L'annonce eut l'effet d'un coup de poignard dans le dos. Mais ce n'était rien en comparaison avec la déchirure que lui infligea la réaction de Melany.
- Melany, souffla Steve alors que l'adolescente retirait sa main de la sienne.
Puis elle s'enfuit.
- Melany ! répéta Steve.
Mais il était déjà trop tard. Elle était déjà partie. Loin.
Abasourdi, abattu aussi, il ne réagit pas lorsque Coleman lui passa les menottes et lui lisait ses droits. Il ne chercha même pas à se défendre. Il se laissa complètement faire lorsque le lieutenant l'entraîna hors de la maison sous le regard médusé des forces de l'ordre présentes. Sans trop savoir comment, il arriva devant le poste de police de la HPD. Déjà, une armée de journalistes attendait sur le parvis. Les appareils-photos crépitèrent dès qu'il sortit de la voiture et ne s'arrêtèrent que lorsqu'il eut gravi les marches et disparu dans le bâtiment. Il fut conduit dans une salle d'interrogatoire.
Il ne savait dire combien de temps il resta assis là, toujours menotté, seul, lorsque la porte s'ouvrit enfin.
- Danny ! s'exclama-t-il, bondissant sur ses pieds, en voyant son ami entrer dans la salle d'interrogatoire.
- Je suis venu dès que j'ai su. Coleman m'a accordé quelques minutes. C'est la folie dehors. Ça fait déjà les gros titres sur toutes les chaînes, rapporta Danny. J'ai essayé d'avoir Catherine mais il est trois heures du matin à Washington.
- Melany ? Est-ce que tu sais où est Melany ? s'empressa de demander Steve.
- Non. Personne n'a vu où elle est partie. Duke a mis toutes ses patrouilles disponibles sur le coup.
Steve se laissa retomber sur la chaise.
- Ça s'est passé devant elle, déplora Steve.
- Je sais. Duke m'a dit.
- Tu aurais vu son regard, Danny !
Steve frissonna. Il voyait encore l'expression de Melany passer de l'incompréhension à l'effroi, puis de l'effroi à la déception et enfin la colère. Et lorsqu'elle avait lâché sa main et qu'elle était partie… Le cœur de Steve se serra davantage dans sa poitrine. Il prit sa tête sans ses mains pour essayer de contrôler ses émotions. Il se sentait sur le point de céder à la panique.
- Danny, je ne l'ai pas tuée. Je t'assure que je ne l'ai pas tuée.
C'était la première fois qu'il prononçait ces mots depuis que Coleman avait procédé à son arrestation. Danny lui adressa un regard désolé.
- Je ne demande qu'à te croire. Mais toutes les preuves te désignent comme le coupable.
- Si quelqu'un m'avait dit que je procèderais un jour à l'arrestation pour meurtre du prodigieux Commandant Steve McGarrett, je n'y aurais pas cru un seul instant. Mais regardez où nous sommes ! se pavana Coleman en entrant dans la salle d'interrogatoire.
Comme il l'avait annoncé, Danny avait dû repartir très vite. Il avait promis à son ami de tout faire pour l'aider. Steve l'avait alors supplié de prioriser les recherches pour retrouver Melany.
Après le départ de son ami, Steve avait encore été laissé seul, face à ce miroir sans tain, pendant un long moment. Steve reconnaissait bien là une technique d'interrogatoire dont il usait lui-même fréquemment. Laisser le suspect patienter indéfiniment le temps de rassembler toutes les pièces du dossier avant de venir le voir afin de l'intimider et de le pousser à passer aux aveux. Le problème, c'était que Steve n'avait rien à avouer.
- Coleman, vous ne pensez quand même pas que j'ai tué Cindy.
Steve ne devait pas céder à la panique. Il n'avait rien à se reprocher. Ce n'était qu'un malentendu. Un malheureux malentendu. Il était innocent.
- C'est Lieutenant Coleman, Commandant, siffla le policier en s'asseyant.
Steve dut se retenir de lever les yeux aux ciels. Coleman n'allait lui montrer aucune clémence. Steve le savait. Il voyait très bien à son visage qu'il jubilait de la situation.
- Les preuves sont accablantes.
Il ouvrit son dossier.
