Disclamer :

Les personnages et l'univers si particulier d'Harry Potter appartiennent à J.K Rowling.

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Je vous rappelle que cette fic de m'appartient pas. Il s'agit de la traduction d'une fic anglaise : Darkness, fic écrite par Fambrena.

Vous n'avez pas jugé utile de laisser la moindre review pour le chapitre 1, je publie quand même la suite, mais j'espère sincèrement que l'auteur n'aura pas la mauvaise idée de passer dans le coin pour voir ça…

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Chapitre 2 - Plus de culpabilité

Je tentais d'apercevoir la maison de James et Lily et, tout ce que j'ai découvert, c'est qu'il n'y avait plus rien à voir. Elle n'était plus. Simplement plus. Dévastée par une force inconnue, ne laissant qu'un amas de gravas à l'endroit où elle s'était jadis dressée.

Pendant que je marchais lentement vers le haut de la rue où le manoir se tenait, j'ai senti mon cœur déjà meurtri s'effondrer sur le sol, comme s'il s'était fracassé à la suite d'un accident.

Un groupe de badauds s'était agglutiné autour de la maison, tels des oiseaux au-dessus d'un toit. Il y avait des photographes, des journalistes, des enquêteurs, des policiers, appartenant au monde magique ou pas. Tous réunis ensemble, considérant la scène avec crainte dans un silence médusé.

Malgré que peu d'entre eux comprenaient réellement ce qui avait pu provoquer une telle destruction, il était évident que tous s'accordaient à dire que seule une force d'une grande puissance avait pu accomplir un tel désastre.

Et il n'y avait qu'une personne capable de l'avoir fait. Seulement une personne disposant d'un pouvoir assez grand pour détruire un manoir entier. Une seule personne qui avait une raison de détester et anéantir la petite mais étroite famille qui avait vécu là...

Cette pensée me frappa avec un choc soudain et glacé. Mais attendez... ils ont peut-être survécu ? Ils doivent avoir survécu ! Ils ne pouvaient pas être morts, n'est-ce pas ? Non ! Non, ils ne pouvaient pas l'être ! Ils étaient infaillibles ! Protégés ! James m'en avait lui-même parlé !

Mais dans le même instant, je voyais la terrible vérité incrustée sur les visages, emprisonnée dans les expressions tristes et abattues de quelques-uns d'entre eux, et des larmes récentes leur brûlaient les yeux.

James et Lily Potter, mes deux meilleurs amis, étaient morts. Du coup, je refoulais avec un sanglot amer mon intention d'avouer que je venais moi-même d'assassiner Mari. Quand j'y pense, tandis que je commettais un crime, indirectement, j'en commettais un autre. J'aurais pu être là. J'aurais pu l'arrêter. J'étais un loup-garou ! J'aurais pu bondir jusqu'à lui, dévoilant mes crocs blancs scintillants, le tuer sur place, déchirer sa gorge de mes dents pointues, mortelles ! Ou mieux encore, j'aurais maintenu mes mâchoires de fer sur son cou et tenu jusqu'à ce que l'inévitable soit arrivé. Pour le moins, j'aurais pu le blesser suffisamment pour donner à mes amis l'occasion de s'échapper. J'aurais pu sauver James et Lily, j'aurais pu sauver leur fils !

Mais non. Tandis qu'ils donnaient leurs vies pour préserver des idées qu'ils jugeaient sacrées, défendant leur famille et leur amour, je détruisais le mien -le mien et celui des autres…-. Lui déchirant littéralement la gorge, loin de tous, ai-je pensé en ayant encore du mal à le croire.

J'étais pire qu'un simple meurtrier. J'étais un monstre ! Mais ça, je le savais déjà, n'est-ce pas ?

Prenant ma tête dans mes mains, j'ai fui cette scène de désolation, bousculant la foule, sentant mes larmes couler entre mes doigts. Les gens se retournaient sur mon passage, le regard fixe dans une sorte de réprimande ou de plainte, mais je m'en moquais éperdument. Je les avais tués ! Mari, et maintenant Lily, James et leur jeune fils ! Je les avais tous tués !

Trébuchant, pleurant, j'ai dévalé la rue aveuglément. Destination : inconnue. J'espérais juste trouver un endroit loin de toute culpabilité, de misère et de douleur. Un endroit où j'oublierais que je venais d'être à l'origine du décès de trois êtres chers et d'un enfant innocent. Un endroit sombre, tranquille.

J'étais fatigué, j'étais choqué et j'avais mal. Tout me submergeait alors. Je me suis mis à courir durant trois pâtés de maison pour finalement m'effondrer au sol, sans connaissance, sur le trottoir...

