Disclamer :

Les personnages et l'univers si particulier d'Harry Potter appartiennent à J.K Rowling.

Comme je le disais en résumé, cette fic est une traduction et donc, ne m'appartient pas. Vous pouvez trouver la version originale sur ce site, publiée sous le nom d'auteur Fambrena (titre original : Darkness -Obscurité-).

Je me suis attachée le plus possible à respecter le style, la tournure des phrases et les mots choisis, mais divergence de langage oblige, j'ai juste « francisé » certaines expressions pour rendre le texte plus conforme à nos habitudes de lecture. Et, sincèrement, je n'ai pas eu grand-chose à faire !

Ah, et puis dernière chose, les chapitres sont assez longs, alors je compte sur vous pour ne pas trop tarder à me dire ce que vous pensez parce qu'il n'y en a que 3.

Introduction

Note de l'auteur :

Si vous avez fait des recherches, vous avez remarqué qu'il y a beaucoup de fics tristes et assez angoissantes sur Remus Lupin. J'ai lu la plupart d'entre elles et, finalement, j'ai aimé ce que j'ai lu (j'ai un faible pour la tragédie et le pathétique). Donc, j'ai décidé d'en écrire une moi-même… ou essayer, du moins. Classée PG, probablement, ou peut-être pas, je ne suis pas très familiarisée avec le système de classement. A vous de juger : il n'y a aucun terme injurieux dans le texte, il est juste déprimant (c'est juste un mot !) et d'une certaine violence, mais pas trop. Quoi qu'il en soit, le point essentiel de cette introduction ennuyeuse est : quand vous lirez ce texte, ne vous dites pas que je suis une folle psychotique et suicidaire. Je ne le suis pas. J'ai juste eu envie d'écrire une histoire un peu triste.

Note de la traductrice :

Je préciserai quand même pour les âmes émotives qu'une scène est particulièrement sanglante. Fambrena avait 14 ans lorsqu'elle l'a écrite (elle en a 18 aujourd'hui). Je suppose donc qu'au-delà de cet âge, les descriptions sont censées pouvoir être lues sans heurter la sensibilité mais je devais prévenir !

Chapitre 1 - Culpabilité

C'était encore la pleine lune cette nuit. Je suppose que ça ne veut rien dire pour vous. Bon. Je devine que ça ne doit pas. Je me sens juste obligé de préciser que, pour moi, ça a son importance et je fais probablement une autre erreur en vous l'avouant, comme tant d'autres que j'ai déjà faites. Mais elle n'a plus d'importance, rien n'a d'importance. Aussi, je ne m'inquiète pas vraiment que vous le sachiez parce que le temps que quelqu'un s'en préoccupe, je serai mort. Et je serai heureux.

Quand j'étais plus jeune j'ai envisagé d'avoir recours au suicide. Même tenté plusieurs fois bien que je doive admettre n'avoir jamais réussi. C'était stupide alors, je suppose ; le suicide se produit généralement quand vous êtes jeune, désespéré et que vous ne savez pas où aller. Vous avez la vie entière devant vous quand vous êtes jeune, et il est l'irréfléchi, la seule chose insensée que vous pensez pouvoir faire parce que vous traversez une mauvaise passe. Je ne le recommande pas. Bien, maintenant je suis vieux -plus vieux- et déprimé. Pourtant, je me sens comme lui, quoi qu'il en soit. Assez vieux pour avoir acquis la connaissance, mais assez jeune pour ne pas m'inquiéter de tout. Dans tout les cas : stupide.

J'ai repensé à ça pendant que je rangeais des affaires sur l'étagère du petit appartement dans lequel je vis actuellement, arrangeant les photos défraîchies d'une manière que j'espérais être agréable à celui qui les trouverait. J'ai rassemblé quelques babioles dans un sac déchiré en lambeaux, accroché à un reste de courroie en cuir. J'ai pris particulièrement soin de ma gourde en peau de cerf ; si je la perdais… Je préfère ne pas penser à ce qui se produirait si je la perdais.