- Un témoin, Madame Helbing a dit avoir entendu un coup de feu en provenance de la maison de Madame Ortiz. Alors qu'elle raccrochait avec le 9-1-1, elle a regardé par la fenêtre et a vu un homme s'enfuir au volant d'un Silverado bleu. Ce n'était pas la première fois qu'elle voyait cette voiture devant la maison de Madame Ortiz, ni cet homme chez elle. Cette brave dame n'a pas pu voir toute la plaque d'immatriculation mais a eu le réflexe de noter les caractères qu'elle a vu. Et elle en a vu suffisamment pour que je fasse le rapprochement en passant devant votre rutilant Silverado bleu tout à l'heure. Je suis donc retourné voir Madame Helbing, qui vous a formellement identifié comme l'homme s'enfuyant de chez Madame Ortiz.
- Impossible, ce n'était pas moi, rétorqua Steve.
- Les témoins peuvent se tromper, c'est vrai. Mais si c'est le cas pour Madame Helbing, comment expliquez-vous votre présence à deux pâtés de maison de chez Madame Ortiz au volant de votre Silverado moins de cinq minutes après le meurtre ?
Coleman sortit une photo de son dossier et la posa sous le nez de Steve, un doigt pointé sur le code temporel. C'était une capture d'écran d'une vidéo de surveillance du trafic. On y voyait effectivement Steve au volant de sa voiture peu après le meurtre. Steve secoua la tête. Il ne comprenait pas.
- On a également retrouvé l'arme du crime dans la benne de votre pickup, en montrant le pistolet en question et la photo du pistolet posé dans la benne.
Tout cela était insensé.
- Je le répète, je n'ai pas tué Cindy. Je ne comprends pas comment cette arme s'est retrouvée dans ma voiture. Je ne l'ai d'ailleurs jamais vu de ma vie.
- Vous faites erreur. C'est l'arme que vous avez saisie lors de votre intervention à Pearl City ce jeudi.
Steve se rappela de l'intervention effectuée deux jours plus tôt par le 5-0. Des armes avaient effectivement été saisies. Mais Steve ne s'était pas occupé de collecter les pièces à conviction. Cette arme ne lui disait vraiment rien. Son rôle était juste de transporter la boîte contenant les pièces à conviction chez le procureur. Mais il n'avait pas eu le temps ce soir-là et avait oublié le lendemain. Il comptait s'acquitter de cette tâche le lundi suivant à la première heure. Il avait donc ramené la boîte chez lui, dans sa maison, pour ne pas la laisser traîner dans sa voiture tout le week-end. Et la boîte y était toujours. Il la visualisait très bien dans son vestibule alors qu'il quittait précipitamment la maison suite à l'appel de Duke. L'arme devait sûrement provenir de cette boîte du coup. Mais comment était-elle passée de la boîte à sa voiture pour finir arme du crime ? Ça, il l'ignorait.
C'était une impasse. Il changea d'argument.
- Je n'étais même à Kapahulu au moment du meurtre ! s'indigna-t-il.
- Alors où étiez-vous ?
- Chez moi. J'ai passé la soirée à nager.
- J'ai entendu dire que le Lieutenant Rollins était sur le continent en ce moment. Quelqu'un d'autre peut confirmer vos dires ?
- Non, personne, admit Steve en soupirant.
- C'est bien dommage pour vous, railla Coleman. Nous connaissons déjà le comment. Si on essayait de trouver ensemble le pourquoi.
Coleman rassembla ses papiers et referma son dossier.
- Madame Helbing, une fois qu'elle vous a identifié, nous a également précisé que vous veniez souvent voir Madame Ortiz ces dernières semaines. D'après Madame Helbing, vous étiez déjà chez la victime quelques heures plus tôt.
- Je ramenais Melany chez elle après l'avoir accompagnée à sa compétition, expliqua Steve. J'avais le Silverado.
- Quelle était la nature de votre relation avec Madame Ortiz ?
- Cindy et moi étions de vieux amis. Nous nous sommes perdus de vue pendant de longues années. Nous avons repris contact récemment lorsque Cindy est venue trouver mon aide en octobre parce que Melany avait disparu.