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Lumière. C'est la première chose que j'ai rencontrée lorsque j'ai à nouveau dérivé lentement vers la conscience. Je l'ai perçue comme un coup de poignard faisant soudain irruption dans mon monde, elle m'aveuglait de son flash lumineux d'une blancheur froide, me ramenant à mes sens avec brutalité. Elle m'éblouissait tellement que j'ai dû cligner des yeux à plusieurs reprises avant de pouvoir identifier ce qui m'entourait.

Je regardais fixement un haut plafond blanc, vide, duquel descendaient des murs laiteux également plats. Je me trouvais sur ce qui était le plus susceptible d'être un lit assez élevé, me donnant l'impression d'être bien plus près du plafond que je ne l'étais en réalité. Evidemment, durant les dernières années de ma vie je dormais sur le plancher... J'ai pris prudemment une première inspiration pour goûter cette nouvelle atmosphère et je ne fus ni étonné ni heureux de découvrir qu'il y flottait une odeur de médicaments, l'odeur stérile si habituellement associée aux hôpitaux.

Un hôpital. Merveilleux. Exactement ce dont je n'avais pas besoin.

J'ai gémi en tentant d'étirer mes bras engourdis que quelqu'un avait soigneusement alignés le long de mon corps. Ils se sont déplacés avec une rigidité artificielle et mes muscles, souffrant sous l'effort de la contraction, renvoyèrent la douleur par petites poussées vers le haut de mes épaules. J'étais complètement courbatu, comme si j'étais resté coincé à l'étroit pendant un long moment dans une position qu'il était difficile aujourd'hui de contrarier.

Mes membres étaient meurtris mais j'ai sorti un bras de sous mes couvertures et l'ai presque instinctivement posé sur ma poitrine. Ou pour être plus précis, à un endroit bien particulier de mon torse, un endroit qui m'a semblé étrangement vide.

Mon cœur n'a fait qu'un bond. C'est bien ce que je craignais : mon anneau n'était plus là !

Cette autre découverte a fait ressurgir des souvenirs que j'aurais pourtant bien voulu oublier. De moi, de Mari, de mes amis assassinés... J'ai frissonné malgré que la salle d'hôpital soit agréablement chauffée. Qu'est-ce que j'avais fait ?

- Ainsi vous êtes réveillé jeune homme ? Il vous en aura fallu du temps.

J'ai perçu ces mots avec une telle surprise que j'en ai presque sauté hors du lit, ma tête se déportant avec la vitesse et la terreur d'un animal effrayé. Juste là-bas, la femme qui s'était adressée à moi s'avança dans ma direction et dit :

- Calmez-vous, mon garçon. Calmez-vous. Vous êtes hors de danger, inutile de vous agiter comme ça.

C'était une infirmière plutôt jolie, un peu dodue, avec des cheveux brun foncé noués sur ses épaules. Elle portait la tenue traditionnelle des infirmières : une jupe blanche descendait sur ses genoux, un chemisier blanc amidonné et des mocassins de la même teinte. Elle serrait étroitement une planchette sur sa poitrine alors que son autre main tenait un stylo bon marché. Elle le pointa vers moi avant de m'annoncer :

- Vous avez un visiteur.

Ce qui n'était pas pour m'aider à me détendre ; en fait, je resserrais ma prise sur les barres de mon lit, sentant mon visage devenir livide. Un visiteur ? Qui possédant un minimum de bon sens voudrait me rendre visite ? J'émettais déjà quelques hypothèses : la police faisant irruption dans ma chambre d'hôpital avec une meute de chiens (quelle ironie de vouloir se servir de chiens pour m'arrêter !), et des baguettes pointées sur ma gorge tandis qu'ils me lisaient mes droits ; des photographes peut-être, venus lorgner le répugnant loup-garou devenu meurtrier ; ou des journalistes avides d'un scoop à scandale.

Ou, pire encore : un des membres de la famille de Mari. Ils ne porteraient aucune accusation, n'élèveraient pas la voix, je les connaissais. Ils me regarderaient simplement avec tristesse. De ce regard perdu, désorienté, que je connaissais bien. Ils refouleraient leurs larmes en observant fixement l'assassin de leur parente regrettée. Ils plongeraient leurs yeux dans les miens me témoignant un mélange de pitié et de colère tandis qu'ils essaieraient de forger leurs propres opinions intérieurement, reconnaissant pleinement que je l'aimais aussi et que ma peine était sans doute aussi grande que la leur. Incapables de savoir s'ils devaient me détester ou me consoler. Certains seulement de leur immense chagrin, et peut-être du mien.