Cette gourde était un autre testament de mon idiotie incroyable, et peut-être même, de ma naïveté. Ma croyance périmée que les choses pouvaient réellement changer, réellement aller mieux. Pour ça, il aurait fallu que j'ai une vie, une maison. Une famille, en particulier. Mais la vie n'est pas un conte de fées. Les choses justes ne se produisent pas de cette façon. Le prince ne porte pas son château sur un étalon élégant tandis qu'une bande musicale joue en fond sonore. C'est le propre des mythes et des légendes : plaisant à entendre, mais futile de l'espérer. La vraie vie est différente : la princesse est contrainte à un mariage arrangé et ne revoit jamais le prince ; le prince meurt dans un affrontement avec un dragon et la princesse pleure sur son corps ; le prince et la princesse divorcent au bout de trois ans de mariage ; le prince vagabonde avec son cheval tout en trimbalant sa maison vénérée.

Le prince se transforme en loup-garou et tue la princesse…

C'est ainsi qu'est la vraie vie. Les fins heureuses dans le monde réel sont rares ; la magie ne s'avère justement pas faite pour réhabiliter la droiture des choses. Les bonnes fées n'apparaissent pas, n'agitent pas leurs baguettes magiques, et ne vous offrent pas une paire de pantoufles de vair qui vous accompagneront jusqu'à minuit. Les bonnes fées elles-mêmes n'existent plus. Leur ordre a cessé ses activités il y a longtemps. Ce n'est plus comme ça.

J'ai dévissé le bouchon de la gourde. A l'intérieur, le liquide était froid et m'a glacé rien qu'à l'idée de le boire. Mais je l'ai fait. J'étais obligé. La potion gluante a glissé au fond de ma gorge et j'ai frissonné, resserré plus étroitement mon manteau élimé sur ma poitrine et tremblé de dégoût absolu. Heureusement, je n'aurai plus à avaler ce poison. Et j'aurais donné cher à cet instant pour que ce soit réellement du poison. Il accomplirait si facilement ce que je m'apprêtais à faire.

Son nom était Mari. Quel rapport me direz-vous, n'est-ce pas ? Vous vous demandez probablement ce que cela à a voir avec ce que je suis sur le point de vous raconter. Le fait est, ça a bien quelque chose à voir. Pas tout probablement -j'ai fait trop d'erreurs dans ma vie pour envisager ma fin juste à cause de l'une d'elles- mais cela a joué pour beaucoup. Mais revenons-en au sujet : son nom était Mari, et elle était la fille la plus merveilleuse du monde.

Je ne l'ai pas rencontrée à l'école. En fait, si je me rappelle bien, je n'ai jamais rencontré de fille à l'école qui ait éveillé mon intérêt. Bien, bien, j'admets : ce n'est pas tout à fait vrai. Je n'ai jamais rencontré aucune fille à l'école avec qui j'ai pensé avoir la moindre chance. Aussi, je n'ai pas vraiment essayé. Et c'était à mon sens la meilleure des choses à faire. Un jour, je devrais m'étendre plus longuement sur cette philosophie.

Mais je ne le ferais pas, naturellement. J'étais jeune et idiot, et ainsi j'ai pensé que hé, c'est arrivé à d'autres types, alors pourquoi pas moi ? Cette pensée particulière m'a traversé bien après que j'ai assisté au mariage de mes deux plus précieux amis : Lily Evans et James Potter. Un mariage auquel, pour quelque raison, on m'a invité bien que je ne pense pas l'avoir mérité. Et je ne le pense toujours pas aujourd'hui, quand je me remémore ce qui s'est produit. Mais j'ai été invité, et j'ai été transporté de les voir échanger leurs vœux. Ils avaient l'air si heureux ensemble. Ça m'a rendu un peu jaloux mais j'ai également ressenti une sensation merveilleuse. Les mariages ont toujours été en bonne place parmi mon classement personnel des dix évènements les plus importants d'une vie.

Quoi qu'il en soit, la jeune mariée avait une cousine (naturellement sa famille entière semblait avoir les cheveux roux). Une fille mince avec une chevelure d'un roux éclatant et portant le nom d'Amarilla. Amarilla Rosemary. Et comme toutes les femmes de sa famille, elle était déterminée et indépendante, avec un sourire suffisant et un esprit vif assorti sa beauté renversante. Je l'ai aimée dès la première fois que je l'ai vue, vêtue d'une robe vaporeuse, se tenant avec la fierté si propre à une demoiselle d'honneur près de l'autel. Ensuite, je ne l'ai plus quittée des yeux. Lors de la soirée après le mariage, mon ami Peter m'a fait remarquer que j'avais eu l'air un peu rêveur pendant toute la durée de la cérémonie. Je devais bien admettre que j'étais d'accord avec lui : j'étais fasciné.