- Oui, j'ai entendu parlé de cette affaire, réagit Coleman comme s'il s'agissait d'un fait d'une banalité affligeante. Mais cela ne répond pas à la question de la nature de votre relation.
Steve ne répondit pas. Il réfléchissait. Il ne pouvait pas mentir. Mais il ne pouvait pas dire la vérité non plus. Coleman avait la fâcheuse habitude de courir raconter à la presse tous les détails, même sensibles, des enquêtes dont il s'occupait. Steve ne voulait pas prendre le risque qu'elle l'apprenne par accident. C'était une manière trop cruelle, surtout après avoir été témoin de son arrestation. Ça ne ferait qu'accroître son sentiment de trahison.
- C'était votre maîtresse, avança Coleman pendant que Steve réfléchissait à la meilleure façon de présenter les choses sans se rendre coupable de parjure.
- Non !
- Vous niez avoir eu des relations sexuelles avec Madame Ortiz.
Steve serra les dents.
- Ce n'est pas ce que j'ai dit.
- Donc vous avez déjà eu des relations sexuelles avec Madame Ortiz ?
- Oui, il y a près de quinze ans ! s'agaça Steve.
- Et qu'elle était alors la nature de votre relation avec Madame Ortiz ?
- Cindy était ma petite amie.
- Très bien. Donc si, aujourd'hui, ce n'était pas avec Madame Ortiz, ou plus, peut-être était-ce avec sa fille.
Steve fronça les sourcils.
- Pardon ?
- Entretenez-vous des relations sexuelles avec Mademoiselle Ortiz ?
Steve ouvrit grand les yeux. Et quand il comprit réellement la signification des accusations portées par Coleman, il bondit sur ses pieds.
- COMMENT OSEZ-VOUS INSINUER QUE J'AI PU AVOIR DES GESTES DÉPLACÉS ENVERS MELANY ? s'emporta-t-il.
Sa vision se brouilla et son rythme cardiaque accéléra sous l'effet de la colère.
- Vous sembliez extrêmement…
Coleman réfléchit une seconde pour trouver le meilleur adjectif.
- Obnubilé ! Par Melany. Tout à l'heure, juste avant votre arrestation.
- PARCE QUE MELANY EST MA FILLE !
Steve regretta instantanément ses mots. Il les regretta davantage quand Coleman, après avoir effacé la stupeur de son visage, se leva et se dirigea vers la sortie, sourire satisfait aux lèvres.
- Non ! Coleman ! S'il vous plaît. Ne le racontez pas à la presse. Je vous en supplie. Elle ne doit pas l'apprendre. Pas comme ça. S'il vous plaît Coleman !
Mais les supplications de Steve se perdirent dans le silence glaçant de la salle d'interrogatoire lorsque Coleman en sortit sans même adresser un regard à Steve.
Steve se laissa alors retomber sur sa chaise, accablé.
- Cheval et cavalière se relèvent. Cette chute entraîne malheureusement l'élimination de Melany Ortiz et Vivaldi, annonça le speaker à travers les hauts-parleurs.
Xavier McFalls secoua la tête. Ce résultat lui pendait au nez. Il soupira. Qu'avait Melany ce jour-là ? Elle était arrivée en retard, manquant la dernière reconnaissance qu'il avait exigée, les yeux rougis, complètement épuisée, trempée jusqu'aux os, comme si elle avait passé sa nuit, nuit durant laquelle il n'avait pas arrêté de pleuvoir, à courir. Pendant la détente, elle avait fait n'importe quoi. Elle poussait quand il fallait reprendre et tirait quand il fallait aller chercher sa distance. Sans compter le nombre de concurrents, mécontents, qu'elle avait manqué de percuter. Le Coach l'avait quand même laissé partir sur le tour malgré son état. Grossière erreur. Dès le premier obstacle du parcours, le Coach avait ressenti un niveau de peur qu'il n'avait pas ressenti depuis qu'il était rentré du front. Et ce qui devait arriver arriva. Rapidement au moins. Au sixième obstacle, la première combinaison du parcours, Melany avait commis une grosse faute, Vivaldi s'était prit les pieds dans l'obstacle et tous deux avaient panaché de l'autre côté.