La police et les paparazzi je pourrai le supporter, mais ça... Oh, si cela se produisait, je jurais que j'en mourrais de chagrin sur place !

L'infirmière me lançait un regard étrange. Je suppose que mon temps de réflexion avait duré longtemps alors qu'à moi, cela m'était apparu très court. En fait, je voyais bien qu'elle attendait ma réponse depuis un bon moment. M'accordant un instant pour me reprendre, j'inclinais la tête en signe d'assentiment et lui répondis à voix basse :

- Très bien. Vous pouvez le laisser entrer.

J'ai été surpris par la façon faible et triste dont ma propre voix a retenti. Cela m'a dérangé. Pendant que l'infirmière se déplaçait vers la porte, j'ai toussoté plusieurs fois dans le mince espoir de retrouver l'oscillation naturelle de ma voix. Puis, il me vint à l'idée que je n'étais peut-être pas très présentable. J'ai fait une tentative pathétique de tapoter mes cheveux ébouriffés pour leur donner une forme reconnaissable, mis un peu d'ordre dans mon lit en me redressant, et passé le revers de ma manche sur mon visage brouillé, sale. Je me sentais malpropre, mais pas autant physiquement que mentalement. L'infirmière a ouvert la porte et reculé d'un pas...

- Monsieur le directeur ?!?

De toutes les personnes auxquelles j'avais pensé pour cette visite, Albus Dumbledore était peut-être celle que j'avais la moins prévue.

Mon vieux directeur était un homme étrange. Non, laissez-moi reformuler ma phrase : un homme extraordinaire. Il était l'un des sorciers les moins compris et, pourtant, l'un des plus respectés que j'avais jamais rencontrés. Et il le méritait amplement. Je crois que je n'ai jamais connu quelqu'un possédant cet air de... Je ne suis pas sûr de pouvoir le décrire... Un air entendu qu'il affichait continuellement. Comme s'il était toujours au courant de tout, même du futur. Et vous savez quoi ? Plus je passais de temps auprès de lui, plus j'étais persuadé qu'il savait réellement tout. Impossible, naturellement, mais une aura si plaisante de confiance en soi l'entourait sans qu'il ne dégage aucune dureté.

Il n'a pas répondu à mon exclamation plutôt brusque. Serein comme toujours, il s'est avancé légèrement dans la chambre, écartant l'infirmière d'un geste vague de la main comme le faisait souvent. J'ai avalé timidement ma salive et déporté mon regard sur la gauche où l'infirmière me scruta ensuite d'un air curieux par-dessus l'épaule de Dumbledore. Mon directeur ne parut pas s'en apercevoir. Mais il savait, naturellement ; en fait, il se rendait probablement plus compte que moi de ce qui n'allait pas, mais il était l'une de ces rares personnes disposant d'assez de puissance et de maîtrise pour ne rien laisser paraître. En d'autres termes, la seule manière possible de découvrir ce qui cheminait derrière cette muraille enfermant son esprit était de le lui demander directement, et même en agissant ainsi, personne n'était jamais certain de la réponse. Ce n'était pas surprenant pour le maître qu'il était, évidemment, mais nettement déconcertant dans les situations de ce type : je n'avais pas la moindre préconception de ce qu'il pensait de moi, de ce que j'avais fait, et cet aveuglement, cette ignorance, renforçait le sentiment de crainte qui me tiraillait au plus profond de mon estomac. Pour être tout à fait franc, je ne savais toujours pas à quoi m'attendre lorsqu'il s'est assis sur le bord de mon lit, a ajusté ses lunettes bordées d'or et ouvert la bouche pour la première fois.

Il n'était pas aussi en colère que je le prévoyais.

- Heureux de voir que vous allez mieux, jeune homme.

J'ai eu un frisson de soulagement, je lui étais reconnaissant d'avoir assez de grâce pour ne pas se lancer d'emblée dans ce qui serait sûrement une conversation délicate où fuseraient des mots terribles.

- Je vais… mieux que cela n'a été, Monsieur.

J'avais choisi soigneusement ma réponse. J'étais pour ainsi dire déjà dirigé vers le quartier des condamnés à morts, mieux valait donc ne pas promouvoir cette image. Si j'étais reconnu comme étant un meurtrier, je voulais au moins qu'on se souvienne de moi comme un être intelligent.

Dumbledore arqua un sourcil.

- Vraiment ? Oui, je veux bien le croire. Je dois dire que je suis désolé jeune homme, pour tout ce qui s'est produit.

