Chapitre 1 : L'invitation
Suite 88, Le Mark, Hôtel, 25 E 77th St, New York
(Pourquoi Jarod a-t-il choisi le numéro 88 ? Voici sa réponse : deux 8 entrelacés représentant le symbole du double infini qui est constitué de deux signes d'infini entrelacés symbolisant deux engagements éternels qui se rejoignent.)
Le Mark Hôtel se situait dans l'Upper East Side, à l'angle de la 77e rue et de Madison Avenue. Il occupait un bâtiment emblématique de 1927, à moins d'un bloc de Central Park entre la Cinquième Avenue et les luxueuses boutiques de Madison Avenue. C'était un hôtel de luxe, un mélange entre confort à l'ancienne, et design avant-gardiste. Il était considéré comme l'hôtel le plus somptueux et le plus glamour de New York.
Dans la suite de l'hôtel plutôt fastueuse, se trouvait un Jarod tout en émoi. Debout, contemplant son reflet par la fenêtre. Perdu dans ses pensées, le regard vide, les larmes aux yeux, une douleur indéfinissable s'était emparée de lui. Submergé par la peine, il éprouvait un sentiment de rejet. Depuis son retour de Carthis, tout en lui était chamboulé, ses sentiments, ses émotions, ses pensées, sa concentration, et avait l'impression de ne plus rien contrôler, il était pris dans un tourbillon de souvenirs qui revenait par flashbacks.
Flashback :
MP : « J'aimerais que tu oublies ce qui est arrivé. Ce bref instant de faiblesse, c'est seulement quand on a quelque chose vers quoi se tourner, qu'on prend le tournant. »
…
J : « Et qu'en est-il de nous ?
MP : - La souris et le chat. Il y a longtemps, que ce choix a été fait pour nous. »
Dans sa tête, les mots de Mlle Parker résonnaient encore et encore. Il ne pouvait ni chasser leur dernière conversation ni la chasser elle de son esprit, de même que les sentiments qu'elle avait suscités en lui lors de leur court séjour sur l'île. Bien que tous deux avaient pris conscience de leur amour sincère et de leur profond attachement mutuel, Mlle Parker, elle ne les acceptait pas pour autant. Mais alors pourquoi rejetait-elle ses sentiments ? Par peur ? Par crainte ? Par choix ? Par désespoir ? Par amour peut-être ?
« Serait-il possible que Mlle Parker soit atteinte de philophobie ? » se demanda Jarod.
Et pourtant cela expliquerait son refus de s'engager dans une toute nouvelle relation amoureuse. Et pour ne plus ressentir de douleur, elle était prête à ne plus rien ressentir du tout.
Son téléphone portable à la main, Jarod composa de mémoire le numéro de Mlle Parker.
« Quoi ? a-t-elle répondu d'un ton familier.
- C'est moi. Cela fait un moment que l'on ne s'est pas parlé.
- Ça ne t'a pas empêché de rentrer chez moi par effraction et de laisser la lumière allumée.
- Et maintenant Mlle Parker, tu y vois plus clair ?
- C'est très drôle Jarod. Qu'as tu fait ces dernières semaines, l'école du rire ?
- Non. J'ai mis mon temps à la réflexion.
- Que veux-tu, Jarod ?
- Tu as trouvé mon petit cadeau ?
- Je viens à peine de rentrer chez moi, je n'ai pas eu l'occasion de m'y intéresser. Et si tu m'épargnais cette corvée en me disant toute suite ce que c'est !
- Non, je préfère te laisser le soin de le découvrir par toi-même, mais je vais être bon joueur, je te donne un indice, c'est en lien avec notre relation.
- Jarod, lors de notre dernière conversation, je pensais avoir été très clair avec toi. Notre relation se résume à une seule chose, celle du chat et de la souris !
- Eh bien, il est vrai que tu as émis quelques réserves à ce sujet, mais rien de bien formel. J'espère que tu ne m'en veux pas trop.
- Jarod, pourquoi tu insistes autant ? Tu es libre. Profite de ta liberté. Elle ne va pas durer longtemps !