Il n'était pas question que je l'aborde le premier, bien sûr. J'ai toujours été très prudent. Pourquoi une jeune fille raisonnable aurait-elle voulu sortir avec un… phénomène comme moi ? C'était exactement comme dans les tragédies que je lisais étant enfant : « la belle et la bête ». Inutile de préciser que je n'étais pas la belle. Pas plus que je n'ai pensé qu'une histoire aussi merveilleuse que celle d'un roman puisse m'arriver un jour. J'avais trop peur, persuadé que ça finirait mal. Effrayé qu'elle me déteste quand elle découvrirait ce que j'étais. Effrayé de ce qui se produirait si elle m'aimait. Effrayé de ce qui se produirait si ça n'était pas le cas. Et j'errai nerveusement, rêvassant jusque tard dans la nuit, évaluant simplement mes chances. Mais je ne pourrais pas l'aider en cas de problème. Les choses ont été ce qu'elles sont toute ma vie et le seront sûrement jusqu'à ma mort.

J'ai parlé d'elle à mes amis, naturellement. J'ai toujours su que je pouvais aborder n'importe quel sujet avec eux et que leurs conseils étaient habituellement inestimables. Je l'ai fait avec trois d'entre eux : James Potter, Sirius Black et Peter Pettigrow. Ils étaient les seuls êtres à me soutenir pendant les périodes de doutes. Ils ont su croire en moi. Les premières personnes dont je me sois réellement soucié et en qui j'ai vraiment eu confiance. Et j'avais bien l'intention de compter sur eux pour me donner leurs avis ce soir-là. Eh bien, durant nos divers entretiens, ils m'ont conseillé de me lancer. Mais à l'issue de ces conversations, j'étais toujours réservé. J'ai vite compris que c'était la seule façon de se protéger du monde qui nous entoure aujourd'hui. Mais finalement, j'ai foncé tête baissée. J'ai rassemblé mon courage et je l'ai approchée. Si je me rappelle bien, elle assistait à l'ouverture des cadeaux destinés au bébé de Lily. Je venais d'avaler mon troisième verre et je marchais presque autant de travers que si je subissais une transformation. Cela ma pris une bonne demi-heure pour contenir ma nervosité et avancer jusqu'à elle.

Une fois fait cependant, la conversation a rapidement prit une tonalité plutôt légère qui donnait à peu près ceci :

- Euh, salut, ai-je commencé.

- Bonjour. Vous êtes… ?

A cet instant, j'ai eu la sensation de ne plus avoir de voix. J'ai baissé les yeux sur le plancher, tentant de trouver quoi répondre. Au plus profond de mon âme, je sentais mes amis m'encourager pour reprendre rapidement le dessus sur mes émotions.

- Laissez-moi deviner, reprit-elle. Vous êtes un des amis de James, je présume ?

J'ai incliné la tête en avalant difficilement ma salive.

- …Oui.

- Ainsi, vous pouvez parler ! se moqua t'elle.

- Euh…, mon nom est Remus. Remus Lupin.

- Ah oui, Lily m'a parlé de vous.

Un moment de silence s'instaura entre nous. Je savais que je devais dire quelque chose, mais rien. Cela s'était produit si souvent dans ma vie. Chaque fois que je devais engager un dialogue, rien ne venait et ça m'en coûtait. Ou même pire, mon attitude était pénible pour les autres. Ils n'y étaient pour rien. Mais j'étais bien décidé à ne pas en rester là. Seulement vous saurez tout plus tard donc, revenons-en à notre sujet. Par chance, cet échange n'a pas fini sur une note sinistre ; elle a eu la grâce d'entretenir notre conversation assez longtemps pour me permettre de retrouver mon courage. Puis, elle demanda :

- Alors, que voulez-vous ?

- J'étais… je me demandais si vous accepteriez d'aller voir un film ou faire une ballade demain soir.

Ça y est. C'était dit. Maintenant tout ce que j'avais à faire c'était d'attendre la réponse.

- Si je vous comprends bien, vous… me demandez de sortir avec vous ?

- Oui, ai-je confirmé dans un couinement aussi retentissant que ceux de Peter.