Il est resté silencieux pendant un certain temps. Son regard délavé s'attardait sur mon corps blessé, encore couvert de sang séché par endroits. Ses petits yeux scintillants, investigateurs, me jugeaient. Peut-être se demandait-il de combien d'années j'écoperais à Azkaban ? Ou si j'y échapperais et obtiendrais juste une exécution ?

J'ai fait tout mon possible pour chasser cette pensée amère de mon esprit. Il n'était pas question qu'elle gâche mes dernières heures de liberté. Particulièrement en présence de mon directeur à qui je devais tant et que j'avais, assurément, déjà blessé profondément. Fort, me suis-je dit. Sois fort. Comme mes amis l'étaient. Comme Mari l'était, avant... avant... Il m'était intolérable de terminer d'exprimer le fond de ma pensée.

Cela m'a pris un peu de temps pour me rendre compte que Dumbledore avait repris la parole. Puisque je ne pouvais pas le regarder directement dans les yeux, je l'ai écouté continuer sans voir l'expression attachée à ses mots. Sa tonalité, au moins, était apaisante.

- J'ai appris de l'infirmière que vous avez été trouvé sans connaissance dans la rue, épuisé et couvert de… de sang.

- Il n'était pas à moi.

J'étais surpris de ne parvenir à prononcer ces mots qu'en sanglotant, les rendant presque inintelligibles.

- Ce sang n'était pas le mien, Monsieur le directeur.

J'ai pris ma tête dans mes mains, mes larmes glissaient avec chaleur le long de mes joues. J'ai senti une main invisible enserrer ma poitrine et les mots que je projetais de prononcer se sont étouffés. Quand j'ai finalement réussi à reprendre la parole, mon intonation n'était pas meilleure que la première fois : râpeuse, gémissante, désespérée.

- Je suis un meurtrier, Monsieur le directeur. Tout juste bon à être jeté en prison. J'ai tué… j'ai tué quelqu'un ! De sang froid ! Je l'ai tuée, elle !

- Doucement, jeune homme.

Sa voix était étonnamment calme malgré la révélation que je venais de lui faire. Mais elle n'influait en rien sur mon état d'esprit qui hurlait comme un loup blessé, sauvage et inconsolable.

- Qui ?

J'ai lentement baissé mes mains sans les quitter des yeux, je les revoyais lorsqu'elles étaient encore recouvertes de fourrure et de sang. Maintenant, elles étaient pâles, une sueur froide y perlait et leur engourdissement était comme une manifestation condensée de ma culpabilité qui s'écoulait entre mes doigts, chaque filet d'humidité emportant avec lui la connaissance du terrible méfait que j'avais commis. Mes lèvres sèches se sont entrouvertes, se fendant dans une sorte de douleur solitaire, comme une seule voix pleurant dans le vent pendant qu'il ondulait au-dessus des champs de blé courbés d'une plaine vide. Le nom, quand il leur a échappé, était seul lui aussi.

- Mari, ai-je pleuré, ou peut-être l'ai-je chuchoté, ou dit du bout des lèvres. Mari…

Je n'ai rien pu ajouter d'autre tant mes larmes étaient encore abondantes et jaillissaient du plus profond de mon âme malgré mon acharnement à vouloir les retenir et cacher mes tremblements. Je m'interdisais le moindre mouvement qui m'aurait pourtant permis d'observer la réaction de Dumbledore à ce que je venais de confesser. Mais, comme auparavant, sa voix resta douce, pleine d'émotion, lorsqu'il prit une longue inspiration.

- Remus…, a t'il dit.

Et rien d'autre. Il a approché sa main pour la poser sur mon épaule et j'ai perçu ce geste comme une chose coupable alors qu'il était timide mais avait pour seul but de me réconforter.

- Amarilla, ai-je murmuré en m'étonnant de retrouver ma propre voix. Elle n'a rien fait pour m'arrêter, cependant, et pour une raison incompréhensible, j'ai continué. Je l'ai tuée lorsque j'étais un loup-garou.

Les mots étaient presque mécaniques. Ils sortaient de ma bouche sans même que j'en sois vraiment conscient -les divagations folles d'un homme également fou-. Ou bête. Je n'étais plus sûr de rien.