Désormais ils revenaient vers le départ, marchant l'un à côté de l'autre. Ils étaient couverts de boue. Melany boitait, légèrement. Elle pleurait à en croire les petits spasmes qui secouaient son corps. Vivaldi, pour sa part, ne marchait pas vraiment. Encore ému par sa chute et avant ça son début de parcours compliqué, il trottinait pratiquement sur place, écumant, si bien que Melany éprouvait quelques difficultés à le maintenir aux ordres. L'étalon était tellement sous pression qu'il bondit lorsque que le concurrent suivant s'élança hors de la boîte de départ avec le tapage que pouvait faire un cheval lancé au galop à plus de quatre cents mètres minute sur un sol gorgé d'eau. Vivaldi manqua d'écraser sa cavalière, l'encolure arquée, la tête haute et les naseaux dilatés, ronflant. Melany réagit immédiatement en tirant sur les rênes pour ramener la tête à soi et ainsi éloigner cette arrière-main aussi imprévisible que dangereuse et d'un coup de cravache sec claqué sur le poitrail ramena Vivaldi à sa hauteur. L'animal s'accula et se campa mais ne revint pas vraiment à sa place. Quand Melany voulut repartir, il résista et resta immobile. Agacée, Melany tira sur les rênes. Vivaldi fit alors l'inverse de ce que souhaitait sa cavalière : il recula. Melany tira plus fort. L'étalon se dressa sur postérieurs. Melany, qui n'était plus en capacité de raisonner, donna de violents à coûts sur les rênes.
McFalls intervint.
- Oh ! Vivaldi n'y est pour rien !
L'adolescente se tourna vivement vers son coach, les yeux injectés de sang. Elle soutint le regard réprobateur de McFalls, ce qui eut pour effet de la faire arrêter de s'en prendre à son cheval. Finalement, elle baissa la tête face à la ferme expression du Coach et relâcha la pression qu'elle maintenait encore sur les rênes. Vivaldi renâcla, étirant son encolure, basculant sa tête sur le côté et mâchant son mors sans vraiment refermer complètement la bouche à chaque fois. Puis il s'ébroua.
- Nous en reparlerons plus tard, avertit McFalls avec une certaine amertume.
Le Coach ne cachait pas sa déception vis-à-vis du comportement de son élève.
- Rentre-le, ordonna-t-il. Et occupe-toi bien de ton cheval. Tu as beaucoup de choses à te faire pardonner, il me semble.
Melany et Vivaldi reprirent donc le chemin des écuries.
McFalls marchait en direction de son bureau, passant par les écuries. Il ne voulait que cinq minutes de pause dans ce week-end de concours. À chaque compétition organisée au HHC, il se demandait pourquoi il avait décidé de se lancer dans une entreprise pareille. Ce n'était pas la gestion de la compétition le plus dur en soit. C'était la gestion des petits tracas de tout le monde ! Juges, bénévoles, entraîneurs, concurrents, parents de concurrents… Il commençait à saturer et avait décidé de s'octroyer quelques instants de répit.
Il interrompit sa course lorsqu'il entendit le claquement de cuir significatif d'étrivières contre les quartiers d'une selle provoqué par un cheval qui s'ébroue avec le-dit harnachement sur le dos. Pourtant, aucun cheval n'était sellé dans l'allée. D'ailleurs, aucun cheval n'était sorti dans l'allée ! Il avait dû rêver. Avec toutes les stimulations qu'il subissait depuis deux jours, son cerveau devait lui jouer des tours.
Le Coach allait reprendre son chemin quand, cette fois, ce fut le crissement d'un mors mâché qui se fit entendre. Il tourna alors la tête vers le boxe le plus proche, celui de Vivaldi. Il s'approcha. L'étalon se trouvait au fond du boxe, la tête basse, et effectivement complètement harnaché. Il releva la tête vers McFalls lorsque celui-ci apparut à la porte dont le loquet n'était pas fermé. Il chassa une mouche sur son flanc avant de reprendre sa position initiale dans un long soupir.