- Eh bien…

Je dois être honnête et vous avouer qu'à cet instant (selon James), j'ai observé les environs en donnant l'impression que j'allais m'évanouir. Après réflexion, j'ai toujours eu cet air là, mais à ce moment précis ça m'a parut n'être que temporaire. C'est vous dire à quel point je m'émouvais pour un rien.

- Certainement, pourquoi pas, accepta t'elle finalement.

Et boum, j'explosais de joie. Pour la première fois de ma vie, j'avais un rendez-vous !

Je ne vous ennuierai pas avec une foule de détails ; vous ne voulez probablement pas les connaître et de toute façon, ils sont assez banals : regardez juste n'importe quel vieux film de Disney et vous comprendrez ce qu'ont été nos rapports. Pour récapituler : nous avons fini par tomber amoureux. Et c'était merveilleux. Pour la première fois dans ma vie désolée, je rencontrais quelqu'un que j'aimais vraiment, dont je m'inquiétais sincèrement.

Pendant une brève période, j'étais heureux. C'était comme d'être expulsé hors des eaux tourbillonnantes du chaos et voir mon premier rayon de soleil luisant sur le rivage d'un fleuve baigné d'une chaleur parfaite, mais avec un sentiment de sécurité artificiel. Je pouvais presque oublier mon autre moi, Mr Hyde qui prévalait sur l'inverse de mon Dr Jekyl. J'aurais presque pu en oublier ma philosophie précédente sans amour, aucun immense chagrin, abandonner mon vœu de solitude volontaire.

C'est sans doute pour ça que j'ai préféré ne rien lui dire. Je ne suis pas sûr que ce soit l'unique raison d'ailleurs. Le fait que j'étais pétrifié à l'idée qu'elle découvre ce que j'étais -ce que je pouvais devenir- et savoir qu'elle m'abandonnerait comme le reste du monde l'avait fait avant elle y était certainement pour beaucoup.

Je ne sais pas pourquoi exactement, mais je me suis donc abstenu. J'étais juste persuadé que ça n'apporterait rien de la mettre dans le secret. Pourtant, je devrais le faire un jour et je savais que le plus tôt serait le mieux pour nous deux. Mais je ne l'ai pas fait. J'étais jeune et naïf, et je suppose que mon raisonnement défectueux pouvait se résumer ainsi : aussi longtemps que je ferais attention, il n'y avait aucune raison pour que les choses tournent mal. Elle ne devait pas savoir. Si je cachais farouchement mon secret, ma vie pourrait continuer comme elle avait toujours été. Elle se poursuivrait indéfiniment, inchangée, comme une route qui s'étirait devant moi. J'ai refusé de prendre le futur en considération, et je me suis borné à exclure les imprévus qui pouvaient survenir à tout instant. La vérité est que je n'ai pas voulu penser au futur et, parce qu'il était si désagréable à envisager, j'ai privilégié ce qui semblait être la solution de facilité : évité le sujet, tout simplement. J'étais stupide.

Cela s'est produit par une nuit neigeuse de décembre, quelques jours avant Noël, alors que je me tenais sur une étendue limpide, croquante, parfaite étendue de poudre recouvrant le sol. Je me souviens de cette nuit comme c'était hier. La lune brillait, pleine, baignant le paysage d'une lumière argentée et illuminant les membres entrelacés des arbres nus. J'étais dehors dans les bois, me blottissant sous un grand chêne, frappant mes mains l'une contre l'autre pour les maintenir chaudes. Je n'avais pas grand-chose sur le dos ; juste une cape ordinaire, en réalité, une robe de sorcier à peine meilleur marché que celles que je portais habituellement.

A cette époque de ma vie, je dois vous dire que notre idylle avait pris une ampleur bien au-delà de mes espérances les plus chères, de mes rêves les plus fous que je n'avais jamais crus possibles. J'écrivais une nouvelle page de ma vie, comme si une barrière se séparait en deux lignes parallèles, et je concevais enfin le temps comme : le présent et le futur. Et à ce moment précis, le présent s'en allait. Quant au futur, je devais finalement me résoudre au fait qu'il était programmé pour se produire.

La bague en était la preuve.