- Je l'ai tuée, et quand ça a été fini, j'ai couru le plus loin possible. Juste le temps que je retrouve une forme humaine et c'était pour m'apercevoir que deux de mes meilleurs amis étaient morts. Morts alors que je pouvais sûrement les aider. Mais je ne l'ai pas fait. Non, naturellement je ne l'ai pas fait. J'étais trop stupide, égoïste et incontrôlable pour le faire. Et puis je me suis effondré au milieu de la rue et ai dû être sauvé par quelqu'un, bien que je ne l'aie pas mérité. J'aurais préféré qu'il ne soit pas là. J'aurais préféré mille fois qu'un train me passe dessus, ou qu'un griffon me réduise en pièces, ou qu'un lion m'ait dévoré, ou toute autre chose pourvu que James soit encore vivant. Ah, mon Dieu, comme j'aurais préféré qu'il en soit ainsi ! Alors je pourrais lui demander de me tuer lui-même. C'est réellement ce que je veux et ce que je mérite. Si seulement rien de tout ça ne s'était produit ! N'importe quoi. N'importe quoi mais pas ça.

Je me suis tu. Sans me rendre compte que je venais de le faire, oubliant même probablement l'identité de la personne à qui je venais de proférer cet aveu, et sans réel souvenir de ce que je lui avais dit exactement. Cela n'avait aucune importance, cependant. J'avais avoué et la question "à qui" n'intervenait pas dans mon esprit. J'avais avoué, et mon destin était maintenant officiellement scellé à la mort que j'avais implorée quelques minutes plus tôt. Je dis que je l'ai implorée parce qu'à ce moment, l'insouciance qui s'attachait au sommeil éternel était la seule chose qui pouvait faire taire ma douleur. La douleur de perdre mes amis, mon amour, et d'une certaine manière, m'être perdu moi-même. Ce n'était pas une douleur physique, pas vraiment. En fait, tout en repensant à ces évènements, j'avais honte d'oser m'accabler ainsi. Mais à cet instant, c'était un supplice mental si puissant qu'il était apparenté au royaume du mal, me coupant le souffle, comme si on m'avait enfoncé un pieu brûlant en plein cœur. J'ai ri de moi intérieurement. De quoi est-ce que je parlais ? Un pieu brûlant ? Je n'étais pas un vampire. J'étais un loup-garou ! Un loup-garou meurtrier, sanguinaire. Un monstre, pas un homme. Ne l'étais-je pas ?

- Remus... Remus... ? Remus… !

Je suis revenu à la réalité. Mon directeur me secouait l'épaule, attentif et consterné. Je me suis repris, j'ai essayé de me rappeler de quoi j'avais bien pu lui parler. Mais je ne pouvais pas. Ma bouche s'est ouverte pour tenter d'articuler ce qui aurait dû être des excuses, mais Dumbledore m'a encouragé à ne pas le faire en secouant la tête négativement et a retiré sa main de mon épaule. Il y avait une lueur dans ses yeux qui ressemblait à quelque chose entre la pitié et... était-ce du souci que j'y ai vu ?

- Avez-vous un endroit où résider ?

Il a posé la question comme s'il n'était pas sûr de la réponse, et il se peut qu'il ne l'était pas. Après tout, étant un individu étourdi, irréfléchi, jamais je n'avais eu la courtoisie d'entretenir un minimum de contact après mes années passées à Poudlard. Il y avait plusieurs raisons à cela, mais aucune n'était excusable.

J'ai eu honte soudain de prendre conscience que mon directeur soit si peu informé de ma situation financière -et même mentale- à cet instant et qu'il soit ainsi obligé d'être dans l'ignorance. Il ne méritait pas d'en savoir si peu sur moi. Mais ce manque de communication était l'un de mes principal défaut, naturellement. Comme d'habitude devrais-je dire.

J'ai retourné cent fois sa question dans ma tête en repensant à mon appartement plutôt minable, celui où je ne recevais jamais personne, et lui ai répondu lentement :

- Oui.

- Vous pensez pouvoir y retourner ?

J'ai senti mon estomac se soulever dans mon ventre, et me suis soudainement rendu compte que je n'avais pas mangé depuis... quand était-ce la dernière fois ? Ou dormi, vraiment dormi ? Je me sentais faible, oui, assez faible pour justifier un séjour dans un hôpital. Peut-être devrais-je même éviter de me lever pour subir mon interrogatoire ? A condition qu'il se déroule ici, bien entendu. C'est vrai qu'il était plus probable qu'ils m'interrogent avant que je sois parti. Mais pourquoi Dumbledore me demandait si je pouvais rentrer à la maison ? Ne m'interrogeraient-ils qu'à ce moment-là ?

J'ai frissonné en pensant à ma petite pièce glaciale et aux regards flamboyants, accusateurs, des inspecteurs qui se fixeraient sur moi pendant que je m'assiérais sur le bord de mon petit lit, raide et tentant de chercher des réponses que je ne savais et ne voulais pas savoir.