- Ça fait 5 ans que tu me traques et comme tu peux le voir, je suis toujours aussi libre contrairement à toi… La vie est trop courte pour éprouver des regrets, Mlle Parker. Tu sais… Croire que l'on puisse tout contrôler est la plus grande des illusions. Parker, lis la lettre. Ouvre la boîte. Et tu comprendras. Mais laisse-moi te dire qu'un jour toi et moi, on se retrouvera.
- Mais plus vite que tu ne le crois, Jarod, ta chambre au Centre n'attend plus que toi !
- Non, ce n'est pas de ce genre de relation auquel je faisais allusion.
- Et comment peux-tu le savoir ?
- L'intuition ! »
Sur ce, comme à l'accoutumée, Jarod mit fin à la conversation laissant une Mlle Parker à sa réflexion. Peu importe le nombre de mois qui s'était écoulé depuis cette mésaventure, le caractère de la jeune Miss n'avait pas beaucoup changé. Elle était aussi impitoyable que belle. Et même si aujourd'hui, il souffrait en silence de l'aimer d'un amour véritable, elle restait toujours le soleil qui illuminait ses jours, et il l'adorait.
Mais qu'allait-elle penser de son cadeau ? Personne ne le savait encore. La jeune femme était d'une imprévisibilité excessive ce qui rendait ses actions à la fois contrariantes et éprouvantes, et cela avait pour effet de le déstabiliser, de la même manière qui la déstabilisait, elle, à chaque fois, qu'il lui laissait un indice.
Face à elle, Jarod ne savait plus comment agir ni réagir.
Maison de Mlle Parker, 431 Mountain Spring Drive, Blue cove, Delaware
Après son échange téléphonique avec Jarod, Mlle Parker était bouleversée. Plongée dans ses pensées, elle se remémorait sa conversation avec Jarod, lorsqu'il lui proposé, dans la limousine, de prendre le tournant de sa vie, et qu'elle s'était refusée de prendre sûrement par peur ou par crainte de représailles. Pourtant, elle en mourait d'envie, de partir, de quitter le Centre, et de refaire sa vie avec lui, loin de tout ce qui faisait leur fatalité. Mais elle ne pouvait s'y résoudre, elle devait penser à lui avant même de penser à ses sentiments à elle. La jeune femme était maudite, c'était un fait, et elle ne pouvait lui imposer plus de souffrance qu'il n'en avait déjà eu.
Avant cet appel, cela faisait environ trois mois que Mlle Parker n'avait plus eu aucune nouvelle du caméléon et elle bouillonnait intérieurement, trépignant d'impatience de le revoir ou encore d'entendre sa voix. Mais ce soir, c'était la première fois que Jarod, depuis leur retour de Carthis se manifestait. Il paraissait aller bien, mais qu'en était il réellement ? Mais alors était-elle inquiète pour lui ? Oui. Lui manquait-il ? Oui. Et était-elle prête à lui avouer ses sentiments ? Non, jamais. « Plutôt mourir ! » La jeune Miss était rassurée et l'idée qu'il pensait encore et toujours à elle la réconforter.
Cette pensée la faisait sourire.
Ses yeux se posèrent sur la table basse du salon, un petit colis y avait été déposé à son intention. Une boîte blanche sur laquelle reposait une rose et une enveloppe, le tout entrelacé d'un joli ruban rouge. Tout avait été soigneusement bien préparé jusque dans les moindres détails, même la couleur du ruban avait été choisie avec soin et le paquet parfaitement noué avait été bien mis en évidence. Elle se versa un verre de whisky rempli de glaçons et remua de sa main son contenu. S'asseyant sur le canapé, elle avala quelques gorgées avant de le reposer sur la table.