La bague. Je me souviendrai toujours de cet anneau. Attaché à une chaîne autour de mon cou, il était le seul accessoire à la tenue que je portais. Il était suspendu juste là, sur ma poitrine, teintant légèrement sur ma cage thoracique. Vert comme l'écume, exactement la couleur de la robe de Mari. J'ai dépensé toutes mes économies pour cette bague -ce que j'avais mis de côté au cas où-. Mais elle était superbe, presque aussi belle que Mari elle-même. J'étais fier de ce bijou mais aussi, d'une certaine manière, effrayé. J'étais effrayé à l'idée de me mettre à genoux devant elle pour lui faire ma demande. Mille questions tournaient dans mon esprit pendant que je me tenais là dans la neige. Est-ce que j'en serais seulement capable ? Si je le faisais, accepterait-elle ? Et d'une manière plus générale, devais-je le faire ?

C'était une chose de danser nonchalamment et de faire une proposition dans un lieu approprié, sans penser aux conséquences telles que celles qui m'obsédaient lorsque j'étais dans la bijouterie, me demandant si elle allait accepter. Mais c'était beaucoup plus difficile de me dire que je n'avais pas le droit de le faire, peser le pour et le contre, pour savoir si je pouvais prendre le risque de la mettre en danger. Je -ma vie- n'était pas une priorité à cet instant. Après de nombreuses nuits blanches, cependant, c'était décidé : je me lancerai. J'ai envisagé toutes les possibilités et j'étais résolu, après ce soir, je serais fixé. Je la demanderai en mariage.

Mais d'abord, je devais lui avouer ce que j'étais. C'était mon devoir, mon engagement. Quelque chose que j'aurais dû faire il y a bien longtemps, malgré mon entêtement et mon angoisse qui pouvaient me faire changer d'avis jusqu'à la toute dernière minute. Elle serait choquée par cette découverte, je le savais, et probablement très en colère contre moi pour lui avoir caché pendant si longtemps. Et elle aurait raison. Je méritais sa colère parce j'avais trahi sa confiance en ne lui disant rien. Une autre erreur. Elle en était capable, j'ai pensé avec un frisson terrifié qu'elle pourrait même me quitter à cause de ça. Mais c'était un risque que j'étais disposé à prendre. Si elle me quittait -mon visage s'empourpra à cette idée-, je l'aurais mérité probablement. Je constate une fois de plus qu'il en a toujours été ainsi tout au long de ma vie : je n'avais que ce que je méritais.

Regardez-moi. J'extrapole encore. Je préfère m'attarder sur ce qui ne s'est pas encore produit parce que ça me hante davantage de penser à quelque chose que je n'ai jamais fait. C'est tout moi, ça. Si je suis réellement comme ça, alors je crois que je ne regretterai pas le suicide.

Quoi qu'il en soit, j'avais déjà pensé à tout : j'étais à des kilomètres de la ville la plus proche, près d'un troupeau de cerfs communs qui, je dois bien le reconnaître, maintenait mon esprit occupé tandis que je… me transformais. J'étais persuadé d'être seul, bien à l'abri des regards. Du moins je le supposais. La lune a montré le bout de son nez en apparaissant derrière un nuage fugitif. Je me suis mis à trembler en anticipant ce qui allait se passer. Et très vite, j'ai compris. Trop vite. Surtout lorsque j'ai entendu sa voix.

- Rem ? Remus, mon amour, mais que fais-tu ici ?

Je me suis retourné brusquement pour ne pas qu'elle voie mon visage, j'ai saisi l'anneau sur ma poitrine, m'y raccrochant presque pour m'empêcher de crier.

Elle se tenait là, essoufflée dans la neige, à quelques mètres derrière moi. Ses cheveux magnifiques, rougeoyants, encadraient son visage comme une aura d'or. Son souffle s'échappait à travers ses mèches vaporeuses, entourant sa tête comme un halo, reflétant le clair de lune et l'enveloppant avec toute la grâce de l'ange qu'elle était. Elle observa ses vêtements qu'elle avait enfilés à la hâte : une simple cape rayée jetée sur ses épaules, déboutonnée, qu'elle saisit rapidement de la main pour la fermer. Ses yeux vert foncé étaient lumineux et interrogateurs dans la lumière argentée. Ses cils, tachetés de flocons de neige, battirent et elle réitéra sa question, sa tonalité passant d'un souci prudent en une de réprimande douce.

- Rem, tu es fou, que fais-tu dehors en pleine nuit ? Au milieu des bois, à peine vêtu d'une vieille cape ? Est-ce qu'il y a un problème ?