Je pouvais presque déjà sentir les planches poussiéreuses grincer sous moi, entendre la respiration humide de mes interlocuteurs sifflant comme le feu d'un dragon à travers les fissures des murs. Sentir la tranche glacée des menottes à mes poignets. Oui, c'est à ça que j'ai pensé en regardant la blancheur accueillante de ma chambre d'hôpital, j'aurais préféré rester ici.

Mais alors, j'ai levé les yeux vers Dumbledore et plongé mon regard dans le sien. Il était inchangé : sage, intéressé, et honnête. Innocent. Je ne pouvais pas soutenir son regard en sachant qu'il comprenait ce qui se reflétait dans le mien.

- Je vais bien, ai-je menti.

Puis, après un bref instant de perplexité :

- Ne pensez-vous pas qu'on souhaite m'interroger d'abord, Monsieur ?

Il me rendit mon air étonné.

- Vous interroger ? Pourquoi ?

Je n'avais aucune envie de lui exprimer clairement ma pensée. J'avais le sentiment qu'il savait parfaitement ce qui me tracassait mais il voulait m'entendre exposer ma propre version des faits.

- En vue de mon procès, Monsieur. Je ne suis rien d'autre qu'un meurtrier, un idiot, un monstre. Et je mérite de mourir, aurais-je voulu ajouter. Mais je ne l'ai pas fait, naturellement. Ça aurait été trop stupide, même pour moi.

Il m'a répondu avec un regard étrange que je n'aurais pas pu définir même si j'avais eu un dictionnaire à portée de main et, à ce jour, ne je sais toujours pas quelles pensées venaient de l'effleurer lorsqu'il m'a observé ainsi. Il était chagriné, amusé, attendris, soulagé, tout ça en même temps. Il est resté un long moment à choisir ses mots, comme s'ils se balançaient sur le haut d'une falaise en ayant du mal à se jeter dans le vide.

- Il n'y aura aucun procès, Remus.

J'ai secoué la tête et levé les yeux à hauteur des siens malgré ma réticence persistante à vouloir les rencontrer.

- Comment…, ai-je balbutié dans la confusion. Mais je ne comprends pas, Monsieur. Aucun procès ?

Dumbledore a apposé une main réconfortante sur mon épaule et, dans le même temps, posé son autre main sur la mienne dans laquelle il tenait quelque chose. Embarrassé, j'ai baissé les yeux. Un frisson glacé m'a enveloppé. C'était la bague. La bague que je destinais à Mari. La petite émeraude d'un vert tendre scintillait vers moi comme une larme tombée dans ma paume, apparemment triste et désolée, sa luminosité obscurcie par la douleur qu'elle m'inspirait.

Mon regard s'est perdu bien au-delà de Dumbledore et j'ai tenté de chuchoter quelques remerciements, mais nos yeux se sont à nouveau croisés et j'étais sidéré. Celui de mon directeur semblait fatigué, incommodé. J'ai réajusté ma position et pris l'anneau. Je sentais que je n'aimerais pas ce qu'il s'apprêtait à me dire.

- Non, jeune homme. Il n'y aura aucun procès. Pas plus qu'il n'y aura d'enquête. J'ai parlé avec les autorités et ils sont d'accord avec moi. Vous êtes un homme libre, Remus Lupin.

Il m'a fallu du temps pour assimiler cette information.

Libre. Libre ?

- Non !

Cherchant mon souffle, j'ai fait un bond comme si j'étais animé d'une soudaine énergie. Libre ! me répétait mon esprit avec une sorte de dégoût mêlé de moquerie. Libre ! Je ne peux pas être libre ! Pas après ce que j'ai fait à Mari ! A Lily, à James !

Ce fut au tour de Dumbledore de sursauter en essayant de ne pas tomber lorsque je me jetai quasiment sur lui comme un animal désespéré.

- Libre ?!? m'écriais-je enfin en rejetant sa main de mon épaule avec colère, mes yeux brûlant de fureur.

J'ai serré mon anneau tellement fort qu'il s'est formé un petit trou au creux de ma paume et je l'observais avec une haine indescriptible. Etant entendu que cette haine, c'est à mon égard que je la ressentais et non au sien.

- Est-ce que c'est une plaisanterie ? Je ne peux pas être libre ! J'ai tué quelqu'un ! J'ai tué quatre personnes ! Je mérite de mourir !