McFalls se sentit la colère monter. Il n'avait pas besoin que ses cavaliers lui rajoutent davantage de problèmes ! Cela faisait plus d'une heure qu'il avait dit à Melany de s'occuper de son cheval ! Alors pourquoi Vivaldi était encore sellé entièrement de la tête aux pieds ? La déception était autorisée. Mais elle ne pouvait en aucun cas interférer avec les soins portés aux chevaux. Quand il la trouverait, l'adolescente allait passer un sale quart d'heure ! D'autant plus que ce comportement ne lui ressemblait pas.
Un reniflement se fit entendre. De l'intérieur du boxe. McFalls passa la tête par-dessus la porte et regarda sur la gauche. Melany était là, assise dans le coin, sous la mangeoire. Elle aussi portait encore son équipement de cross. Son protège-dos, ses bottes, même ses gants. Elle avait seulement retiré son casque qui gisait dans la paille à ses pieds, à côté de sa cravache. Elle l'avait probablement retiré parce qu'il la gênait pour poser sa tête sur ses genoux repliés contre sa poitrine, entourés de ses bras. Son corps était traversé par de violents sanglots. Le Coach fronça les sourcils. Le stade de la déception était largement dépassé là. Sa chute ne justifiait absolument pas un tel état. Surtout que Melany n'était pas du genre à se laisser anéantir par un échec. Ces larmes émanaient de quelque chose de bien plus grave. Peut-être s'était-elle fait mal !
McFalls tira la porte et se rua à l'intérieur du boxe. Vivaldi releva la tête, alerté par cette agitation soudaine avant de se désintéresser à nouveau de ce qui se passait. Le Coach s'agenouilla à côté de son élève sanglotante.
- Eh Melany, appela-t-il doucement.
L'adolescente ne réagit pas.
- Dis-moi ce qui se passe.
- Je lui faisais confiance, déclara-t-elle, la tête toujours enfouie dans ses bras.
- Qui ? Vivaldi ? s'étonna McFalls en pointant du doigt l'étalon.
- Je lui faisais confiance. Et il l'a tuée !
Non, elle ne parlait certainement pas de son cheval.
Melany renifla, redressant la tête brièvement avant de la laisser retomber sur ses genoux.
- Je… Je ne comprends pas. Qui a tué qui ?
- Mon père.
Son père ?
- Il a tué ma mère !
La stupeur frappa McFalls. Grave ? Oui. Mais il ne s'attendait pas à ce point.
Dans un premier temps, le Coach ne sut comment réagir à cette déclaration. Ce fut Vivaldi, en se frottant la tête contre son antérieur, qui lui fit reprendre constance. Il réfléchirait à l'identité de ce père plus tard. La priorité, c'était Melany.
- Bouge pas, lança-t-il en se relevant.
Comme si l'adolescente allait bouger dans l'état dans lequel elle se trouvait.
Le Coach ne s'attarda pas plus longtemps sur cette pensée et sortit du boxe. Dehors, il s'immobilisa pour observer. Dimitri passait le balai dans la salle de soin. McFalls secoua la tête. Ça l'aurait peut-être fait, mais il ne voulait pas prendre de risque. Une jeune femme, portant le pantalon gris et le polo bordeaux du HHC, émergea de la grainterie.
- Georgie ! Viens t'occuper de Vivaldi, ordonna le Coach. S'il te plaît.
Puis il retourna auprès de Melany.
- Allez, viens.
Il posa ses mains sur les épaules de Melany pour l'inviter à se lever. L'adolescente obéit sans rechigner. Elle eut tout de même besoin de son coach pour se dresser sur ses pieds et maintenir son équilibre. Une fois qu'elle fut stable, il ramassa son casque et sa cravache puis la guida vers la sortie.
En sortant du boxe, ils croisèrent Georgie qui approchait pour remplir sa mission. L'employée adressa un regard interrogateur à son patron en voyant l'état de Melany à ses côtés.
- Desselle Vivaldi. Passe lui un coup de douche. Vérifie qu'il ne se soit pas fait mal en tombant. S'il a rien, mets-le au paddock, se contenta de dire McFalls.
- Bien Coach.
Georgie entra dans le boxe et le Coach emmena Melany dans son bureau.
- Tu penses qu'elle est quand même venue à sa compétition ? demanda Kono en sortant de la voiture, sceptique.
- Son monde vient de basculer, répondit Danny. Elle a peut-être cherché de se raccrocher à quelque chose de constant.