Pendant une seconde, j'ai été incapable de lui répondre, ou même de rencontrer son regard fixe posé sur moi. Mais j'ai alors senti ce frisson si familier remonter le long de mon dos.

- Mari, tu dois partir. Maintenant ! ai-je hurlé en reculant un peu plus.

J'ai enroulé plus étroitement les pans de ma cape autour de mes épaules, comme si ce geste me protégerait d'une façon ou d'une autre de l'inévitable.

- Va t'en ! Pars, cours !

- Mais… qu'arrive t'il à ta voix ? s'inquiéta t'elle en avançant vers moi, et j'ai commencé à paniquer.

Dans le ciel, le dernier nuage qui avait dérivé traversa la lune à la vitesse d'un boulet de canon. J'étais soudain baigné de la pleine lune blanche, inondé de sa lumière froide.

- Tu dois partir, Mari ! lui ai-je répondu désespérément.

Mes membres redoublaient de tremblements qui n'avaient rien à voir avec le froid.

- Je suis…

Les mots s'étranglaient dans ma gorge, mais j'ai réussi à haleter :

- Je suis un loup-garou !

Elle s'est figée de stupeur. Ses mains, qu'elle maintenait étroitement sur son manteau, sont retombées comme des poids de plomb le long de son corps, et sa bouche s'est entrouverte pour former le mot « loup-garou... ». Elle ne l'a pas prononcé pourtant. Elle n'en a pas eu besoin. La lueur de trahison que je lisais dans ses yeux était bien au-delà de ce que je pouvais supporter et je détournais la tête. Je l'avais dit. Je l'avais finalement dit, et la vérité était trop horrible pour que je soutienne son regard. Sanglotant à moitié, je me suis transformé et me suis sauvé à travers les bois, mon manteau élimé virevoltant comme une ombre derrière moi.

- Rem !

J'entendais son appel rauque et plaintif.

- Cours, Mari, COURS ! lui ai-je crié d'une voix qui ne m'appartenait plus.

Puis, tout a basculé. Une douleur terrible, insupportable, s'est diffusée dans chacun de mes membres, comme mille griffes minuscules qui déchiraient ma chair. J'ai chancelé et trébuché dans mon élan, m'étalant sur la terre dure à hauteur d'un amas de neige recouvert de glace. Le sang -mon propre sang- s'échappait en formant des pointillés sur le sol blanc pendant que je tombais. J'ai essayé de crier, mais ma gorge était trop mutilée pour émettre le moindre son. A cet instant, un hurlement accompagné d'un caillot de sang a transpercé la nuit creuse, il avait jailli hors de moi comme l'eau se fracasse en torrent jusqu'au bas d'une falaise.

J'ai infligé une nouvelle poussée à mes pieds, mais je n'avais déjà plus rien d'un bipède. Mon manteau s'est déchiré et glissait de mon cou qui enflait d'au moins trois fois sa taille. J'ai repris ma marche et j'étais là, prêt à attaquer. J'ai saisi le tissu avec mes mains pour m'en débarrasser. Mes mains... J'ai baissé les yeux et, mon esprit, où du moins ce qu'il en restait, s'est mit à hurler. L'horreur me submergea à nouveau. Je n'avais plus de mains ! Seulement des pattes, des pattes de loup, avec un long pouce d'une efficacité redoutable. C'étaient des griffes robustes. Excellentes pour déchiqueter, faites pour tuer. Et je m'en servirai encore, cette nuit...

Dans le même temps, une autre partie de moi s'est mise à hurler : non ! J'ai pris la fuite, détalant la queue entre les jambes.

Je ne peux pas. Je ne dois pas. Cette fois, plus que n'importe quelle autre fois, je ne dois pas laisser mon instinct animal prendre le dessus ! Pour Mari, parce qu'il y a Mari, je ne dois pas !

Mais je levais déjà le nez au vent. Il y avait une odeur, là, une odeur délicieuse. Une odeur attirante. L'odeur de la proie effrayée. Je pouvais l'entendre se mouvoir maladroitement dans les bois, son pas de bipède inégal résonnant comme une sirène à travers la nuit immobile. Je pouvais sentir sa sueur et goûter sa peur humide et confuse. Je pouvais même voir son souffle haletant s'élever en fumée au-dessus des arbres, dansant sur le vent. Proie idiote ! me suis-je dit en riant. Absurde de penser pouvoir m'échapper !