C'était soudain et incroyable mais ça m'avait bêtement échappé. Attitude stupide et irréfléchie comme d'habitude. Je venais de lâcher des mots exprimant si durement mon désir le plus cher d'avoir recours au suicide face à quelqu'un que je considérais comme un ami. Mais j'étais loin de m'attendre à la réaction qui fut la sienne. Même maintenant, en me souvenant de ses paroles, j'ai encore du mal à croire qu'il ait pu y avoir un tel bouleversement dans la colère de mon ancien maître. Il s'est subitement levé, comme un étalon réagissant à la détonation inattendue d'un revolver.

- Comment pouvez-vous dire une chose pareille ! a t'il hurlé d'une voix si autoritaire que je me suis reculé et n'ai rien trouvé à dire.

Je me suis contenté de fixer son visage d'un air abasourdi.

- Vous n'avez pas le droit de parler ainsi de vous-même, a t'il repris dans une tonalité plus sourde, conscient de m'avoir effrayé. Laissez-moi vous dire, jeune homme, que chaque vie humaine est précieuse et personne -cela vous inclus également-, ne mérite de mourir.

J'ai ouvert la bouche dans une sorte de protestation silencieuse, mais il m'a dissuadé d'intervenir d'un geste vague de la main.

- Vous allez m'écouter, et écoutez-moi bien, jeune homme, et surtout rappelez-vous : vous êtes quelqu'un de bien, un être honorable, intelligent, et tout ce que vous pourrez dire ne changera jamais ce fait. Quant à ce que vous avez fait, nous savons tous les deux que vous ne l'avez pas voulu ni contrôlé. Malgré votre certitude à croire aujourd'hui que la seule façon possible de soulager votre douleur et votre culpabilité est la mort, vous devez vous ressaisir. Refoulez votre haine. La mort n'est pas une justification à la mort. Se tuer ou le vouloir n'apportera rien à votre situation.

Son regard était fixe et franc. La lueur scintillante si habituellement présente dans ses yeux s'en était allée, remplacée par une sorte de sagesse qui, quoi qu'il puisse ajouter, m'embarrassait du fait je n'ai jamais été capable de disposer de la moindre force, du moindre courage. Nous étions face à face et je ne l'avais vu dans un tel état qu'en de rares occasions : celles des périodes sombres. Il était réellement inquiet. Il se sentait vraiment concerné par ma vie -que je le veuille ou pas-, et je le soupçonnais de vouloir me convaincre coûte que coûte que je n'étais pas sans valeur, n'étais pas un monstre, et ne devais en aucune façon désirer la mort. C'était presque comme s'il essayait de me faire dire " je vous crois ", et que ces mots, infusant lentement dans mon crâne, m'inciteraient d'une façon ou d'une autre à comprendre.

Je ne pense pas qu'il y soit parvenu car la phrase suivante que j'ai prononcée était :

- Ça ne fera pas revenir Mari. Ou Lily, ou James, ou leur fils.

Il s'apprêtait aussitôt à répliquer mais une expression étrange a traversé son visage, une sorte de réalisation, une illumination. Une lueur nouvelle brillait dans ses yeux. Il a alors eu une réaction à laquelle j'étais loin de m'attendre : il a souri.

- Ainsi, vous ne savez donc pas, Remus ? a t'il demandé dans une tonalité presque ravie.

Confondu, j'ai secoué la tête.

- Le fils de Lily et de James. Il a survécu. Il est sain et sauf et réside actuellement chez de proches parents. Je ne sais pas comment ni pourquoi il a été épargné, mais il est vivant. C'est donc une mort que vous ne pouvez pas vous reprocher.

Peut-être s'attendait-il à ce que cette nouvelle me fasse avoir une meilleure image de moi. Il pensait, je suppose, qu'elle me déchargerait un peu du poids qui pesait sur mon âme. Et ça aurait dû être le cas. Je me rendais compte que je n'avais assassiné que trois personnes, maintenant. Trois victimes dont une avait perdu ses parents. C'était toujours mieux que d'être responsable de quatre décès, oui, mais cela me soulageait à peine. C'était loin d'apaiser la blessure qui accablait ma conscience. Après tout, c'était sûrement un coup de chance si l'enfant de mes amis avait survécu. Ce n'était en aucun cas le fruit de ma propre grâce, je n'avais fourni aucun effort héroïque quant à la survie de l'enfant : c'était simplement la volonté du destin qui nous impose de prendre les chemins qu'il choisi pour nous tout au long de notre vie. Pourquoi cet enfant devait-il supporter le fardeau que je représentais et moi, avoir la certitude que je lui avais sauvé la vie ? Qu'est-ce que ça pouvait lui faire ? Ses parents étaient morts, et morts ils demeureraient. Puis, je repensais à Mari, dont l'histoire était complètement différente. Celle d'une femme avec qui je vivais, que j'avais aimée...

