboire, ce soir-là. Comprendre ce que baragouinait Harry relevait de l'exploit. Et pourtant, les verres s'enchaînaient devant lui, sans discontinuer.
Et puis, Harry tomba de son tabouret.
Il ricana, se traîna jusqu'à la sortie, alluma une cigarette et retourna sur le banc qu'il occupait plus tôt avec Ron.
- Tu sais quoi ? déclama-t-il au ciel, comme l'ivrogne qu'il était. Va t'faire foutre. Rien à foutre que tu viennes pas. Rien à… rien à…
Et il se mit à vomir. Sans même vraiment s'en rendre compte, sans même penser qu'il avait arrêté de l'implorer.
- Tu te couvres de ridicule.
La première réaction d'Harry fut de vouloir l'envoyer se faire voir. Après tout, ne venait-elle pas de frapper un homme à terre ?
L'alcool n'aidant pas, il fallu quelques secondes à son cerveau pour comprendre.
Elle était revenue.
Elle était là, se moquant de lui, le regardant rendre son désespoir de l'avoir vu partir.
- Tu es là, murmura-t-il.
Harry avait les larmes aux yeux. Etait-ce parce qu'elle n'avait pas disparu définitivement, parce qu'elle lui parlait enfin ou parce qu'il venait d'être malade ? Peu importe. Harry avait les larmes aux yeux, et Parkinson était revenue.
- Essuie ta bouche et redresse-toi, espèce d'ivrogne. On rentre.
Elle était froide, directive et assassine. Et Harry souriait.
- Tu es là, répéta-t-il avec un air niais fixé au visage.
- Oui je suis là, Potter. Et si tu ne bouges pas ton joli petit cul de ce banc tout de suite, tu vas regretter de m'avoir fait revenir.
Il se mit à rire et elle se maudit de n'avoir pas de bras pour le baffer. Harry répétait en gloussant qu'il avait un joli petit cul sans pour autant tenter de se lever. Qu'avait-elle bien pu faire à l'univers pour devoir vivre dans cette tête-là ?
- Allez, on rentre.
Et sans vraiment savoir ce qu'il y avait de différent cette fois, cela fonctionna. Harry se leva, tant bien que mal mais parvint tout de même à rester sur ses deux pieds. Il voulu sortir sa baguette pour transplaner mais Parkinson parvint à le convaincre de plutôt la jouer à la moldue.
- T'as vu comme j'suis beau, dit Harry en tournant sur lui-même.
- Tu as l'air d'un pitiponk qui serait passé sous un train, Potter, grinça-t-elle en priant pour qu'il marche droit.
- N'importe quoi. J'suis trop beau, j'ai mis la chemise que t'aimes bien.
- Et bien maintenant tu pourras la jeter, elle est ruinée.
- J'voulais t'faire plaisir. J'voulais qu'tu m'trouves beau, bégaya-t-il en se prenant tous les murs qui avaient le malheur de croiser sa route.
Parkinson avait envie de soupirer, de lever les yeux au ciel et de lui lancer une nouvelle pique assassine dont elle avait le secret. Mais parfois, Potter pouvait s'avérer touchant. Et même elle, avec son cœur de pierre et son caractère condescendant, ne pouvait nier qu'en cet instant, elle avait plus envie de le soutenir que de l'enfoncer.
- Daphné elle aime pas cette chemise, dit-il comme si elle entretenait la conversation avec lui.
- Elle n'a aucun goût. Cette fille ressemble à un sac peu importe ce qu'elle porte.
- Mais moi j'l'aime bien, continua-t-il comme s'il ne remarquait même pas qu'elle venait de lui répondre. J'l'aime bien parce que c'est toi qui l'a choisie.
- Alors comme ça mon avis à de l'importance, maintenant.
- J'voulais qu'tu r'viennes. J'voulais qu'tu sois là, Miss Princesse 1994, ricana-t-il.
- Ne m'appelle pas comme ça, grinça-t-elle.
- Tu m'as manqué.
- Mais oui, bien sûr, grogna-t-elle.
- Tu m'as manqué, insista-t-il.