J'ai bondi à travers les bois, trottant à bonne allure, comme seul un loup pouvait le faire. J'ai fait volte face à ma direction initiale, suivant maintenant les traces de pas dissemblables qui avaient lentement accompagné ma transformation d'être humain en loup-garou tandis que je marchais...

Et la partie encore sensée de mon âme bataillait toujours. L'esprit qu'avait repoussé le loup combattait pour regagner le contrôle de mon corps, ultime tentative dans l'espoir de stopper ce qui allait se produire. Cet esprit, mon esprit, sanglotait, criait, parlait, tout cela en même temps. Mais en vain.

Cinq minutes m'ont suffit pour repérer ma proie. Un bipède, vêtu légèrement, trébuchant dans la neige. Ses pas mal adaptés faisaient écho sur le tronc des arbres et elle émettait des reniflements étranges et incohérents. Ce rituel consistant à pleurnicher et gémir n'était rien d'autre qu'un signe de faiblesse. Elle était pataude et confrontée aux reliefs accidentés du terrain. Une cible facile.

Tranquillement, furtivement, je l'ai contournée et me suis tapi derrière un arbre. J'ai attendu jusqu'à ce qu'elle ne soit plus qu'à quelques mètres de moi, ignorant totalement ma présence. Mes muscles se sont tendus et je me suis lancé.

- NON ! NON !

C'était alors que j'ai vu mon amour pour la dernière fois. Sa beauté brillait toujours, même vue à travers les yeux sauvages et affamés du loup. Elle m'a regardé et a crié. C'était un cri déchirant de désespoir. Elle a hurlé mon nom. Mais je ne pouvais rien faire. Rien ! Le loup qui me possédait avait frappé, mais moi, je n'ai pu qu'observer la scène avec horreur, impuissant, pendant qu'elle gisait dans la neige. Je n'ai pu qu'observer mon cou se cabrer dans un mouvement convulsif, mes mâchoires se resserrant ensemble sur sa gorge. Je n'ai pu qu'observer, tandis que le vent sifflait, la neige s'empourprer de son sang et entendre son cri perçant se perdre dans un gargouillis étouffé.

J'ai regardé ses yeux vert émeraude cherchant les miens. Y avait-il de la haine dans son regard ? Douleur ? Pitié ? Trahison ? Même à ce jour, je ne saurai jamais ce qu'avaient été ses dernières pensées. Je l'observais toujours lorsque ces mêmes yeux opacifiés se fermèrent, et elle s'est affaissée immobile dans la neige rouge.

Quelque chose en moi est mort cette nuit. Je n'avais aucun souvenir de ce qui s'était réellement passé, mais quand je me suis réveillé ce matin-là, seul dans les bois, le sang coulant sur mon visage, j'ai su que ma vie avait basculé pour toujours.

Elle s'en était allée. La flamme qui entretenait mon désir de vivre, brûlant vaillamment à l'intérieur de moi, mon inspiration, ma vie, mon amour, s'en étaient allés. Allés pour toujours.

Et tout était de ma faute.

J'étais un meurtrier. Cette prise de conscience n'est pas venue avec le choc du à la découverte de mon crime, comme vous pourriez le penser. Mais, au contraire, elle s'est insinuée peu à peu dans mon âme, dans une sorte de vague lourde et suffocante. Je l'avais tuée… elle ! La seule personne au monde dont je me souciais était morte de ma propre main... patte. Quoi qu'il en soit, là n'était pas la question. Elle était morte, et j'étais le seul à blâmer.

Le monde m'a semblé sombre et lourd tandis que je me tenais dans la clarté lumineuse du soleil du matin. Des ondes éclatantes se répercutaient à perte de vue sur la neige, traçant une multitude de chemins autour de moi, mais leur chaleur bienveillante me faisait frissonner. C'était comme si quelqu'un avait projeté une ombre froide et humide au-dessus de ma vie. Une ombre qui anéantissait tout ce qui faisait les instants heureux de mon existence, m'étouffant plutôt, imposant une haine farouche de soi et un profond désespoir.

Je savais ce qu'il me restait à faire maintenant. J'allais me livrer aux autorités. Quelle que soit la sanction décidée à mon encontre, je la méritais.