Tenant le cadeau d'une de ses mains, et de l'autre, elle saisit de ses doigts délicats la rose rouge, la portant jusqu'à son visage afin d'en respirer son doux parfum. À cet instant, elle dégageait une telle sensualité, sa beauté n'avait d'égal que son intelligence. Se sentant envahie par la subtilité naturelle de la rose, elle devint alors songeuse…
Elle ouvrit l'enveloppe qui contenait une lettre manuscrite, elle lit à haute voix, mais d'une voix si angélique qu'elle aurait pu en envoûter plus d'un :
« Chère Mademoiselle Parker,
Aujourd'hui, ce sera probablement la dernière fois que tu me liras. Depuis notre retour de Carthis, je sais que nous sommes tous deux en proie à des doutes. Mais je veux que tu saches la vérité sur mes sentiments pour toi, je veux parler de la capacité à dire ce que l'on ressent vraiment pour une personne. Je lutte maintenant depuis des semaines, presque des mois, contre ce que j'éprouve pour toi, et il m'est impossible d'oublier ce qu'il nous est arrivé sur cette île, je sais que toi non plus, tu ne peux l'oublier.
J'ai appris de mes erreurs et je suis convaincu que je peux redevenir la personne que tu as connue autrefois. Toutes les tensions accumulées entre nous ces dernières années m'ont bouleversé et je sais que ça n'a pas amélioré notre relation, j'en ai donc profité pour faire le point sur ma façon de voir les choses.
Je sais que depuis mon évasion du Centre, je me suis montré égoïste envers toi, je t'ai lâchement abandonné, te laissant prise au piège dans cet enfer et je le regrette profondément. Je ne veux pas perdre la seule amie que j'ai jamais eue, la seule véritable amie qu'on ne m'ai jamais autorisé à avoir.
Ces longs jours de séparation m'ont fait comprendre que tu étais la chose la plus importante à mes yeux et je t'adore pour tout ce qu'il fait de toi la personne merveilleuse que tu es. Je te considère comme mon égal, mon reflet, mon âme-sœur et je suis intimement persuadé que nous nous ressemblons tellement qu'il n'y a plus de place pour le hasard, et je tenterai par n'importe quel moyen de te garder auprès de moi.
Si cette lettre touche ton cœur alors tu accepteras mon invitation, si tu la refuses, je comprendrais, mais je ne l'accepterai jamais. Nous n'avons peut-être pas toutes les réponses, mais tu es la seule à détenir la clé de ton bonheur. Laisse-toi guider par ton cœur et par la réalité de tes sentiments pour moi.
Jarod. »
Après avoir lu la lettre, elle la porta à son cœur, émue jusqu'aux larmes, les paroles du caméléon avaient ravivé quelque chose en elles, une sensation brève mais si intense qu'elle en avait l'estomac serré. Un frisson lui parcourra le long de sa colonne vertébrale. Jarod avait l'art et la manière de savoir exprimer ses sentiments et cette lettre avait un goût de désespoir d'un homme désespérément amoureux.
Comment pouvait-elle rester insensible aux sentiments de son ami d'enfance ? Ce petit garçon d'une douzaine d'années à qui elle avait donné son premier baiser. Non, elle n'était pas insensible !
Contemplant de son regard envieux le fameux cadeau qu'il lui avait laissé, elle le frôla de sa main d'un geste gracieux, dénoua le ruban et ouvrit la boîte. Les yeux écarquillés, la bouche bée, elle resta sans voix lorsqu'elle en découvrit le contenu... Une invitation !
« Comme c'est original ! » remarqua Mlle Parker en dissimulant son irrépressible envie de rire.
L'invitation était sous cadre argenté, parsemée de perles, de même que le texte avait été écrit d'une couleur beige sur fond de papier argenté. Voici ce qu'on pouvait y lire :
« Invitation à un dîner romantique
Chère Mlle Parker,
Je te convie pour un dîner en tête-à-tête.
Un dîner romantique,
rien que toi et moi.
Nous pourrions en profiter pour nous remémorer nos souvenirs du passé.
Et retrouver un peu de ce que nous avons perdu.
Si tu es prête à accepter mon invitation, je t'attendrai à cette adresse :
The Mark Hôtel - 25 E 77th St, NY
Demain soir à 19H.
Ne sois pas en retard !
Jarod »
C'était la première fois qu'il lui offrait un tel cadeau. Jarod lui avait tendu la main, comme à son habitude. Mais que devait-elle faire ?
Devait-elle accepter son invitation ?