- Tu n'avais pas l'air d'avoir grand besoin de moi quand ta chère Daphné était dans les parages. Alors bien sûr, quand tu te saoules au point de vomir sur tes chaussures, Princesse Daphné n'est plus là pour te récupérer. T'aurais fait comment si je n'étais pas revenue, hein ?
- J'aurais continué à boire jusqu'à c'que tu r'viennes, Parks.
Elle se mit à sourire dans un souffle et Harry retrouva une certaine vigueur, souriant à son tour, se lançant dans la folie de vouloir sautiller sur place.
- J'aime pas quand t'es pas là.
Ils venaient d'arriver devant la porte d'entrée de l'immeuble et Pansy ne préféra rien répondre. Elle le guida jusqu'au canapé, le fit s'allonger et n'eut même pas le temps de lui dire d'enlever ses chaussures qu'il s'était endormi, ronflant outrageusement.
Parkinson, elle, ne se laissa pas aller au sommeil. Elle préféra écouter le rythme de sa respiration, un petit sourire en coin, se demandant de quoi il se souviendrait le lendemain.
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- Tu es complètement inconscient. Je n'arrive pas à croire que tu ais pu nous faire ça. Et pourquoi ? Pour faire le malin devant tes ex ?
Harry se tenait la tête entre les mains. La douleur qui l'assommait était telle qu'il la croyait devenue palpable.
Daphné était partie racheter des potions anti gueule de bois. Enfin, c'est ce qu'il se répétait depuis son réveil. Tout ce qu'il savait, c'était qu'Hermione lui faisait actuellement la morale, que Drago le regardait, trois mètres en arrière, les bras croisés, les sourcils froncés et qu'il n'avait envie que d'une chose : dormir jusqu'à ce que la douleur disparaisse.
- Qu'est-ce qui t'a pris ? soupira Hermione en posant tout de même une main compatissante sur son épaule.
- Tu l'as dit, maugréa-t-il, j'ai voulu faire le malin devant les gars.
- Ah bon ? C'est pour ça que tu as bu ? ricana Parkinson.
Harry grogna. L'entendre parler relançait sa migraine. La douleur était telle qu'il se demandait s'il n'allait pas se remettre à vomir, pour la troisième fois ce matin, dans le chaudron dégoûtant qui traînait à ses pieds.
- Et tu es parti tout seul, sans rien dire ! Tu te rends compte que Daphné t'a cherché toute la nuit ? Elle était morte d'inquiétude. Nous étions tous morts d'inquiétude, renchérit Hermione.
Harry voulait hocher la tête, lui dire qu'il était désolé, qu'il avait beaucoup trop bu et que ça ne se reproduirait pas mais tout ce qu'il avait en tête actuellement était la nausée lancinante qui menaçait de le reprendre.
- Laisse-le se reposer, Hermione, intervint Drago.
- Se reposer ? Je ne suis pas certaine qu'il ait bien compris les implications de sa beuverie !
- Tu vois bien qu'il n'est pas en état de comprendre quoi que ce soit ce matin, soupira Drago.
Harry les entendait parler de lui comme s'il n'était pas là. Au fond de lui, un petit espoir sournois sommeillait : celui de les voir se disputer, les oubliant un instant, lui et sa bêtise.
Hermione grommela et Drago s'approcha d'elle, déposa une main tendre sur son épaule et un baiser sur sa joue. Elle sembla se requinquer, hocha doucement la tête et décréta qu'elle allait préparer du thé, une grande tasse lui ferait le plus grand bien.
Drago prit alors place sur le canapé à côté d'Harry, tapa un grand coup sur sa cuisse et Harry geignit. Drago ricana, croisa ses bras sur son torse et s'affala dans le sofa.
- Qu'est-ce qu'ils faisaient là, hier ? demanda-t-il au bout d'un moment.
- De qui tu parles ? répondit Harry en fronçant les sourcils.
- Dennis et l'agent de sécurité de Gringotts. C'est toi qui les a invités ?
Harry trouva la force de laisser s'extirper un petit rire sans joie d'entre ses lèvres.
- Tu veux dire l'homme que j'ai quitté du jour au lendemain et celui que j'ai lâchement baisé pour récolter des infos sur un article ? Oui, bien sûr, je leur ai même envoyé un faire-part de peur qu'ils ratent cette soirée, grinça-t-il, cynique.
Drago se mit à rire.