- Steve a dit que son épreuve se courait ce matin, rappela Kono. Elle est peut-être déjà repartie.
- Ça vaut le coup d'essayer.
Kono acquiesça. Elle reconnaissait le bien fondé de la démarche.
Ils naviguèrent entre les différents camions et les différentes remorques attelées à de gros 4X4 avant d'atteindre les écuries. Ne sachant où aller, ils s'immobilisèrent quelques secondes pour analyser les environs. Un homme s'approcha d'eux, au pas de course, boitillant.
- Vous êtes de la police ? demanda-t-il en arrivant à leur hauteur.
Il arborait un sourire poli.
- Oui, du 5-0, précisa Danny. Je suis le Lieutenant Williams et voici le Lieutenant K…
- Kalakaua, compléta l'homme. Oui, je me souviens. Vous êtes venue en octobre, avec le Lieutenant Rollins, au sujet de l'enlèvement de Melany.
Il se tourna alors vers Danny.
- Je suis le Coach McFalls, se présenta-t-il en tendant sa main au lieutenant.
Danny accepta la poignée de main.
- Vous êtes à la recherche de Melany ? demanda McFalls, arborant un sourire poli.
Son sourire avait disparu. Danny acquiesça. Le Coach fit signe aux deux policiers de le suivre.
- Venez.
Il mena Danny et Kono à son bureau. Sur le chemin, l'entraîneur résuma aux deux policiers la matinée désastreuse de son élève. Après avoir conduit Melany dans son bureau, McFalls s'était renseigné. Il savait désormais ce qui s'était passé, comment ça s'était passé et surtout qu'elle était l'identité de ce père. À cet instant encore, tout cela semblait invraisemblable.
Lorsqu'ils arrivèrent devant la porte du bureau, le Coach s'arrêta et se tourna vers Danny et Kono.
- Ah ! Et elle sait, informa McFalls.
Danny et Kono ne purent réprimer leur sourire accablé. Ce que Steve craignait était finalement arrivé. Elle avait fini par l'apprendre. En même temps c'était à la une de tous les journaux, diffusait en boucle sur toutes les chaînes de télévision et à la radio.
Pauvre enfant. Elle passait là une bien terrible journée d'anniversaire…
McFalls ouvrit finalement la porte. Melany se trouvait à l'intérieur, assise sur le fauteuil du Coach. Son matériel avait été abandonné sur le canapé. Une barquette de frites était posée devant elle. Elle avait à peine touché à son contenu qui était désormais froid. L'adolescente n'avait pas relevé la tête lorsque la porte s'était ouverte.
- Merci pour tout ce que vous avez fait, gratifia Danny, à voix basse. Nous allons prendre le relais.
McFalls hocha de la tête et se retira. Danny s'avança dans le bureau. Kono resta en retrait. Melany ne réagit pas.
- Melany ? tenta Danny avec une voix calme et prudente.
Elle ne répondit pas.
- Melany, est-ce que je peux venir m'asseoir à côté de toi ? demanda alors Danny sur le même ton.
Encore une fois, il n'obtint aucune réaction. Il tira tout de même une chaise pour la poser à côté du fauteuil de Melany et s'assit dessus. L'adolescente n'esquissa même pas un regard vers lui.
- Tu as quelqu'un que tu voudrais qu'on appelle ?
L'adolescente secoua la tête. Danny leva les yeux vers Kono. C'était déjà un début.
Danny devrait user de patience. Il le savait. Il ne savait en revanche pas quoi faire, quoi dire à cette adolescente qu'il n'avait que très peu côtoyée et qu'il ne connaissait qu'à travers les descriptions d'un papa fier et amoureux.
- Est-ce que tu as besoin de quelque chose ? Envie de quelque chose ?
Melany tourna finalement la tête vers Danny. Elle le regarda comme si elle découvrait sa présence. Elle semblait confrontée à une intense réflexion. Danny sourit, tristement. Elle faisait peine à voir avec ses yeux gonflés et rougis, ses larmes séchées sur ses joues, ses cheveux en bataille et ses vêtements tout tachées.
- Je veux le voir, déclara-t-elle.
Son regard exprimait désormais la détermination.
- Le Commandant. Mon père. Je veux le voir.