- Vouloir se tuer ne constituera jamais une sorte de justice personnelle. Qu'importe que vous pensiez qu'il puisse en être autrement.

Dumbledore avait repris son petit sermon, ramenant abruptement le sujet de l'enfant à ma pensée. Il a continué soigneusement, comme si ses mots glissaient sur l'étendue d'un lac gelé, et de manière tranchante :

- D'une façon plus significative, que pensez-vous que vos amis pourraient souhaiter, vous qui leur portez une si grande estime. Avez-vous songé à cela ?

Il inclina la tête avec respect avant de poursuivre :

- Où qu'ils soient à présent, je suis certain qu'ils condamneraient vos intentions d'avoir recours au suicide. Après tout, n'étaient-ils pas vos amis ? Si vous refusez d'avoir un minimum de considération envers vous-même, pensez au moins à eux. Restez vivant dans leur intérêt.

- Ils sont morts, ai-je dit doucement, amèrement. Ils n'ont pas d'avis. Et tout est de ma faute.

Je crois qu'il était déçu (je reconnais qu'à cet instant, je me montrais particulièrement obstiné), car sa réponse fut teintée d'une certaine exaspération.

- Très bien, si ce n'est pas pour vous, ni pour eux, alors faites-le pour moi. Je ne veux pas voir une vie encore si pleine d'avenir être gâchée par la fausse idée de votre culpabilité. Vous ne serez pas exécuté, ni ne mettrez fin à vos jours, même si je n'ai pas d'ordre à vous donner.

Me donner des ordres ?! Ce jour-là, je trouvais comique d'être invité à ne pas intenter à ma vie. C'était une situation plutôt unique de se voir conseiller de préserver sa propre vie. Mais était-ce assez unique pour être justifié ? J'ai lancé un regard un peu railleur à Dumbledore, comme une provocation lui demandant d'exprimer ce qu'il entendait par " ordre ". J'avais " ordre " de rester vivant. Hah. Comme si cette injonction me garderait d'échapper au destin que j'implorais ! Et plus qu'implorer, certainement mérité.

Vous imaginez sans peine quelle aurait pu être ma devise à cette énonciation : œil pour œil, dent pour dent. Une mort pour une mort. Ma vie contre sa vie. Mon directeur ne semblait pas voir les choses sous cet angle et, jusqu'à présent, moi non plus. Mais j'y croyais fermement alors, aussi sûrement que je n'ai jamais cru à n'importe quoi d'autre ; et (le choix de mes mots est ironique, car j'avais l'intention de l'être pour les dire), faites-moi confiance, sur ce coup-là : j'étais capable d'être si sournois en ces temps incertains, que les choses auxquelles je croyais m'apparaissaient comme des rochers où je me raccrochais pour ne pas sombrer dans les rapides qu'étaient ma vie. J'étais déjà un meurtrier, ne l'étais-je pas ? Tout le monde était bien parti pour le croire. Et est-ce que, pour s'ajouter à ça, quelqu'un dans l'univers -j'ai ri de moi nerveusement-, pourrait jamais convaincre Dumbledore que je prêterais attention à sa demande ?

" Ordre ", pensais-je en ouvrant distraitement ma paume et observais d'un regard fixe l'émeraude de Mari qui me rappelait ma culpabilité. Ordre. J'ai ri de lui alors -bien que j'en serais incapable aujourd'hui-, je ne crois pas que Dumbledore ait réalisé la futilité du rapprochement que je venais de faire. Ordonner ! A un loup-garou, une créature sauvage, un monstre. Me demander ça à moi ? Hah ! Ordre

D'un redressement brusque du cou, j'ai regardé Dumbledore droit dans les yeux. J'ai souri un peu, une grimace douteuse. Si tout avait été différent j'aurais tenté de ne pas finir sur un échec, j'aurais pu me raccrocher à la certitude qu'au moment des faits, mon esprit n'avait eu aucun contrôle sur mon corps.

Sur ce point, je triomphais un peu. Les mots de mon directeur n'avaient eu aucun impact sur mes plans ou sur l'opinion que je me portais à moi-même. Ses ordres ne seraient pas suivis, j'en décidais ainsi, et la pensée était aigre-douce. Ses ordres seraient transgressés. C'est que, vous voyez, les loups-garous n'obéissent pas aux d'ordres.

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Ndt : Cette histoire s'achèvera avec le troisième et dernier chapitre que je publierai d'ici une quinzaine de jour.