- Ça va un peu mieux on dirait ?
Harry haussa les épaules. Il n'en aurait pas dit autant.
Du coup de l'oeil, il vit Drago sortir une petite fiole de la poche intérieure de sa veste.
- Tiens, bois ça, dit-il en lui tendant.
- Qu'est-ce que c'est ? demanda Harry, méfiant.
- A ton avis ? Une potion tue-loup, tu m'as l'air d'en avoir besoin.
Harry leva les yeux au ciel et secoua légèrement le liquide bleuté.
- Daphné devrait certainement m'en ramener.
- De quoi tu parles ? s'interrogea Drago en fronçant les sourcils.
- Une potion anti-gueule de bois. Elle est partie m'en chercher, non ?
Drago grimaça, marqua une pause et le cœur d'Harry se serra. Un simple regard suffit à lui faire comprendre.
Durement, il hocha la tête, déglutit avec difficulté et prit une grande inspiration avant de porter la fiole à ses lèvres.
- Tu lui en as fait baver ces derniers temps, tu sais ?
Harry hocha de nouveau la tête, sans vraiment être certain de ce qu'il venait d'acquiescer.
- Il y a eu la nuit dernière évidemment, mais ce n'est pas ce qui l'a blessée le plus, continua Drago.
- Ah non ? demanda Harry.
- Daphné n'est pas le genre de fille avec qui l'on s'amuse le temps d'un soir. Je pensais que tu savais dans quoi tu t'embarquais avec elle.
La potion devait commencer à faire effet car Harry se redressa d'un bond, les yeux écarquillés face à Drago.
- Mais ce n'est pas du tout ce que je fais ! s'insurgea-t-il.
- Elle m'a montré tes dessins, Potter, soupira Drago. Très jolie, d'ailleurs. Tu dois bien t'amuser avec elle.
- Cette fille elle… c'est juste une image, un modèle c'est…
- Et elle prend la pose en te suçant pour plus de réalisme, ton modèle ?
Le sourcil de Drago était si arqué qu'il menaçait de se briser. Harry sentit son coeur louper un battement.
- De quoi est-ce que tu parles ? demanda-t-il, le souffle haletant.
- Les dessins que tu planques dans le faux plafond de la salle de bain. Tu sais, ceux où tu es en train de baiser une magnifique brune. Cette brune qui, seule et chaste, tapisse aussi tous les murs de ton appartement. Tu vois mieux où je veux en venir ?
Alors elle les avait trouvés. Lui qui se croyait malin. Lui qui pensait qu'elle ne trouverait jamais rien, que ces dessins ne seraient que pour Parkinson et lui, qu'ils resteraient privés. Harry plongea la tête entre ses mains, rouge de honte et de colère.
- Il va falloir que tu choisisses Potter. Daphné ou cette trainée ?
- La bonne nouvelle, c'est que Drago ne m'a pas reconnue, commenta Parkinson. Jamais il n'oserait me qualifier de trainée, je sais beaucoup trop de choses compromettantes sur lui pour qu'il se lance là-dedans.
Harry grimaça. Ce n'était pas le moment pour qu'elle intervienne et encore moins pour qu'elle commente sa discussion. Il avait envie de courir se cacher à l'autre bout du pays, accablé par la honte.
- Est-ce qu'Hermione est au courant ? fut la seule chose qu'il parvint à articuler.
Drago secoua la tête.
- Non. Mais je ne garderai pas ton secret éternellement, Potter. Pas si tu continues ce double-jeu. Hermione et moi reprenons enfin un semblant de relation, tu ne seras pas celui qui la mettra en péril.
Hermione choisit ce moment pour réapparaître dans le salon, un plateau comprenant un service à thé flottant devant elle. Harry se laissa servir une tasse, regarda le liquide brun sans chercher à la porter à ses lèvres.
Une multitude de questions se bousculaient dans son esprit. Il savait que cette situation ne pouvait plus durer. Au fond de lui, il l'avait toujours su. Mais Harry adorait sa vie telle qu'elle était et aurait rêvé de pouvoir la maintenir ainsi. Pourtant, il allait devoir faire un choix. Son coeur le lui criait déjà depuis un certain temps. Au fond, il le savait depuis le début, et ce choix avait un nom.