Mais avant, j'avais quelque chose d'important à accomplir. A la différence de moi, Mari avait de la famille. Et à la différence de moi, cette famille lui portait une grande affection. Ils, plus que n'importe qui d'autre, devaient avoir le privilège d'être les premiers à savoir. Ce qui rendait cette pensée intolérable était que Mari venait d'une famille que je connaissais. En fait, la cousine de Mari et son conjoint étaient deux de mes plus proches amis. Et maintenant, je me trouvais soudain confronté à la dure tâche de leur avouer le crime terrible que je venais de commettre.

Je voyais déjà la scène d'ici. Je parviendrai tant bien que mal à aller jusque chez eux, apparaissant sur leur seuil : pleurnichant, dans un état épouvantable, ensanglanté, la voix brisée car je devrais leur raconter une histoire qu'ils n'avaient aucune envie d'entendre. Leurs yeux s'élargiraient avec effroi. Je verrai la main de Lily se plaquer sur sa bouche. J'entendrai le halètement de rage de son mari ressentant mon acte comme une trahison, sentirai leurs regards fixes et gênés me dévisager. Seule leur bonté les empêcherait d'exprimer clairement les pensées qui traverseraient leurs esprits à cet instant. Ils en resteraient sans voix pendant plusieurs secondes. Trop choqués, je suppose. Trop épouvantés par la monstruosité que j'avais commise.

Puis, leur torpeur se volatiliserait et je n'avais aucune idée de ce qui se produirait ensuite. Je dirais simplement que, si James choisissait de me réduire en miettes (je doutais qu'il le fasse, c'était une âme généreuse), j'estime que je ne l'aurais pas volé. En outre, ça réduirait la charge de travail des autorités. J'étais un homme mort. Si j'osais même me donner ce titre.

Je ne sais pas comment j'ai fait, mais je suis parvenu à progresser à travers les bois jusqu'à la lisière de la ville la plus proche. Durant tout le trajet, j'avais la main serrée sur l'anneau et je le comprimais tellement fort que l'émeraude qu'il contenait a fini par creuser une marque profonde dans ma paume.

J'enchaînais les embardées sur la route. Les voitures -dangereux instruments non-magiques de transport- faisaient de nombreux écarts pour m'éviter et je souhaitais pourtant qu'elles ne le fassent pas. La mort m'était préférable à l'immense douleur que je ressentais. Mais la mort devrait attendre un moment. J'avais une visite importante à rendre. Cela ne changeait rien, quoi qu'il en soit. Elle me retrouverait bien assez tôt.

Traversant les parkings, longeant les magasins, coupant par les pelouses, je courais. Les sorciers comme les moldus s'arrêtaient et m'observaient en détaillant mes blessures, mes vêtements en lambeaux. Je boitais dans la neige fraîchement tombée, me prenant les pieds dans la longueur interminable de ma robe d'où s'écoulait du sang. Mais je pouvais les comprendre : je reconnais que j'avais une allure vraiment étrange.

Tous ceux qui m'ont aperçu, cependant, n'ont pas essayé de m'arrêter. C'était plutôt curieux d'ailleurs car, comme vous le savez probablement, ce n'était pas très prudent de circuler dans un endroit peuplé de moldus, accoutré d'une robe de sorcier. D'autant plus que la mienne ruisselait de sang frais. Mais je ne me suis pas arrêté, et personne n'a osé m'interpeller.

En fait, ceux de mon monde errant les rues à cet instant semblaient bien un plus préoccupés par autre chose, quelque chose d'une grande importance pour laquelle ils laissaient volontiers un sorcier couvert de sang lui donner l'impression qu'il passe inaperçu. Mais j'étais loin de me douter de quoi il s'agissait. Même lorsque je sautais par-dessus une haie et parcourais trois rues supplémentaires, pour finalement tourner au coin de celle où résidaient Lily et James.

C'est seulement à ce moment que je me suis arrêté, regardant fixement ce que j'avais sous les yeux, et mes bras sont retombés mollement le long de mes côtes pour la première fois depuis ma fuite.

Et soudain, j'ai compris. J'ai compris avec une sensation horrible pourquoi les magiciens et les moldus s'étaient rassemblés là, perdus dans leurs propres pensées.

Vous voyez, c'est assez sombre mais j'ai trouvé ça tellement beau que j'ai pas résisté.

La suite -que je publierai d'ici une dizaine/quinzaine de jours- est tout aussi émouvante.

J'attends vos reviews avec impatience !

Bisous à tous.